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Bulletin N° 227 | Février 2004

 

 

ERBIL : UN DOUBLE ATTENTAT SUICIDE FAIT UNE CENTAINE DE MORTS, DONT PLUSIEURS RESPONSABLES POLITIQUES KURDES

Le Kurdistan qui avait réussi à se tenir à l’écart de la vague du terrorisme qui sévit en Irak a été à son tour frappé de plein fouet le 1er février. Profitant des cérémonies traditionnelles de présentation de vœux à l’occasion de la célébration de la fête musulmane du Sacrifice, deux kamikazes mêlés à la foule ont pu pénétrer dans les locaux des deux principaux partis politiques kurdes et s’y faire exploser au moment de serrer la main des responsables kurdes présents pour leur souhaiter une bonne fête.

L’un des kamikazes déguisé en mollah s’était mêlé à la foule des visiteurs du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) tandis que son collègue se présentait au même moment dans les locaux de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), situés à une dizaine de km de là. Ils avait dissimulé sous leur ample soutane des ceintures bourrées d’explosifs puissants mêlés à de la grenaille afin d’en augmenter l’effet dévastateur. En ce jour de fête du pardon musulman, les services de sécurité kurdes, d’habitude très vigilants, avaient suspendu les fouilles corporelles par courtoisie pour les milliers de visiteurs venus présenter leurs vœux, tout en prenant des dispositions contre des attaques éventuelles de voitures piégées. Ce manque de vigilance a été exploité par des terroristes qui étaient depuis longtemps à l’affût et dont plusieurs tentatives avaient auparavant été déjouées par la police kurde.

Le bilan de ce double attentat est extrêmement lourd : 105 morts et près de deux cents blessés De nombreux responsables kurdes figurent parmi les tués, dont : Sami Abdulrahman, secrétaire du bureau politique du PDK, vice-Premier ministre du Gouvernement régional kurde, ainsi que son fils ; Chawkat Cheikh Yazdine, secrétaire général du Conseil des ministres à Erbil, membre du comité central du PDK ; Saad Abddulla, ministre de l'Agriculture, membre du bureau politique du PDK ; Akram Mantik, gouverneur d'Erbil ; Mahdi Khoshnaw, vice-gouverneur d'Erbil, ainsi que son fils ; Mahmud Halo, vice-ministre de l'Agriculture ; Ahmad Rojbayani, maire d'Erbil ; Nariman Abdul-Hamid, chef de la police d'Erbil ; Hijran Barzani, responsable politique du PDK ; Chakhawan Abbas, responsable des forces de Peshmerga et membre de la direction de l'UPK ; Mula Muhammad Bahirka, chef du bureau de l'UPK à Erbil ; Bahroz Kashka, membre de la direction de l'UPK à Erbil et Khosrow Shera, membre de la direction de l'UPK à Erbil. Adnan Mufti, membre de la direction de l’UPK et ancien vice-Premier ministre du Gouvernement régional kurde de Suleimanieh a été grièvement blessé. Six journalistes et cameramans de Kurdistan-TV qui transmettait en direct la cérémonie ont également été assassinés. Leurs images ont permis l’identification immédiate de l’un des kamikazes.

Ce double-attentat a été revendiqué par Ansar al-Sunna (les partisans de la tradition du Prophète), le 4 février, sur un site internet islamiste. Dirigé par un Arabe irakien dont le pseudonyme est Abou Abdallah Hassan ben Mahmoud, ce groupe terroriste sunni agit comme la branche locale des réseaux d’Al-Qaïda. Selon les services américains et irakiens, c’est le Jordanien al-Zarqaoui qui coordonne l’ensemble des opérations des djihadistes de la mouvance d’al-Qaïda en Irak, tenu pour responsable des attentats meurtriers d’août 2003 contre l’ambassade de Jordanie, contre le siège de l’ONU à Bagdad et contre l’ayatollah al-Hakim à Nadjaf.

Cette tuerie survenue le jour d’une fête religieuse sacrée des musulmans a provoqué un véritable traumatisme psychologique au sien de la population kurde. Les autorités kurdes ont décrété un deuil de trois jours qui a été très largement observé dans l’ensemble du Kurdistan. Un peu partout, des communautés kurdes des pays voisins, mais aussi celles d’Europe, d’Asie centrale et des Etats-Unis se sont associées à ce deuil national en organisant des cérémonies commémoratives pour rendre hommage aux victimes et des marches silencieuses contre le terrorisme. Le Conseil de gouvernement irakien a de son côté décrété un deuil de trois jours dans l’ensemble de l’Irak où des attentats similaires avaient déjà frappé les communautés chiites. De nombreux gouvernements étrangers ont envoyé des messages de condoléances. Après Washington, Londres et Berlin, Paris par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a exprimé son émotion et sa sympathie pour les victimes.

Même les députés kurdes de l’ancien parti de la Démocratie (DEP-dissous), emprisonnés en Turquie depuis 10 ans, Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak, ont, pu, le 11 février, du fond de leur prison adresser un message de condoléances à Massoud Barzani et Jalal Talabani, respectivement président du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et secrétaire général de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK).

“ Nous présentons nos condoléances pour nos frères tués et un bon rétablissement pour nos frères blessés lors de l’attaque. Nous présentons nos condoléances à notre peuple et condamnons avec aversion cette attaque félone. Nous partageons votre peine et celui de votre peuple dans notre cœur. Notre peine est collective ” écrivent les anciens députés dans une lettre écrite en kurde.

“ Nul ne devrait ignorer qu’aucune force, aucune attaque et aucune provocation ne pourra faire reculer notre peuple de son but. Nous pensons et espérons que les sentiments d’union et de solidarité de notre peuple dispersé aux quatre coins du monde seront renforcés plus encore. Notre peuple surmontera les obstacles susceptibles d’entraver le chemin de la paix par l’union, la solidarité réciproque et le soutien et rejoindra le monde démocratique… Nous partageons votre peine avec les sentiments de solidarité chaleureuse et présentons une nouvelle fois nos condoléances. Avec nos sentiments, nos respects et toute notre amitié… ” concluent les députés emprisonnés.

Le message des députés a été lu dans son intégralité dans les journaux télévisiés des deux chaînes de télévision satelittaire kurdes, Kurdistan TV et Kurdsat émettant à partir du Kurdistan irakien et très regardées par les Kurdes du Proche-Orient et d’Europe. Les mêmes chaînes ont pendant plusieurs semaines ouvert leurs antennes à un large débat public sur les moyens de combattre le terrorisme et de consolider les institutions démocratiques kurdes.

Le 1er février 2004 est devenu pour les Kurdes l’équivalent du 11 septembre 2001 américain. La tragédie a renforcé la conscience nationale kurde, uni dans un élan de solidarité l’ensemble des Kurdes, par delà les frontières, les clivages politiques, confessionnels ou les particularismes régionaux. Pour éviter la survenue de tels désastres, les autorités kurdes ont pris une série de mesures de sécurité incluant une surveillance accrue des milices islamistes et des frontières du Kurdistan.

UNE PÉTITION RASSEMBLANT 1,7 MILLIONS DE SIGNATURES DEMANDE LA TENUE D’UN RÉFERENDUM D’AUTODÉTERMINATION POUR LE KURDISTAN IRAKIEN

Une organisation basée au Kurdistan irakien mène campagne pour la tenue d'un référendum pour que la population de cette région détermine si elle veut rester au sein de l'Irak ou non. « Nous sommes un mouvement apolitique qui essaie de faire entendre la voix du peuple du Kurdistan (irakien) pour qu'il détermine son avenir », a indiqué le 25 février lors d'une conférence de presse à Bagdad Halkaut Abdallah, un des membres du Mouvement pour le référendum au Kurdistan irakien. « Nous avons rassemblé 1,7 million de signatures demandant la tenue d'un référendum d'autodétermination auprès de personnes âgées de plus de 16 ans, de toutes les confessions et de toutes les parties du Kurdistan irakien », a-t-il précisé. Selon lui, ces signatures ont été collectées entre le 24 janvier et le 15 février.

Le Mouvement pour le référendum au Kurdistan irakien a été créé après la chute du régime de Saddam Hussein avec le soutien tacite des deux principaux partis kurdes, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK, de Jalal Talabani) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK, de Massoud Barzani).

Lors d'une conférence tenue à Erbil en décembre et réunissant 135 membres venant de tout le Kurdistan, les participants avaient décidé de collecter des signatures pour faire pression sur les autorités américaines et irakiennes.

Cette organisation avait rencontré le 24 février deux membres du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Salaheddine Mohammad Bahaeddine, de l'Union islamique du Kurdistan, et le chiite Mohammad Bahr al-Ouloum, indépendant. M. Bahr al-Ouloum, a déclaré à ce sujet : « Je leur ai dit que le référendum devait être étendu aussi aux Arabes pour qu'ils donnent leur avis sur cette question. Mais comme ils ont insisté (pour que la consultation populaire ne concerne que le Kurdistan, NDLR), je leur ai dit de présenter une demande officielle afin que le Conseil de gouvernement leur réponde ».

