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Bulletin N° 228 | Mars 2004

 

 

LA CONTITUTION PROVISOIRE IRAKIENNE RECONNAÎT L’AUTONOMIE DU KURDISTAN ET LE KURDE DEVIENT UNE LANGUE OFFICIELLE DE L’IRAK

Le Conseil intérimaire de gouvernement irakien (CIG) a, le 8 mars, approuvé à l'unanimité la Constitution provisoire du pays, faisant prévaloir l'unité sur les réserves des chiites, dans une étape cruciale du transfert du pouvoir fixé au 30 juin. La nouvelle Constitution irakienne est un texte unique au Moyen-Orient, qui s'inspire à la fois du fédéralisme canadien, de la législation égyptienne, du système parlementaire britannique et de la Charte des droits américaine.

La Loi fondamentale de transition précise que l'islam est l'une des bases de la loi, mais pas la seule comme le réclamaient des représentants chiites et ébauche les grandes lignes des institutions futures. Présentée comme la Constitution la plus libérale du monde arabe, elle restera en vigueur jusqu'à l'adoption d'une Constitution définitive l'an prochain. Le texte a été signé à Bagdad par les membres du CIG ou leurs représentants devant une assemblée de civils et militaires irakiens et américains, parmi lesquels l'administrateur civil de l'Irak, l'Américain Paul Bremer.

« C'est un moment historique, décisif dans l'histoire de l'Irak », s'est félicité le président en exercice du CIG, Mohammed Bahr al-Ulloum. Son collègue Massoud Barzani, président du Parti démocratique du Kurdistan, a renchéri: « Ce document va indubitablement renforcer l'unité irakienne comme jamais auparavant. C'est la première fois que nous, les Kurdes, nous sentons citoyens d'Irak ».

Cependant, Ibrahim al-Jaafari, représentant du Parti chiite al-Daawa, lisant une déclaration signée par 12 des 13 chiites du CIG (aux côtés de cinq Kurdes, cinq Arabes sunnites, un chrétien et un Turcoman), a tempéré ces ardeurs. « Notre décision de signer ce document s'accompagne de réserves. En réalité, nous avions le choix entre retarder la Constitution ou résoudre nos objections, en particulier concernant deux articles, dans une annexe » au texte, a-t-il déclaré. L'un de ces articles permet aux Kurdex ainsi qu’aux sunnites Arabes d'opposer leur veto à l'adoption de la future Loi fondamentale définitive même si le oui l'emportait au référendum. Au nom de la protection des minorités, le rejet de la Constitution définitive par une majorité de deux-tiers des électeurs des trois des dix-huit provinces de l’Irak aura ainsi valeur de veto. L'autre réserve porte sur le fait que tout amendement doit être approuvé par le chef de l'Etat, ses deux vice-présidents et trois quarts du Parlement qui sera élu d'ici au 31 janvier 2005.

Reste au CIG à s'accorder avec les autorités américaines sur la méthode de formation du gouvernement qui dirigera le pays jusqu'aux élections prévues d'ici au 31 janvier 2005. L'aide des Nations unies sera probablement nécessaire pour la mise en place de ce gouvernement intérimaire.

La communauté internationale a salué l'adoption par l'exécutif irakien de la Constitution provisoire, les seules fausses notes venant d'Irak où l'influent religieux chiite, l'ayatollah Ali Sistani, y a vu un « obstacle à une Constitution permanente » et de Turquie. Le gouvernement turc a déclaré n'être « pas satisfait » de la nouvelle Constitution et affirme qu'elle va déboucher sur davantage « d'instabilité » dans le pays. « La constitution intérimaire ne nous satisfait pas. Elle accentue nos préoccupations », a déclaré le ministre turc de la Justice Cemil Cicek qui n’apprécie guère le statut accordé aux Kurdes dans les futures institutions irakiennes.

Le président américain George W. Bush a félicité quant à lui les Irakiens pour avoir adopté la Constitution provisoire, une étape importante selon lui, vers le transfert de souveraineté le 30 juin. « Je félicite le Conseil de gouvernement et le peuple irakien pour avoir signé la loi administrative de transition pour l'Irak », a déclaré M. Bush dans un communiqué. Ce document « pose les bases d'élections démocratiques et d'une nouvelle Constitution qui sera rédigée par une assemblée irakienne élue et approuvée par le peuple irakien », a-t-il ajouté.

L'Iran, grand voisin de l'Irak qui a connu une guerre meurtrière lancée contre lui par Saddam Hussein en 1980, a souligné que ce texte représentait un « pas efficace dans le cadre du transfert du pouvoir aux Irakiens ». Cependant, deux députés kurdes iraniens dont Jalal Jalalizadeh, député de Sanandaj, ont déclaré le 10 mars, qu’une centaine de Kurdes iraniens ont été arrêtés à Mahabad, Boukan et Marivan à la suite de manifestations de soutien aux Kurdes irakiens après la signature de la Constitution provisoire irakienne qui leur accorde un statut d'autonomie.

En Arabie saoudite, le Conseil des ministres, présidé par le prince héritier Abdallah ben Abdel Aziz, a « émis l'espoir que la signature de la Constitution provisoire conduira à l'établissement d'un gouvernement indépendant, au retour de la souveraineté et de l'indépendance de l'Irak frère ». La Jordanie l'a qualifié aussi de « pas en avant » dans la restitution de la souveraineté aux Irakiens.

A Londres, le ministre des Affaires étrangères Jack Straw a également salué la signature de la loi fondamentale, estimant qu'elle traduisait le « puissant désir » du peuple irakien d'établir une société démocratique. A Paris, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hervé Ladsous, a formulé l'espoir que la nouvelle Constitution provisoire contribuerait « à consolider le processus de restauration de la souveraineté et l'établissement d'un Etat de droit en Irak ». La Russie, l'un des premiers à réagir, a souligné qu'elle créait une « base légale » pour le règlement de la situation dans le pays.

Voici les principaux points de l'accord sur la Constitution transitoire irakienne :

ELECTIONS

- Le document prévoit la tenue d'élections législatives d'ici au 31 janvier 2005 pour créer une assemblée parlementaire qui mettra sur pied un gouvernement et adoptera une Constitution définitive.

GOUVERNEMENT

- L'exécutif sera composé d'un président et de deux vice-présidents qui désigneront un Premier ministre et le gouvernement. Les décisions du président et de ses vice-présidents doivent être unanimes.

- Une annexe qui sera ajoutée à la Constitution transitoire détaillera le processus de création du gouvernement provisoire qui doit assumer la charge du pays après le 30 juin.

- Le texte fixe l'objectif, qui n'a pas valeur de quota, d'une représentation féminine d'au moins 25% dans la future assemblée nationale.

ISLAM

- Le texte affirme que l'islam est la religion officielle et sera une source de la loi mais pas la seule. Aucune loi adoptée après le 30 juin ne pourra contrevenir aux principes de l'islam.

DECLARATION DES DROITS

- L'accord comporte une déclaration des droits exhaustive de 13 articles, qui garantit notamment la liberté d'expression, de religion et de réunion.

FEDERALISME

Le document établit un système fédéral et laisse la possibilité aux 18 provinces du pays de s'unir pour former des régions fédérales. Il laisse la porte ouverte à la création d'une région chiite autonome au Sud à l'image du Kurdistan autonome au Nord.

Il reconnaît le gouvernement autonome kurde dans les trois provinces septentrionales du pays et fait du kurde une langue officielle de la République irakienne au même titre que l'arabe.

La Constitution précise qu'aucune milice indépendante ne sera autorisée, sauf dérogation spéciale du gouvernement, les peshmergas kurdes devront normalement être intégrées progressivement dans les forces de sécurité et dans l’armée.

Par ailleurs, les Kurdes d'Irak ont annoncé qu’ils refusaient tout changement dans la Constitution provisoire. « Nous n'accepterons aucun changement » dans ce texte fondamental, a affirmé, le 15 mars, Brousk Chawis, un proche collaborateur du chef du PDK Massoud Barzani, dans son bureau de Salaheddine. « Nous avons obtenu satisfaction sur des points très importants et il est hors de question de les remettre en cause », a-t-il ajouté. Il estime que toutes les composantes du pays doivent accepter des compromis comme les Kurdes l'ont fait. Il a cité, à cet égard, la question des villes de Kirkouk et de Mossoul. Ces deux villes, qui se trouvent dans l'une des deux régions de production de pétrole, sont revendiquées par les Kurdes, même si l'ancien régime de Saddam Hussein, a-t-il dénoncé, a pratiqué une politique d'expulsion de leurs habitants kurdes et d'arabisation de la population. M. Chawis a souligné que le PDK et l'UPK ont accepté que cette question soit gelée pour l'instant et soit réglée « pacifiquement » après la normalisation de la situation dans le pays. « Comme nous avons fait des concessions, nous attendons des chiites qu'ils fassent la même chose », a-t-il insisté.

Dans un entretien accordé à l'AFP à Salaheddine le 16 mars, Massoud Barzani, s'est félicité du fédéralisme instauré par la Constitution provisoire récemment adoptée à Bagdad, tout en réaffirmant « le droit de la nation kurde à l'indépendance ». M. Barzani s'est réjouit que « l'instauration de la démocratie » et « l'autonomie » du Kurdistan aient « débouché sur le fédéralisme dans la Constitution provisoire ». « Mais, comme nation, les Kurdes ont non seulement droit au fédéralisme, ils ont aussi tous les droits à l'indépendance », a ajouté M. Barzani qui a toutefois souligné que celle-ci n'était pas à l'ordre du jour en raison « des circonstances actuelles et des réalités du temps ».

