Massoud Barzani, président du parti démocratique du Kurdistan (PDK) a, le 14 juin, pris la présidence de la Région autonome du Kurdistan d'Irak, en s'engageant à renforcer l'unité nationale du pays et la fraternité entre Kurdes et Arabes. M. Barzani a obtenu, le 12 juin, les voix des 42 députés de sa propre formation, les 42 de l'Union démocratique du Kurdistan (UPK), de son allié le président Jalal Talabani, et les 27 autres des petites formations kurdes. La cérémonie, à laquelle les Kurdes voulaient donner un éclat particulier, a été repoussée au 14 juin en raison d'une tempête de sable qui avait empêché l'arrivée de Bagdad de personnalités de marque. L'arrivée à la tête des trois provinces kurdes de Massoud Barzani revêt une importance capitale pour les Kurdes. C'est sous un portrait géant de Mustafa Barzani, qui avait animé durant de longues années la résistance contre le pouvoir central de Bagdad, que le fils a prêté serment, la main sur un exemplaire du Coran. La cérémonie, au siège du Parlement kurde de 111 membres, a eu lieu en présence notamment du président irakien, Jalal Talabani, et du président du Parlement irakien, Hajem al-Hassani. Le Premier ministre, le chiite Ibrahim al-Jaafari, n'a pas fait le déplacement à Erbil, mais le représentant du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, Ashraf Qazi, et plusieurs diplomates étrangers étaient présents.
« Je ne ménagerai aucun effort pour renforcer l'unité nationale, la fraternité entre Kurdes et Arabes et l'unité au sein du Kurdistan », a déclaré, après avoir prêté serment, M. Barzani à la tribune du Parlement kurde à Erbil devant un parterre de personnalités et de diplomates. « Nous avons une occasion historique d'élaborer une Constitution permanente qui va commander notre destin et il faut qu'elle garantisse une vie libre et digne pour chaque citoyen irakien », a-t-il ajouté. « Nous avons lutté ensemble pour faire tomber la dictature avec nos amis, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, et nous avons maintenant pour mission de construire un nouvel Irak, démocratique, fédéral et pluriel », a-t-il ajouté. Le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a pris ainsi l'engagement solennel de « préserver les droits et les acquis du Kurdistan », l'autonomie qui date en fait de 1991 avec la mise en place d’une zone d'exclusion aérienne sur une partie du Kurdistan irakien. Ce statut a été reconnu dans la Loi fondamentale, la Constitution provisoire, et les Kurdes veulent avant tout le voir consacré dans celle permanente qui se prépare à Bagdad.
Le président du Parlement kurde, Adnan Mufti, a déclaré que « c'est une journée historique pour les Irakiens, notamment les Kurdes. Une journée qui marque le début d'une nouvelle ère consacrée à consolider la démocratie ». « Votre présence ici témoigne de la solidité des liens entre les composantes du peuple irakien, les Arabes, les Kurdes, les Turcomans comme les Assyro-chaldéens », a-t-il souligné à l'adresse de l'assistance. « Cet événement est de nature à renforcer l'unité nationale, une unité véritable entre les ethnies, bâtie sur le libre choix », a souligné, de son côté, M. Talabani. « Nous pensons que l'expérience démocratique du Kurdistan peut servir d'exemple pour la démocratie à laquelle nous aspirons pour l'Irak », a-t-il ajouté.
Le Parlement kurde s'était réuni pour la première fois le 4 juin à Erbil, plus de quatre mois après les élections générales qui ont vu la désignation de cette assemblée de 111 membres, d'un Parlement irakien de 275 sièges et des conseils des 18 provinces irakiennes. Ce retard le résultat d'un différend entre les deux partis kurdes sur le mode de désignation et les prérogatives du président de la Région autonome, le PDK insistant sur le suffrage universel, ce qui supposait la tenue d'un nouveau scrutin. Ils sont parvenus le 29 mai à un accord consistant à confier la présidence à M. Barzani pour quatre ans et à charger le Parlement de l'élire. La loi adoptée par le Parlement kurde fait du président le chef de l'exécutif et le coordinateur entre les autorités régionales et Bagdad, le chef des forces de sécurité de la région et le porte-parole du peuple kurde d'Irak dans les instances internationales. La loi, à l'initiative du PDK et de l’UPK, a été adoptée à l'issue de trois séances. Elle prévoit l'élection au suffrage universel pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, d'un président du Kurdistan mais exceptionnellement compte-tenu des circonstances, le premier président sera élu par les membres du Parlement kurde.
