Le futur statut du Kurdistan d'Irak a été au centre d'une série de rencontres le 7 janvier entre l'administrateur américain Paul Bremer et les deux principaux leaders kurdes, Jalal Talabani, leader de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et Massoud Barzani président du Parti démocratique du Kurdistan (PDK). "La discussion a porté sur le processus politique en cours et le futur statut du Kurdistan", titre le lendemain le quotidien Al-Taakhi (Fraternité), organe en arabe du PDK, précisant que la rencontre avait eu lieu près d'Erbil. Les projets du PDK et de l’UPK ont été également évoqués, ajoute le journal publié à Baghdad, en allusion aux discussions sur la mise en place d'un seul "Parlement" et d'un seul "gouvernement" kurdes.
Lors d'une réunion de coordination à Dukan le 6 janvier en présence des membres des bureaux politiques des deux formations kurdes, Jalal Talabani et Massoud Barzani avaient réaffirmé leur exigence d'un système fédéral. "Grâce à Dieu, nos deux partis partagent la même position sur le fédéralisme et n'ont aucun différend à ce sujet", avait déclaré le chef du PDK après la rencontre de plusieurs heures. "Nos deux partis tiennent au choix de fédéralisme conformément à une décision du Parlement kurde en 1992, un fédéralisme sur une base ethnique et géographique", avait ajouté Jalal Talabani en soulignant leur volonté d'élargir les consultations à d'autres partis kurdes et arabes pour les "convaincre de la justesse de leurs vues sur le fédéralisme". Jalal Talabani et Massoud Barzani avaient également suivi une série de réunions avec Paul Bremer et le représentant britannique Jeremy Greenstock le 3 janvier près d'Erbil.
Les dirigeants kurdes qui se font de plus en plus pressants dans leur demande d'un Irak fédéral ont présenté un projet dans ce sens au Conseil de gouvernement transitoire où ils sont représentés, en insistant sur une large autonomie pour le Kurdistan.
Le président en exercice du Conseil de gouvernement, l'Arabe sunnite Adnane Pachachi, a réaffirmé le 3 janvier le soutien de cette instance au fédéralisme mais a demandé patience aux Kurdes pour la ville de Kirkouk.
Des informations de presse et des commentaires de responsables américains ont fait redouter à des voisins de l'Irak possédant de larges populations kurdes, de voir Washington avaliser une politique de large autonomie pour le Kurdistan irakien. Selon le New York Times daté du 5 janvier, les Etats-Unis et la direction provisoire irakienne actuelle sont parvenus à un accord sur le principe d'une région semi-autonome pour les Kurdes au nord de l'Irak, au moins à court terme, après la fin de l'administration américaine. Damas et Ankara ont adressé le 6 janvier une mise en garde conjointe contre toute atteinte à l'unité territoriale irakienne, au premier jour d'une visite du président syrien Bachar al-Assad en Turquie. Un porte-parole du département d'Etat, Adam Ereli, interrogé sur cet article, s'est borné à assurer que cette question ne relevait pas des Etats-Unis. "La structure d'un futur Etat irakien, y compris d'éléments de fédéralisme, est un sujet constitutionnel qui revient aux Irakiens", a-t-il déclaré.
Les Etats-Unis soutiennent "fortement l'intégrité territoriale de l'Irak", a déclaré, le 5 janvier, quant-à-lui, le porte-parole de la Maison Blanche. "Nous sommes fortement engagés à maintenir l'intégrité territoriale de l'Irak", a déclaré Scott McClellan à bord d'Air Force One qui menait le président américain George W. Bush à Saint-Louis (Missouri). Il a toutefois précisé que ce sont "les Irakiens qui prendront les décisions" dans le cadre de l'accord du 15 novembre sur le transfert des pouvoirs aux Irakiens et que des "questions liées au fédéralisme" ne manqueront pas d'être soulevées.
De son côté, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a, le 6 janvier, cherché à répondre aux inquiétudes turques et syriennes, en affirmant que les Etats-Unis restaient engagés en faveur d'un Irak uni, intégrant sa partie kurde. "La position américaine depuis le début de cette crise a toujours été de dire que l'Irak devait rester un seul pays intégré", a déclaré le chef de la diplomatie américaine après une rencontre avec son homologue tunisien, Habib ben Yahia. "Les Kurdes souhaitent préserver leur identité historique et la lier, d'une certaine manière, à la géographie. Mais je pense qu'il est tout à fait clair que cette partie de l'Irak doit continuer de faire partie de l'Irak", a-t-il ajouté. M. Powell a toutefois indiqué que les modalités précises du statut des régions kurdes au sein de l'Irak et de la future organisation administrative du pays étaient "quelque chose que les Irakiens doivent définir" eux-mêmes.
Les deux principaux leaders kurdes d'Irak, Jalal Talabani et Massoud Barzani ont alors invité les 8 et 9 janiver des représentants des partis arabes à discuter à Salaheddine de la question sensible du fédéralisme. Quatre membres arabes du Conseil de gouvernement transitoire irakien, les chiites Ahmad Chalabi, président du Congrès national irakien (CNI) et Mouaffak al-Roubaï (indépendant), et les sunnites Mohsen Abdel Hamid, du Parti islamique et Nasser Chaderji (indépendant) ont participé à ces entretiens. Les discussions, informelles, n'ont pas donné lieu à des conclusions officielles, mais "le fédéralisme a été le principal objet des rencontres, et il y a un accord total sur cette question", a déclaré le 8 janvier au soir M. Barzani à la presse, tandis que M. Talabani assurait que "les participants sont tombés d'accord sur un Irak démocratique et fédéral".
Au-delà des déclarations de principe, des concessions concrètes ont été faites de part et d'autre, a indiqué un haut responsable du PDK qui a participé aux réunions. “Ces rencontres ont été fructueuses car elles nous ont permis de nous accorder sur les grands principes, et notamment sur le respect des droits de la population kurde. Les partis arabes reconnaissent aux Kurdes le droit de décider eux-mêmes de leur avenir, tandis que les Kurdes ont accepté de reporter les questions brûlantes, telles que la définition des frontières du Kurdistan et la question de Kirkouk“ a ajouté ce même responsable.
Un membre kurde indépendant du Conseil, Dara Noureddine, a affirmé à Bagdad que cette instance avait accepté d'inscrire l'autonomie dont bénéficient actuellement les trois provinces kurdes dans la loi fondamentale. "Dans la loi fondamentale, le Kurdistan aura le même statut juridique que maintenant", a déclaré M. Noureddine, en référence à l'autonomie dont jouissent les provinces kurdes depuis 1991, date à laquelle elles ont échappé au contrôle du régime de Bagdad. "Lorsque la Constitution sera rédigée et que des élections auront lieu, nous n'accepterons pas moins que ce qui est dans la loi fondamentale", a-t-il prévenu.
Lors des discussions de Salaheddine, les participants ont également discuté des pouvoirs qui seraient attribués à l'Etat central, notamment la défense et la diplomatie, selon un haut responsable du PDK. "Il y a eu de longues discussions sur la répartition des ressources pétrolières", a-t-il également indiqué. "Tout le monde est d'accord sur le principe du fédéralisme. Mais sur les détails, il y a beaucoup de discussions, et chacun sait que le diable est dans les détails", a, de son côté, souligné Arif Rushdi Arif, un haut responsable de l'UPK.
D’autre part, lors d'une réunion des instances dirigeantes du Parti démocratique du Kurdistan et de l'Union patriotique du Kurdistan dans la nuit du 12 au 13 janvier, les deux principaux partis kurdes sont tombés d'accord sur un mécanisme pour unifier leurs administrations à l'approche du transfert des pouvoirs aux Irakiens.
Par ailleurs, l'administrateur américain en Irak Paul Bremer a repoussé à 2005 le statut final de la ville pétrolière de Kirkouk revendiquée par les Kurdes. Le statut de Kirkouk "doit être décidé par des Irakiens élus", a déclaré M. Bremer, selon une traduction en arabe de déclarations à des journalistes irakiens, diffusée le 9 janvier au soir par la télévision irakienne.
