Publications


Bulletin complet

avec revues de presse

Bulletin N° 230 | Mai 2004

 

 

EZZEDINE SALIM, PRESIDENT EN EXERCICE DE L’EXECUTIF IRAKIEN, TUÉ DANS UN ATTENTAT À BAGDAD

Abdel Zahra Osmane Mohammad, dit Ezzedine Salim, le président en exercice de l'exécutif irakien a été tué dans un attentat à la voiture piégée le 17 mai au matin à l'entrée de la Zone verte à Bagdad. Dix Irakiens ont également été tués, six autres blessés dont deux grièvement ainsi que deux soldats américains. Plusieurs voitures ont été endommagées près de l'entrée située dans le quartier Harithiya, dans l'ouest de Bagdad. Des soldats américains et des policiers ont bouclé le secteur, où se trouvaient des ambulances. L'explosion s'est produite vers 09H30 (04H30 GMT). Des voitures étaient en feu sur le lieu de l'explosion, situé à 500 mètres du siège du parti de l'Entente nationale, représenté au sein du Conseil de gouvernement provisoire. Des morceaux de corps humains ont été projetés à plusieurs mètres. Un pied carbonisé a été retrouvé à 30 mètres, accroché à des barbelés.

Ezzedine Salim est le deuxième membre du CIG, qui en compte 25, tué en Irak. En septembre, Mme Akila Hachemi, l'une des trois femmes siégeant au Conseil et ancienne diplomate du régime baasiste, avait été abattue près de son domicile. M. Salim était le dirigeant du parti islamique Daoua à Bassorah et le rédacteur en chef de plusieurs journaux et magazines. Il était l'un des neuf membres du CIG qui occupent la présidence tournante du CIG. Chacun étant président pendant un mois.

Sur les rives de la mer Morte, en Jordanie, où se tenait un forum économique mondial, le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a déclaré que la mort de Salim ne changerait rien au processus politique en cours. « Cela montre que nos ennemis sont toujours là et feront tout pour intimider les Irakiens afin de faire dérailler le processus politiqu », a-t-il déclaré. « Cela renforce notre détermination à poursuivre ce processus», a-t-il ajouté.

« Au nom du peuple américain, je condamne l'attentat terroriste brutal commis contre le président du Conseil du gouvernement irakien, Ezzedine Salim, et plusieurs citoyens irakiens. M. Salim était un homme courageux qui a risqué sa vie pour un Irak libre, démocratique et prospère », a de son côté déclaré le président américain George W. Bush dans un communiqué diffusé en marge d'une visite à Topeka (Kansas). Le « 30 juin, le drapeau de l'Irak libre sera hissé et le nouveau gouvernement intérimaire irakien assurera la souveraineté », a ajouté M. Bush.

Le général américain Mark Kimmitt a estimé que l'attentat portait la « marque habituelle » du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, dirigeant d'Al-Qaïda. Un message publié sur l'internet au nom du « Mouvement de la résistance arabe », un groupe inconnu jusqu'ici, a revendiqué l'attentat. « Deux héros du Mouvement de la résistance arabe/Brigades Al-Rachid, Ali Khaled Al-Joubouri et Mohammad Hassan Al-Samarraï, ont mené une opération audacieuse, qui a conduit à la mort du traître et mercenaire Ezzedine Salim », lit-on dans ce message. Le mouvement, qui ne s'est jamais manifesté auparavant et qui ne donne aucune indication sur sa représentativité, promet « à la Nation de lutter jusqu'à la libération du glorieux Irak et de la chère Palestine ».

Le Premier ministre britannique, Tony Blair, a souligné à Ankara que les troupes britanniques n'effectueront pas « un départ rapide de l'Irak », malgré la mort du président du Conseil de gouvernement provisoire irakien. « Ce qui s'est passé aujourd'hui (...) souligne ce fait: nous n'allons pas faire ce qu'on appelle une sortie rapide, il n'y aura pas de départ précipité de l'Irak », a affirmé M. Blair.

A moins de deux mois du transfert de souveraineté des forces de la Coalition aux autorités irakiennes, le 30 juin, les Etats-unis ont, le 16 mai, réaffirmé par la voix de Condoleezza Rice, la conseillère pour la sécurité nationale du président George W. Bush, que leurs troupes allaient rester en Irak “jusqu'à ce que le travail soit achevé”. Les Etats-Unis ont également annoncé à la Corée du Sud le 17 mai qu'ils allaient retirer 3.600 soldats de ce pays pour les envoyer en Irak.

Par ailleurs, Salama al-Khafaji, membre du Conseil intérimaire de gouvernement (CIG) irakien a échappé 27 mai à une embuscade tendue au convoi qui la ramenait à Bagdad après une mission de médiation à Nadjaf. Le convoi, composé de trois véhicules, a essuyé des tirs à hauteur de la ville de Youssoufiyah. Mme al-Khafaji a survécu à l'attaque, mais l'un de ses gardes du corps a été tué et un autre a été grièvement blessé. Mme al-Khafaji remplace au sein de l'exécutif provisoire feue Aquila al-Hashimi.