Massoud Barzani a affirmé qu'il n'accepterait aucune modification « relative au Kurdistan et aux Kurdes » de la Constitution provisoire comme le réclament des factions chiites qui en rejettent plusieurs dispositions et notamment le dispositif - qui profite aux Kurdes - donnant aux deux tiers des électeurs de trois provinces un droit de veto sur la prochaine Constitution permanente. Il a estimé que les Nations unies « pouvaient jouer un rôle significatif » en Irak après le transfert de la souveraineté aux Irakiens le 30 juin prochain mais à la condition que l'organisation internationale agisse en coordination avec les Américains.

SYRIE : DES POGROMS ANTI-KURDES FONT DES DIZAINES DE VICTIMES

Les affrontements, qui ont débuté le 12 mars, et qui ont opposé pendant six jours des Kurdes aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes dans des régions kurdes du nord de la Syrie, ont fait 40 morts selon des sources kurdes, et 25 morts selon un bilan officiel syrien. Les troubles ont commencé à Qamichli, située à 600 km au nord-est de Damas, avant un match du championnat de football national, lorsque des partisans de l'équipe arabe ont défilé dans les rues de la ville en scandant des slogans hostiles aux dirigeants kurdes irakiens et en brandissant des portraits de Saddam Hussein. Les affrontements ont ensuite dégénéré dans les gradins du stade où les Kurdes accusent les forces de l'ordre d'avoir ouvert le feu sur eux, tuant six personnes et provoquant une bousculade au cours de laquelle trois enfants ont été piétinés. Le 13 mars, les manifestations de protestations contre la police ont tourné à l'émeute à Qamichli et Hassaké, siège du gouvernorat. Dans la ville de Qamichli, les entrepôts de blé de la ville ont été incendiés et livrés aux pillards. Les trois étages du bâtiment des douanes ont également été incendiés et des bureaux administratifs saccagés, des statues de Hafez Assad déboulonnées.

Selon Machaal Timo, membre du bureau politique du parti de l'Union du peuple kurde (interdit), des villages kurdes ont ensuite été attaqués par des membres de tribus arabes organisés par des services de renseignement baasistes qui se sont livrés à des actes de vendetta. Machaal Timo, précise que des affrontements meurtriers ont eu lieu la nuit du 17 mars à Alep et sa région (nord-ouest), mais aussi à Qamichli. « Depuis vendredi [le 12 mars], les affrontements, commencés à Qamichli, ont fait 30 morts kurdes dans les gouvernorats d'Hassaké (nord-est) et d'Alep », a indiqué Abdel Aziz Daoud, secrétaire général du Parti démocratique progressiste kurde (interdit). Salah Kiddo, autre membre de l'Union du peuple kurde, a confirmé ce chiffre et fait état de 250 blessés kurdes. Cinq Arabes syriens ont été tués, dont un responsable de la police, et dix autres blessés, dont cinq policiers, durant la même période, selon le gouverneur de la ville de Hassaké, Salim Kabboul.

Par ailleurs, des affrontements entre Kurdes et policiers syriens ont fait au moins 8 morts le 16 mars à Alep, lorsque les forces de police ont ouvert le feu sur des centaines de Kurdes qui manifestaient dans une rue du quartier Asharafyé pour commémorer le massacre de Halabja (Kurdistan irakien) où 5.000 Kurdes ont péri gazés par l'armée de Saddam Hussein en 1988.

Les autorités ont lié tous ces troubles, rares dans un pays gouverné d'une main de fer depuis 41 ans par le parti Baas, à « des idées importées » de l'étranger. L'éclatement de l'Irak est la crainte principale des officiels syriens qui s'inquiètent des retombées des tensions religieuses et ethniques sur leur pays. Ainsi, le président syrien Bachar al-Assad avait déclaré récemment que la création d'un Etat kurde en Irak serait une étape à ne pas franchir.

Lors d'une visite à Damas le 22 mars, la première visite d'un chef de la diplomatie irakienne en Syrie depuis la chute du régime de Saddam Hussein, le ministre des Affaires étrangères irakien, le Kurde Hoshyar Zebari, qui s’est entretenu avec Bachar al-Assad et avec son homologue syrien Farouk al-Chareh, a écarté toute implication de l'Irak dans ces affrontements. « Je nie catégoriquement que des Irakiens se soient infiltrés (à travers la frontière irako-syrienne) ou aient participé aux troubles regrettables qui ont eu lieu en Syrie », a affirmé M. Zebari lors d'une conférence de presse à Damas. « Nous n'intervenons absolument pas dans cette affaire. C'est une affaire intérieure syrienne », a poursuivi le ministre irakien qui s'est dit « confiant que les dirigeants syriens traiteraient cette question de façon à renforcer l'unité nationale syrienne et l'égalité » entre les différentes composantes du peuple syrien. Le ministre irakien a indiqué que son pays « avait fait son choix en faveur de la démocratie et de l'application des droits de l'homme », mais, l'Irak « ne va pas exporter la démocratie chez ses voisins, (...) ni intervenir pour créer des troubles », a-t-il poursuivi.

Dans un message adressé au président Assad, « l'ensemble des partis politiques kurdes de Syrie » ont accusé « certains responsables syriens » d'avoir avivé les affrontements entre Kurdes et Arabes. Les Kurdes de Syrie font l'objet de « provocations » et d'une campagne d'arrestations de la part des services de sécurité, ont affirmé le 25 mars onze formations interdites dans un communiqué conjoint. « Les services de sécurité poursuivent les provocations, les harcèlements et les arrestations de citoyens et de plusieurs symboles du mouvement national kurde », affirme le communiqué. Il cite notamment « le harcèlement qu'a subi plus d'une fois le secrétaire général du Parti kurde de Gauche, Kheireddine Mourad ». Soulignant que les formations kurdes ont « considérablement contribué à l'apaisement », le communiqué avertit que « ces provocations délibérées n'aident pas à la normalisation de la situation ».

L'avocat syrien Anouar Bounni, également militant des droits de l'Homme, a déclaré le 24 mars que des centaines de Kurdes, interpellés lors des troubles, demeuraient en détention. Ne pouvant fournir de chiffre exact, il a indiqué qu' « au moins un millier » de Kurdes sont détenus dans les prisons. « Les arrestations se poursuivent dans les régions de Qamichli et de Hassaké », dans le nord-est de la Syrie, contre la population kurde, a également déclaré Me Bounni. « Une atmosphère tendue règne dans ces régions car les autorités ont opté pour un règlement sécuritaire » du problème, a-t-il ajouté.

Abdel Aziz Daoud, secrétaire général du Parti démocratique progressiste kurde (interdit), a récemment déclaré que quelques six cents Kurdes syriens arrêtés lors des troubles avaient été libérés le 19 mars. Il a ajouté que « quelquse 1.500 autres demeurent en détention dans les gouvernorats de Hassaké (nord-est) et Alep (nord-ouest) ».

De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères Farouk al-Chareh, qui s'adressait le 23 mars à la presse à l'issue d'un entretien avec le président égyptien Hosni Moubarak, auquel il a remis un message de son homologue syrien Bachar al-Assad, a affirmé au Caire qu'il ne pouvait pas lier les troubles aux pressions américaines, et assuré que la crise était terminée. « Les troubles sont terminés, et je ne peux pas dire qu'ils étaient liés aux menaces américaines contre la Syrie, mais il y avait des éléments infiltrés », a déclaré le ministre en réponse à une question d'un journaliste. « La majorité des Kurdes syriens ont condamné ces actes et la situation est calme actuellement à Qamichli, Alep et dans le nord de la Syrie. Il n'y a aucun problème avec les Kurdes », a assuré le ministre.

Le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam avait accusé des « parties étrangères », qu'il n'a pas identifiées, d'exploiter les troubles.

Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), l'une des deux principales formations kurdes d'Irak, a dénoncé le 14 mars la violence et le recours à la force à Qamichli. « Tout en insistant sur la fraternité et la coexistence pacifique entre Kurdes et autres peuples, nous appelons toutes les parties à renoncer à la violence et au recours à la force comme moyens de résoudre les conflits », souligne le PDK de Massoud Barzani, dans un communiqué. Après avoir présenté ses condoléances aux familles des victimes, le PDK a appelé, dans son communiqué publié par son quotidien Al-Taakhi (Fraternité) publié à Bagdad, à « renforcer la fraternité, la coexistence pacifique et le respect entre Kurdes et autres peuples pour préserver la paix et la sécurité dans la région ».

A Erbil, au Kurdistan irakien, plusieurs milliers de Kurdes ont réclamé l'intervention de l'Onu et des Américains pour défendre les Kurdes en Syrie. A Washington, le porte-parole adjoint du département d'Etat, Adam Ereli, a appelé la Syrie à cesser sa répression des Kurdes. « Nous avons fait savoir nos inquiétudes (à Damas), et nous appelons le gouvernement de Syrie à cesser de réprimer les manifestations politiques non-violentes en Syrie (...) », a-t-il déclaré affirmant que les Kurdes protestaient contre « l'inégalité des droits ». Il a accusé les forces de Damas « d'avoir non seulement blessé et tué des manifestants », mais aussi d'avoir profité de ces événements pour « étendre la répression sur les villes à majorité kurde ».

Les Kurdes de Syrie représentent environ 10 % de la population du pays qui compte 18 millions d'habitants et font l'objet d'une politique discriminatoire. Outre la reconnaissance de leur différence culturelle par rapport aux Arabes, ils demandent à être traités comme des citoyens à part entière en revendiquant des droits politiques et administratifs « dans le cadre de l'intégrité territoriale du pays ». Quelques 300.000 d'entre eux qui vivent en Syrie depuis des générations ont été arbitrairement déchus de la nationalité syrienne dans le cadre de la politique baasiste d’arabisation forcée de la province kurde de Djézireh. Leur statut d'apatrides les prive des droits civils et civiques. L'état d'urgence et la loi martiale est en vigueur depuis plus de quatre décennies en Syrie.

