Publications


Bulletin complet

avec revues de presse

Bulletin N° 232 | Juillet 2004

 

 

ANKARA: LA COUR DE CASSATION TURQUE CASSE LE VERDICT DE 15 ANS DE PRISON PRONONCÉ CONTRE LEYLA ZANA ET SES COLLÈGUES

Leyla Zana et ses trois collègues, anciens députés du parti de la Démocratie (DEP, dissous en 1994), seront jugés pour la troisième fois après que la Cour de cassation turque a cassé le 14 juillet une peine de 15 ans de prison prononcée à leur encontre pour “séparatisme”.

La neuvième chambre de la Cour a décidé à l'unanimité de casser le verdict prononcé en avril par une Cour de sûreté de l'Etat (DGM) contre les quatre anciens députés kurdes à l'issue d'un nouveau procès, voulu par la Cour européenne des droits de l'Homme, qui avait jugé le premier procès inéquitable, a annoncé son président Hasan Gerceker.

Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak ont été libérés par une cour d'appel en juin après avoir purgé dix ans de prison en attendant la révision de leur dernier procès. Ils avaient été condamnés en 1994 à 15 ans de prison pour “soutien au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé Kongra-Gel)”. Les quatre détenus ont été rejugés en avril mais le nouveau procès n'a fait que confirmer la précédente condamnation, provoquant des réactions négatives de la part de l'Union européenne.

M. Gerceker a notamment souligné les vices de procédure entourant le procès, indiquant que les anciens députés auraient dû notamment être entendus après la nouvelle notification de l'acte d'accusation. Il estime aussi que le fait que des témoins qui avaient accablé les prévenus lors du premier procès n'aient pas été appelés à témoigner au deuxième procès, constitue un vice de procédure.

Un avocat des ex-députés a salué la décision. “C'est une décision juste. C'est aussi un tournant pour la Turquie” dans la voie de l'intégration à l'UE, a notamment déclaré Me Hamit Geylani.

Les quatre ex-députés seront ainsi jugés une nouvelle fois devant une Cour d'assises d'Ankara après l'abolition par le parlement turc des DGM, des tribunaux d'exception, dans le cadre des réformes pour rapprocher le pays des normes européennes. Mais la presse turque annonce d’ores et déjà que ce sera toujours M. Karadeniz qui présidera cette nouvelle cour. Ce dernier avait dirigé les audiences du dernier procès organisé dans le cadre de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara.

Mme Zana, dont le courage politique a été salué en 1995 par le Parlement européen qui lui a décerné le prix Sakharov de la liberté de pensée, est devenue une figure emblématique de la lutte pacifique pour la reconnaissance des droits des Kurdes en Turquie. Depuis leur sortie de prison, les quatre ex-députés ont sillonné le Kurdistan de Turquie pour des meetings politiques en tenant partout des messages de paix, ce qui n’a pas manqué d’irriter la puissante armée turque. Le numéro deux de l'état-major, le général Ilker Basbug, a accusé, le 8 juillet, les autorités de laxisme en autorisant Leyla Zana et ses amis à tenir des discours dans ces rassemblements alors qu'ils sont toujours sujets à des poursuites pénales. La police a ensuite immédiatement annoncé le dépôt de plaintes à leur encontre. Le porte-parole de la police, Ramazan Er, n’a pas précisé sur quoi se fondaient les plaintes, il a seulement rapporté que lors de ces meetings, Leyla Zana et ses amis avaient parlé en turc et en kurde. Or, selon la législation turque, seul le turc est reconnu comme langue officielle et les discours politiques doivent être faits dans cette langue.

La Turquie espère un feu vert des dirigeants européens en décembre pour entamer des négociations d'adhésion à l'UE. Pour inciter les dirigeants européens à prendre une telle décision, le gouvernement du parti de la Justice et du Développement (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a fait passer au parlement une série de mesures visant à démocratiser la législation turque. La libération de Leyla Zana et de ses collègues fait partie de cette offensive de charme tous azimuts.

BAGDAD: LE PRÉSIDENT IRAKIEN AFFIRME QUE L’IRAK RESPECTERA LE STATUT D’AUTONOMIE DES KURDES

Lors d’une visite au Kurdistan, le président irakien Ghazi al-Yaouar a affirmé le 21 juillet que son pays respectera le statut d'autonomie des régions kurdes et ne remettra pas en cause le système fédéral. “Nous soutenons cette expérience (d'autonomie) par tous les moyens”, a déclaré M. Yaouar devant un auditoire de personnalités kurdes réunies dans la station touristique de Salaheddine. “Nous voyons dans le fédéralisme un outil pour rapprocher les unes des autres les régions de la patrie”, a-t-il déclaré, ajoutant que la Constitution provisoire, qui souligne le caractère fédéral de l'Irak, “sera appliquée mot à mot”.

Les Kurdes, qui jouissent d'une autonomie de fait depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991, ont exprimé des craintes de voir leur statut remis en cause à l'avenir même si le fédéralisme a été consacré dans la Constitution provisoire adoptée en mars dernier par le Conseil de gouvernement dissous.

M. Barzani s'est félicité quant à lui de la visite de M. Yaouar, ajoutant que le président irakien “jouit d'un grand soutien du peuple kurde”.

A propos des relations avec les pays de la région, souvent accusés de ne pas empêcher efficacement l'infiltration de combattants étrangers en Irak, M. Yaouar a indiqué s'attendre à “ la bonne foi des voisins”. “L'instabilité de l'Irak peut affecter leur propre sécurité”, a-t-il ajouté. “L'Iran est un voisin qui nous est cher et qui doit avoir un rôle positif en Irak”, a-t-il souligné, déclarant à propos d'éventuelles menaces turques contre les Kurdes d'Irak: “Nous n'accepterons aucune atteinte à l'une des composantes de notre peuple et nous défendrons tous les Irakiens en cas de menace”.

Cependant, les Kurdes sont loin d’être rassurés et nombre d’entre eux commencent à douter de leur avenir dans l’Irak. Quelque 500 intellectuels et étudiants ont manifesté le 24 juillet à Souleimaniyeh pour exiger l'indépendance du Kurdistan d'Irak et revendiquer la ville pétrolière de Kirkouk. La manifestation a eu lieu en dépit d'une interdiction des autorités de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani, qui contrôle la province de Souleimaniyeh. Les manifestants se sont rassemblés sur la place Azadi (Liberté) et ont marché vers un bâtiment du gouvernement local, derrière deux bannières: “L'indépendance pour le Kurdistan” et “Kirkouk, ville kurde”.