Les attaques contre les forces de la coalition ainsi que contre la police et la défense civile se sont poursuivies tout au long du mois. Au moins 62 soldats américains ont trouvé la mort en Irak en mai 2004 et le bilan pour les deux derniers mois dépasse les 200 victimes, selon les chiffres du Pentagone. Ces chiffres révèlent une augmentation des pertes dans les rangs de la Garde et de la Réserve nationales, qui représentent un tiers des 135.000 soldats américains déployés en Irak. Au moins 22 de ces soldats ayant une profession dans la vie civile en dehors des conflits sont morts en mai, soit près d'un tiers des pertes américaines pendant ce mois. En termes de pourcentage, c'est deux fois plus que lors des mois précédents.

Les soldats américains sont principalement victimes des bombes installées au bord des routes. Ces engins, qui explosent au passage des convois ou des patrouilles, ont fait 19 morts en mai. D'autres militaires américains ont été tués par des tireurs isolés, des kamikazes, des mortiers ou des lance-grenades. Des accidents, dont deux électrocutions, entrent également dans les statistiques du mois.

Avec 62 morts, le mois de mai a été plus meurtrier que les mois précédents, mais toutefois moins qu'avril, qui, avec 136 pertes, reste le mois le plus sanglant depuis le début du conflit en mars 2003. Au total, plus 800 soldats américains ont été tués et près de 4.700 blessés en Irak depuis le début de la guerre.

Les miliciens de Moqtada Sadr ont récemment essuyé de lourdes pertes et subi de nombreux revers. Le jeune chef chiite radical Moqtada Sadr, recherché par les Américains qui l'accusent d'avoir éliminé un rival politique en 2003, s'est retranché depuis plus d'un mois à Najaf (160 km au sud de Bagdad) où ses miliciens de l'Armée du Mehdi se sont déployés en force. L'armée américaine avait le 6 mai annoncé avoir tué 41 partisans de Moqtada Sadr lors de violents combats à l'est de Nadjaf. Au moins 34 personnes ont été tuées le 23 mai et des dizaines d'autres blessées dans des frappes américaines ou des combats entre forces américaines et ses miliciens près de la ville de Nadjaf. Les forces américaines ont dit avoir tué une vingtaine de combattants dans un raid de soldats et de blindés dans la ville de Koufa. Le 27 mai, à Washington, des responsables américains ont indiqué que Moqtada Sadr avait accepté une trêve dans trois villes chiites du centre de l'Irak, Najaf, Koufa et Kerbala. Un responsable a expliqué qu'aux termes de l'accord, la milice de Moqtada Sadr cesserait les violences, mettrait fin à ses attaques contres les militaires américains, et quitterait les bâtiments gouvernementaux de ces trois villes.

Des incidents survenus dans tout l'Irak, et dont certains visaient des étrangers, traduisent la persistance de l'insécurité dans le pays alors que les Etats-Unis s'apprêtent, à transférer bientôt le pouvoir aux Irakiens. Un convoi de 21 camions transportant des biens civils a été attaqué le 11 mai par des inconnus entre la frontière jordanienne et Bagdad. Plusieurs personnes sont portées disparues. Mais on ne dispose que de peu de détails sur cette attaque survenue près de Routba. La Russie a exhorté quant à elle ses ressortissants à quitter l'Irak au lendemain de la mort d'un ingénieur russe et de l'enlèvement de deux autres près de la centrale électrique où ils travaillaient.

Un civil américain a été décapité par ses ravisseurs en Irak suscitant une onde de choc aux Etats-Unis. L'Américain, Nicholas Berg, un homme d'affaires de 26 ans disparu depuis la mi-avril en Irak où il était à la recherche de contrats, a été décapité selon des images vidéo diffusées le 11 mai sur un site internet considéré comme proche du réseau terroriste Al-Qaïda d'Oussam ben Laden.

A Kirkouk, quatre personnes ont été tuées et 25 autres blessées dans une explosion dans un quartier kurde de cette ville pétrolière. L'explosion a eu lieu le 10 mai dans un quartier kurde densément peuplé à 09h50 (05h50 GMT), faisant quatre tués et 25 blessés. Un nouvel acte de sabotage a endommagé le 24 mai l'oléoduc transportant le pétrole des champs de Kirkouk vers le terminal turc de Ceyhan. Selon un responsable de la Compagnie pétrolière du nord de l'Irak, l'incendie a ensuite été éteint mais il a fallu 12 jours pour réparer les dégâts. Le chef kurde de la Défense civile de Kirkouk et sa famille ont été tués le 29 mai dans une attaque à l'arme à feu. Les assaillants, qui circulaient à bord d'uune voiture, ont ouvert le feu sur son véhicule à 08H50 (04H50 GMT) dans le centre de la ville. Le général Saber Mohammed Saber a été tué sur le coup. Sa femme, sa soeur et son fils ont été conduits à l'hôpital où ils sont décédés. Leur chauffeur a été grièvement blessé. Le 24 mai, des hommes armés avaient tué un haut responsable du parti représentant la minorité ethnique turque de l'Irak, la victime avait été visée alors qu'elle quittait son bureau à Kirkouk. Ahmed Najmeddine de l'Alliance turkmène irakienne est mort sur le coup et ses agresseurs ont pris la fuite.