Tout le Kurdistan a accueilli avec allégresse l’élection de Massoud Barzani. Des habitants sont sortis dans les rues des principales villes pour fêter l'arrivée de M. Barzani à la tête de la Région. Des voitures pavoisées aux couleurs kurdes ont parcouru les rues d’Erbil, désormais consacrée capitale de la Région autonome, en klaxonnant. Les festivités populaires ont duré plusieurs jours dans le calme, sans aucun incident violent. En Iran, les manifestants sont descendus dans la rue pour célébrer la prestation de serment de Massoud Barzani à Mahabad, fief historique du nationalisme kurde et ville natale du président kurde mais la police iranienne est intervenue pour disperser le rassemblement provoquant des affrontements. Des manifestations pacifiques de soutien ont eu lieu dans plusieurs villes du Kurdistan de Turquie, notamment à Diyarbakir où ses portraits ont été déployés. En Syrie ainsi que dans les communautés kurdes d’Europe, l’élection du président kurde a été célébrée par des fêtes. À Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rendues à la réception organisée par l’Institut. De très nombreuses personnalités étrangères et kurdes ont adressé des messages de félicitations au président Barzani. Parmi elles, George Bush, Tony Blair, Kofi Annan et Javier Solana et, bien évidemment, Madame Mitterrand, défenseur de longue date de la cause kurde. Dans son message, elle écrit notamment :
« J’apprends avec une grande joie votre élection à la présidence du Kurdistan. Je suis très heureuse d’avoir vécu longtemps pour voir se réaliser le rêve d’un président élu démocratiquement par le peuple du Kurdistan.
Je suis heureuse de voir que des combats pour la liberté et la dignité des peuples, lorsqu’ils sont menés par des leaders lucides, justes et courageux bénéficiant du soutien de leurs populations finissent par triompher, malgré des difficultés et obstacles qui paraissaient insurmontables. Il y a quelques années, j’ai fêté la victoire de mon ami Nelson Mandela, aujourd’hui je célèbre la vôtre avec les amis nombreux et fidèles du peuple kurde.
Premier président du Kurdistan, vous aurez désormais à assumer des responsabilités historiques envers votre peuple. Connaissant votre sagesse et votre sens de la justice, je suis convaincue que dorénavant vous agirez non pas en chef de parti mais en Président de tous les citoyens du Kurdistan, sans discrimination politique ou religieuse. Vous aurez un rôle crucial à jouer pour jeter dans votre région les bases d’une société juste, équitable, solidaire, respectueuse des droits des couches populaires, des femmes et des minorités. L’unité de votre peuple, qui est votre capital le plus précieux ne pourra se réaliser et se maintenir que si le système politique que vous mettez en place est basé sur la justice, la démocratie et l’égalité des chances pour tous les citoyens.
Nul doute que le Président élu du Kurdistan irakien sera perçu par les Kurdes d’autres parties du Kurdistan comme le président spirituel de tous les Kurdes. Là aussi, il vous appartiendra de rester solidaires de vos frères des pays de la région en lutte pour leur liberté, pour les aider à obtenir pacifiquement leurs droits.
Enfin, vous aurez à jouer un rôle important dans la mise en place des institutions d’un Irak démocratique et fédéral en coopérant étroitement avec le Président Talabani, avec les partis politiques et le Parlement du Kurdistan et avec toutes les forces qui oeuvrent pour un Irak pacifique, stable et souverain.
La tâche qui vous attend est immense, mais elle est aussi exaltante, car l’Histoire vous offre la chance et l’honneur de réaliser le rêve millénaire de votre peuple. Je suis sûre que votre père qui a consacré sa vie à la réalisation de ce rêve aurait été très fier de vous, comme nous tous, Kurdes de naissance ou Kurdes de cœur, sommes aujourd’hui très fiers de vous.