Une délégation a remis un mémorandum des indépendantistes, qui ne sont membres d'aucun parti, à un représentant du gouvernement de Souleimaniyeh de l'UPK. Ce texte intitulé “soutenez l'indépendance du Kurdistan” demande l’Indépendance du Kurdistan, un tribunal international pour le procès de Saddam Hussein qui doit associer les Kurdes et ajouter l' “arabisation” forcée des provinces kurdes aux chefs d'inculpation de Saddam Hussein.

Par ailleurs, quelques milliers de Kurdes ont manifesté le 21 juillet à Kalar, au sud-est de la ville de Souleimaniyeh, pour exiger des nouvelles autorités irakiennes la vérité sur les disparus de l'opération Anfal, campagne génocidaire menée par l'ancien régime. Ils ont marché derrière une banderole proclamant : “Nous demandons la vérité pour nos enfants arrêtés pendant l'opération Anfal”. Une autre banderole demandait au tribunal spécial irakien chargé de juger Saddam Hussein de le condamner à mort pour ce “crime”.

Le régime de Saddam Hussein avait mené de 1987 à 1990 une campagne baptisée "Anfal" destinée à briser la résistance kurde dans le nord de l'Irak. Plus de 4.000 villages kurdes avaient été détruits lors de cette campagne et des centaines de milliers de personnes déportées. Des dizaines de milliers de Kurdes ont péri ou ont été portés disparus.

Par ailleurs, le ministère turc des Affaires étrangères a exprimé son irritation le 14 juillet à propos des Kurdes d’Irak et plus particulièrement leur importance dans la ville pétrolière de Kirkouk qui a connu une arabisation forcée sous le régime de Saddam Hussein. Une délégation de diplomates turcs, qui s'est rendue dans cette ville du 6 au 11 juillet, a “constaté de sérieux efforts, soutenus par des travaux de construction, dans la voie de la modification de la répartition démographique de Kirkouk”, souligne le communiqué en référence implicite aux Kurdes d'Irak. “Cette situation est source de préoccupation pour les différentes composantes du peuple irakien (...), il faut absolument éviter tout fait accompli dans cette région” précise le document. Ankara, qui instrumentalise la minorité turkmène, turcophone, installée à Kirkouk et dans ses environs, craint qu'une éventuelle mainmise kurde sur les ressources pétrolières de la région n'attise des velléités d'indépendance chez les Kurdes d'Irak. Le numéro deux de l'état-major de l'armée turque, le général Ilker Basbug, avait lancé, le 8 juillet, un avertissement contre toute tentative de modifier la répartition ethnique dans la ville. “Un tel développement soulèverait en Turquie de graves inquiétudes pour la sécurité” de la région, avait-il indiqué. “Nous attendons du gouvernement intérimaire irakien qu'il empêche cela”, avait-il ajouté, estimant qu'un échec à trouver “une solution juste et durable” au statut de Kirkouk constituerait une menace contre l'intégrité territoriale et politique de l'Irak.

Un diplomate turc avait annoncé le 4 juillet que la Turquie avait rapatrié du Kurdistan irakien une poignée de ses officiers qui y étaient déployés depuis 1996 dans le cadre d'une opération internationale visant à éviter une reprise des affrontements entre les deux principaux partis kurdes irakiens. “Leur mission est achevée. Cela fait un moment qu'ils ne faisaient plus grand-chose là-bas”, a déclaré ce diplomate qui a précisé qu'il s'agissait de “moins d'une dizaine d'officiers de l'armée” turque. Depuis la guerre en Irak en mars 2003, le départ des observateurs turcs a été réclamé par les partis politiques kurdes qui se méfient des intentions d'Ankara envers le Kurdistan irakien. La Turquie maintient plusieurs milliers de militaires dans la zone frontalière en faisant valoir que le KONGRA-GEL, ex-PKK, qui a trouvé refuge au Kurdistan irakien, représente une menace pour sa propre sécurité.

ERBIL: NECHIRVAN BARZANI SERA LE PREMIER MINISTRE DU GOUVERNEMENT RÉUNIFIÉ DU KURDISTAN IRAKIEN

L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a annoncé le 6 juillet avoir renoncé à nommer un nouveau Premier ministre pour favoriser la constitution d'un seul exécutif dans le Kurdistan irakien avec le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). “Notre gouvernement a nommé Omar Fattah, ancien chef des renseignements au poste de vice-Premier ministre et a renoncé à nommer un Premier ministre à la place de Berham Saleh devenu vice-Premier ministre dans le gouvernement central de Bagdad”, a indiqué un responsable de l'UPK de Jalal Talabani.

“En renonçant à nommer un Premier ministre, nous ouvrons la voie à un gouvernement réunifié du Kurdistan d'Irak composé de l'exécutif de notre parti et de celui du PDK de Massoud Barzani”, a ajouté ce responsable. “Le chef actuel de l'exécutif du PDK, Nechirvan Barzani, peut ainsi devenir le chef d'un gouvernement réunifié du Kurdistan et M. Fattah son adjoint”, a-t-il ajouté.

Les deux formations avaient, à l’issue des élections de mai 1992, formé un gouvernement d’union nationale et une assemblée nationale du Kurdistan. Ces institutions démocratiques n’ont pas été reconnues par les Alliés et l’ONU et l’expérience kurde, privée de ressources, a connu des tensions internes qui ont abouti à des affrontements fratricides sporadiques entre mai 1994 et novembre 1996. Depuis, le Kurdistan vit en paix mais reste gouverné par deux administrations régionales. En octobre 2002, le Parlement du Kurdistan s’est à nouveau réuni à Erbil. Son président, Dr. Roj Shaweish a été nommé en juin dernier vice-président de la République d’Irak. D’après l’accord conclu entre le PDK et l’UPK, le gouvernement régional réunifié sera dirigé par Nechirvan Barzani du PDK et le poste du président de l’Assemblée nationale du Kurdistan reviendra au Dr. Kamal Fouad, de l’UPK. Les élections prévues en janvier 2005 pour l’Assemblée constituante de l’Irak devraient également permettre aux électeurs kurdes de renouveler le parlement du Kurdistan.

