L'événement tant attendu et espéré par les Irakiens est enfin arrivé. Saddam Hussein a été découvert le 13 décembre à 20H00 locales (17H00 GMT) dans une cache souterraine de deux mètres de profondeur aménagée dans une ferme près de la ville d'al-Daour, non loin de Tikrit, au cours de l'opération « Aube rouge » menée par 600 militaires américains. L'ancien dictateur irakien a été capturé sans résistance huit mois après le renversement de son régime par l'armée américaine. L'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, a officialisé la nouvelle le 14 décembre : « Mesdames et Messieurs, nous l'avons eu », « le tyran est prisonnier », a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse. « Maintenant, l'ancien dictateur va faire face à la justice qu'il a refusé de donner à des millions » de gens, a affirmé ensuite à Washington le président George W. Bush. « La capture de cet homme était essentielle pour l'émergence d'un Irak libre », a-t-il ajouté. C'est l'agence officielle iranienne Irna qui a annoncé en premier la capture de Saddam Hussein à Tikrit, en citant comme source le chef kurde Jalal Talabani. « Les forces américaines ont annoncé à Tikrit que Saddam Hussein avait été arrêté aujourd'hui », a déclaré Jalal Talabani, qui a souhaité que l'ex-dictateur soit condamné à la prison à perpétuité plutôt qu'à la peine de mort.
L'ancien dictateur se trouvait « dans un trou à rats » dont l'entrée était cachée avec des briques et de la terre, selon le général Ricardo Sanchez, commandant des forces américaines en Irak. « Il y avait seulement de la place pour qu'une personne reste couchée (...) Le trou avait un ventilateur pour la circulation de l'air », a-t-il déclaré. Saddam Hussein avait en sa possession un pistolet, deux kalachnikovs et 750.000 dollars en liquide. Deux autres personnes ont été capturées en même temps que lui. « Aujourd'hui, le gouvernement de la peur et de la répression est révolu à jamais », a déclaré un vieil opposant à Saddam Hussein, Adnan Pachachi, membre du Conseil de gouvernement transitoire irakien, qui faisait partie d'une délégation irakienne appelée à identifier l'ancien dictateur. Saddam Hussein était « sans remord et même rebelle », a ajouté M. Pachachi.
La fin du tyran honni a donné lieu à d'immenses scènes de liesse populaire un peu partout dans le pays, en particulier au Kurdistan et dans les villes chiites du Sud. Les Irakiens ont enfin pu tourner la page la plus noire de leur histoire.
Saddam Hussein sera traité comme un prisonnier de guerre et protégé par la convention de Genève, a déclaré le 14 décembre le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, sur la chaîne américaine CBS. « Il s'est vu accordé la protection du statut de prisonnier de guerre et il sera traité en accord avec la convention de Genève », a indiqué M.Rumsfeld, précisant que ce sera aux juristes de décider si la Croix Rouge pourra le voir. Interrogé sur les méthodes qui pourraient être utilisées par les militaires pour faire parler Saddam Hussein, M. Rumsfeld a totalement récusé l'idée que l'armée américaine puisse faire usage de la torture pour obtenir des informations de la part de l'ancien dictateur arrêté. Il a également démenti que les autorités iraniennes avaient mis une quelconque part dans la capture de Saddam Hussein. « La raison pour laquelle il a finalement été capturé c'est parce que des hommes et des femmes merveilleux en uniforme ont été là-bas (en Irak) depuis 7, 8 mois », a-t-il ajouté. La CIA a été chargée de mener les interrogatoires de Saddam Hussein, a annoncé le 16 décembre Donald Rumsfeld. « J'ai demandé au (directeur de la CIA) George Tenet de se charger des interrogatoires de Saddam Hussein », a déclaré D. Rumsfeld, expliquant que l'agence de renseignement était plus qualifiée pour cela que l'armée. Questionné sur le degré de coopération de Saddam Hussein, le secrétaire à la Défense s'est refusé à tout commentaire sur les propos tenus à ce sujet par des responsables militaires américains en Irak et à Washington. « Je crois que le meilleur mot pour caractériser son comportement avec ses geôliers serait probablement : résigné. »
Un document vidéo a été diffusé par les Américains, représentant l'ancien dictateur le visage mangé par une longue barbe poivre et sel et se faisant examiner par un médecin. Puis a été montrée une photo prise après qu'il eut été rasé, à l'exception de sa célèbre moustache. Le général Sanchez a affirmé qu'il avait été capturé sur la base d'informations communiquées aux forces américaines, mais n'a pas précisé si c'était par des prisonniers arrêtés ces dernières semaines ou si l'appât du gain l'avait emporté sur l'allégeance tribale ou familiale. Les Américains avaient promis une prime de 25 millions de dollars pour sa capture. Tout en félicitant les troupes américaines, M. Bush a affirmé que cette arrestation ne marquait « pas la fin de la violence en Irak ». « Nous faisons toujours face à des terroristes qui préfèrent tuer des gens innocents que d'accepter l'émergence de la liberté au cœur du Moyen-Orient », a-t-il déclaré.
Le président en exercice du Conseil du gouvernement provisoire irakien, Abelaziz Hakim, arrivé le 14 décembre au soir à Paris à la tête d'une délégation du Conseil du gouvernement provisoire irakien, dont faisait partie Jalal Talabani, a affirmé que Saddam Hussein sera jugé en Irak par des juges irakiens dans le cadre d'un tribunal récemment créé pour les criminels de guerre. « Saddam Hussein sera jugé par des juges irakiens, et le tribunal va travailler et statuer en Irak, sous la supervision d'experts internationaux », a déclaré M. Hakim. Le Conseil de gouvernement transitoire irakien avait le 10 décembre voté la création d'un tribunal spécial chargé de juger les crimes du régime de Saddam Hussein. M. Hakim et la délégation irakienne ont rencontré le 15 décembre le président français Jacques Chirac et le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin. Par ailleurs, le ministère britannique des Affaires étrangères a souligné, le 14 décembre, à l'adresse des autorités irakiennes, que la Grande-Bretagne était opposée à la peine de mort au cas où celles-ci voudraient juger Saddam Hussein. Les autorités iraniennes s'apprêtent de leur côté à déposer une plainte contre le président déchu pour « crimes de guerre » contre l'Iran, a de son côté annoncé à Téhéran le porte-parole du gouvernement iranien Abdollah Ramezanzadeh. « Nous souhaitons qu'un tribunal international compétent enquête sur les crimes commis par l'ancien dictateur irakien » a-t-il déclaré.
Partenaires de Washington en Irak ou opposés à l'intervention militaire, les dirigeants étrangers ont félicité les Etats-Unis ou salué la capture de Saddam Hussein. Des chefs de la diplomatie de nombreux pays ont été en contact téléphonique avec leur homologue américain, Colin Powell, a précisé le Département d'Etat. « Là où son règne signifiait terreur, division et brutalité, espérons que son arrestation soit synonyme d'unité, de réconciliation et de paix entre tous les Irakiens », a commenté le Premier ministre britannique Tony Blair. Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a plaidé pour que le peuple irakien décide du sort de Saddam Hussein et souligné que l'arrestation du tyran « constituait l'issue définitive de l'ancien régime ». Des témoignages similaires sont venus du camp opposé à l'intervention américaine. Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a exprimé l'espoir que cette « arrestation (soutienne) les efforts de la communauté internationale pour la reconstruction et la stabilisation de l'Irak ». Alors que selon le président français Jacques Chirac, il s'agit « d'un événement majeur qui devrait fortement contribuer à la démocratisation et à la stabilisation de l'Irak ». La Russie « compte (sur le fait) que l'arrestation de Saddam Hussein va contribuer au renforcement de la sécurité en Irak et à l'activation du processus de règlement politique sous l'autorité des Nations unies ». Au Proche et au Moyen-Orient, seuls Israël, le Koweït et l'Iran se sont ouvertement félicités de l'arrestation de Saddam Hussein. L'Egypte et la Syrie ont souhaité la fin de l'occupation de l'Irak.