ELECTIONS LÉGISLATIVES EN IRAN : « UN FIASCO HISTORIQUE », LE KURDISTAN IRANIEN ENREGISTRE LE PLUS FAIBLE TAUX DE PARTICIPATION

Les législatives iraniennes du 20 février, dont les conservateurs sortent gagnants sans surprise, ont connu un taux d'abstention record pour ce type de scrutin, alors que la République islamique a fait de la participation aux élections le baromètre du soutien populaire au régime. Seuls 50,57 % des électeurs sont allés voter pour élire leurs quelque 290 députés, a annoncé sur son site internet le ministère de l'Intérieur. Les bureaux de vote ont été déserts, c’est la raison pour laquelle les autorités du régime ont retardé leur fermeture de deux heures. Jamais autant d'électeurs n'avaient boudé les urnes aux législatives, ni même dans un scrutin majeur (tels les présidentielles, les référendums) dans l'histoire de la République islamique, qui a fêté il y a quelques semaines son 25ème anniversaire. Des observateurs indépendants évaluent le taux de participation à moins d’un tiers d’inscrits.

Les conservateurs ont officiellement remporté la majorité absolue au Parlement, selon les résultats des législatives dénoncées comme un « fiasco historique » par les réformateurs. Ils ont remporté 27 des 30 sièges à pourvoir dans la capitale, portant à 156 le nombre des conservateurs élus au premier tour, selon des résultats finaux annoncés par le ministère de l'Intérieur. La majorité absolue au Majlis (assemblée) qui compte 290 sièges étant de 146 sièges. Ces chiffres, pour lesquels cinq jours de dépouillement ont été nécessaires, consacrent la revanche d'une génération de conservateurs qui se veut à la fois pragmatique et dévouée à l'islam et qui, malgré ses démentis, devrait donner un coup d'arrêt aux réformes politiques, sociales et culturelles amorcées timidement par les « réformateurs », proches du président Khatami.

La victoire conservatrice était acquise depuis que le Conseil des gardiens, pilier institutionnel et ultra-conservateur du régime, avait disqualifié la plupart des personnalités réformatrices candidates, pour manquement à l'islam et à la Constitution. Avant les élections, le Conseil des gardiens avait ainsi disqualifié plus de 2.400 candidats dont la grande majorité des députés sortants, ne laissant plus que 250 réformateurs parmi les 4.500 candidats agrées. Ces invalidations avaient plongé l'Iran dans l'une des plus graves crises politiques que le pays ait traversé depuis des décennies. Le président réformateur Mohammad Khatami avait d'abord déclaré qu'il s'opposerait aux élections si les disqualifications n'étaient pas annulées, avant de céder tout en déclarant que le scrutin ne serait pas équitable. De nombreux appels au boycottage des urnes ont été lancés.

Selon le décompte, seuls 39 réformateurs ont été élus au premier tour, alors qu'ils occupaient les trois quarts du Parlement sortant.

À Téhéran, sur les 30 sortants, 29 étaient réformateurs, le seul conservateur étant la tête de liste des « bâtisseurs » Gholam-Ali Hadad-Adel. La tête de la seule liste réformatrice en lice, la Coalition pour l'Iran, ne sera plus en course. Mehdi Karoubi, président du Parlement sortant et proche du président Mohammad Khatami qui a longtemps incarné la réforme, a décidé le 25 février de se retirer. Arrivé 31e à Téhéran, il aurait pu se maintenir au second tour. La totalité des 30 sièges a été emportée par les conservateurs.

Les électeurs téhéranais et kurdes ont le moins voté aux législatives, selon des chiffres publiés le 23 février par le ministère de l'Intérieur. À Téhéran, sur les 6,04 millions d'inscrits sur les listes, 1,7 million ont pris part au scrutin, soit un taux de participation de 28,11 %, contre 2,9 millions (55,91 %) aux législatives de 2000. Le corps électoral a pourtant augmenté de 800.000 dans la circonscription entre-temps. Diverses sources contestent ces chiffres officiels, ainsi selon le rapport du site web « Rouydad », le taux de participation à Téhéran serait de 20 %. Mohammed Reza Khatami, qui était arrivé en tête lors de la précédente élection législative, avait à lui seul totalisé 1 794 605 voix. Comme ailleurs, la plupart des élus réformateurs sortants ont été disqualifiés dans la capitale par les organes de contrôle conservateurs.

À Ispahan (centre), troisième ville du pays et bastion des réformateurs, seuls 32,19 % des électeurs ont voté, contre 47,45 % il y a quatre ans. Dans les grandes villes de Tabriz (nord) qui est la deuxième ville universitaire du pays, le candidat arrivé en tête a été élu avec seulement 90 000 voix (1 000 040 électeurs), autrement dit 6,5 % des votants de toute la ville. Parmi les grandes métropoles, la ville sainte de Mashhad (nord-est), deuxième agglomération du pays, a voté à 47 %. Mais, selon le ministère, sur un peu plus de 700.000 bulletins glissés dans l'urne, environ 100.000 sont nuls. La ville de Mashhad a pour des raisons politiques et religieuses ainsi que la présence de la grande force Qouds de Razavi (milice totalement dévouée aux conservateurs) une importance capitale pour le régime. Le Conseil des gardiens a empêché ici la participation de tous les candidats réformistes, le conservateur arrivé en tête a été élu avec seulement 28 000 voix, ce qui représente 1/10ème des voix.

Au Kurdistan iranien, où tous les députés sortants, proches des réformateurs, avaient été disqualifiés, la participation est passée en quatre ans de 70,18 à 32,26 %. En dehors de la province du Kurdistan, dans les villes à majorité kurde des provinces voisines, la participation est également très faible et descend à 23,65 % dans la ville historique de Mahabad selon les chiffres officiels, mais la revue « Kurdistan d’Iran » affirme que le chiffre réel de la participation atteindrait à peine les 7 %. À Kermanchah, la plus grande ville du Kurdistan, où plusieurs dizaines de milliers des membres des forces militaires du régime y sont installés, le taux de participation n’a même pas atteint celui de Tabriz. L’élection à Sanandaj, Kamiaran et Diwandara a également été un échec, des témoins proches du parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) rapportent que dans les quartiers Awiar, Boulwari Xasrawa, Shalman, Sharif, Ama, Adab, Nemaki, Wakil et Farah de Sanandaj, le taux de participation approchait du zéro. À Mariwan, sur 132 000 personnes inscrites, seules 33 255 ont voté, dont 5 251 votes blancs et près de 10 000 voix provenant des forces militaires stationnant dans la ville. Selon les informations communiquées depuis les villes de Piranshahr, Sardasht et les villages environnants, le taux de participation approcheraient à peine des 10 %. À Saqez, Baneh, Bokan, et Shno, le taux de participation n’atteindrait même pas les 15 %. Le Kurdistan iranien a présenté le plus faible taux de participation sur l’ensemble de l’Iran.

Par ailleurs, selon le ministère de l'Intérieur, la participation a dépassé les 100 % dans deux circonscriptions : 100,77 % à Poldokhtar (ouest) et 101,97 % à Mamassani (sud, province de Fars), où elle avait été de 114,15 % en 2000. Le ministère ne donne aucune explication.

Les autorités avaient annoncé avoir empêché des déplacements de convois d'électeurs dans la province de Fars. Les électeurs peuvent voter dans la circonscription de leur choix. La seule restriction est qu'un électeur doit voter dans la même circonscription s'il y a un second tour. Un tampon sur la carte d'identité empêche de voter deux fois.

Le premier tour a aussi consacré l'élection de 31 indépendants et des 5 représentants des minorités religieuses ; 58 sièges étant en ballottage. Le second tour, qui devrait avoir lieu à une date encore non-fixée, dans quelques semaines, renforcera la domination conservatrice. Seuls 17 réformateurs disputeront la victoire à leurs adversaires. Traditionnellement, le second tour ne mobilise pas les foules. Les intérêts des conservateurs, qui peuvent compter sur un électorat fidèle, s'en trouveront encore servis.

Les conditions dans lesquelles s'est déroulée la consultation ont été critiquées par l'Union européenne et les Etats-Unis comme un « revers pour la démocratie ». Le président américain George W. Bush a déclaré le 24 février que les Iraniens avaient été « privés de l'occasion de choisir librement leurs représentants ». L'Union européenne a fait part le 23 février de sa « déception » devant ce scrutin, estimant que l'exclusion de la majorité des candidats réformateurs avait rendu « impossible un véritable choix démocratique ». « Il est clair pour tout le monde que ces élections étaient faussées dès le départ », a déclaré le secrétaire britannique au Foreign Office Jack Straw, lors d'une réunion du Conseil des affaires générales.