BERHAM SALEH, VICE-PREMIER MINISTRE IRAKIEN CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, EN VISITE EN SYRIE

Berham Saleh, en visite officielle en Syrie, a été le 10 juillet reçu par le Premier ministre syrien Naji al-Otari et par le président Bachar el-Assad le lendemain, pour la première visite en Syrie d'un haut dirigeant irakien depuis le transfert de souveraineté le 28 juin dernier. L'Irak et la Syrie doivent œuvrer de concert pour empêcher les “combattants étrangers” d'entrer en Irak via la Syrie, a déclaré le 10 juillet à Damas le vice-Premier ministre irakien chargé de la sécurité nationale. “Il y a un intérêt mutuel à contrôler et empêcher les infiltrations, car l'instabilité de l'Irak aurait des répercussions dangereuses sur la sécurité de la région et des pays voisins”, a mis en garde le responsable irakien. Les Etats-Unis accusent la Syrie de permettre aux combattants islamistes de passer par son territoire et traverser une frontière poreuse pour rejoindre la rébellion en Irak, ainsi que de soutenir des organisations terroristes et de chercher à se doter d'armes de destruction massive. Washington a imposé un embargo sur les exportations à destination de la Syrie, hors médicaments et vivres. Berham Saleh, qui était porteur d'un message du Premier ministre Iyad Allaoui aux dirigeants syriens, a précisé que sa visite faisait “partie d'une initiative irakienne visant à créer un environnement régional adapté pour la stabilité de l'Irak et de la totalité de la région”. Parlant de l'Iran à majorité chiite, il l'a décrit comme un “voisin important”, avec lequel l'Irak a intérêt à entretenir des “relations stables et prospères”. Il y a une semaine, le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari avait déclaré au Sunday Telegraph de Londres que son pays disposait de renseignements sur le soutien financier, logistique et de formation fournis par des pays voisins à la rébellion luttant contre la coalition en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Ces pays n'étaient pas identifiés, mais l'Iran et la Syrie sont visés.

LE GOUVERNEMENT IRAKIEN, À LA DEMANDE DE L’ONU, REPORTE LA CONFÉRENCE NATIONALE

Le nouveau pouvoir irakien a été contraint le 29 juillet de reporter de 15 jours, à la demande de l'Onu, la Conférence nationale qui était présentée comme la première expérience démocratique de l'après Saddam Hussein, dans un climat de grande insécurité et de confusion politique. “Nous avons reçu une lettre du Secrétaire général de l'Onu Kofi Annan dans laquelle il a demandé qu'on reporte la Conférence nationale”, qui devait commencer le 31 juillet, a déclaré le porte-parole de la Commission préparatoire de ces assises, Abdel Halim Alrouhaïmi. “Dans sa lettre, il note que certains partis ont affirmé ne pas vouloir participer à ce processus, et il demande du temps pour persuader ces partis”, a-t-il ajouté, assurant: “Nous avons décidé de reporter cette conférence de deux semaines, pas plus”.

L'annonce de ce report intervient dans un climat de grande tension en Irak, où les attentats sont quasi quotidiens. Le 28 juillet, 70 personnes ont été tuées dans un attentat suicide à la voiture piégée à Baaqouba (60 km au nord de Bagdad), l'un des plus meurtriers depuis la chute de Saddam Hussein en avril 2003. Le chef de la Commission préparatoire de la conférence, Fouad Maasoum, a cependant affirmé que le report n'était pas dû à des raisons de sécurité. Dans un communiqué, la Commission préparatoire a indiqué que la décision de report avait été prise après consultation avec le président Ghazi al-Yaouar et le chef du gouvernement, Iyad Allaoui. Selon ce texte, les deux semaines à venir permettront d' “achever le dialogue avec toutes les familles (politiques) irakiennes, de lancer une campagne d'information et de mettre en lumière les questions qui seront discutées par la conférence”.

Cette conférence, qui doit réunir à Bagdad 1.000 délégués de tout le pays, est la première étape d'un processus politique qui doit conduire à des élections générales au plus tard en janvier 2005. Elle aura à désigner un conseil consultatif et de contrôle, le “Conseil national intérimaire”. Cette instance, qui comprendra entre 75 et 125 membres, aura à approuver le budget 2005, pourra mettre son veto à des décisions gouvernementales à la majorité des deux tiers et interroger les ministres, et sera consultée sur l'organisation des élections générales. Les partisans du chef chiite radical Moqtada Sadr, qui affirme représenter une bonne partie des chiites, ont décidé de boycotter le rassemblement, et le processus de sélection des délégués a été marqué par de nombreuses contestations à travers le pays.

Kofi Annan avait déploré le 21 juillet, six semaines après que le Conseil de sécurité a autorisé la création d'une force de sécurité indépendante pour protéger le personnel de l'ONU en Irak, qu’aucun pays ne se soit fermement engagé à envoyer des soldats. Kofi Annan avait souligné que les membres de l'ONU doivent assurer une sécurité suffisante aux employés de l'ONU s'ils souhaitent qu'elle aide significativement l'Irak à préparer des élections, à rédiger un projet de constitution et à reconstruire le pays. Un nouvel envoyé spécial de l'Onu en Irak, le Pakistanais Ashraf Jehangir Qazi, avait été nommé le 12 juillet.

Une force de 4.000 hommes devait théoriquement assurer la protection de l'ONU et de ses équipements, mais elle n'existe encore que sur le papier ce qui devrait amener la force multinationale conduite par les Américains à jouer le rôle de gardien des employés de l'ONU sur place tant qu'elle n'est pas mise sur pied.

Certains diplomates ont exprimé leur consternation à l'égard de l'Union européenne, qui a beaucoup demandé que les Nations unies soient davantage impliquées en Irak mais qui ne semble pas disposée à fournir des hommes pour garantir sa sécurité. A Bruxelles, les chefs de la diplomatie de l'UE avaient, le 12 juillet, reçu leur homologue irakien Hoshyar Zebari, venu demander “une aide concrète” après le transfert de souveraineté le 28 juin. L'UE est “d'accord sur le besoin d'apporter un ferme soutien au gouvernement irakien intérimaire”, avait affirmé le ministre néerlandais des Affaires étrangères Bernard Bot, dont le pays préside l'Union depuis le 1er juillet. Mais les dirigeants de l'UE ont aussi clairement rappelé leur opposition à la peine de mort que l'Irak compte rétablir, avait-il indiqué.

Par ailleurs, la Russie a fait savoir le 24 juillet qu'elle n'avait pas l'intention d'envoyer des soldats au sein de la force multinationale sous commandement américain en Irak mais qu'elle est prête à aider Bagdad en développant les relations commerciales entre les deux pays et en allégeant sa dette. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait promis de continuer à consolider les liens qui unissent l'Irak et la Russie après des discussions avec son homologue irakien Hoshyar Zebari en visite en Russie.