L'enquête sur les crimes commis sous le règne de Saddam Hussein s'annonce comme une tâche titanesque, avec des millions de documents à examiner, de témoins à retrouver, dans un contexte encore très chaotique.
Aucune statistique fiable n'existe sur le nombre de victimes du régime de Saddam, estimées entre plusieurs centaines de milliers et plusieurs millions selon les sources. De nombreuses preuves ont sans doute été perdues lors de l'exhumation de charniers, dans l'immédiate après-guerre, en l'absence de médecins légistes et d'experts. Des centaines de milliers de documents récupérés dans les anciennes administrations à la chute du régime, et qui contiennent, selon des sources irakiennes, les preuves de la culpabilité de l'ex-raïs, sont aux mains d'associations, de partis politiques, voire de particuliers irakiens. Certains sont détenus par l'autorité provisoire de la Coalition. Pour le moment, aucun organe ne centralise ces informations, cruciales pour la préparation du procès.
L'avocat français Jacques Vergès qui s'est envolé le 18 décembre pour Amman afin de préparer la défense de Tarek Aziz, s'est déclaré également prêt à défendre Saddam Hussein tout en soulignant qu'il s'agissait pour le moment d'une question purement théorique. Esquissant une possible défense, il avait souligné que l'ex-dictateur irakien avait bénéficié dans le passé du soutien de nombreux dirigeants occidentaux. « S'il doit être poursuivi demain, il doit bénéficier de la présomption d'innocence », avait-il dit. « Si on doit le juger et qu'on le traite comme un paria, manifestement son défenseur sera forcé de dire « mais ce paria était l'ami de tous les chefs d'Etat occidentaux. Il était non seulement leur ami mais leur allié » », avait-il ajouté. Par ailleurs, plus de 600 avocats jordaniens se sont portés volontaires pour représenter l'ancien président irakien Saddam Hussein en cas de procès.
Le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a accusé, le 16 décembre, les Nations unies d'avoir failli à sauver son pays de la « tyrannie meurtrière » de Saddam Hussein pendant 35 ans, et a appelé l'ONU à retourner en Irak pour participer à la construction d'une nation démocratique.
« Il y a un an, le Conseil de sécurité était divisé entre ceux qui voulaient apaiser Saddam Hussein et ceux qui voulaient qu'il réponde de ses actes », a t-il déclaré devant le Conseil de sécurité de l'ONU. « Les Nations unies en tant qu'organisation n'ont pas réussi à sauver le peuple irakien d'une tyrannie meurtrière qui a duré 35 ans ». « L'ONU ne doit pas délaisser de nouveau le peuple irakien », a-t-il poursuivi. « Alors nous demandons aujourd'hui, mettez s'il vous plaît vos différents de côté, rassemblez-vous et travaillez avec nous et tous ceux qui ont participé et sacrifié tant pour réaliser notre objectif commun d'un Irak souverain, uni et démocratique. »
Mais le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a déclaré pour sa part qu'il avait besoin « de bien plus de clarté » sur ce que les Irakiens et la coalition menée par les Etats-Unis attendaient des Nations unies. Ce qui aiderait à mesurer si ce travail valait le risque posé au personnel de l'ONU, a-t-il précisé.
L'ONU a retiré tout son personnel d'Irak en octobre dernier après deux attentats visant le quartier général des Nations unies à Bagdad et une série d'attaques menées contre les organisations humanitaires. Un attentat du 19 août dernier a tué 22 personnes, dont l'émissaire de l'ONU en Irak Sergio Vieira de Mello. Pour l'heure, Kofi Annan estime que la situation en Irak demeure trop dangereuse pour rouvrir les bureaux de l'ONU à Bagdad. Il a ainsi précisé dans un rapport présenté au Conseil de sécurité que l'ONU allait ouvrir un bureau consacré à l'Irak à Nicosie, la capitale chypriote, et une annexe en Jordanie, à Amman, ce qui permettrait au personnel onusien de voyager en Irak si besoin est. L'opération sera menée par un nouvel émissaire de l'ONU, Ross Mountain.
De son côté, Hoshyar Zebari a assuré que le Conseil intérimaire de gouvernement irakien (CIG) comprenait « les pertes dévastatrices » que l'ONU a subies, tout en insistant sur le fait que l'ONU doit retourner en Irak pour jouer un rôle plus large dans la mise en place d'un gouvernement provisoire en juin, la rédaction d'une Constitution, et la préparation d'élections générales d'ici fin 2005.
Les Nations unies ont toujours travaillé « dans des régions déchirées par la guerre et dans les zones de crise, et l'Irak est l'une d'entre elles », a-t-il noté. « Les Nations unies sont un forum-clé de l'action internationale collective pour nous aider à atteindre nos buts de reconstruction et de démocratisation de notre pays », a-t-il déclaré au Conseil de sécurité de l'ONU. « Votre aide et votre expertise ne peuvent être fournies de façon efficace de Chypre ou d'Amman. » « Nous sommes prêts et désireux d'aider à apporter toute la sécurité nécessaire pour voir l'ONU revenir en Irak », a assuré M. Zebari. Le chef de la diplomatie irakienne a ainsi invité Ross Mountain à visiter Bagdad et à discuter du rôle des Nations unies avec le Conseil intérimaire de gouvernement irakien, une proposition que l'ambassadeur américain à l'ONU, John Negroponte, a qualifié « de bonne première étape ».
Kofi Annan a toutefois précisé qu'il n'était pas sûr que M. Zebari était « en position d'offrir cette sécurité », tout en ajoutant qu'il prévoyait d'en reparler avec le responsable irakien
La Syrie et l'Union européenne (UE) ont achevé le 9 décembre à Damas les négociations sur un accord d'association qui devrait être signé début 2004, après approbation des autorités politiques, ont indiqué des responsables syriens et européens. « La Syrie et l'UE sont parvenues à un accord sur toutes les questions, même politiques », a déclaré le chef des négociateurs européens Christian Leffler, de la Commission européenne. « Les résultats seront présentés aux autorités politiques pour approbation », a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. « La Syrie a adopté une attitude très positive et constructive qui permettra de développer un agenda concernant toutes les questions politiques », a-t-il indiqué.
« Nous avons terminé les discussions techniques sur l'accord », a affirmé de son côté Toufic Ismaïl, président de l'Organisme syrien pour la planification qui a conduit les négociations pour la partie syrienne. « D'importants efforts » ont été déployés pour parvenir à cet accord d'association composé de volets politique, économique, commercial, social et culturel, et qui « réalisera les intérêts communs syriens et européens d'une manière équilibrée », a poursuivi M. Ismaïl.
Les deux parties avaient entamé le 8 décembre cette dernière série de négociations qui ont porté notamment sur le démantèlement tarifaire concernant différents produits, les services et la propriété intellectuelle. L'UE a signé des accords d'association avec tous ses partenaires sur le pourtour méditerranéen à l'exception de la Syrie, avec laquelle elle négocie depuis 1998.
Le responsable européen a souligné que l'accord « permettra à la Syrie d'intégrer » l'OMC. « Il faut permettre au secteur privé (syrien) de jouer un rôle efficace. L'objectif est de parvenir à la libéralisation totale de l'économie », a-t-il ajouté. L'accord d'association facilitera les investissements européens en Syrie qui cherche à moderniser son infrastructure et stimuler son économie.
Les négociations Syrie-UE ont été accélérées après l'adoption récente par le Congrès américain de sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie, qu'il accuse de « soutenir le terrorisme ». Ainsi, le Sénat américain a le 12 novembre approuvé des sanctions économiques et commerciales contre la Syrie, évoquant la longue tradition syrienne d'abriter des terroristes et ses récents échecs pour museler les forces hostiles à la guerre menée par les Etats-Unis en Irak. La loi, votée à 89 voix contre 4 par le Sénat, reflète la législation passée le mois dernier par la Chambre des représentants à 398 voix contre 4. La seule différence réside dans un amendement qui donne au président américain une plus grande autorité pour imposer des sanctions motivées par la sécurité nationale.