A Baaqouba, quatre Kurdes ont été blessés le 6 mai dans un attentat contre le siège de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). L'attentat a été commis à l'aide de deux engins qui ont explosé à quelques minutes d'intervalle. Le gardien du siège de l'UPK, l'un des quatre blessés, a indiqué avoir entendu la première explosion à 05H45 (01H45 GMT) et la deuxième quelques minutes plus tard.

A Sadr City, le quartier chiite de l'est de Bagdad, les affrontements entre troupes américaines et miliciens chiites dans la nuit du 24 mai ont fait 18 morts et 12 blessés parmi les Irakiens, d'après les registres des hôpitaux de Sadr City, alors que le bilan de l'armée américaine fait état de 26 miliciens tués.

A Samaoua, dans le sud de l'Irak, un soldat néerlandais a été tué et un autre blessé par un tir de grenade, a, le 10 mai, fait savoir le ministère de la Défense néerlandais, confirmant ainsi la première perte essuyée dans les rangs du contingent néerlandais en Irak, qui compte 1.200 hommes.

Par ailleurs, 41 Irakiens ont, le 19 mai, été tués dans un raid américain sur un village de l'ouest de l'Irak, l'opération la plus meurtrière de la coalition depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Les victimes du raid aérien, dans la région d'Al-Qaëm (ouest), venaient de célébrer un mariage dans ce hameau proche de la frontière syrienne et étaient parties se coucher lorsque le bombardement s'est produit, selon les télévisions arabes Al-Jazira et Al-Arabiya ainsi que des témoins. La mort des civils a plongé l'armée américaine dans un nouvel embarras alors même qu'elle tente de corriger son image après le scandale de la prison d'Abou Ghraib, révélé par des photos publiées il y a près d'un mois. Le soldat Jeremy Sivits, 24 ans, a été, le 19 mai, condamné par une cour martiale à un an de prison et à la radiation de l'armée pour “mauvaise conduite”. Sept militaires ont été inculpés dans l'affaire des sévices. Le 6 mai, le président américain George W. Bush s'était dit « désolé » des sévices infligés par des soldats américains lors d'une conférence de presse commune avec le roi de Jordanie Abdallah II à la Maison Blanche. Par l'intermédiaire des médias, le président Bush avait - fait sans précédent - rendu public son mécontentement sur la manière dont son ministre de la Défense avait géré l'affaire. George W. Bush a annoncé le 24 mai que la prison d'Abou Ghraib allait être détruite dans un discours prononcé peu après la présentation à l'ONU d'un projet de résolution sur le transfert de souveraineté en Irak.

En outre et dans ce qui constitue un revirement total, Ahmad Chalabi, allié privilégié et protégé des Américains au début de la guerre en Irak en 2003, membre du Conseil de gouvernement provisoire irakien, a annoncé le 20 mai sa rupture avec la coalition après les perquisitions de sa maison et de ses bureaux par la police irakienne et l'armée américaine qui ont saisi des documents et des ordinateurs. Le secrétaire américain adjoint à la Défense Paul Wolfowitz a annoncé le 18 mai que les Etats-Unis cesseraient de financer son parti.

Finalement, les derniers militaires espagnols déployés en Irak ont quitté le 21 mai leur base de Diwaniyah. Le Honduras et la République dominicaine ont décidé le mois dernier de retirer leurs contingents militaires présents en Irak à la suite de la décision prise par l'Espagne de retirer ses 1.432 soldats du territoire irakien.

IRAN: LES CONSERVATEURS PRENNENT OFFICIELLEMENT LE POUVOIR AU PARLEMENT

La nouvelle majorité conservatrice du parlement iranien a prêté serment le 27 mai, criant “mort à l'Amérique” en réponse au discours du ministre réformateur de l'Intérieur qui rappelait qu'elle avait été élue après la disqualification de la plupart de ses adversaires. Les quelque 290 parlementaires, dont environ 200 conservateurs, ont prêté serment pour “défendre les valeurs” de la religion et de la Révolution et le velayat-e faqih, qui institue le magistère politique d'un chef religieux, le Guide.

Le ministre de l'Intérieur, Abdolvahed Moussavi-Lari, a toutefois suscité les premières réprobations du 7ème Majlis en rappelant dans quelles conditions ce dernier avait été élu. Les candidatures de plus de 80 députés sortants et 2.300 candidats, pour la plupart des réformateurs, avaient été censurées, avant le premier tour des législatives le 20 février, par les organes de contrôle conservateurs non-élus, permettant la victoire aisée des conservateurs.

La République islamique avait alors connu l'une des plus graves crises de son histoire, l'année de son 25ème anniversaire. Le ministre de l'Intérieur, chargé d'organiser les élections, avait bataillé vainement pour en obtenir le report, jusqu'à ce que le Guide suprême ordonne qu'elles aient lieu à la date prévue. Les réformateurs, qui avaient la majorité absolue au parlement, n'y ont plus qu'une cinquantaine de représentants. Une quarantaine de députés ont formé un groupe indépendant, plutôt proche des conservateurs.

Plusieurs députés conservateurs ont violemment protesté contre le discours du ministre de l'Intérieur. “Mort aux forces d'occupation en Irak, mort à l'Amérique” ont crié les députés en réponse au discours du M. Moussavi-Lari. Ces slogans “reflètent notre priorité”, a déclaré Mehdi Kouchakzadeh, député conservateur de Téhéran et ancien membre des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, qui avait pris la parole pour demander aux députés de répondre au ministre de l'Intérieur.