LA FRANCE ET L’IRAK RÉTABLISSENT LEURS RELATIONS DIPLOMATIQUES

La France et l'Irak ont décidé de rétablir leurs relations diplomatiques à compter du 12 juillet, a annoncé le ministère français des Affaires étrangères. “Le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Irak (...) ont pris la décision de rétablir, à compter du 12 juillet 2004, leurs relations diplomatiques et d'échanger des ambassadeurs dans les meilleurs délais”, a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay dans un communiqué.

"Les deux gouvernements sont convaincus que cette décision contribuera au resserrement des liens entre la France et l'Irak comme à l'intensification de leurs échanges, pour le plus grand intérêt des deux pays", a-t-il ajouté.

Le drapeau français a été hissé sur le bâtiment de la section des intérêts français à Bagdad, qui était jusque là placée sous pavillon roumain. La France avait ouvert cette section d'intérêts en 1995, après que Bagdad eut accepté une résolution de l'Onu sur les frontières du Koweït.

De son côté, le Premier ministre irakien Iyad Allaoui avait souhaité le 5 juillet ouvrir un “nouveau chapitre” dans les relations de son pays avec la France. Mais il revenait aux autorités irakiennes de faire le premier pas formel pour la reprise des relations bilatérales puisque c'est Bagdad qui avait rompu avec la France en février 1991 après le début de la guerre du Golfe. M. Barnier avait déclaré le 8 juillet qu'il avait reçu une lettre de son homologue irakien Hoshyar Zebari lui annonçant formellement que son pays était “prêt” à reprendre les relations diplomatiques avec la France.

Par ailleurs, le chef de la diplomatie irakienne a nommé le 19 juillet 43 nouveaux ambassadeurs, afin de normaliser au plus vite les relations avec l'étranger, surtout avec les voisins arabes de l'Irak. Parmi les 43 futurs ambassadeurs se trouvent des diplomates de carrière ainsi que des personnalités venant de différents partis politiques. “Nous voulons que (ces nominations) soient totalement représentatives du nouvel Irak”, avait déclaré, le 11 juillet, le ministre, dont le département ne comporte plus, depuis le transfert du pouvoir, le 28 juin, de conseillers étrangers. En plus de l'envoi de diplomates à l'étranger, les nouvelles autorités ont accueilli de nouveaux ambassadeurs, dont l'Américain John Negroponte. Sept ambassadeurs ont présenté leurs lettres de créance et “nous avons une longue liste d'attente”, a indiqué M. Zebari.

L'Arabie saoudite a décidé le 29 juillet de normaliser ses relations diplomatiques avec l'Irak, à qui elle a renouvelé sa promesse de versement d'une aide à la reconstruction de 1 milliard de dollars, et qu'elle a assuré d'une coopération en matière de sécurité. Dans un communiqué publié au terme d'une visite officielle de trois jours du Premier ministre intérimaire irakien Iyad Allaoui en Arabie saoudite, les deux pays ont annoncé être “convenus de rétablir leurs représentations diplomatiques”.

RECEP TAYYIP ERDOGAN EN VISITE OFFICIELLE À PARIS

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a effectué à partir du 19 juillet une visite officielle en France de trois jours destinée à convaincre une classe politique réticente du bien fondé d'une éventuelle adhésion de son pays à l'Union européenne. “Nous souhaitons que tout le soutien que nous a apporté la France, et notamment par l'intermédiaire du président Chirac, dans ce dossier européen se poursuive à l'avenir”, a expliqué M. Erdogan à l'issue d'un entretien d'une heure avec le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à Matignon.

La Commission européenne doit rendre début octobre un rapport évaluant les progrès accomplis par la Turquie dans le domaine des droits de l'homme et des libertés publiques. Sur cette base, les 25 Etats-membres doivent décider en décembre de fixer ou non une date pour commencer des négociations d'adhésion, qui pourraient durer plusieurs années. Promue candidate au sommet d'Helsinki de 1999, la Turquie est engagée dans un processus d'intégration continu depuis 1963. Le gouvernement turc a réalisé depuis quelques années des efforts considérables pour se conformer aux “critères de Copenhague”, en abolissant par exemple la peine de mort. Mais son dossier est freiné par des infractions en matière de droits de l'Homme et des droits des minorités un poids institutionnel de l'armée jugé trop lourd et la question de la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

Lors du sommet de l'OTAN à Istanbul fin juin, Jacques Chirac avait jugé “irréversible” à terme l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, même si elle ne devrait pas intervenir selon lui avant 10 ou 15 ans. Une opinion que ne partage pas sa majorité: l'UMP comme l'UDF sont résolument hostiles à l'adhésion d'Ankara, alors que la gauche la soutient. Prudemment, Jacques Chirac a déclaré attendre les conclusions de la Commission.

“Nous étudierons avec la plus grande attention le rapport de la Commission cet automne et nous souhaitons une prise de position du Conseil en décembre sur cet important sujet”, a simplement déclaré le 19 juillet Jean-Pierre Raffarin. De son côté, M. Erdogan a insisté auprès de son homologue français sur “tous les pas que nous avons faits pour pouvoir nous conformer aux critères de Copenhague”. Les deux hommes ont également évoqué les dossiers bilatéraux, et notamment la coopération en matière industrielle, aéronautique, de transport, d'énergie, ou culturelle. “Nous avons fait le point sur plusieurs projets de coopération industrielle qui sont en voie de finalisation”, a expliqué M. Raffarin.

Quelques 400.000 ressortissants turcs vivent en France, selon M. Erdogan, alors que 480.000 touristes français se sont rendus en Turquie l'an dernier. Ils pourraient être 600.000 cette année.

Le lendemain, le Premier ministre turc a déjeuné avec Jacques Chirac, avant de rencontrer successivement les députés de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, l'ancien président de l'UMP Alain Juppé, puis le Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande et le président de l'UDF François Bayrou le 21 juillet. Le président français a jugé “souhaitable” l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, “dès qu'elle sera possible”. Ms. Chirac et Erdogan ont aussi évoqué les questions internationales, en particulier la situation en Iran, au Proche-Orient, en Irak, et le terrorisme international. “Nous avons eu un entretien très positif”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan, l'air visiblement satisfait, après un déjeuner de travail avec Jacques Chirac, le chef de la diplomatie française, Michel Barnier, et Claudie Haigneré, ministre déléguée aux Affaires européennes.