ELECTIONS MUNICIPALES EN TURQUIE : SUCCÈS DU PARTI ISLAMISTE AU POUVOIR, TANDIS QUE LE PARTI PRO-KURDE PERD DU TERRAIN

Les élections municipales organisées le 28 mars en Turquie ont conforté l'assise politique du parti de la Justice et du Développement (AKP). Le parti, créé il y a moins de trois ans, avait déjà remporté une victoire retentissante aux élections législatives de novembre 2002.

Les résultats créditent le Parti de la justice et du développement (AKP) de 42 % des suffrages. Le Parti républicain du peuple (CHP) n'obtient que 18 %. L'APK, qui se veut un parti « musulman-démocrate », a remporté 58 des 81 provinces en jeu, dont la capitale Ankara et la plus grande ville du pays, Istanbul. Le berceau de l'AKP se trouve en province, où le sentiment religieux est très ancré, mais tant à Ankara qu'à Istanbul, le parti devançait nettement ses rivaux. A Ankara, il a remporté plus de la moitié des suffrages exprimés avec 55% des voix et à Istanbul, il a recueilli 45,28 %. « La Turquie a voté une fois encore pour la stabilité et le développement. Notre parti a élargi sa base », a déclaré M. Erdogan à la presse, estimant que cette victoire montrait que son gouvernement était « stable » et « puissant ». Toutefois, a-t-il ajouté pour rassurer ceux qui craignent une influence religieuse sur la politique du gouvernement, « cela ne nous fera pas tourner la tête (...) Notre objectif premier est de servir notre pays ». Le CHP a remporté 8 provinces avec 18 % des voix au niveau national, le parti social-démocrate populaire (SHP) qui regroupait sous sa bannière une alliance de six partis comprenant le parti pro-kurde démocratique du peuple (DEHAP), a, quant à lui, pris 5 provinces avec 5,07 % des voix au niveau national. Le parti de l’Action nationaliste (MHP, ultranationaliste) remporte 4 provinces avec 10,3% des voix et le parti de l’ancien Premier ministre turc Bulent Ecevit conquiert 3 provinces avec 2,2 % des voix au niveau national, doublant son score des législatives. Le parti de la Juste Voie (DYP) de l’ancien Premier ministre Tansu Çiller, récolte avec 10,2 %, une province et le parti du Bonheur (SP), ne remporte qu’une province avec 3,9 % des voix. Le parti du Bonheur de l’ancien Premier ministre islamiste Necmettin Erbakan a même perdu la province de Konya, bastion du parti, au profit de l’AKP, qui récoltait dans cette ville 63 % des voix.

Des violences sporadiques ont marqué le scrutin dans certains districts kurdes et la télévision NTV a rapporté que quatre hommes avaient été tués dans des incidents distincts motivés par des rivalités politiques. Plus de 100 personnes ont été blessées dans des bagarres. De plus, neuf journalistes qui couvraient la répression d'une manifestation dénonçant des fraudes électorales ont été violemment frappés par la police à Diyarbakir. Trois journalistes ont dû être hospitalisés. L’association Reporters sans frontières s’est indignée de ces violences perpétrées contre des journalistes qui ne faisaient que leur métier. Vers 23 heures, après la fermeture des bureaux de vote, des militants du Parti Démocratique du peuple (DEHAP) se sont rassemblés aux abords du palais de justice de Diyarbakir, accusant les forces de l'ordre d'avoir truqué le scrutin local qui venait d'avoir lieu. Dans plusieurs districts, des bulletins tamponnés SHP ont été retrouvés dans des poubelles. Les policiers ont commencé par disperser avec violence la manifestation, puis se sont attaqués aux journalistes qui couvraient les troubles. Hakim Cetiner, cameraman pour les chaînes de télévision nationales SKY Turk et Show TV, Saban Boz, journaliste de Show TV, Besir Ariz, Faysal Karadeniz, Ahmet Bulut et Bayram Bulut, du quotidien local Soz et de la chaîne locale Soz TV, Mehmet Sirin Hatman, cameraman de l'agence de presse prokurde Dicle Haber Ajansi (DIHA) et Bahire Karatas, reporter de DIHA, ainsi que Firat Duzgun, de la chaine locale Gun TV, ont été frappés à coups de bâton et de chaîne. Mehmet Sirin Hatman et Bahire Karatas ont été hospitalisés et souffrent de fractures aux bras. La police a également endommagé les caméras et tenté de confisquer les films des journalistes.

Suleyman Anik, un maire kurde nouvellement élu à Dargecit, a été arrêté le 30 mars au soir « après la découverte de documents du PKK, rebaptisé Kongra-Gel, faisant état de ses liens avec l'organisation séparatiste interdite », selon le bureau du gouverneur de la province de Mardin. M. Anik, qui avait été maire de la ville au début des années 1990, s'était réfugié en Suède en 1992 lorsque les autorités l'avaient accusé une première fois de liens avec le PKK. Déchu de sa nationalité en 2001, il l'avait retrouvée l'année suivante et était rentré au pays.

L'AKP, qui à déjà une large majorité au Parlement turc et domine la scène politique turque, devrait être encouragé pour poursuivre sur la voie des réformes, par exemple en abolissant les cours de sûreté de l'Etat et en limogeant les représentants de l'armée qui siègent au Conseil supérieur de l'éducation. Ce succès devrait aussi l'aider dans les discussions sur la réunification de Chypre, où les militaires craignent qu'Ankara « ne brade les intérêts turcs ». Le Premier ministre turc doit cependant compter avec les militaires, très influents, qui se méfient de son parti en raison de ses racines islamistes, mais aussi avec l’aile conservatrice et nationaliste de son parti. Les dirigeants de l'Union européenne doivent décider en décembre si la Turquie a fait suffisamment de progrès dans le domaine des droits de l'homme et des libertés politiques pour ouvrir des discussions d'accession. L'AKP peut depuis se targuer d'une croissance économique significative et du taux d'inflation le plus bas en un quart de siècle, ce qui a valu à la Turquie le soutien de son principal créancier, le Fonds monétaire international, et de l'Union européenne.

Par ailleurs, le général Hilmi Ozkok, chef d'état-major des forces armées qui, se considèrent comme les propriétaires de l’Etat et gardiennes de son idéologie officielle, « les principes immortels d’Ataturk », a clairement indiqué que les militaires restaient vigilants face à toute menace visant la République laïque. « Nous avons été par le passé et continuerons d'être les garants (de la Turquie) », a déclaré le général Ozkok à la chaîne de télévision CNN Turk.

Voici les résultats obtenus dans les provinces kurdes et dans les grandes villes en Turquie. Le parti pro-kurde DEHAP, qui était présent aux élections sous la bannière d'une alliance- L’Union des forces démocratiques- de six partis et sous l’étiquette de SHP, a enregistré des revers, en perdant les provinces kurdes d’Agri, de Bingol, de Siirt et de Van au profit du parti de la Justice et du Développement (AKP). Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, n’avait pas manqué pendant la campagne de marteler que les municipalités conquises par son parti auront le privilège de bénéficier des subventions de l’Etat. Beaucoup de Kurdes n’ont pas non plus apprécié l’alliance avec le parti social-démocrate populaire (SHP) dont les leaders ataturkistes avaient abandonné les anciens députés kurdes du parti de la démocratie (DEP-dissous) et jouer de faire-valoir « démocratique » à un gouvernement de coalition qui a, sous la conduite de Tansu Çiller, mené une guerre féroce au Kurdistan. L’alliance des forces démocratiques a de plus remporté 30 districts et 31 cantons et a permis l’élection de la seule femme à la tête d’une grande municipalité, Songül Erol Abdil, à Tunceli (Dersim).



TABLEAU ELECTIONS





SHP : parti social-démocrate populaire comprenant le parti pro-kurde DEHAP AKP : parti de la Justice et du Développement au pouvoir CHP : parti Républicain du peuple, seule opposition au Parlement DYP : parti de la Juste Voie de Tansu Çiller SP : parti du Bonheur de l’ancien Premier ministre islamique N. Erbakan MHP : parti de l’Action nationaliste (ultra-nationaliste) GP : parti Jeune Indep : Indépendant

LES KURDES CÉLÈBRENT LEUR NOUVEL AN, LE NEWROZ

Depuis la nuit des temps, les Kurdes et les peuples du plateau iranien (Persans, Afghans, Tadjiks) marquent l’equinoxe du Printemps avec des festivités qui peuvent durer plusieurs jours. Dans la tradition kurde, il s’agit de fêter la victoire des forces des lumières et du Bien sur celles des ténèbres et du Mal. La légende du forgeron Kawa soulevant le petit-peuple contre le tyran Dahak et mettant fin au règne sanguinaire de celui-ci au premier jour du Printemps donne à cette fête traditionnelle un contenu libérateur qui a traversé les siècles.

C’est en raison de ce contenu politique de révolte contre l’oppression que les célébrations du Newroz ont été interdites jusqu’à la fin des années 1990 en Turquie et en Syrie. Puis changeant son fusil d’épaule, Ankara a choisi de récupérer cet événement en lui donnant comme en Iran un contenu folklorique et traditionnel.

Cette année, des centaines de milliers de Kurdes de Turquie ont célébré le 21 mars dans le calme le Newroz, marqué dans le passé par des tensions et des affrontements meurtriers avec les forces de l'ordre turques. Le rassemblement le plus important a réuni quelques 700.000 personnes à Diyarbakir près de 3.000 policiers anti-émeutes surveillaient les festivités. Celles-ci ont également été autorisées pour la première fois depuis 12 ans dans la province de Sirnak, l'une des plus agitées. En 1992, une centaine de personnes avaient été tuées par les forces turques à Cizre pendant les festivités du Newroz. En 2002, une charge de la police sur des manifestants avait fait deux morts et des dizaines de blessés.