En vous souhaitant plein succès dans vos éminentes fonctions, je vous embrasse bien affectueusement »
De son côté, le président de l’Institut kurde, dans son message souligne : « Votre élection est un événement politique de haute importance dans l’histoire du peuple kurde. Elle couronne un combat de plus de trois siècles pour la création d’un Etat kurde lancé dans Mem û Zîn d’Ehmedê Xanî, poursuivi avec courage par les grandes figures de notre histoire nationale comme Mîr Mohammad de Rawandiz, Mîr Bedirxan de Botan, Cheikh Ubeydullahê Nehrî, Sêx Saîdê Pîran, Sêx Mahmûd Barzanjî, Ihsan Nûrî Pasa, Pêshewa Qazî Mohammed Molla Mustafa Barzani et Dr. Abdul Rahman Ghassemlou. Vous avez, avec Birêz Jalal Talabani, incarné les dernières décennies de ce combat glorieux pour la liberté du peuple du Kurdistan.
Le fait que Jalal Talabani soit aujourd’hui président de l’Irak et vous, président du Kurdistan, que vous coopériez main dans la main pour les intérêts nationaux de notre peuple est une source de fierté et d’espoir pour toute la nation kurde, et pour nos amis nombreux, fidèles et dévoués à travers le monde.
Elu démocratiquement par l’Assemblée nationale du Kurdistan, vous êtes de fait désormais le président de tous les Kurdes. Vous incarnez les espoirs et les aspirations des 35 millions de Kurdes du Proche-Orient. De Californie au Kazakhstan, de la Norvège à l’Australie, toutes les communautés kurdes du monde ont aujourd’hui les yeux tournés vers vous, vers le Gouvernement et le Parlement du Kurdistan. Le succès de votre Gouvernement servira de modèle et de source d’inspiration à l’ensemble de la nation kurde et ouvrira la voie au règlement pacifique du problème kurde dans les Etats voisins et à leur indispensable démocratisation.
C’est pourquoi nous sommes tous aujourd’hui de cœur avec vous. Le cœur de tous les patriotes kurdes bat à Erbil et ils sont tous prêts à se mobiliser pour le succès de l’Etat fédéré du Kurdistan, de son Président, de son Gouvernement et de son Parlement.
Je suis sûr que vous saurez mobiliser et canaliser toutes ces énergies et qu’ensemble nous construirons un Kurdistan libre, démocratique et fraternelle.
Avec mes salutations fraternelles et mes respects »
Aussitôt élu, Massoud Barzani, a, dès le 19 juin présenté à Bagdad les revendications des Kurdes devant les députés de l'Assemblée transitoire qui doit rédiger la future Constitution, redisant son attachement à la loi fondamentale transitoire adoptée en 2004. « Si nous nous basons sur la Loi administrative transitoire (TAL) et nos accords conclus avant la chute (du président déchu Saddam Hussein), alors nous pourrons écrire et approuver la Constitution à temps », a déclaré le président de la région kurde aux députés. « Nous sommes tous d'accord sur le fait que la TAL devrait être la base et nous devons nous en tenir à cela. Nous ne devons pas nous en éloigner », a-t-il insisté.
La TAL a été rédigée et adoptée par le Conseil de gouvernement irakien mis en place par les autorités américaines qui ont gouverné l'Irak après la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003 jusqu'à juin 2004. Cette loi stipule la rédaction d'une Constitution définitive pour le 15 août qui doit être ensuite soumise à un référendum d'ici le 15 octobre. Un délai de six mois est autorisé. « Nous promettons encore une fois de coopérer à la construction d'un Irak fédéral, démocratique et pluraliste », a réitéré M. Barzani, qui avait troqué l'habit traditionnel kurde pour un costume sombre. « Nous devons rectifier toutes les raisons et conséquences des changements imposés par l'ancien régime à la composition démographique du pays, à Kirkouk et dans d'autres régions kurdes », a-t-il souligné.
Les Kurdes réclament le retour dans cette ville de tous ceux qui en avaient été chassés lors de la campagne d'arabisation menée par le régime de Saddam Hussein, ainsi que le recouvrement de leurs propriétés. Ce point est stipulé dans l'article 58 de la TAL. « Nous devons appliquer l'article 58 et admettre la spécificité kurde de Kirkouk et en faire un symbole de coexistence », a insisté M. Barzani.