Malgré cet incident, les députés conservateurs, forts de leur majorité confortable, semblaient plutôt sereins. Douze femmes, en majorité conservatrices, ont également fait leur entrée au parlement, contre treize réformatrices pour la précédente législature.

Dans un message lu par son chef de cabinet, le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a demandé aux députés d'éviter “les querelles politiques et partisanes qui ne font que donner de l'espoir à l'ennemi”. “Vous devez vous concentrer sur les vrais besoins des gens” dans les domaines de “l'emploi, l'inflation et la lutte contre la corruption et la pauvreté”, a-t-il ajouté. Le numéro un iranien a également affirmé que les députés devaient tenir compte de la “situation sensible” créée par “la présence des forces d'occupation américaines et britanniques” en Irak.

Intervenant devant les députés, le président réformateur Mohammad Khatami a affirmé que le nouveau majlis “devrait surtout se préparer à coopérer avec le futur gouvernement” qui sera mis en place après l'élection présidentielle de 2005. Il a souligné que le nouveau parlement devrait œuvrer à favoriser “les investissements privés et étrangers”, afin d'atteindre l'objectif d'une “croissance économique de 8%” et limiter le chômage. M. Khatami a aussi affirmé que l'Iran n'avait pas d'autres choix que de poursuivre la politique de détente avec le monde extérieur et de “développer ses relations avec tous les pays à l'exception d'Israël et les puissances qui cherchent à renverser le régime islamique”.

Par ailleurs, le parlement iranien, alors avec une majorité réformatrice, avait voté le 10 mai une loi accordant aux femmes les mêmes droits de succession qu'aux hommes, pour mettre fin à l'une des criantes inégalités dans le couple. Selon le nouveau texte, à la mort de l'autre conjoint et en l'absence d'autre héritier, la femme hérite désormais, comme l'homme, de la totalité des biens du défunt. S'il y a d'autres descendants, le calcul de la part de la femme ne porte plus seulement sur les biens mobiliers, les constructions et les arbres, mais sur tout l'héritage et en particulier la terre.

La loi doit cependant encore obtenir l'approbation du Conseil des gardiens de la Constitution, pilier institutionnel du régime, dont les membres très majoritairement conservateurs ont systématiquement rejeté par le passé toute loi allant dans le même sens. Ce même Conseil des gardiens a empêché l'an dernier la ratification par l'Iran de la Convention internationale contre la discrimination des femmes, en jugeant certaines dispositions contraires au Coran.

Les réformateurs s'inquiètent que la nouvelle majorité conservatrice ne remette en cause ces acquis. Sous le tchador, les nouvelles élues conservatrices prônent en effet « la liberté dans l'islam ».

CLAUDIA ROTH, EMISSAIRE ALLEMANDE DES DROITS DE L’HOMME, ET DES DÉPUTÉS ALLEMANDS ONT ÉTÉ EMPÊCHÉS DE RENDRE VISITE À LEYLA ZANA

Les autorités turques ont, le 10 mai, empêché Claudia Roth, l'émissaire allemande pour les droits de l'Homme et vice-présidente du CILDEKT, de rendre visite à Leyla Zana, et à ses trois collègues détenus à la prison centrale d'Ankara.

Claudia Roth, en visite en Turquie avec des députés allemands, avait sollicité le droit de rencontrer les quatre anciens députés du parti de la Démocratie (DEP-dissous) avant de venir en Turquie, mais sa requête a été rejetée au motif que seuls les proches et les avocats des prisonniers peuvent leur rendre visite, a ajouté le porte-parole de Mme Roth.

“ J’ai juste voulu saluer mon amie. Ils ne m’ont même pas laissée lui remettre un bouquet de fleurs. Il m’est très difficile de les comprendre…Leyla Zana est devenue un véritable symbole dans le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Toute l’Europe pense qu’il faut libérer Leyla est ses collègues ”, a ensuite déclaré Mme Roth qui a rencontré le ministre des affaires étrangères, Abdullah Gul et le lendemain le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan à qui elle a offert un morceau du mur de Berlin. Elle s’est ensuite rendue à Diyarbakir et a été reçue par le maire de la ville, Osman Baydemir. “Je vais à Diyarbakir comme à chaque fois que je suis en visite en Turquie car je pense comme Mesut Yilmaz [ancien Premier ministre turc] que la route de l’Europe passe par Diyarbakir”, a-t-elle souligné.

Leyla Zana, lauréate en 1995 du prix Sakharov décerné par le Parlement européen, ainsi que Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak ont été condamnés en 1994 à 15 ans de prison. À la suite de la condamnation de la Turquie par la Cour européenne des droits de l’homme et puis de leur rejugement en appel, le mois dernier, la peine a été confirmée par la justice turque, provoquant l'indignation de la communauté internationale.

LE PARLEMENT TURC ADOPTE UN PROJET DE LOI CONTROVERSÉ FAVORISANT LES ÉCOLES RELIGIEUSES

Le Parlement turc a adopté 13 mai au terme d'une très longue et houleuse séance le projet de loi controversé du gouvernement issu de la mouvance islamiste, favorisant les écoles religieuses, qui est dénoncé par les pro-laïcs et l'armée qui y voient un danger pour le système laïque. Sur les 258 députés présents, 254 ont voté pour et quatre contre, a annoncé le vice-président de l'Assemblée nationale, Nevzat Pakdil. L’unique formation de l'opposition au Parlement, le Parti républicain de peuple (CHP) a boycotté le vote qui s'est déroulé le 13 mai à l'issue de 18 heures de débats houleux, faisant passer une nuit blanche aux députés.