Par ailleurs, une centaine de parlementaires ont demandé au président Khatami, comme ils ont le droit de le faire, de venir s'expliquer devant le Parlement « sur ses positions ambiguës » pour défendre les candidats avant les législatives et sur le non-respect de ses promesses. Le député Reza Youssefian a assuré qu'il ne s'agissait pas de prononcer la défiance contre lui.

Par ailleurs, au moins huit personnes ont été tuées et 38 blessées dans des violences qui se sont produites pendant les élections dans deux villes du sud du pays, Firouzabad, Nourabab Mamassani, et Izeh, dans le sud-ouest de l'Iran.

SITUATOIN TENDUE À KIRKOUK ET À MOSSOUL

Près d’un an après la chute du régime baasiste, la situation reste encore tendue dans les villes mixtes de Kirkouk et de Mossoul où des islamistes et des Arabes fidèles au Baas provoquent des violences. Ainsi, un civil irakien a été tué le 26 février dans une attaque au lance-roquettes contre des locaux de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) à Kirkouk, a indiqué la police irakienne. « Des locaux de l'UPK ont été visés à 20h50 (17h50 GMT) par trois roquettes et un Irakien qui passait à proximité a été tué » par l'une d'entre elles, a déclaré le général Tourhane Youssef, chef de la police de Kirkouk. « Les assaillants ont tiré les trois roquettes en passant en voiture devant les locaux », a ajouté le général. Il a précisé que des échanges de tirs avaient eu lieu dans le même quartier après l'attaque, sans préciser qui était à l'origine de ces tirs.

Il s'agit de la seconde attaque à Kirkouk contre des locaux de l'UPK, l'un des deux plus importants partis du Kurdistan irakien, en l'espace de cinq mois.

Kirkouk, où vivent Arabes, Kurdes et Turcomans, est quotidiennement le théâtre d'attaques contre la police et les forces de sécurité irakiennes, qui travaillent en collaboration avec la Coalition alliée.

Le 23 février, un attentat suicide, le troisième attentat depuis la fin janvier à viser la communauté kurde, décidée à préserver son autonomie dans le nord de l'Irak, avait fait huit morts, dont le kamikaze, à Kirkouk. Le kamikaze avait fait exploser un véhicule bourré d'explosifs devant un commissariat de police d'un quartier kurde de Kirkouk, tuant sept policiers et faisant au moins 52 blessés. La violente déflagration avait fortement endommagé le poste de police de Rahimawa et détruit des voitures stationnées aux alentours.

Par ailleurs, des Turcomans se sont heurtés le 29 février à Kirkouk à des Kurdes entraînant la mise en place d'un couvre-feu nocturne dans la ville. Les forces américaines et la police ont imposé un couvre-feu à Kirkouk à partir de 18H00 locales (15H00 GMT) et fermé plusieurs artères principales pour prévenir les troubles éventuels dans la ville d'un million d'habitants. La veille, une femme avait été tuée et 10 personnes avaient été blessées par balles lors de manifestations de joie de Turcomans à Kirkouk après des informations sur une promesse de l'exécutif irakien de garantir les droits de ce groupe. Le 25 février, dans le centre de Bagdad, des milliers de Turcomans, venus pour la plupart de Kirkouk, avaient manifesté pour demander le « respect de leurs droits et contre leur marginalisation » politique.

Les Turcomans sont près de 250.000 habitants de cette ville de plus d'un million d'âmes. Ils forment environ 2 % des 25 millions d'habitants que compte l'Irak. Ils sont représentés au Conseil de gouvernement par une femme, Songoul Chapouk, et au cabinet par le ministre de la Reconstruction et du Logement, Bayane Baqer Soulagh.

Par ailleurs, un haut responsable kurde irakien a réaffirmé le 18 février que Kirkouk, arabisée par le régime baassiste déchu, devait être rattachée aux trois provinces du Kurdistan. « Kirkouk est une ville qui est au centre d'un conflit. Mais le problème peut être réglé par un recensement », a déclaré Fouad Maassoum, responsable de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK, de Jalal Talabani), lors d'une conférence de presse à Bagdad. « Ce recensement ne doit être entrepris qu'après le retour des déplacés (kurdes) et le départ des personnes qui s'y sont installées », a-t-il ajouté, en référence aux Arabes établis à Kirkouk par l'ex-régime qui voulait contrôler cette importante ville pétrolière. « Après le recensement, Kirkouk sera rattachée au Kurdistan car elle en fait partie historiquement », a poursuivi M. Maassoum.

La revendication par les Kurdes de Kirkouk en décembre 2003 a déclenché des affrontements meurtriers avec les Arabes et les Turcomans de cette ville multiethnique. Le Conseil de gouvernement transitoire irakien a demandé patience aux chefs kurdes, et l'administrateur américain Paul Bremer a renvoyé à 2005 l'examen du statut de Kirkouk.

Cinq partis kurdes, qui ne sont pas représentés au Conseil de gouvernement, ont appelé de leur côté les chefs kurdes siégeant dans cette instance à ne pas abandonner leur revendication sur Kirkouk. « Il ne faut pas reporter cette question jusqu'après les élections ou la rédaction de la Constitution. Il faut récupérer Kirkouk dès aujourd'hui », a déclaré le secrétaire général du Parti socialiste démocratique, Mohammad Hajji Mahmoud. Des responsables du Parti communiste kurde, de la Jamaa islamiya, du Mouvement islamique et du Parti du prolétariat du Kurdistan partagent cet avis et demandent que les nouvelles forces de sécurité irakiennes n'interviennent pas dans leur région, quasi autonome depuis 1991. « Nous ne voulons pas que ces services, qui ont servi les anciens gouvernements dictatoriaux, dirigent le Kurdistan par le fer et le feu, et persécutent le peuple kurde », a affirmé Bahmane Ahmad, du Parti du prolétariat du Kurdistan. « Nous refusons que notre région et sa sécurité soient aux mains d'un gouvernement central », a renchéri Abdelrahmane Abdelrahim, du Mouvement islamique.

Selon des responsables de la ville, quelque 600.000 personnes, en majorité Kurdes, ont été progressivement chassées de Kirkouk à partir de la défaite des Kurdes en 1975, lorsque l'Iran les a lâchés après l'accord d'Alger avec l'Irak sur le problème des frontières.

D’autre part, le bureau du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a été attaqué le 23 févier au soir à Mossoul alors que deux membres de cette organisation ont été assassinés dans cette ville du nord de l'Irak. « Lundi soir, des assaillants à bord d'une voiture ont attaqué un bureau du PDK au centre de Mossoul mais les peshmergas (combattants kurdes) ont riposté et ils se sont enfuis à pied », a indiqué le lendemain un responsable du PDK. « Dans le véhicule, les combattants kurdes ont trouvé des grenades, des roquettes antichar et des Kalachnikov ainsi que des tracts sur lesquels étaient écrits « Mort aux païens qui coopèrent avec les Américains » et « Combien de dieux vénérez vous », a ajouté ce responsable.

Selon lui, ces attaques contre les formations kurdes sont menées par des groupes islamistes.

Par ailleurs, deux militants du PDK ont été retrouvés assassinés le 22 février quelques heures après avoir été enlevés. Selon le capitaine de police Abdallah Mahmoud, « les corps ont été retrouvés dans des poubelles ». D'autre part, le lendemain à 22H35 (19H35 GMT) un autre cadre du PDK à Mossoul a été trouvé dans sa voiture tué par balle, a précisé l'officier de police.

Le 21 février, deux Irakiens avaient été tués et quatre autres blessés dans plusieurs attaques à Mossoul dont l'une contre la maison du chef de la police de la province de Ninive. « Deux Irakiens armés, circulant à bord d'une voiture blanche, ont attaqué à l'arme automatique la maison du chef de la police de la province de Ninive, le général Mohammad Khayri al-Berhaoui », selon un officier de la police, Hikmat Mahmoud Mohammad. La police avait découvert des armes automatiques, un lance-roquette et trois grenades dans leur voiture.

Un civil irakien a été tué le lendemain dans cette même région par l'explosion d'un engin piégé, posé au bord d'une route empruntée par les convois militaires américains. « A 10H00 (07H00 GMT), un engin piégé a explosé, tuant un passant sur le champ », a indiqué le lieutenant-colonel de police Abdelajal Hazem Khattabi.

Par ailleurs, deux des gardes du général Abdelrazzak al-Joubouri, membre du Conseil de la province, ont été blessés le 22 février à l'aube par des tirs d'inconnus circulant à bord d'une Opel, a indiqué Hikmat Mahmoud Mohammad.