Le Conseil européen du 18 juin a souligné que des progrès étaient nécessaires en Turquie en matière de droits de l'homme, de libertés d'association et d'expression et de justice. Ces dernières années, le Parlement turc a adopté des dizaines de nouvelles lois et le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis novembre 2002, multiplie les initiatives en vue d’améliorer les chances de son pays en prévision de la décision de décembre. Le Premier ministre turc, qui était accompagné à Paris par une importante délégation d'hommes d'affaires turcs, a également évoqué l'achat d'avions Airbus par la compagnie nationale Turkish Airlines (THY). Le lendemain, la compagnie nationale turque a annoncé dans un communiqué son intention d'acquérir 36 Airbus et de 15 Boeing. M. Erdogan souhaiterait se servir de ce contrat de 1,6 milliard euros, qui devrait en principe être partagé entre les deux constructeurs, pour “inciter” les Français à donner leur aval à l'ouverture des négociations d'adhésion avec Ankara. Les échanges entre les deux pays se sont chiffrés en 2003 à quelque 6 milliards d'euros. La France est le deuxième partenaire commercial de la Turquie et son quatrième fournisseur.

La Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et sa vieille rivale la Grèce ont apporté à la Turquie leur soutien à son entrée dans l'Union. De l'avis des diplomates, il y a de bonnes chances pour que des négociations débutent l'an prochain mais l'adhésion ne devrait pas intervenir avant une dizaine d’années.

LES CHEFS DE LA DIPLOMATIE DES PAYS VOISINS DE L’IRAK SE RÉUNISSENT

La réunion des chefs de la diplomatie des pays voisins de l'Irak s'est ouverte le 21 juillet au Caire pour la première fois depuis le transfert du pouvoir fin juin par les Américains au gouvernement intérimaire irakien. La réunion regroupe la Turquie, la Jordanie, l'Arabie saoudite, le Koweït, la Syrie, l'Iran ainsi que l'Egypte, pays hôte, qui n'est pas voisin de l'Irak. L'Irak était représenté par son ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, alors que Lakhdar Brahimi y a représenté le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan.

“C'est une occasion pour l'Irak de demander à ses voisins de l'aider dans le processus de stabilité et de sécurité en cours. Nous attendons de nos voisins de se tenir aux côtés du peuple irakien et de l'aider pas seulement par des mots à rétablir sa souveraineté pour un Irak pacifique”, a déclaré M. Zebari peu avant la réunion. “L'Irak a des idées à proposer aux pays arabes et islamiques concernant les questions de sécurité, notamment les infiltrations à travers les frontières, et la coopération sécuritaire commune pour la surveillance des frontières. Nous leur demanderons de travailler de bonne foi avec l'Irak nouveau”, a ajouté le ministre.

Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui a participé à un déjeuner avec les ministres assistant à cette réunion, auquel était convié aussi le Haut représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne Javier Solana, en visite au Caire. Ouvrant la réunion, le ministre égyptien des Affaires étrangères Ahmed Abou Gheit a appelé à “condamner les actes de terrorisme contre les civils irakiens, les prises d'otages, les attentats contre les organismes gouvernementaux et religieux, ainsi que les missions diplomatiques”. “Ces actes ne feront pas renoncer la communauté internationale et les pays voisins dans leur soutien à la reconstruction de l'Irak”, a-t-il souligné.

M. Aboul Gheit a aussi appelé à la “non-ingérence dans les affaires intérieures irakiennes” et affirmé la nécessité d'un “rôle important des Nations unies dans la prochaine étape afin de ramener la sécurité et la stabilité en Irak”. Le ministre égyptien a souligné la nécessité pour l'Irak de “recouvrer son entière souveraineté” et appelé les Irakiens à “prévenir toute action qui favoriserait la division”. “L'Irak a devant lui un long et pénible chemin, bordé de dangers et de défis. Dangers du retour à la paix et à la stabilité et défis de la reconstruction”, a-t-il ajouté. La première réunion des voisins de l'Irak s'était déroulée à Istanbul en janvier 2003, à la veille de la guerre. Elle a été suivie de quatre autres, successivement à Ryad, Téhéran, Damas et Koweït.

Par ailleurs, la première réunion de la “troïka” arabe sur l'Irak s’est tenue au niveau ministériel le 29 juillet à Tunis, avec à l'ordre du jour l'éventuel envoi de troupes arabes à Bagdad pour notamment protéger la mission de l'Onu. Les ministres, dont le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, ont étudié la situation sécuritaire en Irak et la reconstruction de ce pays seize mois après les opérations américaines.

La “troïka” est constituée de la Tunisie, présidente en exercice de la Ligue arabe, de Bahreïn et de l'Algérie, qui doit abriter le prochain sommet arabe en 2005. Elle se réunit au niveau des ministres des Affaires étrangères sous la présidence du chef de la diplomatie tunisienne Habib Ben Yahia. Les ministres ont été reçus par le président Zine el-Abidine Ben Ali.

Une première réunion de cette instance, créée par le dernier sommet arabe de Tunis, s'est tenue en juin au Caire au niveau des délégués de la Ligue arabe. Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui a demandé le 22 juillet à l'Egypte de prendre contact avec les pays membres de la Ligue pour qu'ils dépêchent des troupes afin d'assurer la sécurité de la représentation de l'Onu à Bagdad, cible de plusieurs attentats depuis le début de l'offensive américaine. “Nous avons demandé à l'Egypte de mener les contacts nécessaires avec les autres pays arabes pour qu'ils envoient des forces à Bagdad en vue de la protection de la mission de l'Onu”, a déclaré le Premier ministre irakien dans une déclaration à la presse.

La mission de ce contingent arabe serait limitée à la protection de la mission diplomatique de l'Onu. Il n'incluerait pas de troupes appartenant aux pays voisins : Arabie saoudite, Syrie et Jordanie. Des responsables irakiens ont à plusieurs reprises indiqué à la presse qu'ils ne souhaitaient pas renouveler chez eux l'expérience de la “force de dissuasion” arabe (syrienne, en réalité), installée au Liban depuis 1976. Le dernier sommet arabe de Tunis avait écarté l'éventualité d'envoi de troupes arabes en Irak en dehors du cadre de l'Onu.

L'Egypte a pour sa part annoncé qu'elle était prête à former des policiers irakiens sur son sol en vue de prendre en charge la sécurité dans le pays et avait commencé à étudier les modalités de cette coopération avec les responsables irakiens. Le porte-parole de la présidence égyptienne Magued Abdel Fattah a pourtant déclaré le 28 juillet que l'Egypte ne souhaitait pas participer à une force internationale de protection de la mission de l'Onu à Bagdad et qu'elle n'avait pas été invité à le faire.