Les Kurdes de Syrie ont marqué dans le deuil la fête de Newroz, en raison des affrontements sanglants qui ont opposé pendant six jours des Kurdes à des tribus arabes et aux forces de l'ordre. Le collectif rassemblant onze partis kurdes en Syrie a décidé d'annuler les festivités devant marquer le Newroz et d'observer le « deuil » pour les victimes des heurts du 12 au 17 mars. Le collectif demande également aux Kurdes « de ne pas allumer des feux dans les quartiers résidentiels, conformément aux traditions marquant la nouvelle année ». Malgré cela, de jeunes Kurdes mettaient le feu en soirée à des pneus et à des tas de bois, au bord des routes. Le collectif a réclamé « que cessent les provocations des forces de sécurité, de l'armée, de la police et des milices du parti Baas (au pouvoir) » et a lancé un « appel urgent pour sortir le pays de la situation dangereuse où il se trouve ».

Les Kurdes irakiens, endeuillés par les attentats de février à Erbil, ont célèbreré avec discrétion le Newroz, qui coïncide avec l'anniversaire du début de la guerre en Irak. Tous les habitants ont célébré leur principale fête civile, mais il n'y a pas eu de manifestation publique après les sanglants attentats suicide qui ont coûté la vie à 105 personnes le 1er février à Erbil. Cependant, un peu partout les familles se sont rendues dans les parcs et jardins publics ou dans les prairies pour pique-niquer en ce jour de férié au Kurdistan irakien.

Le Newroz a été célébré par des concerts, des soirées musicales, des danses et des réceptions dans toutes les communautés kurdes d’Europe, d’Amérique, d’Asie, d’Australie et du Proche-Orient. À Paris, Bertrand Delanoë, Maire de Paris, Pierre Schapira, adjoint au maire chargé des affaires internationales et de la francophonie et Mme Khédidja Bourcart, adjointe au Maire chargée de l’intégration et des étrangers non communautaires, ont accueilli pour la première fois, à l’Hôtel de ville de Paris, les festivités de Newroz. A l’initiative de l’Institut kurde de Paris, une célébration a réuni le 29 mars les Kurdes, les Iraniens, les Afghans et les Tadjiks dans la salle des fêtes de l’Hôtel de ville, où des groupes musicaux kurde, iranien, afghan et azéri ont animé une soirée festive qui a réuni 1 700 participants. Le Maire de Paris, assisté de deux adjoints, a honoré de sa présence cette cérémonie et y a prononcé un discours chaleureux. Ainsi, après le nouvel an chinois, le nouvel an kurde fait aussi parti du calendrier des fêtes de la ville de Paris.

PROCÈS DES DÉPUTÉS KURDES : LEYLA ZANA ET SES COLLÈGES REFUSENT DE SE PRÉSENTER AUX AUDIENCES

La 12ème audience du procès des anciens députés kurdes du parti de la Démocratie (DEP- dissous) s’est, le 12 mars, déroulée pour la première fois sans la présence de Leyla Zana et de ses collègues. Les anciens députés ont refusé de se présenter devant la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) n°1 d’Ankara pour protester contre les conditions de ce rejugement où leur sort est scellé d’avance. Le président de la cour, Orhan Karadeniz, après avoir obtenu un document officiel attestant la volonté expresse des anciens députés a décidé de reprendre le procès.

Une délégation du Parlement européen, composée de Mme Feleknas Uca et de Luici Vinci, de même que Philip Kaplan, chef du département politique de l’Ambassade des Etats-Unis aussi bien que des personnalités politiques kurdes et la famille des députés étaient toutefois présents dans la salle d’audience.

Au cours de l’audience, il a été procédé à la lecture de la déposition d’Ali Dursun, incarcéré à la prison de Bursa et recueillie par la cour criminelle de Bursa. Ce dernier a expressément démenti les propos de son père, Abdullah Dursun, chef des protecteurs de village, qui avait accusé Leyla Zana d’avoir forcé son fils à intégrer le PKK. L’intéressé a déclaré qu’il était navré que son nom soit instrumentalisé par son propre père, qu’il ne connaissait Leyla Zana que par la presse et qu’en aucune manière il n’a été forcé à adhérer au PKK. Il a également affirmé que durant ses 21 jours de détention en garde-à-vue, il a été torturé pour qu’il accable les anciens députés du DEP.

Le représentant principal de la défense, Yusuf Alatas, a, pour sa part, soumis à la cour une déclaration clarifiant les raisons qui ont poussé les députés à ne plus se présenter au procès. Il a ainsi affirmé que les anciens députés ne croyaient pas en un procès équitable et impartial et pourtant ils n’avaient jamais eu une posture outrageante vis-à-vis des juges. Il a également déclaré qu’ils avaient tout fait pour rester dans le cadre juridique et ne pas déborder sur le champ politique dans cette affaire.

Yusuf Alatas a confirmé que Leyla Zana et ses collègues ne se présenteront plus à la cour pour les prochaines audiences mais que les avocats seront présents pour les défendre du mieux qu’ils puissent, même s’ils ne peuvent jamais combler leur absence.

Le procureur de la République, Dilaver Kahveci, est intervenu pour s’opposer à toute libération des anciens députés et a d’ores et déjà requis leur condamnation estimant qu’aucun élément nouveau n’avait été apporté au cours des différentes audiences.

La cour a une nouvelle fois et sans surprise rejeté la demande de libération des députés kurdes et a ajourné au 2 avril le procès. La Cour devrait alors procéder à la dernière audience de Leyla Zana et de ses collègues emprisonnés depuis 10 ans à la prison centrale d’Ankara

Le 2 mars, date anniversaire de leur dixième année d’incarcération, les familles des députés s’étaient rendues à la prison d’Ankara avec quelques bouquets de fleurs. Le personnel penitentier avait refusé les bouquets destinés aux anciens députés et « placé en garde-à-vue » les fleurs.

Dans le projet de rapport présenté par le député européen Arie Ooslander le mardi 16 mars et voté le lendemain par la Commission des affaires étrangères et des droits de l’homme, le Parlement européen « déplore le déroulement de la nouvelle procédure engagée contre Mme Leyla Zana, lauréate du prix Sakharov, et contre trois autres ex-députés du Parti de la démocratie (DEP) et y voit un symbole du fossé qui existe entre le système juridique turc et celui de l'UE ».

IL Y A 16 ANS HALABJA : PAUL BREMER ET JEREMY GREENSTOCK SE RECUEILLENT DANS LA CITÉ MARTYRE

Au Kurdistan irakien, des centaines de Kurdes ont fait le voyage en car pour déposer des fleurs devant le monument aux morts récemment construit à Halabja, et sur lequel flotte le drapeau kurde. L'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, a aussi fait le déplacement et les habitants de Halabja ont apprécié cet hommage. L'administrateur américain Paul Bremer s'est recueilli devant le monument alors que l'exécutif irakien promettait qu'un tel massacre ne se reproduirait plus. M. Bremer, le numéro deux de la coalition, le Britannique Jeremy Greenstock, et Jalal Talabani, chef de l'Union patriotique du Kurdistan ont visité une exposition sur le massacre et parlé avec des proches des victimes. L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) avait annoncé que les cérémonies de Halabja seraint réduites au strict minimum par crainte des attentats.

A cette occasion, le Conseil de gouvernement irakien a assuré que « Halabja restera dans la mémoire des Irakiens comme un symbole de la sauvagerie du régime déchu ». « Ce genre de crimes horribles ne doit pas se reproduire dans l'Irak démocratique, pluriel et fédéral », précise un communiqué.

La population d'Erbil a observé cinq minutes de silence à la mémoire des victimes de Halabja. Les autorités d'Erbil n'ont prévu aucune manifestation publique par crainte d'attentats. Cependant, plusieurs dizaines d'étudiantes et étudiants de l'université Salaheddine d'Erbil, originaires de Halabja, ont manifesté devant le Parlement régional pour demander de châtier des responsables des bombardements, notamment Ali Hassan al-Majid, appelé "Ali le chimique", cousin de Saddam Hussein et son pro-consul au Kurdistan à l'époque. Ils ont dénoncé la passivité de l'Occident au moment du massacre. La circulation a été totalement interrompue dans les rues de la ville, tandis que les passants se figeaient dans le recueillement en mémoire des victimes - surtout des femmes et des enfants. Dans une pétition, les étudiants demandent l'indemnisation des familles des victimes et la création d'une commission médicale chargée d'évaluer les séquelles qui affectent toujours les survivants de la tragédie.

Des cérémonies commémoratives ont eu lieu dans d’autres régions du Kurdistan et en Europe. En Turquie, la police a, le 16 mars, procédé à de nombreuses interpellations dont des étudiants désireux de marquer l'anniversaire du massacre de Halabja devant l'Université d'Istanbul. Elle est intervenue avec rudesse, utilisant des gaz lacrymogènes et faisant usage de matraques, et interpellant de nombreuses personnes qui scandaient des slogans pro-kurdes.

PARIS : CONFÉRENCE INTERNATIONALE « Où VA L’IRAK ? LE PROCESSUS DE RECONSTRUCTION ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE : ETAT DES LIEUX, PROBLÈMES ET PERSPECTIVES »

L’institut kurde de Paris en partenariat avec la Fondation France-Libertés a, le 5 mars, organisé à Paris, une conférence internationale sur le thème « Où va l’Irak ? Le processus de reconstruction économique et politique : état des lieux, problèmes et perspectives ».