L'accord de transfert des pouvoirs, signé le 15 novembre par le Conseil de gouvernement transitoire et l'Autorité provisoire de la Coalition prévoit des élections d'une assemblée constituante au plus tard le 15 mars. "Je pense que le système fédéral, voulu par les Kurdes, ira avec l'unité du pays et il y a des exemples dans ce sens dans d'autres parties du monde comme en Inde, en Allemagne et en Suisse", a ajouté M. Bremer. "Je suis sûr qu'on arrivera à une formule qui allie système fédéral et unité de l'Irak", a-t-il ajouté, en estimant toutefois que l'"on ne peut pas bâtir un système fédéral sur une base ethnique".
Kirkouk est en proie à des troubles entre Kurdes d'un côté, Arabes et Turcomans de l'autre, qui ont fait sept morts depuis le 31 décembre où Turcomans et Arabes s’étaient rassemblés pour protester contre les revendications des Kurdes qui veulent rattacher cette province historiquement kurde au Kurdistan irakien. Certains Arabes étaient venus de la région d'Al-Hawija, à l'ouest, d'autres de Bagdad et même des villes de Nassiriyah et Bassorah, dans le sud, répondant à l'appel des tribus. La manifestation s’était déroulée dans le calme jusqu'à ce qu'un groupe de jeunes s'en détache et se dirige vers le siège de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), l'un des principaux partis kurdes. Des coups de feu sont alors partis tuant quatre personnes, Arabes et Turcomans, et blessant une trentaine. Le 1er janvier au soir, deux Kurdes ont été retrouvés poignardés à mort et un Arabe a été tué lors de heurts avec la police. Des personnalités kurdes, arabes et turcomanes, s’étaient réunies le 1er janvier au soir, en présence des représentants de la Coalition pour tenter de calmer la situation dans la ville et les responsables kurdes avaient informé les participants de la présence dans la ville d'Arabes fidèles à Saddam Hussein, venus d'autres régions d'Irak, et de Turcomans extrémistes, qui cherchent à semer la discorde entre les différentes communautés. Le 3 janvier, quatre Arabes sunnites, un Turcoman et un Kurde ont été blessés dans trois incidents armés séparés. Dans la matinée, deux Arabes sunnites ont été blessés après avoir tenté d'attaquer à l'arme légère une patrouille de la police dans un quartier sud de la ville, a annoncé la police. Dans un autre incident, un garde posté devant le Parti national turcoman a été blessé par des tirs et une grenade a été jetée en direction de la maison d'un membre arabe du Conseil du gouvernorat, Sabah Zidane, sans l'atteindre. Enfin, le 3 janvier au soir, un Kurde a été blessé lorsque sa voiture a été prise pour cible, selon la police, par des tirs de deux anciens membres de la milice des Fedayine de Saddam.
Les rivalités ethniques sont apparues au grand jour depuis la chute du régime de Saddam Hussein et la revendication par les Kurdes de la ville, dont ils réclament le rattachement au Kurdistan. "Je suis pour un Kurdistan qui comprend Kirkouk, mais cela doit se faire après la normalisation de la situation politique et un recensement", a déclaré Jalal Jawhar, chef de l'UPK dans la ville. Selon lui, le recensement doit avoir lieu après le retour de quelque 250.000 Kurdes, chassés par le régime de Saddam Hussein de Kirkouk. Il a ajouté que certains de ces Kurdes vivaient en Iran, en Europe et même aux Etats-Unis. Pour achever l’arabisation de cette province pétrolière kurde, Saddam Hussein avait détaché certains de ses districts pour les rattacher aux provinces voisines de Diyala, Ninive et Salaheddine et donné les terres et les maisons des Kurdes spoliés à des Arabes qu’il a fait transférer d’autres régions de l’Irak.
L'armée américaine a pris le contrôle de la ville après y avoir imposé le 2 janvier un couvre-feu nocturne. Dans un communiqué, le colonel William Mayville, de la 173ème brigade aéroportée a lancé un appel au calme, assurant que la coalition travaillait à "assurer des droits égaux à tous les habitants sans distinction de race, de religion ou d'ethnie". Le colonel William Mayville assure que les dernières violences ne marquent pas le début d'une guerre civile. "Il y a beaucoup d'AK-47 ici, et dans n'importe quel pays, dont l'Irak, quand la tension monte il y a des accrochages comme ceux qui ont eu lieu“ à Kirkouk, a-t-il déclaré. Des perquisitions visant le 3 janvier le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union démocratique du Kurdistan (UPK) à Kirkouk, ont eu lieu. Les bureaux de l'UPK avaient déjà été la cible d'une perquisition le 31 décembre.
Les Turcomans, le troisième groupe ethnique de cette ville de près d’un million d'habitants comptant également des chrétiens, sont soutenus par la Turquie. Le chef de la police de Kirkouk, Tourhane Youssef, lui-même un Turcoman, demande une réforme de son service, formé de 40 % de Kurdes sur plus de 2.000 policiers, et un plus grand rôle américain dans la sécurité. Mais l'armée américaine affirme que son rôle est de "faciliter" les discussions entre les différentes communautés.
Adnane Pachachi, le président en exercice du Conseil intérimaire de gouvernement irakien, a souligné, dans une déclaration télévisée le 3 janvier au soir, que la forme du fédéralisme serait définie par la prochaine Constitution. "Nous avons accepté le fédéralisme dans son principe, mais il y a différentes formes de fédéralisme dans le monde et je ne peux pas dire pour le moment quelle en sera la forme en Irak, étant donné que le Conseil de gouvernement transitoire n'est pas élu", a-t-il ajouté. "Depuis les débuts de l'Etat irakien, il y a 80 ans, tout le monde a reconnu que les Kurdes constituaient une ethnie à part, ce qui a entraîné un statut spécial pour les régions kurdes", a encore insisté le responsable politique. Le président du Conseil de gouvernement irakien a estimé, sur un ton conciliant, que Kirkouk doit rester "un modèle de coexistence et d'unité nationale dans le futur Irak".
Par ailleurs, Barham Saleh, le chef du Gouvernement régional du Kurdistan (Suleimanieh), a, le 14 janvier, déclaré que l'avenir de la riche ville pétrolière de Kirkouk doit être décidé par ses habitants, par référendum ou par des élections. "Le peuple de Kirkouk doit décider s'il veut figurer dans le Kurdistan ou pas ou s'il souhaite que cette question soit réglée par d'autres moyens", a déclaré Barham Saleh, à la chaîne d'information turque NTV. "Devons-nous nous battre pendant encore 40 ans pour ce bout de terre ou devons nous trouver une formule qui nous satisfasse tous", a demandé M. Saleh, qui, le 16 janvier, s’est rendu à Ankara pour des entretiens avec des dirigeants turcs. Le responsable kurde a indiqué qu'il se féliciterait d'une décision populaire en faveur d'un ralliement au Kurdistan, mais que "ce n'est pas à (lui) de dire (...) que Kirkouk fait partie du Kurdistan".
Le président George W. Bush a, le 28 janvier, donné des assurances au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan sur la volonté des Etats-Unis de maintenir l'unité territoriale de l'Irak. “ Je lui ai assuré que les ambitions des Etats-Unis étaient celles d'un Irak pacifique, démocratique et territorialement intact ”, a déclaré M. Bush à l'issue de leur rencontre à la Maison-Blanche. Le président américain a qualifié son interlocuteur “d'homme direct ” avec lequel il partage la compréhension de ce qu'est la menace terroriste et ce dernier s'est félicité de la décision américaine de maintenir sur la liste des organisations terroristes celles qui sont issues du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), telles le KONGRA-GEL.