VISITE DU PREMIER MINISTRE TURC À TÉHÉRAN

Tout juste rentré de son voyage en France, le Premier ministre turc s’est rendu le 28 juillet en Iran pour une visite officielle de deux jours. M. Erdogan, qui est arrivé le 27 juillet au soir dans la capitale iranienne à la tête d'une délégation de hauts responsables politiques et économiques, dont 130 hommes d'affaires, s'est entretenu le lendemain avec l'ancien chef de l'Etat iranien Akbar Hashemi Rafsandjani et le chef du parlement puis le dernier jour de sa visite le président iranien Mohammad Khatami.

Cette visite de deux jours intervient alors que les deux pays se sont rapprochés sur le plan économique et politique après que leurs relations eurent connu plusieurs crises. Peu avant son départ pour Téhéran, M. Erdogan avait déclaré qu'il demanderait à l'Iran de placer Kongra-Gel (ex-PKK) sur sa liste des groupes terroristes. Les deux voisins ont récemment renforcé leur coopération en matière de sécurité, y compris dans la lutte contre l'ex-PKK.

“Je pense que la coopération sécuritaire entre les deux pays porte ses fruits”, a déclaré M. Erdogan. La Turquie attendait des autorités de Téhéran qu'elles prennent l'engagement officiel de combattre l’organisation KONGRA-GEL, ex-Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de placer cette organisation sur leur liste des groupes terroristes. Le vice-ministre de l'Intérieur iranien, chargé des Affaires de sécurité, Ali Achgar Ahmadi, a déclaré que l'Iran avait accepté cette requête. En échange, la Turquie agira de même envers les Moudjahidine du peuple, la principale organisation d'opposition armée au régime de Téhéran. “Tant l'Iran que la Turquie ont décidé de considérer le PKK et les Moudjahidine comme des groupes terroristes”, a ajouté M. Ahmadi.

M. Ahmadi, avait confirmé, le 6 juillet de violents affrontements entre l'armée iranienne et des combattants de l'ex-PKK ayant fait 10 morts. “Les affrontements entre les forces iraniennes et les membres du Kongra-Gel (ex-PKK) qui ont fait deux morts parmi nos forces et huit parmi les membres de ce groupe, sont survenus le 28 juin”, a-t-il affirmé M. Ahmadi. “Depuis, aucun affrontement n'a eu lieu avec les membres de ce parti et les forces iraniennes”, a-t-il ajouté. L'agence de presse pro-kurde Mésopotamie basée en Allemagne avait, le 6 juillet affirmé que l'armée iranienne avait lancé une vaste opération le 30 juin contre les militants du PKK, dans la région de Sehidan, suivie trois jours plus tard par de violents combats qui ont duré plusieurs jours. Selon cette agence, qui cite des sources militaires du PKK, seize soldats iraniens et quatre combattants du PKK ont été tués et cinq autres soldats blessés dans les combats au cours desquels l'armée iranienne a fait usage d'hélicoptères.

M. Erdogan a par ailleurs indiqué avoir discuté de la situation en Irak, dossier sur lequel “l'Iran partage les mêmes positions que la Turquie”. “Ils sont d'accord avec nous sur l'intégrité territoriale de l'Irak, ils sont contre la domination de groupes ethniques sur d'autres et ils partagent notre position selon laquelle toutes les ressources souterraines de l'Irak appartiennent au peuple irakien”, a-t-il ajouté. En résumé, les deux pays vont coordonner leurs efforts pour empêcher l’indépendance du Kurdistan irakien et même réduire autant que faire se peut le poids des Kurdes dans le régime irakien.

En revanche, aucun des trois accords commerciaux prévus n'a été signé, les deux pays n'ayant pas réussi à s'entendre. Le principal contentieux est relatif à un accord passé en 1996 sur la vente de gaz naturel à Ankara. La Turquie avait décidé d'arrêter ses importations en juin 2002, un peu plus de six mois après que celles-ci eurent commencé se plaignant de la mauvaise qualité du gaz qu'elle recevait et demandant à l'Iran d'en baisser le prix. Aucun accord n'a non plus été trouvé quant au contrat d'exploitation du nouvel aéroport de Téhéran (AKIA) à un consortium dirigé par une société turque. Le 8 mai, l'armée régulière et les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, avait fermé l'AKIA, accusant la société turque TAV d'être liée “aux sionistes”. Le troisième accord devait porter sur l'attribution du premier réseau privé de téléphonie mobile en Iran à la société turque Turkcell, pour un montant de quelque 3 milliards de dollars. Mais aucun signe de progrès n'a été enregistré sur la question. Le volume des échanges bilatéraux avec Téhéran s'élève actuellement à 2,5 milliards de dollars.

DAMAS: AMNESTY INTERNATIONAL DÉNONCE LA DÉTENTION DE PRISONNIERS

Amnesty International a appelé le 23 juillet les autorités syriennes à libérer cinq prisonniers politiques, dont Aktham Nayssé, président des Comités de défense des libertés démocratiques et des droits de l'Homme en Syrie (CDDS). Amnesty indique dans un communiqué que M. Nayssé, arrêté depuis le 13 avril, doit passer en jugement le 26 juillet devant la cour de sûreté de l'Etat, un tribunal dont les verdicts sont sans appel. Selon son avocat, il est accusé de “mener des activités contraires au système socialiste” et de “s'opposer aux objectifs de la révolution”. Il a été arrêté en raison de la publication par les CDDS de leur rapport annuel, dénonçant les violations flagrantes des droits de l'Homme en Syrie.

M. Nayssé, 53 ans, a observé une grève de la faim de près d'un mois et a été hospitalisé. Dix sept partis et associations de l'opposition ont indiqué qu'il “souffre de graves séquelles de ses précédentes incarcérations”, et ont rendu les autorités responsables de son état de santé. Il a été récemment honoré par l'Institut des droits de l'Homme du barreau de Bordeaux (France) qui lui a décerné le prix “Ludovic-Trarieux”.

Outre M. Nayssé, quatre autres activistes doivent passer en jugement. Il s'agit des frères Mouhannad et Hatham Koutaïche, de Yahyia al-Aous et Massoud Hamid. Ils sont accusés d'avoir transmis à l'étranger via l'Internet, de “fausses informations qui portent atteinte à la Syrie et à ses relations avec un Etat étranger”. Selon Amnesty, ils ont notamment fourni des informations et des photos sur la répression des mouvements de protestation kurdes en Syrie en mars 2004 .

L'association appelle à “la remise en liberté des cinq objecteurs de conscience” et rappelle que la Cour de sûreté de l'Etat, “prend en compte des aveux extorqués sous la torture”.