Le gouvernement turc a pris le risque de s'engager dans un bras de fer avec le président Ahmet Necdet Sezer en faisant voter ce projet de loi. Le projet du gouvernement du parti de la Justice et du Développement (AKP) vise notamment à permettre aux diplômés des lycées professionnels de s'orienter vers n'importe quel établissement universitaire. Il permettrait ainsi aux étudiants issus des lycées religieux (Imam Hatip) d'avoir accès aux universités de leur choix en jouant sur des coefficients aux examens d'entrée aux universités.

L'actuel système bannit l'accès des élèves de ces écoles à l'enseignement supérieur, en dehors des facultés de théologie. Il empêche surtout les étudiants formés dans ces écoles, suspectés d'islamisme, d'accéder aux postes de la fonction publique exigeant des diplômes universitaires.

La réforme vise également à réduire l'influence du Conseil de l'enseignement supérieur (YOK), institution qui soumet les universités à un contrôle strict. Les lycées religieux sont considérés comme des pépinières pour les militants de l'islamisme en Turquie.

La puissante armée, qui se considère la garante de la laïcité, a réagi contre le projet, estimant qu'il porterait atteinte aux principes laïques du régime. Dans un communiqué rendu public le 6 mai, l'état-major des armées s'était opposé au projet estimant qu'il pourrait provoquer de «sérieux problèmes ».

Pour le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, lui-même un ancien élève d'une « imam hati », ce projet qu'il défend fait partie des promesses électorales faites par son parti AKP avant les législatives de 2002 qui l'ont hissé victorieusement au pouvoir avec une majorité absolue au Parlement.

L'ensemble des cadres universitaires a vilipendé le projet et les recteurs ont menacé d'une démission collective.

Le CHP (parti républicain du peuple) qui s'est servi de tous les moyens dilatoires au Parlement lors des débats a accusé le gouvernement de vouloir « rapprocher le système d'enseignement (turc) de ceux de l'Iran ou des pays arabe » par cette réforme. « C'est une tentative pour exploiter la religion. Ce projet va porter atteinte à la paix sociale et à la stabilit » du pays, a insisté le chef du CHP, Deniz Baykal, au Parlement.

De l'avis général, le président de la République, Ahmet Necdet Sezer, un fervent pro-laïc, devrait rejeter cette loi.

L'AKP pourrait alors le faire voter de nouveau et le renvoyer au président qui cette fois n'aura pas le droit de s'y opposer selon la Constitution. M. Sezer pourra encore saisir la Cour constitutionnelle pour demander son annulation. L'AKP pourrait aussi décider d'enterrer son projet au vu des critiques en décidant de ne pas le renvoyer au chef de l'Etat, affirme-t-on de source parlementaire.

M. Erdogan affirme avoir renoncé à son engagement islamiste passé et se présente aujourd'hui comme un « musulman-démocrate ». Mais ses opposants le soupçonnent de poursuivre secrètement une politique d'islamisation de la Turquie.

La presse libérale turque critique l'insistance du gouvernement d'aller de l'avant avec son projet. « L'image de la Turquie (à l'étranger) se dégrade », titrait ainsi, le 13 mai, à la Une le journal à gros tirage Hurriyet.

DAMAS: LIBÉRATION D’UNE PARTIE DES PRISONNIERS KURDES ALORS QUE LES AMÉRICAINS IMPOSENT DES SANCTIONS CONTRE LA SYRIE

Les autorités syriennes ont libéré le 25 mai, 25 Kurdes arrêtés à la suite des affrontements qui ont opposé en mars des Kurdes aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes. Le 24 mai, un tribunal pour mineurs avait libéré 27 Kurdes mineurs arrêtés à Damas. Le 16 mai, environ 300 Kurdes avaient été relâchés. Ces personnes ont tous été arrêtées durant les violences entre forces de l'ordre et tribus arabes, d'un côté, et Kurdes, de l'autre. Ces heurts ont duré du 12 au 17 mars et ont fait 40 morts, selon des sources kurdes, et 25 selon un bilan officiel. Fin mars, le secrétaire général du Parti démocratique progressiste kurde (interdit) Abdel Aziz Daoud avait indiqué que plus de 2.000 Kurdes syriens se trouvaient en détention depuis ces troubles. La plupart d’entre eux reste donc toujours en prison.

Des partis kurdes en Syrie réclament régulièrement que les autorités restituent à près de 300.000 Kurdes leurs cartes d'identité qui leur avaient été retirées en 1962. Outre la reconnaissance de leur langue et de leur culture, les Kurdes de Syrie affirment revendiquer des droits politiques et administratifs “dans le cadre de l'intégrité territorial du pays”.