Des membres du Congrès américain en déplacement au Moyen-Orient avaient rencontré le 11 novembre le président syrien Bachar El-Assad et lui avaient précisé, selon le chef de cette délégation, le républicain Jim Kolbe, que ces sanctions étaient l'expression de la frustration des Américains face aux pays qui ne coopéraient pas en matière de guerre contre le terrorisme. Le président El-Assad leur avait répondu que la Syrie faisait davantage pour sécuriser sa frontière avec l'Irak et « promet de continuer à travailler avec nous sur ce sujet », toujours selon M. Kolbe.
Washington reproche depuis longtemps à la Syrie d'abriter des dirigeants du Hamas et du Djihad islamique, deux groupes palestiniens considérés comme des organisations terroristes par le Département d'Etat américain. Cette nouvelle législation appelle la Syrie à cesser de soutenir le terrorisme, à se retirer du Liban occupé depuis 13 ans, à arrêter ses efforts pour produire ou se procurer des armes de destruction massive et des missiles balistiques de longue portée, et enfin à éviter que des terroristes et des armes ne pénètrent sur le sol irakien. Dans le cas contraire, le président américain doit interdire les ventes de produits qui peuvent avoir un usage double, à la fois civil et militaire, à la Syrie. Il doit également imposer à Damas au moins deux sanctions sur une liste de six mesures possibles : interdire les exportations, empêcher les entreprises américaines d'opérer en Syrie, imposer des restrictions aux diplomates syriens aux Etats-Unis, limiter les vols de la compagnie syrienne aux Etats-Unis, réduire les contacts diplomatiques ou geler les avoirs syriens aux Etats-Unis.
Le président américain, George W. Bush a, le 12 décembre, ratifié la loi de sanction en question.
James Baker, l'ancien secrétaire d'Etat américain et l'émissaire de George W. Bush pour la dette irakienne, s'est rendu le 18 décembre à Moscou, dernière étape de son périple, pour des entretiens relatifs à l'allégement de la dette extérieure irakienne dans le cadre du Club de Paris. Il a évoqué avec le président Vladimir Poutine la dette de quelque 8 milliards de dollars due par Bagdad à la Russie, qui est le premier créancier de l'Irak. Le président en exercice du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Abdel Aziz Hakim, a le 22 décembre annoncé que la Russie avait promis d'annuler une partie de la dette de Bagdad et qu'en retour l'Irak était prêt à travailler avec "toutes les compagnies russes". Jalal Talabani, qui accompagnait M. Hakim à Moscou, a assuré que la Russie proposait d'annuler jusqu'à 65% de la dette et qu'elle serait prête à annuler le reste si elle obtenait un traitement privilégié concernant ses contrats pétroliers.
James Baker s'était rendu une semaine plus tôt en Europe et avait obtenu de plusieurs pays, dont l'Angleterre, l'Allemagne la France et l'Italie, l'engagement de restructurer et de réduire la dette irakienne (120 milliards de dollars). La France et l'Allemagne ont le 16 décembre donné leur accord de principe sur une « réduction substantielle » de la dette irakienne. « La réduction de la dette est un élément essentiel pour permettre au peuple irakien de construire un Irak libre et prospère », ont-ils déclaré dans un communiqué publié à Paris après la visite de James Baker, qui a rencontré Jacques Chirac et qui s'est également rendu à Berlin. « Pour cette raison, la France, l'Allemagne et les Etats-Unis conviennent qu'une réduction substantielle de la dette irakienne devrait intervenir au sein du Club de Paris en 2004 et travailleront étroitement entre eux et avec d'autres pays pour atteindre cet objectif ».
Après l'accord du président français Jacques Chirac et du chancelier allemand Gerhard Schroeder, James Baker a obtenu le 18 décembre celui du président du Conseil italien Silvio Berlusconi afin d'œuvrer en faveur d'un allégement de la dette irakienne, puis celui du Premier ministre britannique Tony Blair, qui avait aussi convenu du besoin de réduire le poids de la dette extérieure irakienne dans le cadre du Club de Paris. La portion de la dette irakienne due à la Grande-Bretagne s'élève à 931 millions de dollars, sans compter les intérêts non payés. En ajoutant ceux-ci, l'ardoise se monte à 2 milliards de dollars, selon les autorités britanniques.
Ce club de 19 pays est un groupe informel de créanciers publics chargé de négocier les problèmes de dettes. L'Irak doit 40 milliards de dollars aux membres du Club de Paris, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, et 80 milliards de dollars à d'autres pays et créanciers privés.
L'émissaire américain s'est également rendu du 27 au 30 décembre au Japon, en Corée du Sud et en Chine.
Un millier d'étudiants favorables à des réformes se sont rassemblés le 7 décembre à Téhéran en appelant à une plus grande liberté d'expression et à la libération des prisonniers politiques en Iran. Le rassemblement s'est déroulé sous bonne garde policière sur le campus de l'Université de la capitale. Les étudiants ont brandi des photos de ceux d'entre eux se trouvant actuellement en détention. Les manifestants ont scandé « Libérez tous les prisonniers politiques! » et « Mort au despotisme! » à l'occasion de cette journée annuelle des étudiants, qui marque la mort de trois des leurs au cours d'une manifestation contre la visite en Iran du vice-président américain d'alors, Richard Nixon, en 1953.
Les étudiants sont le fer de lance des manifestations contre l'establishment conservateur de la République islamique, ces dernières années. Des heurts les ont souvent opposés à des milices conservatrices fidèles aux « durs » du régime, hostiles à toute libéralisation. Un mouvement d'agitation étudiante a secoué l'Iran en juin 2003 et des dizaines d'étudiants ont alors été interpellés. Les étudiants avaient joué un rôle crucial dans la victoire électorale de Mohammad Khatami à l'élection présidentielle de 1997 puis à sa réélection en 2001, à partir d'un programme de réformes politiques et sociales libérales. L'Iran est un pays démographiquement très jeune, puisqu'environ 70% de ses 66 millions d'habitants ont moins de 30 ans.
Par ailleurs, l'Iran a signé le 18 décembre à Vienne un protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire (TNP), autorisant l'AIEA à effectuer des contrôles inopinés et poussés de toutes ses installations nucléaires. Le protocole a été signé au siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) au nom du ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazipar, par le représentant de Téhéran auprès de l'AIEA, Ali Akbar Salehi, en présence du directeur général de l'Agence onusienne de sûreté nucléaire, Mohamed ElBaradei.
Etabli en 1997 par l'AIEA, le protocole additionnel constitue le principal outil international de contrôle du nucléaire. Il autorisera l'AIEA à inspecter non seulement les installations en fonctionnement en Iran mais également des lieux où elle n'avait pas accès en vertu du TNP, comme des réacteurs arrêtés, des centres de recherche ou des usines fabriquant des produits susceptibles de servir à un programme nucléaire.
L'AIEA pourra désormais inspecter l'ensemble des installations nucléaires iraniennes avec un préavis de seulement deux heures, et y effectuer des mesures, des échantillonnages et des prélèvements d'eau, de terre et d'air afin de déceler d'éventuelles activités clandestines.
Les Etats-Unis ont provoqué le 10 décembre un tollé en Europe en excluant les entreprises des pays opposés au recours à la force en Irak, tels que la France, l'Allemagne ou la Russie, des contrats de reconstruction. La veille au soir, le « numéro deux » du Pentagone, Paul Wolfowitz avait invoqué des raisons de sécurité nationale pour annoncer que les sociétés issues des pays en question seraient exclues des appels d'offres.