Dans une note publiée par le Journal Officiel (Federal Register) le 13 janvier, le département d'Etat avait estimé que le Congrès du peuple du Kurdistan (KONGRA-GEL) était un nouvel avatar du PKK et, qu'en conséquence, il devait être placé sur cette liste. Lors d'une conférence de presse à l'issue de la rencontre, M. Erdogan a indiqué à la presse turque que les autorités américaines avaient réaffirmé leur engagement de sévir contre le PKK, retranché dans le Kurdistan irakien. “ Ils nous ont dit qu'ils ne leur donneraient aucun répit ”, a-t-il notamment indiqué.
Selon la presse turque le président américain aurait cherché à rassurer la Turquie, affirmant que Washington ne serait cependant pas favorable à l'expansion de l'autonomie des Kurdes irakiens, en soulignant que toute décision concernant le Kurdistan irakien devra être prise par les Irakiens eux-mêmes, lorsqu'ils auront regagné leur pleine souveraineté.
Les deux leaders ont également abordé la question de Chypre, divisée depuis 30 ans entre la partie grecque et la partie turque. Ankara a demandé de nouvelles négociations sur la base du plan proposé par le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan. La république de Chypre (partie grecque) doit entrer dans l'Union européenne au 1er mai. Si Chypre n'est pas réunifiée d'ici là, les chances de la candidature de la Turquie à l'UE risquent en effet d'en être encore compliquées.
Le président syrien Bachar el Assad est arrivé le 6 janvier à Ankara avec son épouse et ses deux enfants pour une visite d'Etat, la première par un président syrien. Il s'est entretenu le 6 janvier avec son homologue turc Ahmet Necdet Sezer et dans la soirée avec Recep Tayyip Erdogan, puis le lendemain avec le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul et avec le chef d'état-major des armées, le général Hilmi Ozkok, avant de rencontrer les ambassadeurs arabes en poste à Ankara.
Syriens et Turcs se sont félicités de cette visite “ historique ” estimant qu'elle contribuait à normaliser les relations entre les deux voisins et à promouvoir le dialogue inter-régional.
Le président syrien a déclaré que sa visite officielle en Turquie avait dépassé ses espérances. La venue de Bachar el Assad a marqué un “ dégel ” spectaculaire entre deux pays voisins qu'opposaient depuis des années des contentieux sur des territoires, le partage des eaux de l'Euphrate ou le soutien de Damas au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie.
Durant sa visite, la Syrie et la Turquie se sont élevées d'une seule voix contre le feu vert apparent des Etats-Unis à une autonomie des Kurdes irakiens. Les deux pays redoutent qu'un tel développement n'incite leurs populations kurdes à revendiquer à leur tour des statuts analogues. Ils ont adressé le 6 janvier une mise en garde conjointe contre toute atteinte à l'unité territoriale de leur voisin irakien. “ Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut absolument protéger l'intégrité territoriale de l'Irak et maintenir son unité ”, a notamment affirmé M. Assad à l'issue d'entretiens avec Ahmet Necdet Sezer. “ Nous condamnons toutes les visées qui pourraient mettre en danger l'intégrité territoriale de l'Irak ”, a-t-il ajouté. M. Sezer a également appelé à un retour à la stabilité le plus rapidement possible en Irak. Le président syrien Bachar al-Assad s'était déclaré opposé à la création d'un Etat kurde en Irak, affirmant qu'un tel cas de figure violerait “ les lignes rouges ” de son pays, dans un entretien à la chaîne CNN-Turk diffusé le 5 janvier, à la veille de sa visite. Interrogé pour savoir si la Syrie, à l'instar de la Turquie, est préoccupée par les aspirations de Kurdes d'élargir leur autonomie dans le Kurdistan irakien et d'avancer, à terme, vers un “ possible Etat indépendant ”, M. Assad a répondu: “ Bien évidemment ”. “ Nous ne sommes pas seulement opposés à un Etat kurde mais à toute action dirigée contre l'intégrité territoriale de l'Irak ”, a-t-il déclaré, estimant qu'une dislocation de l'Irak affecterait tous les voisins et provoquerait l'instabilité dans toute la région. “ L'avenir de l'Irak a un lien avec l'avenir de nous tous. Pour cette raison, un éclatement de l'Irak devrait être une ligne rouge pas seulement pour la Syrie et la Turquie mais tous les Etats de cette zone ”, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, Bachar el Assad s'est à nouveau prononcé durant sa visite de 72 heures pour un Proche-Orient sans armes de destruction massive.
En 1998, Turcs et Syriens s'étaient trouvés à deux doigts d'un conflit armé avant que Damas n’expulse Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ankara avait arraché ce geste à la Syrie après l'avoir menacée d'une guerre. Un réchauffement progressif s'est observé depuis lors entre Damas et Ankara. En novembre dernier, la Syrie avait remis à la Turquie 22 personnes soupçonnées d'implication dans une vague d'attentats suicide perpétrés à Istanbul.
A l'occasion de la visite de Bachar el Assad, les deux pays ont signé une série d'accords en matière de taxation, d'investissements et de tourisme.
Les media turcs et syriens se sont félicités de l'amélioration des liens bilatéraux et de la visite “ historique ” de M. Assad. “ La Syrie est désormais un pays allié ” de la Turquie, titrait le 7 janvier le quotidien turc Radikal, soulignant que les deux pays ont scellé trois importants accords de coopération qui devraient constituer le fondement de leurs futures relations économiques. Selon ce journal, les deux pays voisins ont tourné la page sur leur méfiance mutuelle et avancent vers un “ partenariat ” sur des sujets d'intérêt commun, dont la préservation de l'unité territoriale de l'Irak et la paix au Proche-Orient.
De son côté, la presse officielle syrienne met l'accent sur la “solidité ” des relations syro-turques et “ l'accueil chaleureux ” réservé à M. Assad. Cette visite constitue “ un tournant stratégique dans le processus des relations bilatérales ”, traditionnellement tendues entre les deux voisins, selon le journal du parti au pouvoir en Syrie, Al-Baas. “ Elle renforcera la coordination syro-turque sur les questions sécuritaires, le processus de paix et le conflit israélo-arabe ”, selon ce quotidien.
Le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a estimé que les Etats-Unis et la Turquie avaient une approche commune face aux problèmes de la région et a démenti que cette visite puisse inquiéter Washington.
Les diplomates arabes, qui se sont entretenus à Ankara avec M. Assad, ont estimé pour leur part que la Turquie et la Syrie avaient mis l'accent lors de cette visite sur le renforcement de leur coopération, notamment économique, en évitant d'aborder leurs différends, concernant notamment la revendication syrienne sur la région d'Hatay (l'ancienne Alexandrette annexée en 1939 par la Turquie).
Le gouvernement islamiste de T. Erdogan, à l’instar de son prédécesseur, N. Erbakan, cherche activement à améliorer les relations de la Turquie avec le monde arabo-musulman. La perspective d’un Kurdistan autonome en Irak sert de ciment à l’entente d’Ankara avec l’Iran et la Syrie qui abritent d’importantes populations kurdes privées des droits culturels et linguistiques. Malgré leurs différends nombreux et leurs orientations idéologiques fort différentes, ces pays ont toujours su s’entendre sur le dos des Kurdes.
Sept Kurdes ont été accusés d'appartenance à une "organisation secrète" et de tenter de "rattacher une partie du territoire syrien à un Etat étranger", à l'ouverture de leur procès le 11 janvier devant la Cour de sûreté de l'Etat à Damas, selon l'Association des droits de l'homme en Syrie (ADHS) qui a précisé que l’audience s'est déroulée en présence de plus de dix avocats.
Selon l'acte d'accusation, cité par l'ADHS, les sept Kurdes sont accusés “d'appartenance à une organisation secrète" et de "tentative d'amputer une partie du territoire syrien pour l'annexer à un Etat étranger". "Les détenus ont rejeté les accusations formulées par le tribunal. Ils ont affirmé avoir été violemment torturés et menacés lors de leur interrogatoire", ajoute le communiqué diffusé par l’ADHS
Ces sept personnes ont été arrêtées le 25 juin à Damas lors d'une manifestation durant laquelle ils réclamaient la nationalité syrienne, à proximité du siège du Fonds de l'Onu pour l'enfance (Unicef) à l'occasion de la Journée mondiale pour la protection de l'enfance. Selon l'ADHS, près de trois cents personnes se sont rassemblées à l'extérieur de la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception dont les jugements sont sans appel. L'ADHS dénonce "la poursuite des procès d'exception qui reflètent la profondeur de la crise des droits de l'Homme en Syrie, et l'absence de volonté d'arrêter les violations flagrantes dont les citoyens font l'objet" en Syrie.