Lors d'une conférence de presse le lendemain de son allocution à Bagdad, Massoud Barzani a souhaité que son pays s'appelle désormais la République fédérale d'Irak et que ce nom soit inscrit dans la Constitution. « Nous voulons que le nouveau nom de notre pays soit la République fédérale d'Irak », a-t-il souligné. Il a fait un plaidoyer en faveur de ce système et s'est proposé d'aider les régions qui voulaient se constituer en région fédérale. « Celui qui veut imposer un gouvernement centralisé veut diviser l'Irak. Notre expérience prouve que le fédéralisme représente l'unification de l'Irak et non pas la division, et celui qui croit le contraire se trompe », a indiqué M. Barzani. Il a également lancé un appel aux autres provinces d'Irak à se constituer en régions autonomes. « L'expérience d'autonomie au Kurdistan peut être appliquée sans aucun doute à d'autres régions irakiennes et nous sommes prêts à transmettre aux autres notre expérience et nous les invitons à venir au Kurdistan pour qu'ils se rendent compte de leurs propres yeux » de la situation, a-t-il souligné.
L'idée d'une ou de plusieurs régions autonomes pour les chiites dans le centre et le sud de l'Irak est dans l'air depuis plusieurs mois. Ainsi début juin, le gouverneur de la province de Kerbala, Okaïl Khazali, a annoncé la création d'un comité chargé de déterminer, d'ici la fin du mois, s'il vaut mieux s'associer avec la province de Najaf, plus au sud, ou avec ceux de Babylone, plus au nord, et de Wasset, plus à l'est. Le comité aura jusqu'au 30 juin pour trancher cette question. C'est sur la base de ses recommandations que les autres provinces seront approchées, avait indiqué le responsable régional. En mars, un chef tribal et député, Abdel Karim al-Mohammadaoui, avait lancé un appel à la mise en place dans le sud du pays d'une région autonome chiite, à l'instar du Kurdistan irakien. Selon la loi fondamentale, en vigueur actuellement en Irak, trois gouvernorats (provinces) peuvent se regrouper en région autonome, à l'exception de Bagdad et de Kirkouk.
« Depuis la création de l'Etat irakien, il y a plus de 80 ans, nous n'avons connu que la tyrannie et la dictature, nous étions gouvernés par des gouvernements non élus, qui imposaient leur force par les chars », a déclaré M. Barzani, faisant allusion à la royauté puis au régime républicain qui a suivi en 1958. « Que voulez-vous? Que nous répétions l'expérience (...) du passé ou qu'on se mette au travail pour mettre en place un mécanisme fédéral qui fonctionne et résolve nos problèmes comme c'est le cas en Allemagne », a-t-il conclu.
Massoud Barzani, a, d’autre part, démenti les informations faisant état d'exactions contre les minorités arabe et turcophone de la part de Kurdes dans le Kurdistan irakien. « Les informations publiées par le Washington Post sont sans fondement et les accusations qui sont proférées sont fausses », a-t-il affirmé. Le 15 juin, le Washington Post avait affirmé que des Kurdes avaient arrêté sommairement à Kirkouk et conduit manu militari des centaines de membres des communautés arabe et turcophone vers les prisons d'Erbil et Souleimaniyeh avec le soutien des forces américaines. Pour M. Barzani, « l'armée américaine a arrêté des suspects à Kirkouk et dans d'autres régions et elle a demandé de les envoyer à Erbil pour un temps précis jusqu'à la fin des interrogatoires ou jusqu'au moment où les Américains les reprennent ». « Nous n'avons arrêté personne et tous ceux qui ont été transférés à Erbil l'ont été à la demande insistante des Américains et ces derniers les reprennent ensuite », a ajouté M. Barzani. Le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack a démenti catégoriquement toute implication américaine dans ces actes.
La Conférence sur l'Irak qui a réuni le 22 juin à Bruxelles plus de 80 pays et organisations internationales s'est achevée par l'adoption d'une déclaration de soutien au gouvernement de transition irakien, dans ses efforts pour ramener la sécurité et rebâtir le pays. « Ce que nous vous demandons est exactement ce que votre peuple vous demande. Les enfants d'Irak sont exactement comme les vôtres, ils ne veulent pas perdre leur père et devenir orphelins. Les femmes d'Irak sont exactement comme les vôtres, elles ne veulent pas perdre leur mari et devenir veuves », a lancé le Premier ministre irakien Ibrahim al-Jaafari, venu avec plusieurs membres de son cabinet. C'était la première fois que les nouvelles autorités irakiennes avaient l'occasion d'exposer leur vision de l'avenir devant la communauté internationale réunie au grand complet, de la Russie à la Chine en passant par la Syrie et l'Iran.