Le président syrien Bachar al-Assad a récemment amnistié ou commué la peine de plusieurs dizaines de prisonniers de droit commun, mais les autorités ont durci leur attitude envers l'opposition, selon des associations syriennes de défense des droits de l'Homme.

Les autorités syriennes ont libéré une centaine de Kurdes arrêtés à la suite des affrontements de mars, ainsi que plusieurs détenus politiques pour la plupart des islamistes, a indiqué le 20 juillet l'avocat Anouar Bounni. “Environ cent Kurdes, arrêtés après les évènements de Qamichli (nord est) ont été élargis depuis le 17 juillet. Ils ont bénéficié de l'amnistie” présidentielle promulguée la veille en faveur de prisonniers condamnés pour certains crimes et délits, a affirmé Me Bounni.

Le président syrien Bachar al-Assad a promulgué un décret stipulant une amnistie générale pour des crimes commis avant le 15 juillet 2004. En outre, “des dizaines de détenus politiques ont été relâchés” depuis notamment ceux affiliés (ou proches) de la Confrérie des Frères musulmans et du Hizb al-Tahrir islamique, tous deux interdits en Syrie, selon Me Bounni, un défenseur des droits de l'Homme. La libération des prisonniers politiques n'entre pas dans le cadre de l'aministie.

Trois ex-officiers de l'aviation militaire condamnés dans les années 1980 pour tentative de coup d'Etat (contre le président défunt Hafez al-Assad) font partie des personnes libérées. Il s'agit de Mohammad Rafic Hammami, Bachar Achi et Mahmoud Kiki.

Imad Shiha, le plus ancien prisonnier politique de Syrie, devrait être libéré, selon Me. Bounni. Shiha, membre de l'organisation communiste arabe, est incarcéré depuis trente ans. Selon Me Bounni, quelque 257 prisonniers politiques seront relâchés “par étapes” prochainement.

Par ailleurs, l'avocat a exclu la libération des détenus du “printemps de Damas”, dont les deux députés Riad Seif et Maamoun Homsi, et l'économiste Aref Dalila, arrêtés en 2001. L'avocat a appelé les autorités de Damas à “clore rapidement le dossier des détenus politiques en les libérant”.

Aucune réaction officielle n'a été fournie sur ces libérations qui coïncident avec le 4ème anniversaire de l'arrivée au pouvoir du président Bachar al-Assad, le 17 juillet 2000. Depuis novembre 2000, plus de 800 prisonniers politiques ont été graciés par le président Assad.

STRASBOURG: LA TURQUIE CONDAMNÉE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME POUR “TORTURES” ET “VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE L’EXPRESSION”.

La Turquie a été condamnée le 27 juillet par la Cour européenne des droits de l'Homme, suite au décès en 1993 d'un militant présumé du PKK, tué par balles au lendemain de son arrestation, et pour des tortures infligées à un autre militant kurde lors de sa garde à vue.

Le décès, le 23 novembre 1993, de Mehmet Sah Ikincisoy, tué d'une balle dans le dos “dans des circonstances engageant la responsabilité de la Turquie, sans que rien ne démontre que cette atteinte à la vie ait été rendue nécessaire”, constitue une “violation du droit à la vie”, ont estimé les juges des droits de l'Homme. Le père et le frère de la victime, aujourd'hui âgés de 71 et 30 ans, recevront 36.000 euros au total pour dommage moral et 15.000 pour frais et dépens.

Les deux requérants avaient été arrêtés le 22 novembre 1993, en même temps que Mehmet Sah Ikincisoy. Remis en liberté après respectivement trois et onze jours de garde à vue, ils avaient été informés que leur fils et frère avait été tué le 25 novembre lors d'une fusillade avec les forces de l'ordre et qu'il avait déjà été inhumé. Malgré leurs demandes répétées, les requérants n'avaient jamais pu obtenir la restitution du corps de leur parent.

Par ailleurs les juges européens ont également condamné le même jour la Turquie pour “tortures” dans une autre affaire, concernant un membre présumé du PKK mort en août 1994 pendant sa garde à vue. Selon la Cour, rien ne permet d'affirmer que le gardé à vue est mort de suites de torture, et non pas en se suicidant par pendaison comme l'affirment les autorités. Toutefois, au vu des traces de coups relevées sur le corps du défunt, la Cour relève que “l'Etat turc porte la responsabilité des blessures constatées”. Les quatre membres de la famille qui avaient déposé la requête recevront conjointement 25.000 euros pour dommage moral.

Dans une autre affaire, la Turquie avait été condamnée le 15 juillet par la Cour européenne des droits de l'Homme pour violation de la liberté d'expression de trois hommes politiques jugés coupables “d'incitation à la haine” dans un texte critiquant la situation des Kurdes. Le 1er septembre 1996, lors d'une manifestation à l'occasion de la journée mondiale de la paix, les trois requérants, membres du parti de la liberté et de la solidarité, avaient été trouvés en possession d'un bulletin de leur parti contenant un article intitulé “La paix! Tout de suite!”.

“La pression et l'injustice auxquelles est confronté le peuple kurde de la région du sud-est de la Turquie sont telles qu'il n'est pas possible de les décrire. Chaque jour, leurs villages sont bombardés, chaque jour, sur la place des villages, ils font l'objet de torture et d'exécution sans procès. Ils sont contraints de quitter leur milieu. Ils en sont arrivés au point que chaque jour se limite à une lutte pour la vie et contre la mort (...)”, disait notamment ce texte.

En 1997, les trois hommes avaient été condamnés à deux ans de prison pour “avoir incité le peuple à la haine et à l'hostilité sur la base d'une distinction fondée sur l'appartenance à une classe sociale, à une race et à une région”.

La Cour européenne a estimé que les requérants, qui s'exprimaient “en leur qualité d'hommes politiques”, n'avaient pas incité à l'usage de la violence. “Il ne s'agit pas d'un discours de haine”, a également considéré la Cour, jugeant leur condamnation “disproportionnée” et “non nécessaire dans une société démocratique”. Les juges ont ainsi condamné la Turquie pour violation de l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'Homme. La Turquie devra verser conjointement 15.000 euros aux requérants pour dommage moral.

Par ailleurs, Ankara avait été condamnée le 13 juillet par la Cour européenne des droits de l'Homme dans deux affaires distinctes, la première pour n'avoir pas enquêté efficacement sur la disparition d'un Kurde et la seconde pour avoir interdit la publication d'un livre critiquant sa politique au Kurdistan. En décembre 1992, Namik Erkek avait été arrêté pour son appartenance au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit, rebaptisé KONGRA-GEL). Selon la version des autorités turques, il se serait évadé au lendemain de cette arrestation. Mais son frère a soutenu devant la Cour européenne qu'il était mort à la suite de tortures infligées par la police lors de sa détention.