À cette occasion, cinq partis kurdes, formant l'Alliance démocratique kurde de Syrie (ADKS), réclament que les autorités syriennes restituent à près de 200.000 Kurdes leurs cartes d'identité, qui leur avaient été retirées en 1962 dans le cadre de la politique dite de “ceinture arabe“ consistant à évacuer les populations kurdes habitant des territoires contigus au Kurdistan turc et irakien et à les priver de leur citoyenneté. Des tribus arabes ont été implantées dans ces villages kurdes destinés à l’arabisation forcée. La Syrie compte plus d'un million et demi de Kurdes, principalement dans la montagne kurde, au nord d’Alep et dans la Djézireh à la jonction des frontières turco-irako-syrieennes, près de la frontière irakienne.
Des milliers de femmes kurdes ont marché le 21 janvier à Suleimanieh contre une décision de l'exécutif irakien d'abroger le code de la famille de 1959, l'un des plus avancés des pays musulmans.
La manifestation, à l'appel de l'Union des femmes du Kurdistan a réuni 5.000 femmes, selon les organisateurs. "C'est un coup dur pour les femmes d'Irak et du Kurdistan", a déclaré la présidente de l'Union des femmes du Kurdistan Kafia Souleiman, ajoutant que ceux qui l'ont prise "ont ignoré la longue lutte des femmes de ce pays". "Cette décision est inacceptable pour l'écrasante majorité du peuple irakien. Elle viole non seulement les droits des femmes d'Irak et du Kurdistan mais aussi les conventions internationales", a pour sa part souligné Takhchane Zangala, présidente de la Ligue des femmes du Kurdistan, proche du Parti communiste.
Les manifestantes se sont rendues au siège du gouvernement régional. Une délégation a été reçue par des ministres et un représentant de l'Autorité provisoire de la coalition (CPA), auxquels elle a demandé d'annuler la décision.
Le conseil de gouvernement transitoire a adopté le 29 décembre, sous la présidence du chef du Conseil suprême de la révolution en Irak (CSRII, chiite) Abdel Aziz al-Hakim, une décision abrogeant le code de la famille, qui pour entrer en vigueur doit être ratifiée par l'administrateur en chef américain Paul Bremer. Cette décision adoptée presque par effraction en l’absence de près de la moitié des membres du Conseil de gouvernement, dont les représentants kurdes, pour des vacances de fin d’année, a entraîné une série de protestations de femmes à Bagdad, dont la dernière a eu lieu le 20 janvier. Le Parlement du Kurdistan a adopté une résolution à l’unanimité affirmant qu’il n’en tiendrait aucun compte et réaffirmant qu’au Kurdistan les femmes jouiraient de l’égalité des droits avec les hommes.
Une crise politique majeure a éclaté après l'annonce le 11 janvier du rejet de plus de 3.600 candidats sur un total de 8.157 (près de 45 %), dont 84 députés réformateurs sortants, aux élections du 20 février par les commissions de surveillance, qui dépendent du Conseil des gardiens de la Constitution, aux mains des conservateurs.
Le président iranien Mohammad Khatami s'en est pris le 11 janvier à ce coup de force. "Je ne trouve pas que ces méthodes-là soient compatibles avec les principes de la démocratie religieuse", a déclaré le chef de l'Etat, lui-même réformateur. Il a ajouté qu'il allait s'entretenir à ce sujet avec le Conseil des Gardiens de la Révolution ainsi qu'avec l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, qui a le dernier mot sur toutes les affaires touchant à l'Etat.
Jahanbakhsh Khanjani, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a déclaré que parmi les gouverneurs des 28 provinces iraniennes, 27 avaient adressé à Khatami une lettre menaçant de démissionner d'ici une semaine si le Conseil des Gardiens ne revient pas sur sa décision. Le 28e gouverneur avait déjà démissionné pour d'autres raisons. Un peu plus tôt, des députés réformateurs avaient brièvement quitté l'enceinte du parlement pour protester contre le rejet de ces candidatures par le Conseil des Gardiens de la révolution. Environ 70 députés ont en outre organisé un sit-in au sein du parlement et menacé de boycotter les élections. "Cette situation est comme un match de football dont l'arbitre expulse une équipe et invite l'autre équipe à marquer", a estimé le vice-président Mohammad Ali Abtahi.
Selon un parlementaire lui-même déclaré inéligible, Reza Yousefian, plus de 80 des 290 députés au Majlis ont été disqualifiés par la commission électorale du Conseil. "L'exclusion massive de candidats était illégale et fondée sur des préjugés politiques. C'est inacceptable", a déclaré la députée Fatemeh Haqiqatjou.
Le scrutin semble devoir mettre à rude épreuve la patience du mouvement réformateur. De nombreux jeunes Iraniens ont d'ores et déjà annoncé leur intention de ne pas aller voter, pour protester contre le manque de réformes sociales et économiques.
La députée Jemileh Kadivar, elle-même autorisée à se représenter, a expliqué que plusieurs autres parlementaires dans son cas pourraient, eux aussi, boycotter le scrutin. "Si le Conseil des Gardiens ne revient pas sur sa décision, ceux dont les candidatures ont été approuvées ne se présenteront pas", a-t-elle annoncé.
Selon le ministère de l'Intérieur, la plupart des candidats ont été rejetés pour "non respect de l'islam" et "non fidélité à la Constitution et au principe de Velayat Faghih", primauté du religieux dans les affaires politiques, dont découlent les pouvoirs étendus du guide suprême.
Selon des sources au sein du camp réformateur, de nombreux députés ont vu leur candidature rejetée pour avoir signé des lettres adressées ces derniers mois au Guide suprême de la Révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, et appelant à la mise en œuvre de réformes démocratiques. Selon Yousefian, de nombreux réformateurs de premier plan ont vu leur candidature rejetée, comme le frère du président Mohammad Khatami, le vice-président du parlement, Mohammad Reza Khatami. Seuls deux députés de son parti, le Front de participation islamique iranien (FPII), ont reçu l'autorisation de se présenter, a précisé Yousefian. Un porte-parole du FPII a indiqué que dans l'ensemble 60 % des candidatures avaient été rejetées, seuls sept candidats réformistes ayant été autorisés à se présenter pour briguer les 30 sièges en jeu à Téhéran. D'après Yousefian, les candidatures de Mohsen Mirdamadi, président de la commission des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale, et Behzad Nabavi, un responsable du parti des Moudjahidine de la révolution islamique, ont également été jugées irrecevables. Mirdamadi a estimé que "Ce genre de disqualification est un coup d'Etat illégal, un changement de régime sans l'appui de l'armée" et n'a pas exclu que nombre de députés démissionnent. Le président du parlement, Mehdi Karroubi, a appelé au calme mais regretté lui-même la décision du Conseil des Gardiens. Karroubi a déclaré qu'il prévoyait de discuter de cette interdiction avec ce dernier ainsi qu'avec le président Khatami.
Mohammad Reza Khatami a fait savoir que le parlement s'opposerait au rejet des candidatures. "Si c'est appliqué, il n'y aura dans ce pays plus aucun pilier de la démocratie", a-t-il déclaré.
Le mouvement de protestation a été violemment dénoncé par la plupart des journaux conservateurs. Le quotidien ultraconservateur Jomhouri Eslami (République islamique) affirme que "ceux qui, au cours des quatre dernières années n'ont eu d'oreilles que pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et ont agi contre les intérêts du régime (...) ne devraient pas s'attendre à ce que leur candidature soit approuvée pour pouvoir poursuivre leur trahison". Le journal Siassat-Rouz estime quant à lui que les "députés dont la candidature a été invalidée ne devraient même pas être autorisés à siéger dans l'actuel parlement" dont le mandat arrive à son terme en juin prochain.