Près d’un an après la chute du régime de Saddam Hussein où va l’Irak ? Qu’est-ce qui a changé au niveau de la vie quotidienne des Irakiens ? Où en est-on dans le domaine de la reconstruction des infrastructures, du fonctionnement des services de base, des écoles, des universités, des hôpitaux ? Comment évolue la situation de l’insécurité ? Comment la société civile arrive-t-elle à s’organiser malgré les attentats et les problèmes d’insécurité ? Comment les Irakiens usent-ils des libertés nouvellement acquises d’association, d’expression et de manifestation ? Quels sont les problèmes du processus de transition vers un gouvernement irakien souverain ? Y a-t-il un risque d’éclatement d’Irak ou celui-ci parviendra-t-il à assurer son unité en se dotant d’institutions fédérales permettant aux Kurdes et aux autres peuples longtemps opprimés de gérer leurs propres affaires ? Où en est le débat constitutionnel sur le fédéralisme ? Quel est le sort des communautés chrétiennes et comment garantir leurs droits et leur sécurité ?

Pour répondre à ces questions et à bien d’autres qui se posent à propos de l’Irak, d’éminentes personnalités irakiennes, pleinement engagés dans le processus de reconstruction de leur pays et de son avenir se sont déplacés à Paris pour contribuer à l’information du public français.

La conférence a été inaugurée par Mme Danielle Mitterrand, présidente de la Fondation France-Libertés par un message de bienvenue, puis présentée et introduite par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris.

Elle a été articulée autour de quatre tables rondes. La première présidée par Jonathan Randal, journaliste, ancien correspondant du Washington Post au Proche-Orient, sur le thème de « La reconstruction de l’Irak : état des lieux » a réuni Dr. Fuad Hussein, conseiller spécial du ministre de l’Éducation nationale du Gouvernement intérimaire irakien, venu spécialement d’Irak, tout comme, le Père Rabane Qas, évêque d’Amadia (Kurdistan). Le premier a passé en revue les difficultés rencontrées sur le terrain en matière d’éducation et les avancées, telles que l’impression de millions de nouveux livres scolaires débarrassés de portraits de Saddam Hussein et des références à l’idéologie baasiste. Il a aussi évoqué, chiffres à l’appui, l’amélioration considérable des conditions de vie et de travail des enseignants dans l’Irak nouveau. Le second, représentant la communauté chrétienne, a rassuré l’opinion publique sur la situation des Chrétiens en Irak et tout particulièrement au Kurdistan. Parlant en français, en kurde et en araméen, il a invité la France à contribuer à la reconstruction de l’Irak et à la promotion de la langue et de la culture française au Kurdistan.

Par ailleurs, Mme Nasreen S. Berwari, ministre des Travaux publics et des Municipalités du Gouvernement intérimaire irakien, prévue pour le débat, a été retenue à Washington. Elle a cependant envoyé son intervention qui a été lue dans la conférence.

La seconde table ronde de la matinée a été consacrée aux questions de la justice, de Constitution et des institutions sous l’interrogation de « Quelle justice pour les responsables de l’ancien régime ? ». Présidée par Me Daniel Jacoby, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la table ronde a accueilli deux personnalités venues tout spécialement de l’Irak. D’abord, Dr. Dara Noureddin Bahaaddin, magistrat, président de la Commission des lois du Conseil de gouvernement irakien et puis Mme Hania Mufti, directrice pour l’Irak de Human Rights Watch. Dr Bahaddin qui a supervisé la rédaction de la Constitution irakienne et des textes créant la cour spéciale chargée de juger les anciens baasistes, a parlé des crimes du régime et des conditions qui doivent être réunies pour leur jugement en Irak. Il a également souligné que « le droit des Kurdes à l’autodétermination » reste légitime et imprescriptible mais que ce droit reste compatible avec une union librement consentie au sein d’un Irak démocratique et fédéral. Mme Mufti, quant à elle, a mis en relief le travail de son organisation dans la découverte des charniers en Irak et l’identification des corps retrouvés et énuméré les critères et conditions qui doivent présider à un jugement équitable des responsables de l’ancien régime irakien. De son côté, André Poupart, professeur de droit à l’Université de Montréal, a analysé les conditions d’un jugement équitable, son rôle d’événement fondateur d’un ordre juridique et d’un Etat de droit nouveau.

Dans l’après-midi, le premier débat s’est porté sur « l’avenir politique et institutionnel de l’Irak » sous la présidence de Gérard Chaliand, écrivain, expert en géopolitique, qui a fait de nombreux voyages en Irak avant et après la guerre.

Parmi les intervenants, Peter Galbraith, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Croatie, conseiller spécial du Gouvernement régional du Kurdistan, a mis en relief la situation du Kurdistan irakien et les aspirations kurdes à l’indépendance, l’incapacité de l’Administration américaine à prendre en compte ces aspirations et à mettre en place une politique crédible de transition ver la démocratie. Pour lui, les Kurdes veulent rester Kurdes et l’Etat irakien reste artificiel. Dr. Najmaldine O. Karim, président de l’Institut kurde de Washington, a ensuite apporté son éclairage sur le même thème et souligné la difficulté d’arriver à un compromis raisonnable avec les représentants arabes, chiites et sunnites. Puis, il a évoqué la situation à Kirkouk où plus d’un an après la chute du régime baasiste, ses principales victimes, les Kurdes, ne peuvent toujours pas regagner leur foyer et reprendre leurs maisons et biens spoliés.

Par ailleurs, Yonadam Y. Kanna, président de la Commission des Affaires sociales du Conseil de gouvernement irakien, a été représenté par son adjoint au Conseil, William Warda et Dr. Mowaffak al-Rubaie, président de la Commission des Affaires étrangères du Conseil de gouvernement intérimaire irakien, empêché de venir à Paris en raison des attentats de Bagdad et de Kerbala qui ont touché ses proches, a fait parvenir un texte dans lequel il a affirmé que « la violence et la terreur ont été le ciment qui ont maintenu l’Irak comme un pays centralisé ». M. Al-Rubai s’est prononcé pour un Irak fédéral avec cinq « grandes unités régionales » : deux au nord, la « province du Kurdistan », et la « province de Mossoul », une au centre « le grand Bagdad », et deux au sud, « la province de Kufa », et enfin « la province de Bassorah ».

Enfin, une dernière table ronde s’est donnée pour objectif d’amorcer la réflexion collective sur le rôle que pourraient jouer la France et l’Union européenne dans la reconstruction de l’Irak, étant entendu que de nombreux pays de l’Union, comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Danemark y apportent déjà une contribution multiforme. Introduite et dirigée par Dominique Moïsi, directeur adjoint de l’institut français des relations internationales (IFRI), la table ronde a réuni Mme Mitterrand mais aussi Pascal Bruckner, l’écrivain et philosophe français qui n’a pas hésité à critiquer les média et le gouvernement français, les premiers pour le traitement partial de l’information sur l’Irak et le second pour avoir pris la défense du statu quo en Irak. Aymeri de Monstesquiou, sénateur du Gers, un des rares hommes politiques français qui a fait plusieurs voyages au Kurdistan et en Irak avant le conflit, s’est employé à expliquer aux participants la position de la France.

La conférence a été conclue par Kendal Nezan, le président de l’Institut kurde de Paris. Plus de 400 personnes, dont de nombreux journalistes, français, anglo-saxons, kurdes, turcs, assyro-chaldéens, mais également des diplomates ont participé à la conférence, traduite simultanément en anglais et en français. Les interventions ont été suivies de débats avec la salle afin d’approfondir les questions abordées et de favoriser l’échange des idées.

Les textes des principales interventions de cette conférence sont disponibles sur le site Internet de l’Institut kurde : www.institutkurde.org

LE RAPPORT RÉGULIER 2003 DU PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE À LA TURQUIE D’ÉLABORER UNE NOUVELLE CONSTITUTION

Le rapport régulier 2003 de la Commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion, élaboré et présenté le 19 mars par le député européen Arie M. Oostlander, a été, le 1er avril, adopté par 212 voix contre 84 en session plénière du Parlement européen. Le rapport considère que « malgré une forte résistance, des initiatives courageuses ont été prises depuis la résolution antérieure, mais que des réformes et une application effective de celles-ci s'imposent encore sur de nombreux terrains ».

Le Parlement européen considère « qu'en dépit de la détermination du gouvernement, la Turquie ne satisfait pas encore aux critères politiques de Copenhague; qu'un cadre clair devant garantir les droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels n'a toujours pas été mis en place… » Le rapport note que La Turquie a conservé une « Constitution adoptée en 1982 pendant le régime militaire et fortement marquée du sceau de l'autoritarisme » et considère que de « nombreux pays qui adhéreront à l’Union européenne en mai 2004 (entre autres la Pologne) ont procédé à l’adoption de nouvelles Constitutions, ayant considéré cet exercice comme un point de départ du processus de réforme et de modernisation de leur société et de leur État »

« Conscient que le respect des critères politiques de Copenhague constitue une condition indispensable à l'ouverture de négociations d'adhésion », Le Parlement européen se « félicite de la motivation profonde et de la volonté politique du gouvernement AKP et de la grande majorité du Parlement d'appliquer des réformes révolutionnaires pour la Turquie » et fait valoir que « ces réformes ne sauraient être jugées qu'à l'aune de leur transposition effective dans les pratiques quotidiennes à tous les niveaux du système judiciaire et de sécurité ainsi que de l'administration civile et militaire… ». Le rapport « estime que la limitation du pouvoir politique et social de l'armée est un processus difficile mais inévitable; considère que la position actuelle de la Turquie dans le conflit chypriote est aussi le reflet du pouvoir politique de l'armée… Se félicite de ce que le gouvernement est en train de placer les dépenses de défense sous contrôle parlementaire; est toutefois préoccupé par l'influent réseau, formel et informel, de l'armée, notamment de groupes de réflexion, d'entreprises (OYAK) et de fonds, qui pourrait constituer un obstacle à la réforme de l'État… »