Dans une circulaire du 5 décembre publiée le 9 décembre sur le site internet du Pentagone, 63 pays ont été reconnus éligibles pour participer aux appels d'offres. Les Etats européens présents militairement en Irak, comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie ou la Pologne, en font partie. La Maison Blanche a expliqué le lendemain que les contrats étaient financés avec l'argent des contribuables américains et qu'il était normal que les pays n'ayant pas soutenu les Etats-Unis n'en profitent pas. Dans un communiqué diffusé sur le site web www.rebuilding-iraq.net, Wolfowitz explique qu'il limitera la concurrence pour 26 contrats de reconstruction, d'une valeur totale de 18,6 milliards de dollars. Le Pentagone a annoncé le même jour que le lancement des appels d'offre allait de nouveau être retardé. « Nous avons pris note des lignes directrices signées par Paul Wolfowitz. Nous ne souhaitons pas faire de commentaires à ce stade », a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Hervé Ladsous. « Nous étudions la compatibilité de ces décisions avec le droit international de la concurrence, en liaison avec nos partenaires concernés, notamment de l'Union européenne, et la Commission », a-t-il ajouté, tandis que Berlin dénonçait une mesure « inacceptable ». « Cela ne serait pas acceptable pour le gouvernement allemand. Et ce ne serait pas conforme à l'esprit d'une démarche privilégiant de regarder l'avenir ensemble », a déclaré Bela Anda, porte-parole du chancelier Gerhard Schröder. La Commission européenne n'a pas non plus tardé à réagir, annonçant, par la voix de sa porte-parole Arancha Gonzalez, que les restrictions fixées aux 26 contrats seraient examinées de manière à vérifier leur compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Loin de nuancer les propos du secrétaire adjoint à la Défense, la Maison blanche a enfoncé le clou, jugeant la décision « totalement opportune ». « Je pense qu'il est opportun et raisonnable d'attendre que les principaux contrats de reconstruction financés par les dollars des contribuables américains aillent au peuple irakien et à ces pays qui œuvrent aux côtés des Etats-Unis pour aider à bâtir un Irak libre, démocratique et prospère », a déclaré le porte-parole du président George W. Bush, Scott McClellan. La Maison blanche a toutefois laissé entendre un peu plus tard que les contrats de reconstruction pourraient être élargis à des pays non engagés dans la guerre si ces derniers soutenaient les « efforts de la Coalition » par d'autres moyens. « Si d'autres pays veulent participer à nos efforts (...) la situation peut changer », a ajouté le porte-parole Scott McClellan. Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a fermement critiqué les restrictions américaines en estimant que la communauté internationale devait unir ses forces dans la tâche de stabilisation de l'Irak. L'administration Bush a essuyé les mêmes critiques de la part de son opposition. Le sénateur démocrate Joe Biden y voyant « une gifle totalement gratuite » qui ne fera que « nous mettre à dos des pays dont nous avons besoin en Irak ».
L'Association turque des droits de l'Homme a le 2 décembre publié une évaluation récente de la situation des droits de l'Homme en Turquie dans le cadre des 6ème et 7ème paquets d'harmonisation adoptés par Ankara en vue d'une adhésion à l'Union européenne. Voici quelques extraits de ce bilan couvrant la période de janvier à septembre sur les cinq dernières années :
Nombre de personnes torturées ou ayant été victimes de traitements inhumains et dégradants :
Atteintes portées à la liberté d'expression en nombre de personnes poursuivies : Par ailleurs, l'Association indique que le nombre d'organisations politiques, de maisons d'édition et de centres culturels perquisitionnés était de 250 en 1999 et 48 en 2003. Le nombre de publications confisquées ou interdites était de 242 en 1999 et de 102 en 2003 |
Des milliers de Kurdes ont manifesté le 22 décembre à Kirkouk à l'appel de leurs partis, réclamant le rattachement de cette ville pétrolière au Kurdistan autonome. Les organisateurs ont affirmé que les manifestants étaient au nombre de 10.000. La manifestation s'est dispersée sans incident en milieu de journée.
Les manifestants, qui s'étaient massés dans le centre-ville, répétaient en kurde « Kirkouk, Kirkouk, coeur du Kurdistan » et « nous réclamons le fédéralisme pour le Kurdistan ». Les manifestants ont distribué une pétition réclamant que « Saddam Hussein soit jugé publiquement à Halabja », ville où quelque 5.000 Kurdes irakiens ont été gazés par l'armée du président irakien déchu en mars 1988. Ils brandissaient des drapeaux kurdes, rouge, blanc et vert, avec un soleil jaune au milieu, mais aucun drapeau irakien. Certains brandissaient également un énorme drapeau américain et une banderole réclamant que « Saddam Hussein soit jugé au Kurdistan ». Des peshmergas (combattants kurdes) en armes et des forces de défense civile irakienne encadraient la manifestation. Des soldats américains étaient également présents en nombre. La foule brandissait des banderoles, pour la plupart en langue kurde, réclamant que le kurde soit « enseigné dans toutes les écoles de Kirkouk ». « Vos demandes sont acceptables et nous tenterons de les réaliser », a déclaré aux manifestants le gouverneur kurde de Kirkouk, Abdel Rahman Zangana.
La manifestation était scindée en deux : une partie était menée par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et l'autre par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), les deux grandes formations kurdes.
Il s'agit de la plus importante manifestation organisée à Kirkouk depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril. La ville, située au sud des zones autonomes kurdes, est peuplée de Kurdes, d'Arabes et de Turcomans. Majoritairement kurde à l'origine, elle avait été prise par les Kurdes lors du soulèvement de 1991 mais reconquise brutalement par les forces de Saddam Hussein qui n'entendait pas perdre le contrôle de cet important centre pétrolier. Elle a été l'un des théâtres privilégiés de la campagne d'arabisation menée par Saddam Hussein pour modifier sa composition ethnique. L'ancien régime avait mené depuis les années 1970 une politique d'arabisation à outrance.
Les Kurdes d'Irak réclament des garanties territoriales sur les limites des zones kurdes, dans le cadre d'un Etat fédéral irakien. Massoud Barzani, chef du PDK, avait affirmé le 21 décembre que les Kurdes revendiquaient la région de Kirkouk en raison de leurs droits historiques et non pour sa richesse pétrolière. « Les Kurdes ne réclament pas Kirkouk parce que cette région est riche en pétrole (...) mais parce que ses villes et ses villages ont de l'importance pour l'histoire des Kurdes et sont situés à l'intérieur des frontières géographiques et administratives du Kurdistan », a déclaré M. Barzani au journal al-Taakhi, organe du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) qu'il dirige. « Le peuple kurde estime que le fédéralisme constitue la meilleure solution pour son problème et tout gouvernement à l'avenir devra éviter de répéter les erreurs fatales commises par les gouvernements irakiens précédents et ne pas ignorer la volonté du peuple kurde », a encore averti M. Barzani. Il a souligné « qu'après douze ans d'autonomie, les Kurdes n'accepteront pas moins que les zones qu'ils contrôlent actuellement et aspirent à ce que les autres régions du Kurdistan, qui ont été soumises avant la libération de l'Irak à des changements démographiques leurs soient restituées ».
« Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer l'avenir des Kurdes en Irak », affirme pour sa part le Dr. Mahmoud Othman, membre kurde du Conseil de gouvernement transitoire. Il indique que l'exécutif irakien va examiner prochainement un projet de loi soumis par le groupe kurde au sein de cette instance, présentant « sa vision du fédéralisme au sein d'un Irak unifié. » M. Othman explique que « le Conseil a approuvé le principe du fédéralisme pour le Kurdistan mais nous voulons que cela soit clairement énoncé dans la nouvelle Loi fondamentale ». « Les Kurdes ont des droits dont ils ont été privés depuis 80 ans, c'est pourquoi ils tentent aujourd'hui d'obtenir des garanties administratives pour préserver l'identité kurde », explique de son côté Adel Mourak, membre du bureau politique de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK de Jalal Talabani).
Conformément au texte présenté le 20 décembre par les représentants kurdes et qui reprend « une loi sur le fédéralisme qui avait été adoptée par le Parlement kurde il y a un an, le territoire du Kurdistan comprendrait les zones à majorité kurde sur la base du recensement de 1957, soit avant la politique d'arabisation forcée menée notamment dans la région de Kirkouk. » « Le recensement de 1957 (avant la révolution), qui est le plus fiable, montre que 80% des habitants de Kirkouk sont des Kurdes, suivis par les Turcomans puis les Arabes, sunnites et chrétiens », affirme M. Mourad. Le texte précise que les régions kurdes sont formées des trois provinces d'Erbil, de Dohouk et de Souleymanieh, qui représentent les zones contrôlées depuis 1991 par les Kurdes, ainsi que de celle de Kirkouk et des bourgs kurdes dans les provinces de Diyala (66 km au nord-est de Bagdad) et de Mossoul (400 km au nord de Bagdad).