Face à la gronde, le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a, le 14 janvier, ordonné au Conseil des gardiens, un organe conservateur, de réexaminer avec moins de sévérité les dossiers des candidats réformateurs rejetés après une invalidation massive des candidatures pour les législatives de février. La déclaration du numéro un iranien qui a reçu les 12 membres du Conseil des gardiens, dont six dignitaires religieux désignés directement par lui-même est intervenue à la suite d'une menace de démission collective des réformateurs agitée le 13 janvier par le président Mohammad Khatami. "Nous partirons ensemble (ou) nous resterons ensemble, j'estime que nous devons rester fermes (et refuser tout rejet des candidatures) et si un jour on nous demande de partir, nous partirons tous ensemble", avait-il déclaré en recevant les 27 gouverneurs des provinces qui ont menacé de démissionner si les rejets de candidatures étaient maintenus.
Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan envisage d'envoyer une mission en Irak pour discuter des élections, à la demande des Etats-Unis, alors que des milliers de chiites, majoritaires dans ce pays, ont manifesté pour réclamer la tenue rapide d'élections. La précédente audition d'une délégation irakienne par le Conseil de sécurité avait eu lieu le 16 décembre dernier. Elle avait donné l'occasion au ministre des affaires étrangères, Hoshyar Zebari, de reprocher à l'ONU de s'être retiré d'Irak après les attentats contre son quartier général et de demander d'y revenir au plus vite.
Après une rencontre le 19 janvier à New York avec les leaders irakiens du Conseil de gouvernement transitoire et l'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan a indiqué qu'il souhaitait disposer d'éléments supplémentaires avant d'envoyer une telle délégation. "Nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il fallait de plus amples discussions au niveau technique. Cela ne devrait pas être très long", a déclaré M. Annan. L'Onu, qui n'avait pas approuvé l'intervention américaine en Irak en mars, avait quitté le pays après y avoir été visée par deux attentats en août et septembre. Ces attaques avaient fait 23 morts, dont son plus haut représentant, Sergio Vieira de Mello.
La rencontre de New York avait été demandée à la mi-décembre par M. Annan qui souhaitait que soit "clarifié" le rôle de l'Onu dans la perspective de la fin de l'occupation américaine et du transfert de souveraineté prévus le 30 juin. Mais la réunion a pris un caractère d'urgence pour Washington, après l'appel d'une haute autorité religieuse chiite, le Grand ayatollah Ali Sistani, à la tenue d'élections pour la désignation d'une assemblée provisoire, avant la remise du pouvoir à un gouvernement transitoire. Bassorah a été le 15 janvier le théâtre d'une importante manifestation de soutien à l'opposition du grand ayatollah Ali Sistani. Des dizaines de milliers de manifestants ont marché pour soutenir la position de l'ayatollah Sistani, le plus influent dignitaire chiite d'Irak. Les Etats-Unis se sont déclarés sereins face à cette manifestation, affirmant qu'elle témoignait d'une liberté d'expression retrouvée. "Le fait qu'il y ait des manifestations en Irak est fondamentalement une bonne chose", a affirmé le porte-parole Richard Boucher. Le 19 janvier, des milliers de chiites irakiens ont à nouveau manifesté dans le calme à Bagdad pour exiger la désignation d'un gouvernement élu. Quelque 20.000 chiites ont marché sur environ cinq kilomètres en direction de l'université al-Mustansariyah.
Paul Bremer s'est dit "ravi" que le secrétaire général examine la question. L'Onu n'avait pas été associée à l'accord du 15 novembre, conclu entre la Coalition et l'exécutif irakien, et qui à aucun moment ne fait mention d'un rôle quelconque pour l'organisation internationale. Les Américains, jugeant impossible la tenue d'élections dans les délais, ont demandé à M. Annan d'envoyer une mission en Irak. Un haut conseiller des Nations unies pressenti pour devenir l'émissaire de l'ONU chargé de faciliter la transition politique en Irak était à Washington le 22 janvier pour d'importantes discussions avec des responsables américains. Lakhdar Brahimi, l'ancien émissaire onusien en Afghanistan, a été nommé la semaine dernière conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan pour les questions de sécurité et de paix. Sur invitation des autorités américaines, il a rencontré le 21 janvier à la Maison Blanche le secrétaire d'Etat Colin Powell, la conseillère nationale pour la sécurité Condoleezza Rice et le coordinateur des stratégies du Conseil national de sécurité (NSC), Robert Blackwill.
Il reviendrait à la mission, au cas où un scrutin serait impossible, d'"expliquer pourquoi et de discuter des alternatives", a expliqué le 19 janvier le président du Conseil de gouvernement irakien, Adnane Pachachi. La question des élections est "légitime" et "l'Onu avec son expertise peut apporter des perspectives", a déclaré M. Bremer.
Plusieurs membres de l'exécutif de Bagdad estiment que les conditions ne sont pas réunies pour tenir dans l'immédiat des élections, en raison notamment de l'insécurité qui prévaut dans certaines provinces. Les représentants kurdes au Conseil de gouvernement transitoire irakien sont opposés à la tenue d'élections dans l'immédiat, réclamées par les religieux chiites, a déclaré le 21 janvier Mahmoud Ali Osman. "Le groupe kurde est pour le principe des élections mais contre leur tenue dans les circonstances actuelles en raison de nombreux obstacles et difficultés", a indiqué M. Osman, Kurde indépendant et l'un des cinq représentants de la communauté kurde dans ce Conseil de 25 membres. Il a cité parmi ces obstacles "le fait que l'Irak ne jouisse pas de la souveraineté, la détérioration de la situation sécuritaire dans différentes régions du pays et l'absence d'un recensement crédible de la population". Selon lui, le régime déchu de Saddam Hussein, a retiré la nationalité à plus d'un million d'Irakiens et contraint trois millions d'Irakiens à s'exiler, ce qui complique davantage la tenue des élections fiables et sincères.
Sur un autre plan, un convoi de véhicules militaires transportant une quarantaine de soldats de l'avant-garde japonaise est arrivé le 19 janvier au soir à Samawa, à 270 km au sud-ouest de Bagdad, en provenance du Koweit. L'équipe doit préparer le terrain à une mission humanitaire de l'armée nippone qui se déploie pour première fois sur un théâtre de guerre depuis 1945. A Mossoul, 400 km au nord de Bagdad, un policier a été tué le 20 janvier par des tirs d'inconnus alors que le responsable de la sécurité au Conseil du gouvernorat a échappé la veille à une tentative d'assassinat qui a blessé deux de ses gardes.
Quatre Irakiennes travaillant sur une base américaine, deux GI et deux policiers irakiens ont, le 21 janvier été tués dans différentes attaques dans le "triangle sunnite". Deux policiers irakiens ont été tués et trois autres blessés dans l'attaque d'un check-point sur la route reliant Falloujah et Ramadi. Dans la même région, toujours à Falloujah (65km à l'ouest de Bagdad), des inconnus avaient ouvert le feu la veille sur un minibus transportant un groupe d'Irakiennes travaillant à la blanchisserie de la base américaine d'Habbaniya, tuant quatre d'entre elles et en blessant cinq autres. Leur chauffeur a lui aussi été blessé à la jambe. Le même jour, deux soldats américains avaient eux été tués et un troisième grièvement blessé dans une attaque à la roquette et au mortier sur leur campement, non loin de Baqouba (55km au nord-est de Bagdad). Enfin, près de Diwaniya (200km au sud de Bagdad), un commandant de la Garde civile espagnole, Gonzalo Perez Garcia, a reçu une balle dans la tête alors qu'il participait avec la police irakienne à un raid dans la maison d'un suspect.
La Cour européenne des droits de l'Homme a, le 8 janvier, condamné la Turquie pour “traitements inhumains et dégradants ” infligés par des policiers à trois hommes arrêtés en 1994 et 1995 pour leur appartenance présumée à l'organisation kurde PKK.