EN VISITE À ANKARA SCHROEDER ESTIME QUE LA TURQUIE « EST SUR LA BONNE VOIE POUR SON ADHÉSION À L’UE »

Le chancelier allemand Gerhard Schroeder est arrivé le 22 février en visite officielle de deux jours à Ankara, afin de soutenir les efforts du gouvernement turc pour répondre aux critères d'adhésion à l'Union européenne et pour faire aboutir la réunification de Chypre.

Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a, le 23 février, fait l'éloge des progrès accomplis par la Turquie pour intégrer l'Union européenne, estimant qu'il y a « de bonnes chances » pour que les négociations d'adhésion débutent fin 2004, comme le souhaite le gouvernement turc. « Grâce au processus de réforme, la Turquie est sur la bonne voie » pour rejoindre l'UE, a affirmé M. Schroeder, lors d'une conférence de presse à l'issue de ses entretiens avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.

Il s'agit de la première visite officielle d'un chancelier allemand en Turquie depuis 1993.

Les réformes adoptées par la Turquie pour s'aligner sur les normes européennes en matière de démocratie et de droits de l'Homme, appelées « critères de Copenhague », « donnent de bonnes chances » pour que la Commission européenne recommande l'ouverture de négociations d'adhésion à la fin de l'année, selon M. Schroeder. Mais il a aussi souligné la nécessité d'une mise en œuvre effective des réformes et a proposé le soutien de son pays dans ce domaine. L'intégration de la Turquie à l'Europe est importante pour des raisons stratégiques et économiques, a estimé le chancelier.

La Turquie frappe à la porte de l'Europe depuis 1963, date à laquelle elle a signé un premier accord d'association avec la Communauté économique européenne. Les dirigeants de l'UE doivent décider, en décembre, au vu des progrès réalisés par Ankara, candidat à l'adhésion depuis 1999, s'il y a lieu d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Turquie, seul candidat à ne pas encore avoir entamé ces discussions. « La Turquie peut absolument compter sur le soutien de l'Allemagne », a souligné M. Schroeder, dont la position sur la question est nettement différente de celle de l'opposition chrétienne-démocrate.

Il y a une semaine, la dirigeante de l'opposition conservatrice allemande, Angela Merkel, avait proposé lors d'une visite à Ankara un « partenariat privilégié » pour la Turquie, au lieu d'une adhésion, option immédiatement rejetée par M. Erdogan. Visiblement satisfait de l'appui de M. Schroeder, M. Erdogan a souligné la « détermination » de son gouvernement d'aller de l'avant dans la mise en œuvre des réformes, affirmant que son pays avait « en grande partie » rempli les critères politiques d'adhésion. « Nous attendons avec grande confiance une décision positive » pour l'ouverture des discussions d'adhésion, a-t-il ajouté.

Au sujet de Chypre, M. Schoeder a salué « la contribution constructive » du gouvernement Erdogan pour un règlement de la question de la division de Chypre, soulignant que la poursuite de ces efforts contribuerait à une prise de décision des dirigeants européens en décembre.

M. Schroeder a également rencontré le président Ahmet Necdet Sezer et le chef de l'opposition Deniz Baykal (social-démocrate).

Le chancelier était accompagné d'une délégation de 13 patrons de grandes entreprises. L'Allemagne, qui est le pays européen où vit la plus grande communauté d'origine turque et kurde, avec une population estimée à 2,5 millions de personnes dont 600 000 Kurdes est aussi le premier partenaire économique de la Turquie avec un volume commercial en 2002 de 14,2 milliards d'euros. Près de 3,5 millions d'Allemands visitent par ailleurs chaque année la Turquie, le plus important contingent de touristes étrangers.

M. Schroeder a estimé que l'intégration de la Turquie, pays musulman, à l'UE serait un atout important pour « la stabilité et la sécurité de l'Europe» et que l'ouverture des négociations d'adhésion donnerait également un « grand élan » aux échanges commerciaux turco-allemands.

Au menu des entretiens de M. Schroeder figurait également l'Irak et le Proche-Orient.

LA COALITION CONFRONTÉE DE PLUS EN PLUS AUX COMBATTANTS ETRANGERS EN IRAK

La coalition dirigée par les Etats-Unis a admis être de plus en plus confrontée aux combattants étrangers en Irak où les attaques ciblant civils et policiers ont atteint un chiffre record en février, tandis qu'un deuxième contingent de 140 soldats japonais est entré le 27 février en Irak.

Le chef des forces terrestres de la coalition en Irak le général Ricardo Sanchez a évoqué clairement ce danger le 26 février en affirmant que les combattants étrangers étaient devenus une menace bien plus grande que les affidés de Saddam Hussein. « Il est clair aujourd'hui que les éléments terroristes de (Abou Moussab) Zarqaoui, d'Ansar al-Islam ou liés à Al-Qaïda sont les premiers à mener des opérations contre la coalition », a-t il affirmé. Selon lui, les attaques contre la coalition menées par les partisans de Saddam Hussein ont diminué au profit des islamistes et des combattants étrangers liés au réseau d'Al-Qaïda.

La coalition a identifié le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, lié à Al-Qaïda, comme le cerveau de la vague d'attentats suicide en Irak depuis août. Le général Sanchez a accusé les partisans d'Abou Moussab al-Zarqaoui d'avoir commis depuis la mi-janvier les attentats contre le siège de la coalition à Bagdad, les bureaux des deux principaux partis kurdes à Erbil, le commissariat de police d'Iskandariyah (sud) et le centre de recrutement de l'armée dans la capitale, faisant au total près de 300 morts. « Comment expliquez-vous que plus de gens meurent ? Il y a des éléments terroristes qui s'en prennent au peuple irakien. Ils prennent pour cible des gens sans défense », a-t-il souligné. L'armée américaine a doublé de 5 à 10 millions de dollars la prime pour la capture de Zarqaoui après avoir publié un document qui lui est attribué dans lequel il fixe la « stratégie de terreur en Irak ». Mardi, elle a annoncé avoir tué un des lieutenants de Zarqaoui, lors d'un raid à Ramadi, à 100 km à l'ouest de Bagdad.

À Ryad, où il s'est entretenu avec les dirigeants saoudiens, le président en exercice du Conseil de gouvernement transitoire irakien a indiqué avoir reçu l'assurance que les Saoudiens contrôlent leur frontière avec l'Irak et empêchent toute tentative d'infiltration. Lors d'une conférence de presse, M. Mohsen Abdel Hamid a affirmé que les dirigeants saoudiens l'avaient assuré qu' « ils contrôlent la frontière du mieux qu'ils peuvent (...) et qu'ils désapprouvent toute infiltration d'individu » qui voudrait participer à des actions susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'Irak.

Sur un autre plan, un deuxième contingent de forces terrestres japonaises, fort de 140 soldats, est entré le 27 février en Irak depuis la frontière koweïto-irakiennne, alors qu’un oléoduc reliant deux raffineries irakiennes était en feu le 27 février près de Samarra, une ville sunnite située à une centaine de kilomètres de la capitale irakienne. Ce deuxième contingent était arrivé pour renforcer la centaine de soldats nippons déjà installés depuis le début du mois à Samawa, dans le sud de l'Irak, pour une mission « humanitaire et de reconstruction », selon Tokyo. Quelque 600 Japonais seront au total basés à Samawa d'ici fin mars dans ce qui constitue la première intervention de l'armée japonaise sur un théâtre de guerre depuis 1945.

Par ailleurs, arrivé le 25 février à Bagdad, le représentant spécial de l'Onu en Irak par intérim Ross Mountain a écarté un retour imminent des employés étrangers des Nations unies en Irak. Interrogé par des journalistes sur un tel retour, M. Mountain a affirmé que la question dépendait «de l'évolution de la situation sécuritaire ».

D’autre part, le nombre des policiers irakiens tués depuis la fin de la guerre en Irak approche celui des soldats américains, ce qui montre l'implication croissante des Irakiens dans la sécurité de leur pays, ont expliqué le 23 février des responsables militaires américains. Selon le dernier bilan, 263 soldats américains sont morts depuis le 1er mai 2003 et l'annonce par le président Bush de la fin des combats. Pour le général de brigade Mark Kimmitt, directeur adjoint des opérations des forces de coalition en Irak, le nombre de policiers irakiens tués dans leur fonction approche et a peut-être même dépassé ce nombre. Il n'a cependant fourni aucun décompte. À son arrivée le 23 février en Irak, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld s'était déclaré optimiste sur la situation sécuritaire du pays. « À chacun de mes nombreux voyages en Irak, mon impression est que je constate à chaque fois des améliorations. Chaque semaine, le nombre d'Irakiens participant aux forces de sécurité augmente », avait déclaré Donald Rumsfeld dans une interview à la télévision irakienne. « En juin et juillet derniers, il n'existait pas de forces de sécurité irakiennes. Aujourd'hui, en février 2004, il y a plus de 210.000 Irakiens servant dans les forces de sécurité. C'est un bilan fantastique », avait ajouté Donald Rumsfeld, qui effectuait sa quatrième visite en Irak depuis la fin de la guerre.