Le gouvernement s'est fixé quatre priorités, a précisé le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari: rédiger une Constitution et faire en sorte que les élections se déroulent comme prévu en décembre prochain, assurer la stabilité du pays, rebâtir l'économie, établir des liens solides avec les pays voisins, dont l'Iran et la Syrie. Bagdad, a déclaré le ministre, ne mésestime pas les « défis très réels » auxquels est confronté l'Irak. L'un de ces défis est d'assurer que toutes les composantes de la société irakienne participent à l'avenir politique du pays, en particulier la minorité sunnite, qui dominait sous le régime de Saddam Hussein et alimente les rangs des insurgés. « Nous voulons un gouvernement stable, constitutionnellement élu, établi par un processus démocratique », a résumé M. Zebari. Le gouvernement irakien, a-t-il expliqué, demandera de l'aide pour l'entraînement de son armée, la formation de ses policiers et de ses magistrats. Bagdad attend par ailleurs de ses voisins des mesures concrètes de contrôle de leurs frontières, pour empêcher l'infiltration d'insurgés en Irak.
En retour, a estimé la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le nouvel exécutif irakien doit améliorer la sécurité, développer son économie et « ouvrir un espace politique pour tous les membres de la société irakienne qui rejettent la violence ». Elle a également souligné ultérieurement au cours d'une conférence de presse que la Syrie « a une responsabilité », celle « de ne pas accepter que son territoire soit utilisé » comme base arrière d'opérations terroristes en Irak.
Aucune initiative concrète n'était attendue de la conférence de Bruxelles, à laquelle participaient notamment le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan et les chefs de la diplomatie américaine et européenne. Il s'agissait principalement d'adresser un message politique de soutien, que reflète la déclaration finale: la conférence appuie les efforts engagés par le gouvernement de transition en vue « de parvenir à un Irak démocratique, pluraliste, fédéral et uni, reflétant la volonté du peuple et respectant pleinement les droits politiques et ceux de l'homme ».
Une conférence des pays donateurs se tiendra séparément, les 17 et 18 juillet à Amman en Jordanie. Lors de la précédente, en 2004, les donateurs ont promis quelque 32 milliards de dollars (26,5 milliards d'euros). Le Club de Paris, qui comprend les Etats-Unis, le Japon, la Russie et les pays de l'Union européenne, a par ailleurs effacé en 2004 plus de 80% de la dette de l'Irak, soit quelque 24 milliards d'euros. Cela représente un quart de la dette irakienne. Les autres pays, auxquels l'Irak doit environ 57 milliards d'euros, selon les estimations, seront encouragés à faire de même.
« C'est un jour très important pour l'Irak », a commenté le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw. « Cela souligne que la communauté internationale, profondément divisée » avant le déclenchement du conflit en mars 2003 par les Etats-Unis sans l'aval des Nations unies est « désormais rassemblée de manière active pour soutenir la construction d'un Irak démocratique, pacifique et prospère ».
Voici les principaux points de la déclaration adoptée à la fin de la conférence internationale sur l'avenir de l'Irak :
Les participants ont décidé de « soutenir le gouvernement de transition irakien élu démocratiquement... (Celui-ci) a procédé à un tour d'horizon complet de ses programmes politique, économique ainsi que dans le domaine de l'ordre public, en soulignant les domaines qui nécessitent une action prioritaire ».
Les participants « ont exprimé leur soutien aux efforts irakiens tendant à un Irak démocratique, pluraliste, fédéral et unifié, reflétant la volonté du peuple irakien et où les droits de l'homme et politiques sont pleinement respectés ».
Les participants « ont pressé tous les Irakiens à participer au processus politique et ont appelé le gouvernement irakien de transition (...) à continuer et intensifier ses efforts pour engager toutes les parties à renoncer à la violence (...) de façon à promouvoir la réconciliation nationale. Les participants ont condamné fermement tous les actes de terrorisme, y compris les enlèvements et assassinats ».
Les participants « ont appelé l'Irak et les Etats de la région (...) à coopérer mutuellement de façon à prévenir le transit transfrontalier et le soutien aux terroristes, à renforcer des relations de bon voisinage et à améliorer la sécurité régionale ». Ils « ont salué la vision irakienne de reconstruction économique et ont réaffirmé l'importance de créer les conditions pour un développement socio-économique (de l'Irak) susceptible de bénéficier à tous les Irakiens ».
Les participants « ont rappelé les engagements faits pour alléger la dette de l'Irak et ont appelé les autres créditeurs de procéder à un allègement de la dette dans des termes aussi généreux que ceux accordés par les membres du Club de Paris »..