La Cour a accordé 12.000 euros de dédommagement à Abdullah Colak et Omer Filizer, âgés respectivement de 34 et 39 ans, et 5.000 euros de dommages et intérêts à Sadik Onder, 34 ans pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants).
Dans le premier cas, les requérants, soupçonnés d'appartenir au PKK, avaient été placés en garde à vue en avril 1995. Selon M. Colak, pendant les six jours de sa détention dans les locaux de la section anti-terrorisme de la Direction de la sûreté d'Istanbul, il fut étranglé, battu, frappé à coups de pied, pendu par les bras et menacé par les policiers.
M. Filizer a affirmé pour sa part, qu'on lui avait bandé les yeux et qu'il avait été frappé à la tête, à l'estomac, au ventre et dans les reins et pendu par les bras. On lui avait également comprimé les testicules et fait subir des électrochocs par l'intermédiaire d'électrodes appliquées à ses organes sexuels et à ses orteils. Le 2 mai 1995, les deux hommes avaient été contraints de signer des dépositions concernant leurs activités au sein du PKK.
Dans la seconde affaire, M. Onder avait, selon son témoignage, été déshabillé et pendu par les bras, électrocuté, menacé et insulté. Dans cette dernière affaire, la Cour a précisé que la violation de l'article 3 découlait du fait qu' “aucune enquête officielle effective n'a été effectuée” après la plainte pour mauvais traitements du requérant.
Par ailleurs, la Turquie a été condamnée le même jour par la Cour européenne des droits de l'Homme à verser en tout 185.000 euros à cinq Kurdes dont les maisons et biens avaient été incendiés par les forces de sécurité en octobre 1993 en raison, selon eux, de leur sympathie supposée pour l'organisation PKK. Les requérants, âgés de 37 à 69 ans, vivaient à l'époque des faits dans la ville de Lice, dans la région de Diyarbakir.
Entre le 22 et le 23 octobre 1993, leurs maisons et biens avaient été incendiés, selon eux, dans le cadre d'une opération prévue à l'avance et menée par les forces de sécurité pour punir les habitants de la ville de leur sympathie supposée pour le PKK. Ils avaient tout perdu et été contraints de quitter Lice. Lors de l'audience, le gouvernement turc avait affirmé que les forces de sécurité défendaient alors la ville contre des attaques du PKK.
La Cour a alloué des sommes allant de 20.100 euros à 26.200 euros aux cinq requérants pour les dommage matériels subis et 14.500 euros à chacun d'entre eux pour le dommage moral.
Elle a constaté la violation des articles de la Convention européenne des droits de l'Homme portant sur l'interdiction des traitement inhumains ou dégradants, le respect de la vie privée, la protection de la propriété et le droit à un recours effectif.
Par ailleurs, le ministère turc de la Justice a publié, le 19 janvier, un projet de loi prévoyant l'octroi de compensations pour les victimes d'affrontements sanglants entre le PKK et l'armée turque dans le pays. Ce projet vise à épargner à la Turquie les nombreuses condamnations de la Cour européenne des droits de l'Homme et s’inscrit dans le cadre des efforts du gouvernement pour améliorer son bilan en matière de respect des droits de l'Homme afin de rejoindre l'Union européenne. Publié sur le site Internet du ministère, le projet de loi stipule que des compensations pourront être payées à ceux qui ont souffert des dommages et dégâts “pour les actions des organisations terroristes et les mesures prises par l'Etat pour les combattre ”.
Plus de trois mille villages kurdes ont été évacués et détruits par l’armée turque de1992 à 1999. Les villageois chassés ont émigré vers des villes kurdes ou les métropoles industrielles turques où ils vivent dans la misère et la précarité.
Les requérants pourront réclamer des compensations pour des blessures ou pertes de vie humaine, ainsi que pour des dégâts matériels ou perte de bétail, selon le projet.
Alors que Romano Prodi, le président de la Commission européenne, se rend en Turquie pour une visite officielle, des journalistes s’étonnent que cette visite soit prévue le même jour que la 10ème audience du procès de Leyla Zana et de ses collègues du parti de la Démocratie (DEP). Yalçin Dogan, journaliste au quotidien Hurriyet, écrit sous le titre de “ Prodi et Zana le même jour ” ses doutes sur le hasard du calendrier. Par ailleurs, en visite à Berlin le 11 janvier, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, n’a pas hésité à comparer ses trois mois de prison avec le cas de Leyla Zana en déclarant “ Où était l’Union européenne lorsque j’étais emprisonné pour avoir lu un poème ”. Le Premier ministre turc qui oublie les 9 ans de prison des députés kurdes voudrait-il se venger de l’UE de cette manière ? Voici de larges extraits de l’article de Yalçin Dogan publié le 13 janvier :
« (…) Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, sera vendredi [ndlr : 16 janvier] à Ankara. À dire vrai, la visite est symbolique, les messages qu’il compte délivrer sont presque entièrement connus. Cela dit, à l’instar de Verheugen [ndlr : commissaire européen chargé de l’élargissement], il fait tantôt des déclarations positives et à d’autres moments plutôt négatives. Toutefois, les nouvelles et les attentes de la part de Bruxelles sont cette fois-ci favorables. Prodi pense utiliser la thèse confortant la vocation européenne de la Turquie et ainsi délivrer des messages lui donnant le feu vert. La question la plus saillante reste sans nulle doute la question chypriote (…)
Néanmoins, la date de cette visite n’est pas normale ! C’est un curieux hasard. Le vendredi 16 janvier, l’audience du procès de Leyla Zana se tient à Ankara.
Après le paquet de la démocratisation, l’ancienne députée du parti de la démocratie (DEP-dissous) sera à nouveau présentée devant la cour. Et cela n’a pas une grande importance [ndlr : Le 16 janvier se déroulera la 10ème audience de ce procès réouvert en mars 2003]
Le plus important c’est que sept à huit députés du Parlement européen viennent assister au procès comme observateurs [ndlr : des députés européens ont assisté à de nombreuses audiences jusqu’à présent] Les députés qui devraient venir sont les membres européens de la Commission mixte parlementaire Turquie-Union européenne. C’est-à-dire des observateurs et connaisseurs de la Turquie.
Ce n’est certes pas leur visite qui est importante mais la raison de ce voyage, car la Turquie est habituée à recevoir ce genre d’observateurs pour ce genre de procès. Mais il y a plus cette fois-ci.
Leyla Zana a reçu l’année dernière le prix Sakharov [ndlr : En fait, elle l’a plutôt reçu en 1995], les parlementaires européens veulent venir à Ankara pour lui attribuer dans la prison son prix mais la Turquie ne l’entend pas de cette oreille. ils viennent ainsi à l’audience pour voir Leyla Zana. Vont-ils vouloir donner le prix dans la salle, Peuvent-ils le faire, que vont-ils faire ? Nul ne le sait encore.
Cette situation d’intrigue dresse les poils d’Ankara. Encore un problème sorti de nulle part tout d’un coup !…
Le même jour il y a la visite de Prodi, Le vendredi 16 janvier ! (…)
Pas de hasard si douteux !
Vendredi il va y avoir de la joie !”
La Turquie a signé, le 9 janvier, le protocole n°13 de la Convention européenne des droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris en temps de guerre.
Le document a été signé à Strasbourg par l'ambassadeur de Turquie auprès du Conseil de l'Europe, Numan Hazar. Il y a un an, la Turquie avait déjà signé le protocole n°6 de la Convention européenne des droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix, après un vote du parlement turc en août 2002 abolissant la peine de mort, sauf en temps de guerre. Le texte avait été ratifié en novembre dernier, avec l'espoir de voir la Turquie se rapprocher des normes de l'Union européenne.