Plusieurs dizaines d'attaques ont été lancées contre la division multinationale de 9.000 hommes, dont 2.400 soldats polonais, commandée par la Pologne en Irak. Elles n'ont fait jusqu'à présent qu'un seul tué parmi les Polonais, un officier, tué à l'arme automatique le 6 novembre. Mais le 18 février, Sept Irakiens ont été tués et 86 personnes blessées, dont 58 soldats de la coalition, dans un double attentat suicide à la voiture piégée le 18 février contre une base militaire polonaise au sud de Bagdad. Il s'agissait de la première attaque de ce genre dirigée contre une base polonaise en Irak, avait déclaré le porte-parole de l'état-major polonais, le colonel Zdzislaw Gnatowski.

Par ailleurs, les insurgés ont le 14 février lancé un double assaut spectaculaire contre la sécurité irakienne à Falloujah, au cours duquel 27 personnes ont été tuées et une trentaine blessées. Au moins 23 policiers irakiens et quatre assaillants avaient été tués dans l'attaque simultanée d'un poste de police et d'un bâtiment des Forces de défense civile irakiennes (ICDC, auxiliaire de la police). L'attaque dans la ville rebelle de Falloujah, à 50 km à l'ouest de Bagdad, est la troisième menée cette semaine par les insurgés contre les forces de sécurité irakiennes. Ce double assaut est survenu au même endroit où deux jours plus tôt le chef du Commandement central des forces américaines (Centcom), le général John Abizaïd, avait échappé à une attaque aux roquettes antichars.

Le 10 février, un attentat suicide devant un commissariat de police à Iskandariya, au sud de Bagdad, avait fait 55 morts. Le lendemain, une voiture piégée avait explosé devant un centre de recrutement de la nouvelle armée à Bagdad faisant 47 morts.

L’ONU : KOFI ANNAN ESTIME QU’IL EST DIFFICILE D’ORGANISER DES ELECTIONS EN IRAK DANS L’ETAT ACTUEL DES CHOSES

Plongés dans l'incertitude quant aux modalités exactes de la transition du pouvoir, les dirigeants irakiens discutent d'un nouveau calendrier pour la préparation d'élections générales.

Dans un rapport adressé le 23 février au Conseil de sécurité, Kofi Annan a souligné que des problèmes techniques et légaux sur place devaient d'abord être réglés et cela prendra au moins huit mois avant que le pays ne soit capable d'organiser des élections, laissant entendre qu'elles ne pourront avoir lieu avant 2005. M. Annan, qui avait dépêché du 6 au 13 février dernier une mission en Irak dirigée par son conseiller, l'Algérien Lakhdar Brahimi, pour examiner la faisabilité d'une consultation générale réclamée par les chiites, a estimé qu' « il serait extrêmement difficile et peut-être même dangereux » de tenter d'organiser un tel scrutin d'ici la fin juin et que le plan des Américains consistant à organiser des caucus n'était pas « une option viable ».

Il a également souligné que la sécurité en Irak devra être « considérablement améliorée d'une manière qui garantira l'honnêteté des opérations électorales et la crédibilité du processus ». « Si le travail (d'organisation) devait commencer immédiatement et le consensus politique être vite atteint, cela serait possible de tenir des élections d'ici la fin 2004 », a ajouté M. Annan, affirmant que la période de huit mois sera un minimum pour qu'un cadre institutionnel et légal soit mis en place et pour trouver les moyens et l'argent nécessaires afin d'organiser des élections. « En Irak aucune de ces conditions n'existe pour le moment et il y a un profond désaccord sur ces aspects fondamentaux », a-t-il dit.

Dans une première réaction, l'administrateur américain en Irak Paul Bremer a qualifié le document de l'Onu de « contribution constructive pour nos objectifs communs qui sont le transfert au peuple irakien d'un Irak souverain et démocratique ». « Nous partageons les positions de l'Onu sur l'importance des élections directes aussi tôt que possible et en même temps nous partageons aussi ses préoccupations sur la faisabilité de tenir un scrutin directe honnête dans les prochains mois », a-t-il déclaré dans un communiqué le 23 février au soir.

Selon lui, le rapport « affirme clairement qu'il faut transmettre la souveraineté au peuple irakien le 30 juin et nous allons nous tenir à cette étape». « Nous souhaitons voir l'Onu impliquée (...) dans les prochaines étapes, y compris l'établissement d'un gouvernement provisoire pour la période suivant le 30 juin », a-t-il souligné. Un membre du Conseil de gouvernement transitoire, Adnane Pachachi, a estimé de son côté que « l'Onu peut jouer un rôle primordial dans la préparation des élections, en enregistrant les électeurs et en établissant une loi électorale ».

Le rapport de l'Onu a fait de facto voler en éclats les principales dispositions de l'accord signé le 15 novembre 2003 par le Conseil de gouvernement et la coalition, à l'exception de la date du 30 juin pour la passation des pouvoirs.

Le grand ayatollah Ali Sistani, chef spirituel des chiites d'Irak, a exigé le 26 février dans un communiqué que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution arrêtant une date pour la tenue d'élections générales avant la fin de l'année 2004. L'ayatollah Sistani demandait la tenue d'élections générales rapides pour choisir l'autorité qui recevra, le 30 juin, le pouvoir de la coalition occupant le pays. Il ajoute dans son communiqué qu'une résolution de l'Onu « assurera au peuple irakien que cette question ne sera pas reportée de nouveau ». « La Marjaïya (la direction religieuse chiite) veut que l'instance qui recevra le pouvoir fin juin ait des pouvoirs élargis pour préparer des élections transparentes et libres mais dirige le pays sans prendre de décisions importantes », affirme l'ayatollah Sistani.

L'ayatollah Sistani a rencontré cinq membres chiites du Conseil de gouvernement, dont Mouaffak al-Roubaï qui a affirmé : « Nous sommes entièrement d'accord avec le communiqué de Sayed Sistani ». La délégation comprenait également Ahmad Chalabi, chef du Congrès national irakien (CNI), Abdel Aziz Hakim, dirigeant du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) ainsi que Ahmad Chayyah al-Barrak et Mohammad Bahr al-Ouloum.

L'exécutif irakien pour sa part a annoncé le 25 février qu'il donnerait prochainement sa réponse au rapport de l'Onu sur les élections et le transfert du pouvoir. Le Conseil de gouvernement transitoire irakien « a reçu ce rapport, décidé de le soumettre à l'examen d'un comité spécial pour qu'il rende un avis détaillé et répondra officiellement par voie écrite la semaine prochaine au secrétaire général de l'Onu » Kofi Annan, a déclaré le président du Conseil de gouvernement par intérim, Mohammad Bahr al-Ouloum. La semaine commence le samedi en Irak. « Il y a des points négatifs et positifs dans le rapport. Ce qui est positif c'est qu'il insiste sur la tenue des élections (générales) et la date du transfert du pouvoir » de la coalition aux Irakiens, le 30 juin, a-t-il déclaré à Bagdad. « Les points négatifs c'est l'exagération du sectarisme (religieux) en Irak et la mention de la peur des sunnites et des Kurdes d'une domination chiite dans un gouvernement élu », a ajouté ce responsable chiite. « Le rapport aurait dû éviter de mentionner ces sujets », selon lui.

La coalition avait annoncé la veille qu'elle était prête à retarder les négociations avec les Irakiens sur le statut de ses forces en Irak après le transfert du pouvoir. Ces négociations étaient prévues initialement pour le mois de mars, mais la coalition a indiqué que le Conseil de gouvernement irakien préférait discuter de ce point plus tard, voire après le 30 juin. Le rapport de l'Onu publié le 23 février note à ce sujet que « beaucoup d'Irakiens ont insisté sur le fait que seul un gouvernement élu peut signer un accord bilatéral de sécurité avec la coalition et que toute autre forme serait illégitime ». Or, selon ce rapport, aucun gouvernement ne pourra être élu avant 2005. La coalition maintient environ 150.000 soldats en Irak, en majorité américains.

CINQUIÈME RÉUNION DE CONCERTATION DES PAYS VOISINS DE L’IRAK

Les pays voisins de l'Irak ont solennellement appelé le 15 février au terme de leur réunion à Koweït à la fin de l'occupation de l'Irak « le plus tôt possible », plaidant pour un rôle vital des Nations unies dans le processus de transfert de souveraineté aux Irakiens. Un communiqué final, adopté après de longs débats, souligne « l'importance de développer le rôle de l'Onu », pour qu'elle prépare le terrain « à la fin de l'occupation le plus tôt possible » de l'Irak.

Ce texte en 11 points ne mentionne pas nommément les Etats-Unis, principale puissance occupante de l'Irak depuis le renversement de l'ancien régime baassiste en avril 2003.