Quelque vingt-mille Kurdes de Syrie seront réintegrés dans la nationalité syrienne, a cependant indiqué le général et ex-ministre syrien de la Défense Moustapha Tlass. Le président Bachar al-Assad “a promis la nationalité à environ 20.000 Kurdes, car ils sont véritablement Syriens, mais pas inscrits” sur les registres de l'état civil, a-t-il déclaré dans une interview publiée le 21 mai dans le quotidien arabe Al-Hayat. “Nous ne faisons pas de différence entre un Arabe et un Kurde (...) Il existe un nombre de Kurdes qui sont Syriens, et qui ont droit à la nationalité syrienne”, a ajouté le général Tlass.

Interrogé sur le sort des autres Kurdes de Syrie, il a indiqué que “des dizaines de milliers de Kurdes sont venus d'Irak et de Turquie en Syrie nous leur avons dit franchement que ceux qui sont syriens auront la nationalité et les autres pas”.

Le général Tlass avait rencontré des représentants de la communauté kurde après les heurts et le président Assad avait assuré que “la question de la nationalité (pour les Kurdes) qui dure depuis 42 ans serait résolue”. “Les Kurdes sont des citoyens syriens qui vivent parmi nous, et le nationalisme kurde fait partie de l'histoire de la Syrie”, avait-il dit dans une récente interview.

Moustapha Tlass a pris sa retraite le 12 mai dernier, après 32 ans à la tête du ministère de la Défense, mais il demeure un membre actif du bureau politique du parti Baas, au pouvoir en Syrie.

Par ailleurs, le président américain George W. Bush a imposé le 11 mai des sanctions, essentiellement économiques, contre la Syrie, accusée de soutenir le terrorisme, de développer des armes de destruction massive et de gêner la stabilisation de l'Irak. Damas a immédiatement réagi en qualifiant ces sanctions d' « injustes et injustifiées », selon le Premier ministre Mohammad Naji Otri. Elles « n'auront toutefois pas d'effet sur la Syrie », a-t-il déclaré, en appelant les Etats-Unis à « revenir sur leur décision et à ne pas provoquer de problèmes entre les deux pays ».

Les sanctions portent notamment sur l'interdiction pour des avions possédés ou contrôlés par le gouvernement syrien de décoller des Etats-Unis ou d'atterrir sur le territoire américain. Elles bannissent les exportations de munitions et celles de tout produit depuis les Etats-Unis vers la Syrie à l'exception de la nourriture et de médicaments. Le département américain du Trésor va également geler les comptes de la Commercial Bank of Syria en raison d'opérations de blanchiment d'argent présumées ainsi que des avoirs appartenant à « certaines personnes et entités gouvernementales syriennes », indique le communiqué.

Selon Washington, la Syrie n'a toujours pas restitué au Fonds de développement pour l'Irak environ 200 millions de dollars d'avoirs irakiens qui se trouvent dans des banques syriennes. Damas aurait également dégagé 3 milliards de dollars de bénéfice grâce à des relations commerciales avec le régime déchu de Saddam Hussein en violation des résolutions des Nations Unies sur l'embargo contre l'Irak.

LE KONGRA-GEL, SUCCESSEUR DU PKK, ANNONCE LA FIN DE LA TRÊVE

Le Congrès du peuple du Kurdistan (Kongra-Gel), successeur du parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), a décidé de mettre fin à partir du 1er juin à la trêve déclarée unilatéralement en 1998, a rapporté le 29 mai l'agence pro-kurde Mésopotamie. “Le processus de cessez-le-feu (...) décrété en 1998 a perdu sa signification politique et militaire en raison des opérations d'anéantissement (des rebelles) lancées ces trois derniers mois par l'Etat turc”, précise un communiqué de l'organisation, cité par l'agence, basée en Allemagne, sur son site internet. “Notre engagement pour une trêve cessera d'exister à compter du 1er juin”, souligne le document qui appelle les touristes et les investisseurs étrangers à éviter la Turquie à partir de cette date. “Les touristes ne doivent pas choisir la Turquie (...) Nous appelons ceux qui veulent investir en Turquie à ne pas choisir ce pays, sachant qu'il entre dans une période de conflit”, affirme le Kongra-Gel.

“Nous répondrons par les armes aux attaques qui nous viserons sur nos bases (...) Nous nous engagerons dans divers types d'activités visant les forces turques”, souligne l'organisation.

La trêve actuelle avait été décrétée en 1998 après la capture du chef du PKK Abdullah Ocalan par un commando au Kenya. Ocalan avait été ramené en Turquie où il a été jugé et condamné à la peine capitale l'année suivante. Sa peine a été commuée à la prison à vie après l'abolition de la peine de mort. Il est maintenu en isolement sur l'île-prison d'Imrali (nord-ouest).

Selon le communiqué du Kongra-Gel, environ 500 “guérilleros” de l'organisation ont été tués par les forces turques ces six dernières années.

Une récente recrudescence de la violence dans le Kurdistan de Turquie est palpable après quatre ans de sommeil. “La situation pourrait empirer”, estime pour sa part Selahattin Demirtas, responsable de l'Association des droits de l'Homme dans la ville de Diyarbakir. “Vingt-six personnes ont été tuées dans des incidents au cours des deux derniers mois”, affirme-t-il. Le printemps, après la fonte des neiges, est généralement propice à la reprise des opérations de ratissage menées par l'armée pour débusquer des combattants dans les régions rurales, ce qui expliquerait en partie l'augmentation du nombre d'affrontements.