Le protocole numéro 13 portant sur l'abolition de la peine de mort “ en toutes circonstances ”, même pour des “ actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ”, en vigueur depuis le 1er juillet dernier, n'a en revanche toujours pas été signé par la Russie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
•JAMES BAKER EN TOURNÉE DANS LE GOLFE POUR OBTENIR L’ALLEGEMENT DE LA DETTE IRAKIENNE
L'envoyé spécial américain James Baker a, le 20 janvier, obtenu des Emirats arabes unis et du Qatar l'allègement de la dette irakienne, à l'occasion d'une tournée dans le Golfe qui l’a conduit également en Arabie saoudite.
Les Emirats arabes unis ont informé M. Baker de leur disposition à annuler le gros de la dette que leur doit l'Irak, estimée à 4 milliards de dollars. Le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyane, a affirmé que les Emirats arabes unis allaient annuler le gros de la dette irakienne, à l'issue d'une réunion entre cheikh Khalifa et M. Baker. Les Emirats sont disposés à entamer des négociations urgentes à ce sujet (...) avec un nouveau gouvernement irakien. Auparavant, un porte-parole du ministère qatariote des Affaires étrangères avait indiqué que "le Qatar va effacer le gros de la dette de l'Irak et il examinera plus tard l'annulation de l'ensemble de cette dette au moment opportun".
Le porte-parole, qui s'exprimait après un entretien de M. Baker avec le prince héritier du royaume, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, n'a pas précisé l'étendue de la dette irakienne envers le Qatar, ni le montant qui serait effacé. Après les Emirats, M. Baker s’est rendu en Arabie saoudite. En octobre dernier, le quotidien saoudien Al-Yom, citant un haut responsable saoudien, avait affirmé que Ryad comptait rééchelonner la dette irakienne envers le royaume, estimée au total à 28 milliards de dollars. Lors de la Conférence des donateurs à Madrid, le royaume saoudien avait annoncé son intention de contribuer à hauteur d'un milliard de dollars à la reconstruction de l'Irak.
M. Baker a effectué récemment des tournées en Europe et en Asie qui lui ont permis d'obtenir des engagements de principe pour réduire la dette irakienne, estimée à 120 milliards de dollars.
La dette irakienne envers les monarchies du Golfe a été contractée notamment durant la sanglante guerre ayant opposé l'Irak à l'Iran de 1980 à 1988.
Le Koweït était considéré comme l'un des principaux pourvoyeurs de fonds du régime de Saddam Hussein lors de cette guerre. Deux ans après la fin de ce conflit, l'armée irakienne a envahi l'émirat qu'elle a occupée pendant sept mois avant d'en être chassée par une coalition conduite par les Etats-Unis. Mais le chef de la diplomatie koweïtienne, cheikh Mohamed al-Sabah, avait récemment laissé entendre que son pays ne pouvait pas renoncer aux compensations de guerre que Bagdad doit à l'émirat. "Le Koweït fait une distinction entre la dette et les réparations des dommages causés durant l'invasion (de 1990-1991) et qui sont régies par les résolutions du Conseil de sécurité" des Nations unies, avait dit le ministre le 3 janvier.
Environ un tiers de la dette de Bagdad est dû aux 19 membres du Club de Paris, composé des principaux pays occidentaux.
Le président iranien Mohammad Khatami a, le 11 janvier, invité les Etats-Unis à reconnaître le droit de l'Iran à développer une technologie nucléaire pacifique, s'ils souhaitent œuvrer à une amélioration des relations entre les deux pays.
La République islamique estime que les Etats-Unis doivent changer d'attitude à son égard avant toute reprise du dialogue. M. Khatami a notamment pointé du doigt les accusations américaines selon lesquelles le programme nucléaire iranien vise à fabriquer une bombe atomique. L'Iran insiste sur le caractère pacifique et purement énergétique de son programme. Téhéran a signé en décembre le protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) permettant des inspections renforcées et inopinées de ses installations par l'Onu. "Ils nous ont accusés à tort de posséder des armes atomiques", a déclaré M. Khatami à l'issue d'un conseil des ministres à Téhéran. "Nous avons signé le protocole additionnel et si les Américains font preuve de bonne volonté maintenant, ils devraient retirer ce qu'ils ont dit et également accepter notre droit légitime à disposer d'une technologie nucléaire pacifique sous la supervision de l'Agence internationale de l'Energie atomique", a ajouté le président iranien.
Malgré l'envoi d'une aide humanitaire américaine après le tremblement de terre de Bam le 26 décembre, le président américain George Bush a répété ses accusations contre Téhéran, qui l'ont poussé, en janvier 2002, à classer l'Iran dans un "axe du mal" de pays cherchant à se doter d'armes de destruction massive.
M. Khatami a toutefois formulé l'espoir que l'envoi d'une aide humanitaire "s'avère être un signe fort de changement fondamental de la politique américaine et (que les Etats-Unis) retirent les déclarations sans fondement à notre égard".
Les forces américaines en Irak ont découvert aux alentours de Bagdad une nouvelle fosse commune dans laquelle se trouveraient les corps de 800 chiites, victimes de la répression du régime baasiste après la guerre du Golfe, en 1991, a annoncé le 6 janvier un haut responsable du Pentagone.
Les autorités américaines estiment que près de 260 fosses communes renfermant les corps de 300.000 personnes abattues sous le règne de Saddam Hussein pourraient être réparties en Irak. Quarante ont été découvertes jusqu'ici.
Un responsable chiite, membre du Conseil de gouvernement provisoire irakien, a insisté le 13 janvier à Ankara sur la nécessité de préserver l'intégrité territoriale de son pays et a souhaité la tenue, dans les plus brefs délais, d'élections en Irak. "Le principe le plus important auquel nous sommes attachés et que nous voulons mettre en vigueur (...) c'est la préservation de l'unité territoriale", a affirmé Abdul Aziz al-Hakim, chef du Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII, chiite) lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul.
Interrogé avec insistance par les journalistes sur les aspirations fédéralistes des Kurdes d'Irak, M. al-Hakim a souligné que les débats sur cette question avaient pour le moment été "reportés" à une date ultérieure en attendant qu'un "parlement élu", chargé de rédiger une constitution se saisisse du problème. Il a cependant précisé que toutes les ethnies d'Irak devaient pouvoir se prononcer sur l'avenir du pays. "Une fédération doit être acceptée par tous les groupes d'Irak (...) au sein d'un Irak uni", a ajouté le responsable irakien, pour qui des élections doivent se tenir le plus rapidement possible.
Cependant une semaine avant cette visite, le Conseil de gouvernement transitoire avait accepté le principe d'une structure fédérale en Irak, ce qui garantirait une large autonomie aux Kurdes dans trois des cinq provinces kurdes de l’Irak.
La Turquie suit attentivement ces évolutions et M. Gul a ainsi adressé une nouvelle mise en garde aux responsables kurdes irakiens. "Nous espérons éviter des faux pas", a-t-il notamment déclaré. Le responsable chiite a été reçu le 14 janvier par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Mettant entre parenthèses son opposition à la guerre en Irak, le pape Jean Paul II a, le 12 janvier, appelé la communauté internationale à participer à la construction d'un régime démocratique dans le pays. "Les nombreuses initiatives prises par le Saint-Siège pour éviter le douloureux conflit qui a éclaté en Irak sont déjà bien connues", a souligné le souverain pontife dans son discours annuel aux ambassadeurs auprès du Vatican. "L'important aujourd'hui, c'est que la communauté internationale aide les Irakiens, afin qu'ils puissent être placés en état de reprendre les rênes de leurs pays."
Jean Paul II s'était opposé à la guerre en Irak, lancée sans l'aval de l'ONU. Il a réaffirmé son opinion selon laquelle la "guerre ne résout pas les conflits entre les peuples". Il a souligné que les Irakiens devaient être aidés à "déterminer démocratiquement un système politique et économique conforme à leurs aspirations et (...) à redevenir un partenaire crédible au sein de la communauté internationale".
Depuis la chute de Saddam Hussein, le Vatican a cherché à dépasser son opposition à la guerre en Irak pour inciter la communauté internationale à s'engager dans la reconstruction du pays. Lors de son discours, le pape a également déploré la poursuite du conflit israélo-palestinien, qui "continue à être un facteur permanent de déstabilisation pour l'ensemble de la région". "Je ne me lasserai jamais de dire aux dirigeants de ces deux peuples que le choix de la violence (...) ne donne pas de résultats."