Pourtant, le ministre syrien des Affaires étrangères Farouk Al-Chareh, soutenu par son homologue iranien Kamal Kharazi, avait réclamé que le texte final mentionne « la fin de l'occupation américaine de l'Irak », ont indiqué des membres du comité de rédaction.

Le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a estimé qu'il n'était pas nécessaire de hausser le ton, la mention de la souveraineté et de l'indépendance de l'Irak étant une référence claire à la fin de l'occupation. « On ne peut pas parler de retrait immédiat des forces d'occupation avant l'établissement d'une autorité représentative et un gouvernement fort qui prenne la situation en mains », a déclaré le 15 février le ministre jordanien des Affaires étrangères Marwan Moasher.

En outre, les pays voisins ont « dénoncé les actes terroristes » en territoire irakien et se sont félicités des « résolutions de l'Onu, en particulier la 1511, qui appellent à un calendrier précis pour le transfert des pouvoirs aux Irakiens ».

Dans une déclaration sans précédent dans la région, l'Irak, le Koweït, l'Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie, l'Egypte, l'Iran et la Turquie ont en outre salué « la décision du peuple irakien de juger les dirigeants de l'ancien régime irakien, en particulier l'ancien président, pour crimes contre l'Humanité ». Le communiqué exprime le « soutien aux efforts » du conseil du gouvernement provisoire en Irak pour « assumer ses responsabilités ». Il exprime le souhait des pays voisins de voir un « gouvernement irakien largement représentatif ».

Le communiqué dénonce les « crimes de l'ancien régime » évoquant notamment les « fosses communes », déplore que « les prisonniers koweïtiens et d'autres pays, aient été tués par le régime » déchu et demande que soient « jugés les auteurs » de ces crimes.

Le texte « condamne les attaques et actes de terrorisme qui visent des civils et policiers irakiens, ainsi que des employés d'organisations humanitaires, de l'Onu et des diplomates », mais ne fait pas référence aux attaques contre les soldats américains ou de la coalition.

M. Zebari a annoncé que son pays et plusieurs de ses pays voisins allaient former des commissions de sécurité bilatérales afin de contrôler l'infiltration en Irak de membres de groupes « terroristes ». « Nous avons demandé à nos voisins de nous aider à contrôler les frontières de façon plus efficace pour empêcher les groupes terroristes d'entrer en Irak pour perpétrer des attentats terroristes et criminels », a ajouté M. Zebari. Ces pays voisins « ont donné une réponse positive. La prochaine étape sera la formation de commissions de sécurité bilatérales réunissant l'Irak d'une part et la Syrie, l'Irak, la Jordanie, la Turquie, et peut-être l'Arabie saoudite d'autre part », a-t-il ajouté.

La prochaine réunion des voisins de l'Irak doit se tenir en Egypte à une date qui n'a pas été fixée.

La réunion de Koweït était la cinquième du genre après celle d'Istanbul (janvier 2003), de Ryad (avril 2003), de Téhéran (mai 2003) et de Damas (novembre 2003).

BERHAM SALIH EN VISITE À ANKARA ALORS QUE L’ÉGYPTE ET LA TURQUIE ADRESSENT UNE MISE EN GARDE AUX KURDES D’IRAK

Berham Salih, Premier ministre du gouvernement régional de Suleimanieh, est arrivé le 9 février à Ankara pour des consultations avec les autorités turques. Au cours de l’entretien avec Osman Koruturk, le coordinateur spécial turc pour l’Irak, B. Saleh a indiqué qu’une région kurde autonome ne tolérera pas la présence du PKK opérant sur son sol. “ Nous sommes prêts à travailler pour déplacer toutes sortes d’éléments constituant une menace à nos voisins ” a-t-il déclaré.

Il y a quelques semaines, Nechirvan Barzani, Premier ministre du gouvernement régional d’Erbil, avait appelé au retrait des troupes turques stationnées au Kurdistan irakien. Interrogé sur la question, M. Saleh a déclaré qu’il n’est pas question d’utiliser la force pour expulser les troupes turques et que “ des entretiens amicaux peuvent être conduits avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Turquie et une solution peut être trouvée ”.

Berhem Salih a également demandé l’hospitalisation de huit autres blessés victimes des attentats commis simultanément le 1er février contre les bureaux du parti démocratique du Kurdistan (PDK) et de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) à Erbil faisant plus d’une centaine de victimes. La semaine dernière, sept premières victimes avaient été transportées à l’hôpital d’Ankara pour recevoir des soins.

Par ailleurs, Abdullah Gul, ministre turc des affaires étrangères, a déclaré, le 9 avril, à Varsovie au cours d’un entretien avec son homologue polonais que la Turquie participera à la mission de stabilisation de l’OTAN en Irak. L’OTAN se réunira en juin prochain à Istanbul pour décider des modalités de participation à la stabilisation en Irak.

D’autre part, lors d'une visite à Ankara du président égyptien Hosni Moubarak, la Turquie et l'Egypte ont adressé, le 11 février, une mise en garde conjointe contre toute atteinte à l'unité territoriale de l'Irak, soulignant ainsi leurs craintes qu'une autonomie accrue ne soit accordée aux Kurdes irakiens. “ Nous sommes d'avis que la préservation de l'intégrité territoriale de l'Irak est une nécessité et que des tentatives qui peuvent aboutir à une dislocation de l'Irak sont dangereuses ”, a déclaré le chef de l'Etat égyptien qui s'adressait à la presse à l'issue de ses entretiens avec son homologue turc Ahmet Necdet Sezer.

La dernière visite de M. Moubarak à Ankara remontait à 1998, lorsqu'il était venu assurer une médiation entre la Turquie et la Syrie alors au bord de la guerre en raison du soutien de Damas au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a reçu M. Mubarak dans la soirée, a affirmé que son pays était prêt à jouer un rôle de médiateur entre la Syrie et l'Etat hébreu. La Turquie souhaite depuis des années accueillir une conférence internationale pour contribuer à une solution au conflit Proche-oriental.

DAMAS : CONDAMNATION DE DEUX DIRIGEANTS KURDES

Un tribunal d'exception syrien a condamné le 22 février, deux dirigeants d'un parti kurde à un an et deux mois de prison mais ordonné leur libération, les deux hommes ayant purgé leur peine en préventive, a indiqué l'avocat et militant des droits de l'Homme Anouar Bounni. Marouane Osmane et Hassane Saleh, dirigeants du parti kurde Yakiti (Unité, interdit), ont été condamnés pour avoir « tenté de rattacher une partie du territoire syrien à un Etat tiers », selon Me Bounni, qui a également estimé, dans une déclaration, que le verdict « est une tentative de redorer l'image » de la Syrie, mais dans le même temps, « illustre sa volonté de condamner toute activité politique ».

MM. Osmane et Saleh, arrêtés en décembre 2002, avaient été « condamnés initialement à trois dans de prison, mais la Cour de sûreté de l'Etat a décidé de réduire leur peine à un an et deux mois et de les libérer », a ajouté l'avocat. Selon lui, MM. Osmane et Saleh sont défendus par dix-huit avocats.

Environ 150 personnes, pour la plupart des Kurdes, se sont rassemblées à l'extérieur du tribunal en criant des slogans dans les langues kurde et arabe, réclamant plus de « libertés ». Des pancartes portées par les manifestants kurdes appelaient à « la solidarité avec les prisonniers kurdes en jugement devant la Cour de sûreté de l'Etat », dont les verdicts sont sans appel. Cinq diplomates en poste en Syrie (américain, européen, britannique, canadien et hollandais) se trouvaient parmi la foule.

Les deux dirigeants kurdes avaient été arrêtés quelques jours après une manifestation le 10 décembre 2002 de près de 150 Kurdes devant le Parlement syrien. Ces derniers demandaient aux autorités de « revoir leur politique discriminatoire » à l'encontre de la population kurde de Syrie.

Par ailleurs, le jugement de sept Kurdes accusés d'appartenir à une « organisation secrète » et de vouloir « rattacher une partie du territoire syrien à un Etat étranger », doit être rendu le 11 avril prochain, a affirmé Me Bounni. Ces sept Kurdes avaient été arrêtées le 25 juin 2003 lors d'une manifestation à Damas durant laquelle ils réclamaient la nationalité syrienne, à l'occasion de la journée mondiale pour la protection de l'enfance.

Le parti Yakiti , avait, le 8 février, réclamé une solution à la question kurde tout en affirmant son « attachement à l'intégrité du territoire syrien ». «Le parti kurde Yakiti, à l'instar de tous les partis kurdes de Syrie dont aucun n’a une existence légale, réclame une solution démocratique à la cause kurde dans le cadre de l'intégrité du sol syrien », avait affirmé dans un communiqué le secrétaire de son Comité central, Abdel Baki al-Youssef. « Vouloir rattacher une partie de la terre syrienne à un Etat étranger est une accusation sans fondement que (les autorités) ont l'habitude de porter contre tous les militants politiques kurdes », souligne le communiqué.