Les juges européens ont estimé que les allégations du requérant ne sont corroborées “par aucune déposition de témoin ou autre élément de preuve”. En revanche, la Cour a jugé que l'enquête menée par les autorités avait été “incomplète” et a ainsi condamné la Turquie pour ne pas avoir mené “une enquête adéquate et effective sur les circonstances de la disparition de l'intéressé” (article 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme).

La deuxième affaire concerne l'interdiction d'un livre relatant le meurtre d'un journaliste et dénonçant la violation des droits de l'Homme au Kurdistan. La requérante, Aysenur Zarakolu, qui avait publié cet ouvrage utilisant notamment le mot Kurdistan, avait été également condamnée en 1995 pour “propagande séparatiste” à cinq mois de prison, commués en amende. Notant que le récit “brossait un tableau des plus négatifs de l'Etat turc”, la Cour européenne a souligné qu'il n'exhortait pas pour autant à l'usage de la violence ni au soulèvement.

Les juges ont estimé que la saisie du livre et la condamnation étaient “disproportionnées” et “non nécessaires dans une société démocratique” et ainsi condamné la Turquie pour violation de l'article 10 (liberté d'expression).

AINSI QUE...

LE RÉGIME IRANIEN INTERDIT TOUTE COMMEMORATION DU CINQUIÈME ANNIVERSAIRE DES MANIFESTATIONS ETUDIANTES


Les autorités iraniennes ont interdit toute commémoration du cinquième anniversaire des violentes manifestations étudiantes, le 9 juillet 1999, pour éviter une reprise du mouvement de protestation contre le pouvoir iranien, ont annoncé le 6 juillet les médias iraniens. “Conformément à une décision du Conseil de sécurité nationale, la demande de l'Association islamique des étudiants de Téhéran (d'organiser un rassemblement devant l'entrée principale de l'université) a été rejetée”, a annoncé le directeur des affaires politiques et sécuritaires au gouvernorat de Téhéran, Ali Taala. Une décision identique a été annoncée par le gouverneur de la province d'Ispahan (centre), selon la presse.

Dans un communiqué, l'Association islamique des étudiants a critiqué cette décision mais aussi la fermeture du campus universitaire pour officiellement “une opération de désinfection contre les cafards”.

Le 5 juillet, les représentants des principales associations étudiantes ont été reçus par le général Morteza Talaie, chef de la police de Téhéran, et l'hodjatolislam Mohsen Gomi, responsable du bureau du Guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei dans les universités.

Le 9 juillet 1999, une petite manifestation nocturne de 200 étudiants devant l'entrée du campus d'Amir Abad à Téhéran avait provoqué l'intervention de la police et d'extrémistes islamistes. Plusieurs bâtiments du campus avaient été saccagés et des centaines d'étudiants blessés. Officiellement, une personne avait été tuée par balle. En tout cas, la présence massive de la police et des membres de la force spéciale, en tenue de combat, à travers la ville depuis plus d'un mois, pour officiellement réguler la circulation chaotique, a un effet dissuasif. En juin 2003, plus de 4.000 personnes ont été arrêtées après dix jours de manifestations hostiles au pouvoir dans le quartier du campus universitaire. Cette année, en raison du décalage du calendrier persan avec le calendrier grégorien, l'anniversaire des manifestations tombe le 8 juillet.

Par ailleurs, la justice iranienne a “suspendu” la publication du mensuel réformateur Aftab (Soleil) pour “insultes au Guide suprême” l'ayatollah Ali Khamenei et au fondateur de la République islamique, l'imam Khomeiny, ont rapporté le 11 juillet les journaux iraniens.

Aftab est publié depuis l'an 2000 par un groupe d'intellectuels religieux et réformistes, dont le religieux dissident Mohsen Kadivar. La justice reproche également au mensuel ses écrits sur l'islam.

Le directeur du mensuel, le journaliste et responsable réformateur Issa Saharkhiz, avait été arrêté en 2003 pour “propagande contre le régime” après avoir distribué une lettre ouverte signée par 350 réformateurs demandant au Guide suprême de profondes réformes dans les institutions du régime islamique. Une douzaine de journalistes iraniens sont actuellement en prison.

Ces dernières années, la justice iranienne, contrôlée par les conservateurs, a suspendu “de façon provisoire“ plus de 100 publications en majorité réformatrice. La quasi-totalité de ces journaux n'ont jamais reparu.

BULENT ECEVIT, L’ANCIEN PREMIER MINISTRE TURC, PREND SA RETRAITE POLITIQUE


Au terme d'une carrière politique qui a couvert près d'un demi siècle, l'ancien Premier ministre turc Bulent Ecevit a quitté le 25 juillet la direction du Parti de la gauche démocratique (DSP) afin de laisser le champ libre à un plus jeune leader.

Agé de 79 ans, M. Ecevit s'est adressé aux délégués du parti réunis en congrès une heure durant, critiquant la politique du gouvernement actuel et formulant des vœux de succès, en fin de discours, à l'adresse du dirigeant appelé à lui succéder.

Les délégués devaient se choisir un nouveau leader parmi six candidats au cours de la journée. Bulent Ecevit restera membre du parti mais ne sera plus engagé dans la direction de la formation.

Premier ministre à cinq reprises -son dernier mandat date de 1999 à 2002-, Bulent Ecevit a essuyé une défaite cuisante lors des élections de 2002, remportées par le Parti de la justice et du développement (AKP) de l'actuel chef de gouvernement Recep Tayyip Erdogan.

Les électeurs ont tenu M. Ecevit pour responsable de la crise économique de 2001, marquée par des millions de licenciements. Sa santé défaillante n'a pas non plus contribué au maintien de la confiance de l'électorat.

Au cours de sa longue carrière, Bulent Ecevit, un ultra-nationaliste de “gauche“, a notamment ordonné en 1974 à l'armée d'envahir Chypre, intervention qui a abouti à la division de l'île. Plus récemment, l'arrestation d’Abdullah Ocalan au Kenya en 1999 lui a été attribuée bien qu’elle fût en réalité l’œuvre des services américains. Se voulant héritier politique d’Ataturk, Ecevit a été un opposant farouche des revendications culturelles des Kurdes, son hostilité allant jusqu’à pactiser avec Saddam Hussein et préconiser une intervention militaire turque au Kurdistan irakien pour écraser la région autonome kurde.