Les Kurdes tentent d'obtenir gain de cause avant l'adoption le 1er mars 2004 par le Conseil de gouvernement d'une Loi fondamentale sur l'administration de l'Etat pendant la période transitoire, jusqu'à fin 2005. Les Kurdes comptent sur leurs cinq représentants au Conseil de gouvernement qui compte 25 membres, ainsi que sur leurs cinq ministres dans le gouvernement provisoire, où ils détiennent notamment le portefeuille des Affaires étrangères, pour faire avancer leur aspiration à un Etat fédéral. Les Kurdes, qui se sont soulevés contre Saddam Hussein en 1991, au lendemain de la guerre du Golfe, ont géré depuis un territoire autonome dans les provinces d'Erbil, de Dohouk et de Souleimaniyeh.
Mais les demandes kurdes semblent inacceptables pour la Turquie voisine, dont le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gul, a lancé le 22 décembre un ferme avertissement. « Si des mesures erronées sont prises en Irak, si des mesures mettant en danger l'intégrité territoriale et l'unité politique de l'Irak sont prises, cela signifiera le début d'une nouvelle escalade dangereuse en Irak », a averti M. Gul devant le parlement à Ankara. De telles mesures causeront « de nouveau de la souffrance et des larmes », a insisté le chef de la diplomatie turque. M. Gul a souligné les dangers de ces revendications. « Tenter de changer la structure démographique de l'Irak, et particulièrement de Kirkouk, est une mesure très dangereuse. Nous avons averti tout le monde de cela », a -t-il déclaré. La Turquie a aussi appelé les Etats-Unis à ne pas favoriser les Kurdes dans l'Irak d'après-Saddam Hussein.
Un affrontement a eu lieu au lendemain de la manifestation à Kirkouk. Quatre étudiants, trois Kurdes et un Turcoman, ont été arrêtés à la suite de l'affrontement qui a opposé les étudiants kurdes aux Arabes et aux Turcomans, au collège technique de Kirkouk. Selon la police, l'incident a eu lieu lors d'une célébration au collège technique, au cours de laquelle les étudiants kurdes ont refusé que le drapeau irakien soit hissé.
Le Père Joseph, dit Abouna, est décédé le 6 décembre 2003, à Paris, des suites d'un cancer, alors qu'il se préparait à rentrer définitivement au Kurdistan. L'une des personnalités les plus respectées et aimées de la communauté kurde de France, le Père Joseph Pari, nous a quittés à l'âge de 67 ans. Youssef (Joseph) Hana Sulaiman Pari, était né le 1er juillet 1937 dans une famille chrétienne à Koysanjak, au Kurdistan irakien. Après des études primaires et secondaires dans sa ville natale, il entra au séminaire des pères bénédictins de Mossoul, où il apprit notamment le français. Il fut nommé prêtre à Suleimanieh en 1961. Peu d'années après, le Père Joseph (appelé familièrement Abouna « notre père ») rejoignit le Parti démocratique du Kurdistan de Mollah Mustafa Barzani où il devint un cadre influent. En 1966, Abouna fut arrêté par la police irakienne. Jugé pour ses activités militantes, il fut condamné à la peine capitale. Sa peine fut ensuite commuée à la prison à vie. Il fut libéré lors des accords de mars 1971. Le Père Joseph vint alors à Paris pour préparer un doctorat en théologie.
En 1992, à la libération d'une grande partie du Kurdistan irakien et après la formation du gouvernement régional du Kurdistan, le Père Joseph en fut nommé représentant auprès du Vatican, fonction qu'il assuma jusqu'au début de la première guerre fratricide kurde en mai 1994. La disparition prématurée du Père Joseph a suscité une vive émotion au sein de la communauté kurde. Une cérémonie religieuse a eu lieu le mercredi 10 décembre 2003, à 16h00 à L'Eglise Saint Ephrem, à Paris, et une cérémonie civile a également eu lieu le même jour au siège de la représentation du gouvernement régional du Kurdistan à Paris. Sa dépouille a été ensuite envoyée au Kurdistan où le Père Joseh a été enterré en présence d'une foule nombreuse.
Le rédacteur en chef du quotidien turc Hurriyet, Ertugrul Ozkok, dans son éditorial du 9 décembre relate un briefing ordinaire organisé par les services de renseignement turc (MIT) à l'attention de quelques journalistes turcs, qualifiés de « clients » par le chef du MIT. Le journaliste, qui n'est pas troublé outre mesure par ce qualificatif, revient sur le même sujet le lendemain en dévoilant le nom des journalistes « clients » conviés par le MIT pour le briefing, et communique l'explication du chef du MIT sur le terme utilisé : « Nous utilisons le mot « client » à l'égard des individus ayant fait l'objet d'instructions et fichés par nos services...parmi les 10 journalistes, 4 sont fichés comme « marxistes », 2 comme « Loups gris », et 4 autres comme « réactionnaires » ». Le journaliste conclut en disant qu'ils sont curieux de savoir qui sont les 4 journalistes classés « propres » par le MIT. Voici de larges extraits de l'article publié le 9 décembre :
« Le chef des Renseignements généraux turc (MIT), Senkal Atasagun, a, jeudi dernier (4 décembre), invité 14 correspondants à Ankara de journaux nationaux. Dès le début du repas il a dit sur le ton de la plaisanterie : « J'ai regardé la liste des invités, 10 parmi les 14 invités sont nos clients ». Autour de ce dîner étaient réunis 14 journalistes (...) Le but de ce dîner était de donner un briefing aux correspondants des différents journaux sur les derniers développements en Turquie et avant le départ des journalistes, on a précisé que les propos tenus pourraient être utilisés sans précision des sources, toutefois le lendemain un coup de fil du MIT est venu préciser que tout ce qui a été dit était « off the record » donc demandé de ne pas utiliser les informations... Notre correspondant à Ankara, Sedat Ergin, n'a pas pu participer au dîner (...) mais a pu obtenir et me rapporter le contenu de la discussion...
Personnellement, je me suis attardé sur le mot « client ». Atasagun n'a pas précisé ce qu'il voulait dire et sachant probablement la portée de ce mot, mes confrères ne lui ont pas demandé de précisions... Il doit sous-entendre soit les journaux qui recueillent les indiscrétions du MIT, ou encore les journaux « accrédités » par lui-même... Le chef du MIT a ensuite ajouté : « Nous savons aussi qu'il y a parmi vous des amis qui s'entretiennent avec des éléments des services secrets étrangers ». Et c'est cette phrase qui m'a le plus dérangé et non le mot « client ».