Les participants « sont convenus de déterminer d'ici à la réunion d'Amman (les 18 et 19 juillet) les moyens de stimuler la coordination de leur aide à l'Irak ». « Les participants ont reconnu pleinement l'importance de l'accord du gouvernement souverain d'Irak à la présence des forces multinationales et ces forces ont indiqué leur engagement d'agir conformément à la loi internationale, y compris aux obligations découlant du droit humanitaire international ».
Le congrès du Baas qui s'est réuni du 6 au 9 juin a « affirmé la nécessité de régler le problème du « recensement » organisé en 1962 à Hassaké (qui avait conduit à la déchéance arbitraire de dizaines de milliers de Kurdes de leur citoyenneté) et d'oeuvrer pour le développement de la région » kurde. Il invite le gouvernement à accorder la nationalité syrienne à quelques 225.000 Kurdes qui étaient considérés comme des étrangers, selon les recommandations de son congrès publiées le 14 juin par la presse syrienne. D’après les responsables de partis kurdes syriens, 225.000 Kurdes sont privés de la nationalité à la suite du recensement de 1962 qui ne les avait pas comptabilisés, auxquels il faut ajouter 75.000 autres « sans papiers ». Les responsables kurdes se défendent de toutes visées sécessionnistes et assurent qu'ils veulent uniquement la reconnaissance de leur langue et de leur culture, ainsi que de leurs droits politiques.
D’autre part, le congrès du Baas au pouvoir en Syrie a réélu le président Bachar al-Assad au poste de secrétaire général du parti et recommandé une révision de la loi d'urgence ainsi que la promulgation de nouvelles lois sur les partis politiques et les médias. Les délégués ont également élu une nouvelle direction nationale au sein de laquelle plusieurs nouvelles figures proches du président Assad ont fait leur entrée alors que la plupart des vétérans n'en font plus partie. Le congrès du Baas, le premier depuis cinq ans, s'est prononcé en faveur d'une « révision de la loi d'urgence » proposant de « limiter son application aux crimes qui portent atteinte à la sécurité de l'Etat », a déclaré Mme Boussaïna Chaabane, ministre des Emigrés et porte-parole du congrès au cours d'une conférence de presse. La loi d'urgence en vigueur depuis l'arrivée du Baas au pouvoir en 1963 accorde de larges pouvoirs aux services de sécurité, interdit les réunions et autorise la censure de la presse.
A grand renfort de propagande, le régime promet ainsi de «profondes réformes» politiques et économiques, comme « l'adoption d'une loi sur les partis et la révision de la loi électorale » pour l'organisation des élections législatives et locales. Des responsables syriens avaient indiqué avant la fin des travaux que les partis qui seraient autorisés conformément à une nouvelle loi ne devaient pas avoir « de base ethnique, confessionnelle, religieuse ou régionale ». Cela exclut d'office les Frères musulmans et les partis kurdes, actuellement interdits, pourtant les seules véritables formations d'opposition. Le Baas ne tolère que six autres petits partis, d'orientation socialiste, sur l'échiquier politique.
Les délégués ont également recommandé la promulgation d'une « loi sur l'information », selon l'agence Sana. Le congrès recommande aussi la « constitution d'un conseil supérieur pour l'information » et « l'amendement de la loi sur les publications » qui prévoyait des peines de prison pour les journalistes contrevenant à cette loi. Selon Mme Chaabane, le congrès a également recommandé de diriger la Syrie vers « une économie sociale de marché », c'est-à-dire en maintenant le rôle social de l'Etat. Il a chargé le « gouvernement d'établir un plan de réforme économique global avec un calendrier ». Mme Chaabane a indiqué en outre que le parti « traçait la stratégie » qui sera exécutée par le gouvernement. Selon elle, les congressistes ont élu un comité central formé de 96 membres dont 18 femmes.