« Insiste auprès du gouvernement pour que les conseils actuels de l'Enseignement supérieur (YÖK) et de l'Audiovisuel (RTÜK), qui fonctionnement comme des organisations de chiens de garde, soient transformés en nouveaux conseils, totalement civils ne faisant l'objet d'aucun contrôle de la part de l'armée, sur le modèle et conformément aux normes de ceux des pays de l'UE… »

Le Parlement européen « met l'accent sur la nécessité à la fois de respecter pleinement le droit international et d'accepter la primauté du droit communautaire sur le droit national (ambiguïté de l'article 90 de la Constitution) ». Les députés européens invitent une nouvelle fois « la Turquie à mettre en œuvre sans délai les décisions pendantes de la Cour européenne des droits de l'homme et fait valoir qu'il n'y a pas de marge pour le non-engagement ou une interprétation propre »

Le rapport « déplore le déroulement de la nouvelle procédure engagée contre Mme Leyla Zana, lauréate du prix Sakharov, et contre trois autres ex-députés du Parti de la démocratie (DEP) et y voit un symbole du fossé qui existe entre le système juridique turc et celui de l'UE; renouvelle sa demande d'amnistie pour les prisonniers d'opinion (notamment de Leyla Zana et des trois autres ex-députés d'origine kurde) », « condamne les poursuites politiques pouvant aller jusqu'à l'interdiction, à l'égard de partis politiques tels que le HADEP et le DEHAP, qui constituent une atteinte à la liberté d'expression, d'organisation et de réunion »

« Demande que le système électoral permette d'assurer la pleine représentation démocratique de toute la population, notamment en ce qui concerne la population kurde et d'autres minorités »

« Constate que la torture et les mauvais traitements ont toujours cours; rappelle la politique de tolérance zéro du gouvernement en ce qui concerne la torture; déplore qu'on n'ait guère progressé sur le plan de la mise en examen des tortionnaires; insiste sur la nécessité de consentir des efforts éducatifs pour faire évoluer les mentalités des agents et des forces de l'ordre afin d'assurer le strict respect du droit ; condamne l'intimidation et le harcèlement constant des militants des droits de l'homme et des organisations de défense des droits de l'homme par certaines autorités »

« Attend attentivement l'application promise du droit d'émettre dans d'autres langues que le turc; invite le Conseil de l'audiovisuel (RTÜK) à faire preuve de souplesse dans le traitement des demandes d'émission dans les diverses langues et les divers dialectes et à ne pas établir des obstacles ou des restrictions supplémentaires »

« Invite les autorités turques à s'investir davantage dans l'application rapide et exhaustive des changements législatifs concernant les droits culturels devant permettre l'enseignement dans des langues (traditionnelles) autres que le turc et leur utilisation dans les médias; souligne la signification de ces réformes pour la population kurde (la minorité la plus nombreuse); attend des autorités qu'elles fournissent les moyens nécessaires pour stimuler le développement socio-économique des régions kurdes, en particulier dans le sud-est de la Turquie, de manière à créer un environnement devant permettre à la population kurde de construire un futur pacifique et prospère »

« Craint que la frilosité turque en ce qui concerne l'article 27 de la Convention sur les droits politiques et civils ne limite considérablement le champ d'application du droit des minorités ethniques, religieuses et linguistiques d'avoir leur propre culture, de pratiquer leur religion ou de parler leur propre langue; signale dans ce prolongement, les restrictions qui sont toujours imposées au droit d'association ; souligne que le traité de Lausanne de 1923 sur la position des minorités ne doit pas recevoir une interprétation minimaliste »

« Attend des autorités turques une approche constructive en ce qui concerne la reconstruction de l'État irakien, dans laquelle tous les groupes ethniques et religieux peuvent espérer un respect approprié de leurs intérêts, politiques, économiques, sociaux et culturels »

IRAK : ATTENTATS SANGLANTS CONTRE LA COMMUNAUTÉ CHIITE

La communauté chiite a été lourdement touchée au mois de mars par une série d'attentats visant des sanctuaires chiites à Bagdad et dans la ville sainte de Kerbala pendant la fête de l'Achoura, le 2 mars, la plus importante du calendrier chiite. Les attentats ont ainsi fait au moins 185 morts, selon un bilan établi par le ministère irakien de la Santé. Les estimations des blessés vont de 300 à plus de 400. Les autorités américaines font état de leur côté d'au moins 143 morts alors que certains bilans officieux évoquent le chiffre de 230 morts. A Kerbala, des attaques presque simultanées ont eu lieu alors que des centaines de milliers de fidèles chiites en deuil commémoraient la mort de Hussein, petit-fils de Mahomet et fils d'Ali, à la bataille de Kerbala, au VIIe siècle, un des épisodes historiques fondateurs du chiisme. A Bagdad, l'attentat a été commis par quatre kamikazes contre la mosquée de Kazimiya, un lieu saint du chiisme. « L'un s'est fait exploser à l'entrée de la mosquée, l'autre dans la cour intérieure de la mosquée et les deux autres à l'entrée latérale, à un intervalle de quelques secondes », a affirmé le ministre de la Santé.

Le vice-président américain Dick Cheney et le général Mark Kimmitt, commandant adjoint des opérations militaires en Irak, ont désigné le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, soupçonné de liens avec le réseau terroriste Al-Qaïda, comme l'un des principaux suspects.

Le Conseil intérimaire de gouvernement irakien (CIG) a décrété trois jours de deuil national, reportant la signature de la Constitution provisoire, initialement prévue pour le 4 mars.

D’autre part, les nouvelles forces de l'ordre irakiennes, soutenues par la Coalition, ont été régulièrement visées par la guérilla dont les attaques ont fait ces derniers mois des centaines de morts parmi les policiers. Ainsi, le 23 mars, quatorze Irakiens, dont huit policiers en formation, ont été tués dans des attaques armées à Mahawil, à une soixantaine de kilomètres au sud de Bagdad. Deux autres policiers ont été tués dans une attaque à Kirkouk. Quelque 350 policiers irakiens entraînés par les forces américaines ont été tués au cours de l'année passée. Environ 200.000 Irakiens font partie des forces de sécurité du pays, dont l'armée, la police, les gardes frontaliers et le corps de défense civile irakiennne (ICDC).

La situation reste donc fragile et les violences continuent. Un conseiller municipal a été abattu et un autre blessé à Mossoul le 8 mars, le chef de la police de Khaldiya (centre) a échappé à une tentative d'assassinat, et à Bagdad, des obus de mortier sont tombés sur deux postes de police du centre-ville juste avant la signature de la Constitution. Le 14 mars, toujours à Mossoul, trois Américains travaillant pour une église baptiste ont été tués par des inconnus qui ont pris la fuite. Un quatrième, a succombé à ses blessures le lendemain. De plus, un civil a été tué et quatre personnes ont été blessées dans une attaque au mortier le 20 mars contre une permanence de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) à Mossoul. Deux Irakiennes, employées par Kellogg Brown and Root (KBR), filiale du groupe pétrolier américain Halliburton, avaient été tuées par des inconnus le 11 mars à Bassorah, dans le sud de l'Irak. Le 18 mars, vingt-neuf personnes ont été tuées et 45 blessées, dont deux Britanniques, dans un attentat à la voiture piégée près d'un hôtel du centre de Bagdad, à la veille du premier anniversaire de la guerre.

AINSI QUE...

NESRINE BARWARI ECHAPPE À UN ATTENTAT


La seule femme ministre du Gouvernement transitoire irakien, la Kurde Nesrine Barwari, a échappé le 28 mars à un attentat près de Mossoul qui a fait trois morts, et sept autres personnes blessées, dont deux Occidentaux. Mme Barwari, 37 ans et ministre des Travaux publics, a échappé à une tentative d'assassinat à al-Karama, à l'est de Mossoul.

Mme Barwari a été récemment vue en public lors d'une cérémonie à Bagdad en présence de l'administrateur civil américain Paul Bremer, cent jours avant le transfert de pouvoir aux Irakiens prévu le 30 juin. Elle avait annoncé que quatre ministères irakiens seraient indépendants de la coalition au 1er avril, dont le sien et ceux de la Santé, de l'Education et des Ressources hydrauliques.

Par ailleurs, deux responsables kurdes avaient échappé le 2 mars à une tentative d'assassinat perpétrée par des inconnus qui avaient tiré sur leur convoi. Cinq gardes du corps avaient été légèrement blessés par les tirs dirigés contre le convoi transportant Jalal Djaouhar, haut responsable à Kirkouk de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), et le chef de la sécurité publique à Suleimanieh, Dana Madjid. Les deux hommes se rendaient de Mossoul à Suleimanieh.

HARCÈLEMENT JURIDIQUE DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIE


Le procureur de Diyarbakir a ouvert une enquête judiciaire à l’encontre de Selahattin Demirtas, président de la section de Diyarbakir de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), d’Ali Öncü, porte-parole de la plateforme pour la démocratie de Diyarbakir, d’Emir Ali Simsek, secrétaire général du syndicat des enseignants (SES) et de Bülent Kaya, président du syndicat des employés de bureau (BES) sur la base de l’article 312/2 du code pénal incriminant les actes “ incitant à la haine et à l'animosité au sein du peuple sur la base de différences de classe, de race, de religion ou de région ”. Les orateurs n’avaient pourtant fait que plaider en faveur d’une résolution pacifique et démocratique de la question kurde en Turquie, ainsi qu’en faveur d’une amnistie générale à l’occasion d’une manifestation et d’un concert organisés le 21 juin 2004 à Diyarbakir Une première audience à la cour de sûreté de l’Etat (DGM) de Diyarbakir avait abouti le 17 février dernier au renvoi du procès au 27 avril afin d’entendre la défense de Selahattin Demirtas.