Par ailleurs, huit combattants kurdes, membres présumés de l'ancien Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé Kongra-Gel), ont été tués au cours le 5 et le 6 mai, selon les sources sécuritaires dans la région. Six combattants ont été tués le 6 mai près du Mont Caci, non loin d'Eruh, dans la province de Siirt, là où un autre combattant avait été abattu la veille, selon des responsables locaux. Un autre combattant a été tué le 6 mai lors d'affrontements dans le district rural de Gercus, dans la province voisine de Batman. Un supplétif de l'armée turque avait été tué et quatre blessés le 5 mai lors d'affrontements avec des combattants du PKK dans la province proche de Bingol

D’autre part, deux soldats turcs ont été tués quand le véhicule dans lequel ils circulaient a heurté une mine dans la région de Diyarbakir. L'explosion, qui s'est produite près de la localité de Lice a eu lieu le 9 mai alors que les soldats effectuaient une patrouille. Le 12 mai, deux soldats turcs ont été tués et trois autres blessés quand le véhicule dans lequel ils circulaient a heurté une mine à Cukurca. Le 23 mai, trois policiers turcs ont été blessés dans l’attaque du commissariat à Yuksekova, près de la frontière iranienne et le 26 mai un soldat turc a été tué et un autre blessé dans une attaque attribuée au PKK dans la région montagneuse de Cemisgezek.

Par ailleurs, la Cour suprême néerlandaise, la plus haute instance judiciaire des Pays-Bas, a autorisé le 7 mai l'extradition de Nuriye Kesbir, une dirigeante du Parti des travailleurs du Kurdistan vers la Turquie. « La décision finale (sur une extradition) revient au ministre de la Justice, qui se prononcera d'ici quelques semaines », a déclaré un porte-parole du ministère, Ivo Hommes.

Selon les autorités turques, Mme Kesbir serait responsable d'au moins 25 attaques contre des objectifs militaires dans le Kurdistan de Turquie entre 1993 et 1995. Mme Kesbir était membre du Conseil présidentiel du PKK (rebaptisé Kongra-Gel), et exerçait des fonctions importantes au sein de cette organisation aux côtés notamment d'Osman Ocalan, frère d’Abdullah Ocalan. Elle a cependant toujours nié avoir été impliquée dans des attentats et affirmé ne s'être occupée que de questions relatives aux femmes.

Par sa décision, la Cour suprême casse une décision de la cour d'appel d'Amsterdam, qui avait estimé en décembre 2002 que la Turquie n'avait pas précisé suffisamment quel aurait été le rôle de Nuriye Kesbir dans les attentats.

Nuriye Kesbir, qui craint un procès inéquitable et la torture en Turquie, a immédiatement annoncé qu'elle entamerait une grève de la faim pour protester contre la décision de la Cour suprême. Son avocat Victor Koppe s'est dit déterminé à utiliser tous les recours possibles pour empêcher l'extradition, y compris en faisant appel à la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg. Mme Kesbir avait été arrêtée à l'aéroport d'Amsterdam Schiphol en septembre 2001. Elle avait demandé l'asile politique aux Pays-Bas, ce qui lui avait été refusé

AINSI QUE…

JOHN NEGROPONTE NOMMÉ AMBASSADEUR AMÉRICAIN À BAGDAD


La nomination par le président Bush de l'actuel ambassadeur américain à l'ONU, John Negroponte, a, le 6 mai, été confirmé par le Sénat américain au poste d'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, par 95 voix contre 3. Lors de ce vote de confirmation, les sénateurs démocrates ont mis de côté leur rejet de la politique irakienne de l'administration Bush pour soutenir son choix pour ce poste sensible.

Après le transfert de souveraineté à l'Irak prévu pour le 30 juin, John Negroponte, actuellement en poste à l'ONU, sera à la tête de l'ambassade américaine à Bagdad, qui devrait devenir la plus grande ambassade des Etats-Unis dans le monde.

“ AU REVOIR ” ET “ MERCI ” EN KURDE DONNENT LIEU À DES POURSUITES EN TURQUIE ET LES PRÉNOMS KURDES CONTINUENT À ÊTRE INTERDITS


Le parquet de la ville de Nusaybin a, le 13 mai, ouvert une instruction à l’encontre de Tuncer Bakirhan, président du parti de la démocratie du peuple (DEHAP-prokurde). Les autorités turques lui reprochent d’avoir dit “ au revoir ” [Xatira we] et “ merci ” [spas] en kurde à la fin d’une réunion politique à Nusaybin le 26 mars et le poursuivent sur la base de l’article 81/C de la loi N°2820 relative aux partis politiques interdisant toute autre langue que le turc dans le débat politique. M. Bakirhan se voit obligé de plaider qu’il n’a pas enfreint ladite loi puisqu’il n’a parlé qu’en turc au cours de son discours mais a remercié et dit au revoir en kurde, ce qui ne devrait pas rentrer dans le cadre du débat politique.

Tuncer Bakirhan est d’ores et déjà poursuivi dans le cadre de 29 autres instructions ouvertes à son encontre dans le cadre de ses engagements politiques.