Dans une interview accordée au quotidien turc Zaman, le commissaire européen chargé de l'élargissement, Günter Verheugen, déclare qu'il serait difficile pour la Turquie de commencer les négociations d'adhésion avec l'Union européenne tant que les soldats turcs seront déployés illégalement à Chypre. Voici de larges extraits de cet article publié le 4 décembre alors que les élections législatives dans la partie turque de l'île n'ont fait émerger aucune majorité mais avec 48% des voix, les partis d'opposition ont décroché 25 sièges (11 sièges dans l'assemblée sortante) soit le même nombre que les partisans du statu quo qui ont eu l'appui de 46% de l'électorat :
« C'est d'abord avec mes amis turcs que j'ai parlé de cette question. Personne ne devrait s'étonner aujourd'hui (...) J'ai dit à la première réunion avec Denktas en 2000 que Chypre adhérera à l'UE le 1er mai 2004. Je l'avais dit à Ismail Cem en 1999. J'ai insisté sur le fait qu'à partir de 1er mai 2004, la situation stratégique ne sera plus la même. Nous avons encore le temps, mais le dénouement de cette question est avant tout profitable à la Turquie. »
Interrogé sur le fait de savoir si la Commission a cédé au chantage grec, Günter Verheugen répond : « Ce n'est pas un chantage mais une réalité politique... J'ai dit à Denktas que 305 millions d'Européens n'attendraient pas qu'il condescende à trouver une solution avec Clerides. Il le savait donc mais il ne m'a pas cru... J'espère toujours que Denktas, à son âge, prendra des décisions justes pour son peuple. »
Günter Verheugen refuse de qualifier de « condition » à l'adhésion la résolution de la question chypriote pour la Turquie, mais parle plutôt d' « obstacle » en ajoutant que « Chypre est une réalité politique. Si la situation n'y change pas je ne pourrais pas convaincre les 15 ou les 25 pays d'entamer les négociations avec la Turquie, qui est le seul pays au monde qui ne reconnaît pas un de nos futurs Etats-membres. Tout le monde sait que le conseil de sécurité de l'ONU juge illégal le stationnement permanent des soldats turcs sur l'île. Croyez-vous que nous pourrions engager des négociations d'adhésion avec un pays dont les soldats stationnent d'une manière permanente sur le territoire d'un de nos Etats-membres ? Je ne le crois pas pour ma part... je l'ai toujours exprimé... la seule différence c'est que pour la première fois nous l'avons indiqué dans le rapport. Nous y étions obligés, puisque, si la Turquie découvrait la portée de cet obstacle au dernier moment, elle aurait été on ne peut plus surprise. »
Le commissaire européen n'hésite pas à critiquer Rauf Denktas en déclarant que « ce n'est pas être homme d'Etat que de jouer avec les listes électorales avant les élections... » « Il suffit de regarder les chiffres. Cette année il y a 20 000 électeurs de plus qu'en 1998. Depuis septembre dernier, il y a 4000 électeurs de plus. Ce n'est bien évidemment pas dû à l'augmentation du taux de natalité ! Tout le monde sait à combien de Turcs Denktas a accordé la nationalité (...) » a-t-il ajouté en précisant : « Nous ne reconnaissons pas la République turque de Chypre comme un Etat souverain. Nous ne reconnaissons pas non plus son assemblée. Aussi ne pouvons-nous pas comparer ses élections avec celles des pays souverains et démocratiques. Elles ont cependant une importance politique. »
Günter Verheugen revient également sur le problème de non-application des réformes adoptées par Ankara et déclare à propos des lettres « q, x, w », qu'il est important de mettre en relief « les problèmes d'applications des lois en Turquie », «personne ne demande le changement de l'alphabet turc mais ce que l'on voulait tout simplement dire c'est de cesser les obstacles à l'enregistrement des noms kurdes. »
L'armée américaine multiplie les arrestations après la capture de Saddam Hussein. Le chef d'état-major interarmes américain, le général Richard Myers, a indiqué le 21 décembre que plusieurs centaines de personnes avaient été capturées dans un coup de filet contre la guérilla, grâce à des renseignements obtenus à la suite de la capture de Saddam Hussein, le 13 décembre. « Des informations que nous avons récoltées lorsque nous avons cueilli Saddam Hussein nous ont permis de mieux comprendre la structure de la résistance opposée par des éléments de l'ancien régime », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision Fox, évoquant la capture de « deux cents » voire « plusieurs centaines » de personnes.
En raison du climat d'insécurité persistant à Bagdad, la messe de minuit a été annulée pour la première fois cette année. L'armée américaine a mené le 24 décembre, avant l'aube, une large opération visant la guérilla dans le sud de Bagdad, tandis que plus de 70 personnes, dont un proche de l'ancien « numéro deux » irakien Ezzat Ibrahim, ont été arrêtées en deux jours par les forces de la Coalition, autour de la capitale et dans le nord du pays. Les forces américaines ont ainsi arrêté le 23 décembre à l'aube, à Mossoul, un ancien général des services de renseignements irakiens, Abdallah Jassem Ahmad. En outre, six membres présumés de la guérilla ont été arrêtés au cours de trois opérations différentes dans la région de Baaqouba (60 km au nord de Bagdad). A Falloujah, autre ville rebelle du « triangle sunnite », 26 Irakiens, dont deux anciens généraux et un ancien colonel, ont été arrêtés par les troupes américaines.
A Khaldiya, au nord-ouest de Bagdad, une voiture piégée a explosé au matin du 14 décembre près d'un poste de police, tuant 18 personnes dont 16 policiers. L'attentat, qui a eu lieu avant l'annonce de la capture de Saddam Hussein, a aussi fait 29 blessés.
Un soldat polonais âgé de 20 ans est mort le 22 décembre des suites d'un tir dû au maniement accidentel d'une arme qu'un de ses collègues était en train de nettoyer. L'accident s'est produit dans un camp militaire à Kerbala, à 60km du QG du contingent dirigé par la Pologne, où s'est rendu le président polonais Alexandre Kwasniewski, en visite surprise en Irak.
Par ailleurs, Paul Bremer a confirmé le 19 décembre avoir échappé à une tentative d'assassinat début décembre en Irak, où la principale formation chiite du pays a de nouveau été la cible d'une attaque imputée aux fidèles de Saddam Hussein. Selon la chaîne de télévision américaine NBC, Bremer revenait de l'aéroport de Bagdad lorsque son convoi a heurté un engin explosif et a été soumis au feu roulant d'armes légères. Cette tentative d'assassinat est survenue le jour même de l'arrivée à Bagdad du secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld.
De plus, une explosion a secoué le 19 décembre un bureau du principal parti chiite irakien, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), tuant une Irakienne et en blessant cinq autres. Il s'agissait du deuxième attentat cette semaine visant le CSRII. Un cousin de l'actuel président du Conseil de gouvernement irakien qui est également un membre influent du principal parti chiite, Muhannad al-Hakim, avait été tué le 17 décembre alors qu'il quittait son domicile à Bagdad.
Au Kurdistan, deux soldats américains et un responsable kurde ont été tués le 10 décembre lors de deux incidents à Mossoul, alors qu'un avion militaire américain effectuait un atterrissage d'urgence après avoir été vraisemblablement touché par un missile. Le même jour, un GI a trouvé la mort et trois de ses camarades ont été blessés quand leur véhicule a sauté sur une bombe placée en bord de route à Mossoul, a indiqué le commandant Hugh Cate de la 101e Division aéroportée. A Kirkouk 16 personnes accusées d'être liées à des attentats anti-américains ont été arrêtées, le 23 décembre, de même que 20 autres personnes, membres d'un groupuscule kurde islamiste, la Jamaa islamiya, accusé d'être lié au groupe islamiste Ansar Al-Islam. Un attentat-suicide à la voiture piégée a fait au moins quatre morts et vingt blessés, le 24 décembre à Erbil. La voiture a explosé juste devant le siège local du ministère de l'Intérieur, tuant le kamikaze, deux policiers en faction et un passant. Erbil avait jusqu'ici été relativement épargnée par les violences qui secouent le reste du pays, même si plusieurs voitures piégées y avaient déjà visé les troupes américaines et les Irakiens collaborant avec elles. Youssef Khochi, un juge de Mossoul d'origine kurde, a été abattu le 22 décembre par trois hommes circulant à bord d'une voiture. Y. Khochi était l'un des trois principaux juges d'instruction de Mossoul. Des cadres irakiens de l'industrie pétrolière, des policiers et d'autres magistrats travaillant en liaison avec l'administration américaine ont été aussi pris pour cibles dans d'autres attaques du même genre. D'autre part, un nouvel acte de sabotage a été commis le 22 décembre contre l'oléoduc reliant les champs pétrolifères de Kirkouk à la raffinerie de Baïji plus au sud, provoquant un incendie. Une explosion avait, le 10 décembre, déjà endommagé l'oléoduc reliant les raffineries de Baiji (nord), à Dora (Bagdad), affectant l'approvisionnement du marché intérieur et endommageant des lignes de haute tension, selon des responsables irakiens. Près de 90 actes de sabotage ont visé les oléoducs et les infrastructures pétrolières depuis la chute du régime de Saddam Hussein, provoquant une importante pénurie de carburant en Irak. Elles ont notamment empêché la remise en service de l'oléoduc Kirkouk-Ceyhan.