L’article 312 fait partie intégrante de l’arsenal législatif utilisé par le passé à des fins répressives à l’égard des défenseurs des droits de l’homme, des hommes politiques, des écrivains, des journalistes ou de tous ceux qui ont exprimé leurs critiques et appelé à une solution de la question kurde dans le pays. Le premier paquet d’harmonisation adopté le 6 février 2002 a ajouté une disposition supplémentaire à cet article, stipulant que les discours sont désormais susceptibles d’être punis s’ils sont prononcés “d’une façon qui mette en danger l’ordre public”. Un autre amendement porté à l’article 312 permet d’incriminer “quiconque insulte une partie du public d’une manière considérée dégradante ou susceptible de porter atteinte à la dignité humaine”.

En dépit de ces amendements, l’Association des droits de l’Homme (IHD) reste très préoccupée quant au maintien d’expressions imprécises de l’article 312 permettant à la Turquie d’incriminer l’exercice légitime de droits internationalement reconnus et protégés - tels que le droit de réunion pacifique, le droit de prendre part aux affaires publiques - et de violer le droit d’exprimer pacifiquement des opinions non violentes.

Par ailleurs, la cour pénale N°1 et 2 de Diyarbakir a, le 17 mars, procédé à l’audience de plusieurs défenseurs des droits de l’homme. Sezgin Tanrikulu, président de la Fondation des droits de l’homme à Diyarbakir, Eren Keskin, présidente de l’Association des droits de l’homme (IHD) à Istanbul et Pinar Selek, sociologue, sont ainsi poursuivis pour les déclarations faites au cours d'un symposium organisé en 2001, sur la base de l'article 159/ 1 du code pénal turc (insultes aux forces armées). L'audience a été renvoyée au 31 mars du fait de l'absence de la sociologue Pinar Selek (victime d'un grave accident de la route l'année dernière, toujours en convalescence à Istanbul).

Selahattin Demirtas, président du bureau local de l'IHD, Firat Anli, représentant du parti pro-kurde DEHAP, Edip Yasar, porte-parole du syndicat KESK et Mehmet ATA, président du parti politique Özgür Parti, ainsi que trois autres syndicalistes et politiques, sont également poursuivis dans le cadre d’une autre affaire, lancée sur la base de l'article 28/2 de la Loi 2911 relative aux réunions et manifestations. Ces derniers avaient organisé une manifestation le 1er septembre 2003 pour la journée mondiale pour la paix à Diyarbakir, transformée spontanément en concert. Les autorités leur reprochent l’absence d'autorisation pour la prolongation de la manifestation jusqu'à 20h30.

CONFÉRENCE DE RÉCONCILIATION D’APRÈS-GUERRE ENTRE LE PDK ET L’UPK À ERBIL


Les dirigeants kurdes irakiens Massoud Barzani et Jalal Talabani, ont appelé à travailler ensemble pour un nouvel Irak unifié lors d'une conférence de réconciliation d'après-guerre le 26 mars à Erbil, intitulée « La réconciliation nationale est la seule voie vers la paix sociale et la reconstruction de l'Irak ». « La seule méthode pour nous maintenant est d'élaborer un programme démocratique de réconciliation nationale basée sur l'ordre, le dialogue, la compréhension et le respect des autres », a indiqué M. Barzani, président du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), en ouvrant cette conférence.

La réunion organisée à l'initiative de M. Barzani, s’est tenue à Erbil et a duré trois jours. « A l'occasion du 1er anniversaire de la guerre et de la chute du régime (de Saddam Hussein), nous pouvons affirmer que le nouvel Irak est totalement différent de l'ancien: socialement, politiquement et constitutionnellement », a déclaré M. Barzani. « L'Irak ne reviendra pas à ce qu'il était avant. Chacun doit le savoir, les partisans du nouveau régime comme ceux de l'ancien régime (baassiste) », a-t-il ajouté.

M. Barzani a insisté sur le fait que la voie de la réconciliation nationale devait passer par « le respect des droits de l'homme » et l'établissement de « tribunaux honnêtes » pour juger les membres de l'ex-régime coupables de crimes de guerre. « Si nous pouvons régler nos problèmes de manière démocratique, nous nous aiderons nous-mêmes ainsi que la coalition à mettre fin à l'occupation aussi vite que possible et à établir des rapports équilibrés qui garantiront nos intérêts nationaux », a-t-il ajouté.

Pour sa part, M. Talabani a souligné que les Irakiens devaient parler d'une seule voix pour tourner la page du passé. « Le nouvel Irak que nous voulons construire doit être pour tous les Irakiens (...) sans discrimination, sans dictature ou provocations », a-t-il souligné. « L'ancien slogan de l'unité de l'Irak a échoué et pour construire un nouveau pays nous devons comprendre que l'ancien régime a succombé avec ses ministères, ses organisations et ses bases légales et politiques », a-t-il indiqué. « Le nouvel Irak doit être un Irak démocratique, fédéral, pluraliste et uni (...) dont les composantes principales sont les Arabes chiites, les Arabes sunnites et les Kurdes », a-t-il conclu.

Dr. Mahmoud Ali Osmane, personnalité indépendante, membre du Conseil de gouvernement transitoire, avait affirmé le 23 mars : « Nous n'adhèrerons pas à un Irak unifié une nouvelle fois sans obtenir de garanties constitutionnelles et internationales ». « En cas de violations des droits légitimes du peuple kurde à choisir son destin, nous nous tournerons vers les Nations unies », a-t-il ajouté. Mahmoud Ali Osmane a proposé d' « organiser des élections législatives au Kurdistan avant les élections en Irak (prévues au plus tard le 31 janvier, afin d'unifier les administrations à Erbil et Suleimaniyeh ». Réunir ces deux régions permettrait d' « aider les Kurdes à regagner leurs terres perdues », selon M. Osmane.

L’ARTICLE 8 DE LA LOI ANTI-TERREUR ABROGÉ DANS LES TEXTES PERDURE DANS SON APPLICATION : LES LIVRES DU SOCIOLOGUE TURC ISMAIL BESIKCI CONTINUENT D’ÊTRE INTERDITS


Alors que l’article 8 de la loi anti-terreur a été officiellement abrogé en Turquie dans le cadre des paquets d’harmonisation pour l’adhésion à l’Union européenne, son application reste effective devant les tribunaux turcs. Ainsi, les 23 livres du sociologue turc, Ismail Besikçi, condamnés par l’article 8, restent toujours sanctionnés par l’esprit de cet article après son abrogation selon la cour de sûreté de l’Etat (DGM) n°1. La maison d’édition turque Yurt Kitap Yayin ayant saisi la cour de sûreté de l’Etat pour une réédition de ces œuvres après l’abrogation de la loi, s’est ainsi vue empêchée par cette cour. La Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara n°2, saisie à son tour, a, quant à elle, statué en levant l’interdiction sur seulement huit livres et maintenant la prohibition sur les 15 autres en affirmant que ces derniers contiennent encore des infractions selon la législation actuelle. Les livres condamnés traitent en majorité de la question kurde. La Cour reproche aux livres incriminés soit de porter atteinte au souvenir et à la mémoire d’Ataturk [ndlr : exemple pour le livre “ Un intellectuel, une organisation et la question kurde ”] ou encore de faire de la propagande séparatiste [ndlr : un livre sur le dramaturge kurde Musa Anter assassiné par les escadrons de la mort à 80 ans]

UN SONDAGE ESTIME QUE LA VIE S’EST AMÉLIORÉE EN IRAK DEPUIS LA CHUTE DU RÉGIME DE SADDAM HUSSEIN


Selon un sondage réalisé pour plusieurs médias internationaux et rendu public le 16 mars, une majorité d'Irakiens estime que la vie s'est améliorée depuis la chute du régime de Saddam Hussein mais une proportion similaire s'oppose à la présence continue de forces étrangères en Irak.

Selon cette enquête non exempte de contradictions, effectuée par l'institut Oxford Research International auprès de 2.500 Irakiens, 49 % des Irakiens jugent que la guerre menée l'an dernier contre Saddam Hussein par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne était une bonne chose, contre 39 % d'un avis contraire.

51 % se disent hostiles à une présence continue de forces étrangères en Irak, contre 39 % d'un avis contraire. En outre, près d'un Irakien sur cinq trouve justifiées les attaques contre les soldats étrangers.

Les Irakiens se plaignent souvent de l'insécurité, du chômage et de leur crainte de l'avenir.

Pourtant, à en croire l'enquête, sept Irakiens sur dix estiment que leur vie quotidienne est aujourd'hui « très bonne » ou « plutôt bonne », contre 15 % qui jugent qu'elle est « très mauvaise ». Et 71 % s'attendent à une amélioration de leurs conditions de vie d'ici un an.

Ils sont par ailleurs 57 % à penser que leur vie est meilleure que sous l'ancien régime. Dix-neuf pour cent estiment au contraire que la vie s'est dégradée, 23 % ne voient aucun changement.

Plus de quatre Irakiens sur dix déclarent ne pas avoir confiance dans les troupes américaines ou britanniques pour rétablir la sécurité, qui constitue la priorité numéro un aux yeux de 85 % des personnes interrogées.

Parmi les autres dossiers prioritaires, la tenue d'élections pour désigner un gouvernement national est réclamée par 30 % des Irakiens et une relance économique est privilégiée par 28 % des Irakiens.

Globalement, les Irakiens accordent davantage leur confiance aux chefs religieux irakiens, à la police locale et aux Nations unies.

Cela dit, les personnes interrogées semblent souhaiter le maintien de la présence militaire étrangère tant que la sécurité ne sera pas rétablie et qu'un gouvernement irakien ne sera pas mis en place. Seules 15 % d'entre elles réclament le départ immédiat des forces d'occupation.