•PURGE DESTINÉE À ÉLIMINER DE LA VIE PUBLIQUE IRAKIENNE DES DIZAINES DE MILLIERS DE BAATHISTES
Le Conseil de gouvernement irakien a, le 11 janvier, annoncé avoir lancé une vaste purge destinée à éliminer de la vie publique des dizaines de milliers de membres de l'ancien parti Baas. Quelque 28.000 baathistes ont déjà perdu leurs postes, et un nombre équivalent devrait encore suivre. Ahmed Chalabi, membre du Conseil intérimaire de gouvernement et président de la "Commission nationale suprême pour la dé-baasification", a profité de l'annonce de cette purge pour exclure toute idée de réconciliation. "Comment peut-on réconcilier ceux qui sont étendus morts dans des fosses communes avec ceux qui les ont tués", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.
Ahmed Chalabi a toutefois assuré que cette purge n'était pas inspirée par une volonté de vengeance et ne serait pas menée sur la foi de rumeurs. Selon lui, les nouveaux dirigeants irakiens sont prêts à se passer de l'expérience de certains membres du parti Baas si cela s'avère nécessaire pour se débarrasser de l'influence baasiste dans le pays. "Il s'agit d'une opération civilisée destinée à nettoyer le pays de l'idéologie du parti Baas et de ses effets sur les organes d'Etat", a expliqué Ahmed Chalabi. "Le prix que nous, Irakiens, devons payer pour l'exclusion de baasistes expérimentés est un prix raisonnable à payer. Nous ne pouvons pas mener une vie normale en Irak si le parti Baath continue d'exister."
Rejetant les critiques sur la priorité donnée à cette purge alors que la violence secoue toujours le pays, M. Chalabi a affirmé que des documents retrouvés sur Saddam Hussein lors de sa capture montraient que de hauts dirigeants baasistes étaient à l'origine d'attaques contre les forces de la coalition et contre des Irakiens.
Dès le mois de mai 2003, soit un mois après le renversement de Saddam Hussein, l'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, a dissous et interdit le parti Baas, mettant fin à 35 ans de règne de ce parti sur le pays. On évalue à 1,5 million -sur une population totale de 25 millions- le nombre d'Irakiens qui appartenaient degré ou de force au parti Baas à la veille de la chute de Saddam Hussein. Mais quelques dizaines de milliers seulement en étaient membres à part entière et ce sont ceux-ci qui sont visés par la politique de débaasisation.
Des discussions ont eu lieu le 21 janvier à Ankara entre des responsables turcs, américains et du HCR sur le retour des milliers de réfugiés kurdes de Turquie d'Irak. Les entretiens ont porté sur la rédaction d'un document commun sur le "rapatriement volontaire, dans la sécurité et la dignité" des Kurdes de nationalité turque qui se sont réfugiés en Irak depuis le début des années 90 en raison des combats entre le PKK et l’armée turque, a souligné le porte-parole du HCR en Turquie, Metin Corabatir. Le secrétaire d'Etat américain adjoint à la population, aux réfugiés et aux migrations, Arthur Dewey, participait à ces discussions, selon le porte-parole qui a toutefois fait état de "divergences" entre les différentes parties, sans en préciser la nature.
L'avenir du camp de réfugiés de Makhmour, contrôlé par le HCR, figure aussi à l'agenda des discussions. Ce camp abrite depuis 1997 plus de 9.000 Kurdes de Turquie. Ankara souhaite de longue date son démantèlement, affirmant que les activistes du Parti des Travailleurs du Kurdistan y retiennent en "otage" les familles kurdes souhaitant regagner leurs villages en Turquie. Entre 1984 et 1999, l'armée turque a évacué de force des milliers de villages kurdes pour isoler les combattants du PKK et déraciner la paysannerie kurde. D'autres familles, proches du PKK, ont elles aussi pris le chemin du Kurdistan irakien.
Les Kurdes de Turquie constituent la troisième plus importante communauté de réfugiés en Irak administré par les Etats-Unis avec quelque 12.700 personnes, après les Iraniens (18.700) et les Palestiniens (80.000), selon le HCR. Outre celui de Makhmour, des camps à Dohouk et Erbil abritent 3.700 réfugiés kurdes de Turquie. Grâce au concours du HCR, plus de 2.200 réfugiés ont été rapatriés en Turquie depuis 1997.
Deux dirigeants locaux d'un parti pro-kurde ont été inculpés et écroués, le 5 janvier, par la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir pour avoir appelé le chef du PKK, Abdullah Ocalan, “ Monsieur Ocalan ”. Nedim Bicer et Sadiye Surer, responsables du Dehap (parti démocratique du peuple) de la petite ville de Bismil, à une cinquantaine de km à l'est de Diyarbakir, ont été inculpés aux termes d'un article de la loi anti-terroriste bannissant “ la propagande terroriste ”. Ils se sont référés à “ Monsieur Ocalan ”, utilisant le terme “ sayin ” en turc qui comporte une nuance de respect et d'estime, lors d'une conférence de presse, le 3 janvier, pour dénoncer les manquements aux droits de l'Homme dans les prisons de Turquie.
Par ailleurs, selon le quotidien turc Milliyet daté du 6 janvier, un habitant de Hakkari a été placé le 12 décembre en garde à vue au commandement de la gendarmerie de la province et est poursuivi auprès de la Cour de sûreté de l’Etat de Van pour avoir peint sa maison en rouge, vert et jaune.
Le Premier ministre britannique Tony Blair, principal allié des Etats-Unis en Irak, a effectué une visite surprise le 4 janvier à Bassorah, dans le sud du pays, pour remercier les troupes britanniques de leur participation dans la guerre. Tony Blair est arrivé à Bassorah, la deuxième plus grande ville d'Irak, à bord d'un avion militaire en provenance de la station balnéaire de Charm el-Cheikh, où il était en vacances avec sa famille. Le Premier ministre britannique a qualifié l'Irak de pays "test" dans la lutte internationale contre le terrorisme et la répression. Il a affirmé que les pays qui fabriquent des armes de destruction massive ont une "énorme responsabilité dans la sécurité du monde".
"Ce conflit était un conflit d'une importance énorme parce que l'Irak" est un pays "test", a-t-il affirmé devant quelques-uns des 10.000 soldats basés à Bassorah et autour de cette ville, située à 550km au sud-est de Bagdad.
Selon Tony Blair, l'Irak de Saddam Hussein symbolisait deux menaces contre auxquelles le monde fait face: celle d'un terrorisme "incroyablement dangereux" qui est "une perversion de la véritable foi de l'Islam", et celle des régimes brutaux et répressifs qui utilisent les armes de destruction massive. Ces menaces produisent le "chaos" et "l'ensemble du système mondial, économique et politique, s'effondre", a-t-il ajouté.
Un peu plus tard, alors qu'il se trouvait à bord d'un avion, le Premier ministre britannique a déclaré à la presse que l'invasion de l'Irak servait de mise en garde aux autres "Etats-voyous répressifs qui développent des armes de destruction massive". "Il est important de dire aux pays qui pourraient s'être engagés dans de tels programmes (d'armement): 'regardez, il y a une façon différente de gérer cela'", a assuré M. Blair.
Au cours de cette visite, qui devait durer une journée, Tony Blair a également rencontré des policiers irakiens, ainsi que des chefs militaires britanniques, danois, tchèques et italiens. Tony Blair avait déjà rencontré des soldats britanniques à Bassorah au mois de mai. Ce nouveau voyage intervient après la visite surprise du président américain George W. Bush le 27 novembre à Bagdad, et une visite du chef du gouvernement espagnol Jose Maria Aznar le 20 décembre. La Grande-Bretagne a envoyé quelque 46.000 soldats britanniques dans la région du golfe arabo-persique et recense pour l'heure 52 morts dans le conflit irakien.