Sur le plan diplomatique, l'administrateur américain en Irak Paul Bremer et le secrétaire d'Etat Colin Powell ont discuté à Washington de l'établissement d'une « très grande ambassade » américaine prête à fonctionner fin juin à Bagdad, quand sera mis en place un gouvernement provisoire irakien, a indiqué le 22 décembre le Département d'Etat.
Quatre personnes ont été arrêtées à Istanbul et une à Marmaris, où des clandestins originaires d'Iran, d'Afghanistan, du Liban, d'Egypte et de Syrie, avaient embarqué pour tenter de rallier l'île grecque de Rhodes, à une cinquantaine de kilomètres de là, a affirmé à la télévision NTV le gouverneur de la province locale Huseyin Aksoy, qui a déclaré ignorer combien de personnes étaient à bord au moment du naufrage qui se serait produit le 19 décembre dans la nuit.
Un seul survivant, un jeune homme, qui serait de nationalité iranienne, a été recueilli par un ferry turc après avoir dérivé pendant des heures accroché à un morceau de bois, selon un communiqué des garde-côtes. Les autorités grecques ont pour leur part retrouvé sept corps. Selon le survivant, cité par les garde-côtes, les clandestins, au nombre de 70, avaient embarqué sur un bateau de 14 mètres de long, dont le capitaine était turc. Parvenu au large de Rhodes, ce dernier aurait quitté le navire à bord d'une vedette, disant aux clandestins de faire route en direction des lumières de la côte. Mais le navire avait commencé à prendre l'eau et avait chaviré, les immigrants étant pris de panique. Le rescapé a comparu le 21 décembre devant un tribunal de Marmaris qui a décidé de l'expulser. La Turquie est un important lieu de transit pour les immigrants clandestins d'Asie voulant se rendre en Europe.
Le ministre des Affaires étrangères du Conseil de gouvernement provisoire irakien, Hoshyar Zibari, est arrivé le 18 décembre à Marrakech pour participer aux travaux du sommet ministériel du groupe des 77 (G77), prévu pour le lendemain. M. Zibari a également eu des entretiens avec son homologue marocain, Mohammed Benaïssa.
Le G77, qui regroupe 135 pays et la Chine, est actuellement présidé par le Maroc. Le sommet ministériel de Marrakech a pour but de promouvoir "le partenariat Sud-Sud" et faire entendre la voix des pays en développement dans les négociations sur le commerce mondial.
Hoshyar Zebari, s'est ensuite rendu à Alger le 20 décembre pour s'entretenir avec les responsables algériens de l'évolution de la situation en Irak. Le ministre a indiqué dans une déclaration faite à son arrivée que sa visite visait « à informer les autorités algériennes du processus politique en cours en Irak et de l'évolution de la situation sécuritaire dans le pays ». M. Zebari a par ailleurs déclaré qu' « il existe en Irak un processus politique qui se poursuit dans une situation difficile ». « Nous sommes venus écouter l'appréciation et les recommandations des autorités algériennes afin de nous aider à mener l'Irak vers la stabilité, d'autant que l'Algérie a joué un rôle important ces dernières années pour la sauvegarde des intérêts de l'Irak », a souligné le ministre. M. Zebari a aussi précisé que son séjour à Alger sera également consacré au renforcement des relations algéro-irakiennes et à la question de la reconstruction de l'Irak.
La visite du chef de la diplomatie irakienne intervient en marge d'une tournée européenne effectuée par le président du Conseil de gouvernement provisoire irakien, Abdelaziz al-Hakim, pour évaluer la participation des pays européens à la reconstruction de l'Irak.
L'Iran s'est réjoui, le 10 décembre, de la décision des autorités intérimaires irakiennes d'expulser les Moudjahidine du peuple, ses pires « ennemis », mais a assuré qu'il n'avait pas marchandé pour cela l'extradition de membres d'Al-Qaïda.
Les dirigeants de la République islamique ont unanimement salué la décision annoncée la veille par le Conseil de gouvernement transitoire d'expulser d'ici à la fin de l'année les milliers de membres des Moudjahidine du peuple réfugiés en Irak. Il s'agit de la principale organisation à combattre par les armes le régime de Téhéran depuis la révolution islamique de 1979. « La décision du Conseil de gouvernement est très positive », s'est réjoui le ministre des Renseignements, Ali Younessi, à l'issue du Conseil des ministres. Il a annoncé que son pays se montrerait « indulgent » envers les militants subalternes qui se rendront.
Le vice-président Mohammad Ali Abtahi a confirmé que cette décision était le fruit des « très bonnes relations » entre Téhéran et le Conseil de gouvernement depuis la chute de Saddam Hussein, malgré « l'occupation » de l'Irak sans cesse dénoncée par l'Iran. Les membres du Conseil de gouvernement, pourtant mis en place par les Américains, ont multiplié les visites chez le voisin iranien, dont l'influence sur les chiites inquiète les Etats-Unis. Le président Mohammad Khatami a fini par reconnaître le 17 novembre ce Conseil, à l'occasion d'une visite de celui qui assurait alors la présidence tournante du Conseil, le Kurde Jalal Talabani, lui aussi bien disposé à l'égard de l'Iran. M. Talabani avait déclaré une semaine plus tard que l'Iran était prêt à amnistier les Moudjahidine auxquels il impute pourtant des centaines d'assassinats et d'attentats, dont celui qui a paralysé en 1981 le bras de l'actuel Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.
Avant même la fin de la guerre en Irak, les autorités iraniennes, bien qu'officiellement opposées à l'intervention américaine, comptaient que le renversement de Saddam Hussein les débarrasserait des Moudjahidine qui avaient installé leurs camps de l'autre côté de la frontière. Elles avaient vu avec satisfaction les Américains bombarder leurs bases, puis les désarmer et les rassembler dans un camp proche de Bagdad. Depuis lors, Téhéran n'a cessé de s'inquiéter du maintien des Moudjahidine en Irak et a accusé les Américains de leur permettre de mener des opérations contre son territoire. Cependant, Washington a interdit en août la vitrine politique des Moudjahidine. Depuis des mois, les spéculations ont cours sur l'éventualité d'un marchandage indirect pour que les Iraniens extradent les membres du réseau terroriste Al-Qaïda qu'il détiennent et que les Américains réclament. « Il n'y a aucun lien », a assuré M. Younessi. « Sur les terroristes, nous n'avons fait aucun marchandage », a insisté le porte-parole du gouvernement Abdollah Ramezanzadeh. M. Abtahi a expliqué la décision irakienne par la participation des Moudjahidine à la répression des chiites et des Kurdes sous Saddam Hussein. « Ils étaient le bras droit de Saddam Hussein pendant la guerre (avec l'Iran, 1980-1988) et après la guerre », quand Saddam Hussein a réprimé dans le sang les insurrections chiite et kurde. Les membres actuels du Conseil de gouvernement irakien en ont « fait les frais », a-t-il ajouté. Reste à savoir vers quelle destination les Moudjahidine seront expulsés, ce que les Irakiens n'ont pas précisé. « Nous avions déjà dit aux militants (de base des Moudjahidine) de ne plus s'entêter et de se rendre, auquel cas nous nous montrerions indulgents », a indiqué M. Younessi. Téhéran a déclaré par le passé qu'il ne ferait pas preuve de clémence contre les chefs de cette organisation.
Les députés suisses ont le 16 décembre adopté une motion reconnaissant le génocide des Arméniens en 1915. Par 107 voix contre 67 et 11 abstentions, ils demandent au gouvernement d'en prendre acte et de transmettre leur position à la Turquie « par les voies diplomatiques usuelles ». Le gouvernement de Berne a tenté de s'opposer à l'adoption de cette motion déposée en mars 2002, estimant qu'elle pourrait « ajouter encore à la charge émotionnelle qui pèse sur les relations entre la Turquie et l'Arménie ».