Des partis kurdes font état de « ségrégations » contre la population kurde en Syrie, estimée à plus d'un million et demi de personnes. Ils réclament aux autorités de restituer leurs cartes d'identité à près de 300.000 Kurdes en Syrie qui leur avaient été retirées arbitrairement en 1962 dans le cadre de la politique d’arabisation forcée de territoires kurdes syriens contigus au Kurdistan turc et irakien. Le communiqué fait état en outre de la poursuite de la détention depuis plus d'un an du représentant du parti au Liban Farhat Abdel Rahmane Ali, « arrêté en décembre 2002 au Liban par les services de renseignement libanais à la demande des services de renseignement militaire syriens » et qui leur a été remis. Farhat est accusé par la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception, d' « appartenir à une organisation secrète » et de « vouloir rattacher une partie du territoire syrien à un Etat étranger », ajoute le communiqué qui demandait sa libération ainsi que de « tous les prisonniers politiques en Syrie ».

Par ailleurs, des responsables syriens d'organisations de défense des droits de l'Homme ont déclaré que plus de 130 prisonniers politiques ont été libérés en Syrie dans le cadre d'une grâce présidentielle. Parmi les personnes relâchées figurent 84 militants islamistes et des membres de la branche pro-irakienne du parti Baas, selon un communiqué diffusé le 30 janvier par le comité de défense des droits de l'Homme en Syrie. Son président Aktham Naisse s'est félicité de ces libérations, précisant que certains détenus avaient été relâchés pour des raisons humanitaires et exhorté le gouvernement de Damas à libérer tous les prisonniers politiques et « placer le pays sur la voie d'une détente démocratique sérieuse et efficace». Selon lui, quelques 2.000 prisonniers politiques sont détenus en Syrie, dont certains depuis près de 20 ans.

AINSI QUE...

L’IRAN CHERCHE À SE DOTER DE LA BOMBE


L'Iran a réalisé des expériences nucléaires qu'il a omis de révéler, peut-on lire dans un rapport interne publié le 24 février concernant ce pays réalisé par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Les inspecteurs de l'AIEA ont découvert des traces de polonium, un élément radioactif permettant de déclencher une réaction nucléaire en chaîne. Or, précise le document, le régime de Téhéran n'a pas fait mention de recherches avec du polonium dans ses déclarations au sujet de ses activités nucléaires passées et présentes.

Le rapport de l'AIEA précise que l'agence a découvert du polonium en septembre dernier et souligne que cet élément "peut être utilisé à des fins militaires (...) spécifiquement comme initiateur neutronique dans certains types d'armes nucléaires".

L'Iran a minimisé le 25 février l'importance du rapport interne de l'AIEA, affirmant que c'était basé sur un « malentendu » qui serait bientôt dissipé. Téhéran a aussi insinué qu'il pourrait reprendre l'enrichissement de l'uranium s'il trouve que la suspension actuelle ne suffit pas à rendre la confiance à la communauté internationale.

Téhéran s'efforce de convaincre le monde que son programme nucléaire est uniquement à usage civil pour produire de l'électricité. Bien que l'Iran ait effectivement cessé d'enrichir de l'uranium comme il l'avait promis lors de la visite à Téhéran de la "troïka" européenne en novembre, ce pays a continué à produire et assembler des centrifugeuses à l'intention de son vaste site souterrain d'enrichissement de Natanz. Des informations de sources variées indiquent que Téhéran a bénéficié de la coopération nucléaire du Pakistan qui possède déjà des armes atomiques.

Le projet de doter l’Iran d’une industrie nucléaire remonte à l’époque du Chah qui avait investi un milliard de dollars dans l’usine française de retraitement de déchets nucléaires Eurodif. La coopération nucléaire avec la France a cessé après l’avènement de la République islamique et le conflit Iran-Irak. Téhéran a alors signé un contrat avec les Russes pour la construction d’une centrale nucléaire, en principe pour la production de l’électricité. Parallèlement, il s’est lancé dans un programme clandestin de fabrication d’armes nucléaires. En fait dans ce pays qui nage sur une mer de pétrole, le programme nucléaire civil est destiné à former les cadres et à acquérir les équipements nécessaires pour la production de la bombe atomique « islamique ».

STRASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR VIOLATION DU «DROIT À LA VIE » ET « TRAITEMENT INHUMAIN » SUR LA REQUÊTE D’UNE FAMILLE KURDE


La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné le 17 février la Turquie pour de graves violations de la Convention européenne des droits de l'homme et notamment ses articles garantissant le « droit à la vie » et interdisant les « traitements inhumains » lors d'une opération de l'armée contre un hameau kurde. La Cour a condamné Ankara à verser un total de 70.480 euros de dédommagements à Abdurrezak Ipek, un Kurde âgé de 61 ans dont les deux fils ont disparu au cours d'exactions de l'armée le 18 mai 1994 dans le hameau de Çaylarbasi (Dahlezeri en kurde), dans la province de Diyarbakir.

Les deux jeunes hommes sont présumés morts, ce qui établit pour la Cour de Strasbourg la violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ("droit à la vie").

Pour les juges des droits de l'homme la « détresse et l'angoisse » infligées au père de famille en raison de la disparition de ses deux fils, exacerbées par la destruction de la maison familiale et le mépris affiché par les autorités face à ses plaintes, constituent un « traitement inhumain », interdit par l'article 3 de la Convention.

L'absence de trace écrite concernant l'arrestation des deux jeunes et les conditions de celles-ci sont une violation de l'article 5 de la Convention garantissant que « nul ne peut être privé de sa liberté sauf (...) selon les voies légales ».

Lors de l'opération, les soldats incendièrent les maisons du hameau, réduisant en cendres la plupart d'entre elles, dont celle de la famille de M. Ipek, violant ainsi son droit à la propriété (article 1 du Protocole N°1 de la Convention).

« Aucun recours effectif » n'a pu être exercé en Turquie contre les exactions des militaires, en violation de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Enfin, les juges de Strasbourg estiment que « le gouvernement turc n'a pas rempli (son) obligation (...) de fournir à la Cour toutes les facilités nécessaires à l'établissement des faits », ce qui constitue une violation de l'article 38 de la Convention.

LA FRANCE INTERDIT À SON TOUR LA CHAINE SATELITTAIRE KURDE MEDYA-TV


Le Conseil supérieur de l’Audiovisuel français (CSA) a, le 12 février décidé d’abroger la licence de diffusion de la télévision kurde satelittaire, Medya-TV, mettant fin aux programmes de la chaîne accusée d’être le successeur de MED-TV, interdit le 22 mars 1999 par la Grande-Bretagne pour “ apologie de la violence et propagande du PKK ”.

Medya-TV, qui avait commencé sa diffusion le 30 juillet 1999, avait saisi le CSA afin d’obtenir une licence d’émission mais l’institution de régulation de la télévision en France avait refusé de la lui octroyer. Le Conseil d’Etat, saisi par les avocats de la chaîne, a rendu sa décision le 12 février en confirmant la position du CSA et en demandant à la société ABSAT de mettre immédiatement fin à toute émission de la chaîne.

Les responsables de la chaîne diffusée dans 77 pays ont critiqué cette décision en soulignant que l’arrêt d’émission de Medya-TV sera utilisé par Jacques Chirac attendu dans quelques mois à Ankara pour négocier de futurs contrats avec les autorités turques.

RECONSTRUCTION DE L’IRAK : LES DONATEURS DE L’IRAK S’ENGAGENT FERMEMENT POUR UN MILLIARD DE DOLLARS POUR L’AN 2004


Les donateurs à l'Irak, réunis à Abou Dhabi, ont annoncé des engagements fermes d'un milliard de dollars pour la reconstruction de ce pays, sur des promesses de 33 milliards de dollars faites l'an dernier à Madrid. Au terme d'une conférence de deux jours, les donateurs « ont confirmé des engagements fermes de près d'un milliard de dollars pour l'an 2004, sur les engagements pris l'an dernier à Madrid », a déclaré l'ambassadeur du Japon en Irak, Masamitsu Oki, président d'un « Comité des donateurs », créé à Abou Dhabi. Ces engagements marquent le lancement « opérationnel » de deux fonds consacrés à la reconstruction de l'Irak, a ajouté l'ambassadeur, dont le pays en contribue à hauteur de 500 millions de dollars. Outre le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la commission européenne figurent parmi les contributeurs.

A l'ouverture, le 28 février de la conférence d'Abou Dhabi, le ministre irakien du Plan, Mehdi Al-Hafez avait proposé aux donateurs quelque 700 projets d'un coût total de 4 milliards de dollars en vue de leur financement dans le cadre des 33 milliards promis lors de la conférence des donateurs en octobre 2003 à Madrid.