Par ailleurs, le Tribunal de grande instance N°2 de Beyoglu, a, le 10 mai, rejeté les requêtes de deux responsables de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), Mmes Eren Keskin et Kiraz Biçici, qui demandaient au tribunal le droit de porter des prénoms kurdes, Xezal (gazelle), Xecê (diminutif de Khadidja). Le tribunal a suivi les conclusions du procureur qui demandaient aux requérantes d’utiliser la lettre “ H ”, puisque la lettre “ X ” n’existe pas en turc.

LE BILAN DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME DANS LES RÉGIONS KURDES POUR LE MOIS D’AVRIL


La branche de Diyarbakir de l’Association turque des droits de l’homme (IHD) a, le 13 mai, rendu public son bilan des violations des droits de l’homme pour le mois d’avril 2004 dans les régions kurdes. Voici le bilan publié par l’IHD :

- Nombre de personnes tuées lors des affrontements : 5
- Nombre de meurtres non élucidés et d’exécutions extrajudiciaires : 3 morts et 7 blessés
- Nombre de victimes des mines antipersonnelles : 2 morts et 7 blessés
- Nombre de placements en garde-à-vue : 57
- Nombre de plaintes de tortures et de sévices : 32
- Nombre d’arrestations : 15
- Nombre de manifestations culturelles interdites : 3



LE DISSIDENT IRANIEN HACHEM AGHAJARI RISQUE TOUJOURS LA PEINE DE MORT POUR « APOSTASIE »

Le dissident iranien Hachem Aghajari a de nouveau défié la justice le 4 mai après la confirmation de sa condamnation à mort, en lui laissant le soin de faire appel de ce nouveau jugement et de désavouer un de ses magistrats. Le même jour, l'intellectuel avait appris que le juge unique du tribunal de Hamadan (ouest) qui avait prononcé la peine capitale contre lui en novembre 2002 avait « maintenu son jugement » justifié par des faits « d'apostasie ».

L'autorité judiciaire nationale s'est empressée de proclamer que la sentence n'était toujours pas définitive, dans le souci de prévenir une poussée de fièvre semblable à celle qu'avait provoquée le premier jugement. Encore faut-il que la Cour suprême soit saisie. « Si M. Aghajari persiste dans son refus de faire appel, seul le chef de l'autorité judiciaire pourra utiliser ses prérogatives » pour le faire, a déclaré l’avocat de la défense.

L'affaire Aghajari revient ainsi au même point qu'un peu plus d'un an plus tôt. L'universitaire refusait alors de faire appel, faisant valoir que c'était à la justice de régler la crise qu'elle avait créée. La justice avait résisté jusqu'au bout, malgré les ordres de révision du jugement donnés par le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.

Devenu depuis une figure emblématique, l'universitaire Aghajari a été condamné en 2002 à huit ans de prison et à la peine de mort, malgré sa stature de révolutionnaire et de combattant de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Pour le juge, il avait remis en cause les fondements de la religion et de la République islamique en plaidant en public en faveur d'une sorte de protestantisme de l'islam et en affirmant que les musulmans n'étaient pas des « singes » pour « suivre aveuglément un chef religieux ». Cette sentence avait provoqué une grave crise politique, mobilisant contre elle jusque dans les rangs conservateurs et braquant surtout les étudiants. La condamnation avait été cassée par la Cour suprême. La peine d'emprisonnement avait ensuite été ramenée en appel à quatre ans, avant que Hachem Aghajari ne bénéficie d'une grâce pour cette partie des faits. Mais l'accusation d'apostasie et la peine capitale restaient en suspens, et cette partie du dossier avait été renvoyée devant le juge de Hamédan.

Le nouveau jugement de ce dernier doit à présent être « transmis à trois juges » de la Cour suprême. Le bureau du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi a jugé « inacceptable de condamner à mort quelqu'un simplement parce qu'il a exprimé un avis ». Hachem Aghajari reste détenu dans la prison d'Evine à Téhéran.


UN 1ER MAI SOUS SURVEILLANCE POLICIÈRE DANS LES PROVINCES KURDES Où LES AFFRONTEMENTS S’INTENSIFIENT

Quelques 110 personnes ont été interpellées le 1er mai à Diyarbakir par la police anti-émeutes alors qu'elles tentaient de passer outre une interdiction de manifester dans la ville. Lors d'un court affrontement au moins un manifestant a été blessé. Une centaine de membres de syndicats, de partis politiques et d'associations tentaient d'organiser une manifestation sur la place Dagkapi en bravant une interdiction des autorités locales, qui n'avaient autorisé qu'un rassemblement à une dizaine de kilomètres hors la ville. Ils ont été interpellés par la police, ne voulant pas quitter les lieux. Par ailleurs un deuxième groupe, d'une dizaine de personnes, a également été interpellé alors qu'il tentait de rallier la même place. D’autre part, la police de Diyarbakir a, le 2 mai, annoncé l’arrestation de 41 personnes soupçonnées d’être liées au PKK et de préparer des attentats contre des bâtiments gouvernementaux. La police a également déclaré avoir saisi 25 cocktails Molotov et des drapeaux “ interdits ”, selon un communiqué de la police municipale.

La police avait renforcé les mesures de sécurité dans les principales villes du pays à l'occasion du 1er mai, afin de prévenir des incidents. Les manifestations du 1er mai en Turquie ont donné lieu dans le passé à plusieurs reprises à des affrontements sanglants entre manifestants et forces de sécurité.