A Ankara, le ministère turc des Affaires étrangères a « fermement condamné et rejeté » cette initiative. Pour la Turquie, « il est inacceptable de présenter unilatéralement comme un génocide (...) ces événements survenus dans les conditions très particulières de la Première Guerre mondiale et qui ont causé de grandes souffrances à la fois chez les Turcs et les Arméniens ». L'ambassadeur de Suisse à Ankara a été convoqué le lendemain au ministère turc des Affaires étrangères. Une rencontre entre les ambassadeurs Baki Ilkin et Blaise Godet prévue pour la semaine suivante a par ailleurs été ajournée. La discussion devait permettre de fixer une nouvelle date pour la visite du chef de la diplomatie helvétique Micheline Calmy-Rey, annulée en septembre dernier par la Turquie. Cette annulation avait été décidée après la reconnaissance du génocide arménien de 1915 par les parlementaires du canton de Vaud.
Treize Parlements nationaux ont déjà reconnu les crimes commis entre 1915 et 1918 contre les Arméniens de l'Empire ottoman qui auraient fait jusqu'à 1,5 million de morts. Il s'agit des Parlements de la France, de Russie, d'Italie, du Canada, de Suède, de Grèce, de Belgique, d'Uruguay, de Chypre, d'Argentine, d'Arménie et du Liban, ainsi que du Parlement européen.
Deux combattants kurdes ont été tués le 3 décembre par l'armée turque à Diyarbakir. Les forces turques ont encerclé une maison et ont ouvert le feu en direction des militants qui refusaient de se rendre, a expliqué le chef de la police locale Attila Cinar. Par ailleurs, cinq soldats ont été tués et quatre blessés le 1er décembre lorsque leur véhicule a sauté sur une mine à Nusaybin, dans la province de Mardin. La veille, un policier avait été tué lorsque des hommes armés avaient ouvert le feu sur un commissariat à Dargecit, plus au nord dans la même province, toujours selon les autorités turques.
Le PKK, replié dans le Kurdistan irakien, à la frontière iranienne, a pourtant annoncé dans le quotidien pro-kurde Özgür Politika daté du 2 décembre, qu'il allait prolonger pour une durée indéterminée un cessez-le-feu unilatéral afin de donner une nouvelle chance à la Turquie de déclarer à son tour la fin des violences. Les affrontements avec l'armée étaient tombés ces dernières années à un niveau « proche de zéro », selon le précédent chef d'état-major, mais ils ont connu depuis quelques mois une certaine recrudescence.
Le 24 novembre, l'armée turque avait annoncé que neuf combattants kurdes du PKK avaient été tués et trois autres capturés en deux jours d'affrontements dans la province d'Ordu, sur le littoral de la mer Noire. La semaine précédente, 14 combattants du PKK avaient été tués dans la province de Bingol lors d'affrontements avec l'armée, et le 5 novembre, l'armée turque avait annoncé la mort de quatre combattants du PKK à Almus (centre) et à Bingol.
Par ailleurs, sept membres du PKK ont été arrêtés au cours des derniers mois en Iran par la police de la province d'Azerbaïdjan occidental, avait, le 22 novembre, indiqué le chef des garde-frontières de la province iranienne, le colonel Vali Salehi, qui a ajouté que ces derniers, arrêtés depuis mars, ont tous été remis aux autorités turques. « L'Iran ne permettra pas à ces individus de pénétrer sur son territoire », « pour intensifier le combat contre le PKK », trois nouveaux postes ont été installés le long de la frontière, a ajouté V. Salehi
Les Etats-Unis se sont déclarés d'accord le 4 décembre pour coopérer avec Ankara dans sa lutte contre le terrorisme, a indiqué le chef adjoint d'Etat-major interarmes américain, le général Peter Pace, en visite à Ankara pour deux jours, qui a souligné l'importance particulière accordée par son pays à la « lutte anti-terroriste, en premier lieu contre le PKK et ses successeurs », d'après l'agence de presse turque semi-officielle, Anatolie. Dans ce cadre, il existe une communion de vues entre la Turquie et les Etats-Unis sur la manière de lutter contre toutes les organisations terroristes, et sur les méthodes, les buts et les ressources pour cette lutte, d'après la même source.
Le chanteur le plus populaire de Turquie, Ibrahim Tatlises, aussi célèbre dans son pays qu'au Moyen-Orient, fait l'objet d'une campagne de boycott et de pressions de la part des milieux nationalistes après avoir chanté une chanson en langue kurde. Le parti de la grande Unité (BBP- ultranationaliste) a le 12 décembre demandé que l'artiste, d'origine kurde mais n'ayant jamais chanté dans sa langue pour bâtir une carrière florissante, « s'excuse devant la nation turque ». « Le peuple peut pardonner si la proclamation est faite qu'il est contre toute forme de terrorisme et de séparatisme et qu'il protègera l'intégrité indivisible de notre pays », a déclaré Ismaïl Turk, un des dirigeants du BBP. Ce dernier a rangé Ibrahim Tatlises parmi les « instruments de ceux qui veulent détruire les fondations unitaires, les foyers de la trahison interne et étrangère ». L'Association des jeunesses du parti de l'Action nationaliste (MHP- ultranationaliste), avait lancé plus tôt un appel au boycott des disques, cassettes et divers produits du chanteur, accusé d'être une « tache noire ». Lors de sa participation à une émission de télévision la semaine dernière, le chanteur s'était dit satisfait que le gouvernement ait adopté des lois autorisant la diffusion audiovisuelle de programme en langue kurde, estimant que c'était là « un premier pas ». Immédiatement après, quelques dizaines de militants ultranationalistes turcs s'étaient réunis devant son domicile pour protester contre ces déclarations. Dans le journal Cumhuriyet daté du 12 décembre, le chanteur, qui est également un des hommes d'affaires les plus riches du pays, a rétorqué « aimer sa patrie » et vouloir son « unité ».
Au lendemain de la décision du Parlement turc d'envoyer devant la Haute Cour de justice l'ancien Premier ministre turc Mesut Yilmaz et cinq autres anciens ministres - Husamettin Ozkan, Cumhur Ersumer, Zeki Cakan, Recep Onal et Gunes Taner - accusés de « corruption, favoritisme, népotisme et d'irrégularités », le président de la Commission d'enquête parlementaire relative à l'immunité, Husrev Kutlu, a le 11 décembre déclaré tout simplement que « la Justice n'étant pas indépendante, ils ont décidé de ne pas toucher à la législation sur les immunités ». Commentant ces déclarations, le vice-Premier ministre, Mehmet Ali Sahin, issu du même Parti de la justice et du développement (AKP) a ajouté pour sa part que « les députés doutent de l'indépendance de la Justice » en donnant l'exemple de l'ancien procureur général auprès de la Cour de cassation Vural Savas, qui dans un de ses livres « reconnaît avoir fourni beaucoup d'efforts pour barrer la route de l'actuel Premier ministre Recep Tayyip Erdogan ». Aussitôt le président de la Cour de Cassation, Eraslan Ozkaya et son homologue du Conseil d'Etat, Nuri Alan, ont vivement réagi. M. Ozkaya a déclaré « ceux qui ne sont plus au pouvoir, le simple citoyen et les bureaucrates se présentent devant la Justice... on ne va pas importer une justice d'ailleurs ou la remplacer par une autre instance...personne ne peut avoir le luxe de dire qu'il ne veut pas aller devant une telle justice... La Justice n'est pas parfaite, mais vous ne faites rien pour l'améliorer et puis vous vous permettez de la critiquer ». Le vice-président du groupe parlementaire du Parti républicain du peuple (CHP- seul parti d'opposition au Parlement turc), Kemal Anadol, a réagi en déclarant : « il nous reste donc deux choses à faire, soit il faut mettre en vacance tous les tribunaux du pays ou alors il faut que les 70 millions de citoyens bénéficient de l'immunité en accédant à la députation. Autrement, cela voudrait dire que les citoyens sont en danger face à une telle justice. »