La conférence d'Abou Dhabi a annoncé la création du « Comité des donateurs » pour matérialiser les engagements pris à travers les deux fonds de reconstruction : le Fonds multilatéral et le Fonds de développement de l'Irak, placés sous l'égide des Nations unies et de la Banque mondiale. Ce Comité est formé de 13 membres : l'Australie, le Canada, la Commission européenne, l'Inde, le Japon, la Corée du sud, le Koweït, la Norvège, le Qatar, la Suède, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, a précisé l'ambassadeur japonais.

Le ministre irakien de l'Intérieur, Nour Badrane, était présent à Abou Dhabi pour faire du lobbying pour son département, à travers des contacts avec certaines délégations participant à la conférence. Il a indiqué que son ministère avait besoin « de milliards » de dollars pour remettre sur pied les différents services de sécurité et venir à bout de l'insécurité qui continue à régner en Irak, onze mois après la chute du régime de Saddam Hussein.

L'absence de l'Arabie saoudite et du Koweït était particulièrement remarquée à la conférence d'Abou Dhabi. Un diplomate koweïtien a affirmé que son pays n'avait pas été invité à cette conférence. L'émirat a toutefois annoncé le 29 février une contribution de 10 millions de dollars aux deux fonds et devient ainsi membre du Comité des donateurs.

LA SECRÉTAIRE GÉNÉRALE D’AMNESTY INTERNATIONAL EN VISITE EN TURQUIE DEMANDE L’APPLICATION DES RÉFORMES ET LA LIBÉRATION DES DÉPUTÉS KURDES


Une délégation d'Amnesty International conduite par sa secrétaire générale, Irène Khan, s’est rendue en Turquie le 8 février à Istanbul et à Ankara où elle a eu des entretiens avec des représentants de la société civile et des membres du gouvernement. Elle a notamment rencontré le Premier ministre, M. Erdogan, le vice-Premier ministre, M. Gül, le ministre de l'Intérieur, Abdulkadir Aksu, des membres du Conseil d'État, les présidents des Cour constitutionnelle et Cour d'appel, de la Commission parlementaire des droits humains et de la Commission parlementaire d'harmonisation avec l'Union européenne. Avant de regagner Londres, les membres de la délégation se sont rendus le 13 février à Diyarbakir, pour y rencontrer des groupes de femmes et de défense des droits humains, avec qui ils ont discuté des problèmes propres à la région.

Lors de son entretien avec le Premier ministre turc, Irène Khan lui a remis une note, dans laquelle Amnesty International reconnaissait les progrès accomplis, tout en soulignant les préoccupations qu'elle continuait de nourrir concernant le respect des droits humains en Turquie. L'organisation dénonçait notamment dans cette note les cas de torture et de mauvais traitements dont étaient encore accusés des responsables de l'application des lois, ainsi que l'impunité dont jouissaient ces derniers (d'où la nécessité de régler le problème de l'héritage des violations commises par le passé), les restrictions qui pesaient toujours sur la liberté d'expression et la criminalisation de l'expression non violente d'opinions dissidentes, et la violence contre les femmes.

Irène Khan a également demandé à Recep Tayyip Erdogan la libération de toutes les personnes emprisonnées pour avoir exprimé leurs opinions de manière non violente, et parmi elles le défenseur des droits humains Leyla Zana et ses collègues. Le Premier ministre n’a pas hésité une nouvelle fois à comparer son incarcération de 3 mois de prison à la situation de Leyla Zana, en reprochant à Amnesty et à l’Europe “ de pratiquer une politique de deux poids deux mesures ”. Il a reproché à ces derniers de ne pas lui avoir rendu visite lors de son emprisonnement alors que lors de l’incarcération du maire de Diyarbakir, Feridun Çelik, quatre ministres des affaires étrangères se sont déplacés d’Europe. Il a critiqué les organisations de défense des droits de l’homme d’habiller “ d’une chemise d’idéologie ” les droits de l’homme.

Par ailleurs, Amnesty International a publié le 12 février, un document relatif à la “ législation répressive, application arbitraire :les défenseurs des droits humains face aux pressions. Selon ce texte, “ en dépit des réformes juridiques et constitutionnelles récemment intervenues en Turquie, les défenseurs des droits humains restent dans ce pays la cible d'actes de harcèlement et d'intimidation de la part des agents de l'État et ils continuent de se heurter à une foule de lois et de textes réglementaires qui limitent leur action (…) ”. “ À mesure que les anciennes lois sont abolies, les pouvoirs publics trouvent de nouveaux stratagèmes pour faire obstruction aux activités des défenseurs des droits humains", a déclaré Amnesty International.

Amnesty International réitère ses appels en faveur d'une réforme de fond de la législation et des pratiques en Turquie, dans le souci de garantir la liberté d'expression, d'association et de rassemblement dans ce pays.

LE FINANCEMENT DU FUTUR OLÉODUC BAKOU-TBILLISI-CEYHAN EST BOUCLÉ


Le financement du futur oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), qui doit acheminer le pétrole de la Caspienne vers les marchés mondiaux via la Turquie, a été bouclé, le 3 février, avec la signature d'un accord définitif de prêt par les bailleurs internationaux avec les autorités azerbaïdjanaises. Les bailleurs, qui rassemblent des institutions internationales comme la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd), des agences de financement publiques, des grandes banques commerciales, contribuent à hauteur de 70 % au coût de construction du projet, fixé à 2,95 milliards de dollars. Les 30 % restants ont déjà été avancés par les membres du consortium propriétaire du BTC.

Le BTC, dont la construction a commencé l'an dernier et qui doit entrer en fonction en 2005, est conçu pour pouvoir transporter jusqu'à un million de barils de brut depuis l'Azerbaïdjan jusqu'au port turc de Ceyhan, en passant par la Géorgie. Long de 1.760 kilomètres, le trajet de l'oléoduc a été conçu pour éviter un passage aussi bien par la Russie que par l'Iran, et le projet a été vivement soutenu par les autorités américaines.

Le consortium possédant la conduite est mené par le groupe pétrolier britannique BP, et rassemble notamment les sociétés pétrolières azerbaïdjanaise Socar, française Total, norvégienne Statoil, italienne Eni, japonaise Itochu et américaines Unocal, ConocoPhillips et Amerada Hess. Le financement du projet par les bailleurs internationaux avait pris du retard à cause de préoccupations sur les conséquences écologiques du projet, notamment en raison de son passage en Géorgie par la vallée de Borjomi, qui abrite une source d'eau minérale réputée.

LES PRESSIONS DIPLOMATIQUES EUROPÉENNES ONT CONDUIT À L’ARRESTATION D’UN SYRIEN PROCHE DES SERVICES SECRETS SYRIENS, RESPONSABLE DE L’IMMIGRATION CLANDESTINE DES KURDES EN MEDITERRANÉE


Le chef syrien d'une filière d'immigration clandestine en Méditerranée, responsable notamment de l'échouage de l’East-Sea en février 2001 sur la Côte d'Azur, avec 900 Kurdes à bord, a été arrêté et se trouve en prison à Damas, a, le 8 février, révélé Le Journal du Dimanche. Selon le journal dominical, qui s'appuie sur une enquête de trois ans, Majid (ou Abdelmajid) Berki, 30 ans, « qui se dit proche des services secrets syriens, a été arrêté chez lui à Damas il y a un mois à la suite d'une démarche conjointe des ambassadeurs français, italien et allemand auprès des autorités syriennes ».

L'homme, soupçonné d'avoir organisé l'échouage volontaire du vraquier cambodgien East-Sea avec 900 Kurdes syriens de rite yézidi près de Saint-Raphaël (Var) en 2001, mais également du Sam au sud de l'Italie l'année précédente avec 400 Kurdes à bord, et du Monica battant pavillon du Tonga en 2003 en Sicile avec 930 réfugiés clandestins, également kurdes, avait déjà été arrêté le 23 avril 2003 à Beyrouth, jugé par un tribunal militaire libanais et laissé en liberté, a précisé le journal.

En novembre 2003, « des pressions diplomatiques sont alors exercées par la France, l'Italie et l'Allemagne » et Abdelmajid Berki « a été mis sous les verrous ». « Avec les pays qui ne veulent pas coopérer en matière de lutte contre les filières d'immigration clandestine, c'est la seule manière d'avoir des résultats » ont affirmé des responsables du ministère français de l'Intérieur au Journal du Dimanche.

Seulement une petite fraction des 900 réfugiés, hommes, femmes, enfants, qui se trouvaient sur l'East Sea, échoué en 2001 près de Saint-Raphaël, ont souhaité rester en France où ils ont obtenu le statut de réfugiés politiques. La majorité d'entre eux a gagné l'Allemagne et les Pays-Bas où résident de fortes communautés kurdes syriennes.