A la question de savoir si les attaques contre les forces de coalition sont justifiées, 17 % des Irakiens répondent "oui".

Une autre contradiction marque le sentiment général des Irakiens face à l'invasion anglo-américaine: 41% disent s'être sentis libérés, mais le même nombre dit avoir ressenti de l'humiliation.

CONSTRUCTION DE DEUX RAFFINERIES À ERBIL ET À SULEIMANIYEH


Le président en exercice du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Mohammad Bahr al-Ouloum, a, le 20 mars, assisté au lancement de la construction de deux raffineries dans les régions kurdes d'Erbil et de Suleimaniyeh.

Il a posé la première pierre dans la ville de Koysanjaq, près de Suleimaniyeh, gouvernée par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), un des deux principaux partis kurdes. Il y a eu ensuite une cérémonie identique le même jour sur le site d'une autre raffinerie dans la banlieue d'Erbil, dirigée par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK).

Son fils, le ministre du pétrole, Ibrahim Bahr al-Ouloum, a affirmé que les deux raffineries produiront au total 30.000 barils par jour et qu'à terme elles pourraient atteindre 300.000 barils. « Il y a quelques jours, nous avons également lancé la construction d'une raffinerie à Najaf », la ville sainte chiite au sud de Bagdad, a-t-il déclaré. « Ceci prouve que les responsables irakiens ne font pas de discriminations entre Arabes et Kurdes et que le pétrole est pour tous les Irakiens », a-t-il ajouté.

L’UNION PATRIOTIQUE DU KURDISTAN INDIQUE QUE JALAL TALABANI A RENDU SES PASSEPORTS SYRIEN, TURC ET IRANIEN


L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a, 1er mars indiqué que leur leader, Jalal Talabani, a rendu depuis plusieurs mois les passeports syrien, turc et iranien dont il se servait avant. « La libération de l'Irak a permis à de nombreux Irakiens d'utiliser les passeports irakiens dont ils avaient été privés par la dictature” du président déchu Saddam Hussein, selon un communiqué de l'UPK.”M. Talabani a remis son passeport syrien à la Syrie avec un message de remerciement et de reconnaissance pour le soutien accordé par ce pays à l'opposition irakienne”, poursuit l'UPK. M. Talabani avait également rendu ses passeports turc et iranien aux pays concernés, ajoute le texte.

Les relations entre la Syrie et M. Talabani se sont refroidies après des critiques formulées par le dirigeant kurde contre Damas pour sa « lecture erronée de la situation en Irak ». M. Talabani avait toutefois assuré que cet incident « n'affectera pas les relations » syro-irakiennes. La dernière visite en Syrie de M. Talabani remonte à juillet 2003.

STASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR « VIOLATION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION »


La Cour européenne des droits de l'Homme a le 9 mars condamné la Turquie pour pour violation de la liberté d'expression à la suite d'une condamnation pour un discours politique prononcé en 1996 d’un ressortissant kurde. La Cour a condamné la Turquie à verser à Abdullah Aydin une somme de 10.000? pour dommage moral et 3.000 ? pour frais et dépens.

Le 1er septembre 1996, lors d'un rassemblement à l'occasion de la journée mondiale pour la paix, il avait prononcé un discours en qualité de représentant de la Plateforme de la démocratie d'Ankara (Ankara Demokrasi Platformu). Le 21 octobre 1997, la Cour de sûreté d'Ankara l'avait condamné à un an d'emprisonnement et une peine d'amende pour « incitation à la haine et à l'hostilité fondées sur la différence sociale, ethnique et régionale ».

Elle lui reprochait d'avoir établi une distinction entre le peuple turc et le peuple kurde et de ne pas avoir fait état des préjudices causés dans la région soumise à l'état d'urgence par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).

La Cour a souligné que le requérant « s'exprimait en qualité de représentant d'une plateforme démocratique, n'incitant ni à l'usage de la violence ni à la résistance armée ni au soulèvement ». Elle a également condamné la Turquie pour procès inéquitable en raison de la présence d'un magistrat militaire au sein de la Cour de sûreté de l'Etat qui l'avait condamné.

L’ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DU PROGRAMME NUCLÉAIRE IRAKIEN AFFIRME QUE L’IRAK ÉTAIT À TROIS ANS DE PRODUIRE LA BOMBE NUCLÉAIRE


Noman Saad Eddin al-Noaimi, ancien directeur général du programme nucléaire irakien et le numéro deux de l'équipe scientifique impliquée dans le programme secret a, le 9 mars, déclaré à Associated Press (AP) que l'Irak était à trois ans de produire une bombe nucléaire avant la guerre du Golfe de 1991.

Noman Saad Eddin al-Noaimi a précisé qu'au moment où les travaux avaient été arrêtés les Irakiens pouvaient produire moins d'un kilogramme d'uranium hautement enrichi. On estime qu'il en faut au moins 10kg pour une bombe. « Produire la quantité adéquate aurait pris au moins deux autres années dans des circonstances normales. Introduire cette substance dans une arme aurait pu prendre encore un an », a déclaré Noman Saad Eddin al-Noaimi en marge d'une réunion sur les répercussions de l'invasion de l'Irak, organisée à Beyrouth. « C'est mon estimation personnelle », a souligné le scientifique, retraité depuis la fin des années 1990.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) note sur son site Web qu'il y avait des « indices (suggérant) que, en janvier 1991, l'Irak n'avait pas franchi toutes les étapes de la production d'une arme nucléaire ». Rien ne prouvait que l'Irak ait produit ou acquis clandestinement le matériel nucléaire nécessaire mais il avait « franchi d'importantes étapes sur la voie d'une arme nucléaire », selon l'agence onusienne basée à Vienne.

Dans une communication rédigée avec Jafar Dhia Jafar, le père du programme irakien de bombe nucléaire, et présentée le 8 mars, M. Al-Noaimi déclare que la plupart des installations nucléaires irakiennes ont été endommagées ou détruites pendant la guerre du Golfe de 1991, que les scientifiques, ingénieurs et techniciens du programme se sont dispersés après le conflit et que le programme a été démantelé sur ordre de Saddam Hussein.

Un rapport de l'espionnage britannique rendu public en septembre 2002 affirmait que l'Irak pourrait développer une arme nucléaire en un ou deux ans si les sanctions de l'ONU étaient levées, mais l'AIEA estime que le programme nucléaire irakien était abandonné avant la guerre de 2003 et n'aurait probablement pas pu servir à fabriquer des armes nucléaires.

LE PRÉSIDENT IRANIEN RECONNAIT SA DÉFAITE ET RENONCE AUX RÉFORMES


Le président iranien Mohammad Khatami a reconnu sa défaite le 17 mars et annoncé qu'il renonçait à son plan de réformes, deux projets de loi qui étaient destinés à mieux contrôler le pouvoir des durs du régime. L'un de ces projets de loi visait à accroître le pouvoir présidentiel en cas de violation de la constitution par les durs du régime. L'autre projet de loi cherchait à interdire au Conseil des gardiens de la Révolution de décider des candidatures aux élections législatives et présidentielle.

Le Conseil des gardiens de la Révolution qui a un droit de regard sur toutes les consultations électorales avait rejeté les deux projets de loi il y a plusieurs mois, les déclarant anticonstitutionnels et opposés à l'Islam. « Je retire ces deux projets afin qu'on ne retire pas au président les quelques pouvoirs qui lui restent », a déclaré, le 14 mars, le président iranien Mohammad Khatami

KIRKOUK : LES TURCOMANS QUITTENT LE CONSEIL MUNICIPAL APRÈS LEURS COLLÈGUES ARABES


Six membres turcomans ont décidé le 28 mars de suspendre leur participation au conseil municipal de la ville pétrolière de Kirkouk, une semaine après une décision identique de leurs collègues arabes, en raison du poids qu'ils jugent trop fort des Kurdes dans la ville. Le conseiller turcoman Moustafa Yaishi a affirmé que la ville était en train d'être « kurdifiée », et il a demandé le départ du gouverneur kurde et une intervention américaine pour « chasser les milices kurdes de la ville ». Il ne reste donc plus que 15 Kurdes et sept chrétiens au sein du conseil, alors qu'il comptait 40 membres.

Kirkouk est le théâtre de tensions entre Kurdes, Arabes et Turcomans depuis la fin du régime de Saddam Hussein en avril 2003. Les Turcomans sont, selon des évaluations difficiles à vérifier, quelque 200.000 habitants dans cette ville de près d'un million d'âmes, formant la troisième communauté après les Kurdes et les Arabes, chiites et sunnites. Au niveau national, ils représentent, selon diverses sources, environ 2% des 25 millions d'habitants que compte l'Irak. Ils sont représentés au Conseil de gouvernement transitoire irakien par une femme, Mme Songoul Chapouk, et au cabinet par le ministre de la Reconstruction et du Logement, Bayane Baqer Soulagh.

Selon des responsables de la ville, quelques 300.000 Kurdes ont été progressivement chassées de Kirkouk à partir de l’effondrement de la résistance armée kurde en mars 1975, lorsque l'Iran les a lâchés après l'accord d'Alger avec l'Irak sur le problème des frontières. La ville, majoritairement kurde à l'origine, avait été prise par les Kurdes lors du soulèvement de 1991 avant d'être reconquise brutalement par les forces de Saddam Hussein qui n'entendait pas perdre cet important centre pétrolier. Elle a été l'un des théâtres privilégiés de la campagne d'arabisation menée par Saddam Hussein pour modifier sa composition ethnique. Kirkouk, où le premier gisement de pétrole a été découvert en 1927, est construite sur une réserve d'or noir. Jusqu’en 1969, tout le pétrole irakien était extrait dans cette province qui contribue actuellement à plus du tiers de la production pétrolière du pays.