A la fin des travaux, M. Assad a prononcé un discours de trois heures. Cinq anciens de la direction du parti qui comptait 21 membres font partie du nouveau commandement national. Outre le président Assad, demeurent le ministre des Affaires étrangères Farouk al-Chareh, le Premier ministre Mohammad Naji Otri, le ministre des Finances Mohammed al-Hussein et le président du bureau de la sécurité nationale Mohammad Saïd Bkhétane. Font notamment leur entrée le ministre de la Défense Hassan Tourkmani, le directeur des services des renseignements généraux Hicham Bakhtiar, le président du parlement Mahmoud al-Abrach, et un conseiller du président Bachar al-Assad, Hayssam Satayhi. En revanche, la plupart des vétérans quittent la direction du parti, notamment le vice-président Abdel Halim Khaddam, le vice-président Zouheir Macharka, l'ancien ministre de la Défense Moustapha Tlass et l'ancien Premier ministre Moustapha Miro. Seuls les postes de Premier ministre et de président du Parlement seraient réservés aux baassistes.
De légères améliorations du quotidien des Syriens sont également annoncées. « Les Syriens seront dispensés de l'obtention d'une autorisation préalable des services de sécurité pour s'adonner à certaines activités. Soixante-sept cas sont concernés par cette mesure, y compris l'organisation d'un mariage », rapporte, le 9 juin Al Quds Al-Arabi. Le quotidien panarabe édité à Londres cite d'autres événements « bénéficiant de cette dispense, comme l'ouverture d'un salon de coiffure, d'une boulangerie, d'une épicerie, de salles de jeux vidéo ou d'une boutique de prêt-à-porter. Les Syriens pourront également importer des pièces détachées automobiles. Les étudiants syriens n'auront plus besoin d'autorisation pour s'inscrire dans les universités, les établissements de formation et les écoles d'infirmières ». Ces propositions de réforme sont toutefois loin d'être appliquées. Elles doivent être approuvées par le Parlement syrien, dominé par le Baas. Au total, le processus pourrait prendre une année.
Une semaine après la clôture du 10ème congrès du Baas syrien, le président Assad a nommé le 14 juin Abdallah Dardari comme vice-Premier ministre chargé des affaires économiques. A. Dardari n'est pas membre du parti au pouvoir, une première dans l'histoire de la Syrie depuis l'arrivée du Baas au pouvoir. La veille, le président Assad avait nommé un nouveau chef des services de renseignement qui n'est pas issu du Baas non plus. De son côté, Al Quds Al Arabi indique que, « contrairement à ce qu'on pourrait croire, la nomination du nouveau chef des services de renseignement, le général Mamlouk, atteste d'un durcissement du régime ». Mamlouk, rappelle le quotidien, « était le chef des services de renseignement de l'armée de l'air, pendant les deux dernières années ». [NDLR : ce poste est l'un des plus importants et son contrôle est vital pour le régime car tous les coups d'Etat qui se sont déroulés en Syrie et dans les pays arabes avaient été menés par des officiers de l'armée de l'air. La maîtrise de l'aviation leur donne une longueur d'avance sur les autres corps d'armée].
Le quotidien cite des organisations syriennes des Droits de l'homme qui craignent que « la nomination de Mamlouk à la tête des renseignements généraux soit un signe de la volonté du régime de continuer à utiliser le « gros bâton » contre sa population. D'autant plus que « Mamlouk est connu pour avoir pratiqué, à grande échelle, la torture contre des détenus politiques ». Les ONG syriennes basées à l'étranger dénoncent sa nomination et réclament son jugement pour torture devant les instances internationales.
En attendant les réformes promises, la répression contre les Kurdes se poursuit et tous les organes de l’Etat sont mis à contribution pour mâter les opposants. Quelque 60 jeunes Kurdes ont été arrêtés à Qamichlo dans le nord du pays après une manifestation, le 5 juin, pour connaître la vérité sur le décès d'un influent ouléma kurde, Maachouk Khaznaoui dont la mort avait été annoncée le 1er juin par les autorités syriennes. Selon elles, une « bande criminelle » est responsable de son assassinat. Peu de temps avant sa disparition, cheikh Khaznaoui avait effectué une tournée en Europe au cours de laquelle il avait rencontré des responsables kurdes mais aussi un dirigeant de la Confrérie des Frères musulmans, mouvement interdit en Syrie, Ali Sadreddine al-Bayanouni. Une rencontre a réuni le 6 juin des représentants des partis kurdes et des tribus arabes de la région pour contenir les troubles qui ont revêtu un caractère ethnique opposant « les Arabes aux Kurdes », selon certains responsables kurdes. « Le problème n'est pas avec les Arabes, mais avec le pouvoir qui jette les Arabes dans ce conflit et les utilise comme un instrument contre nous », affirme Kheireddine Mrad, secrétaire général du parti Azadi, interdit comme les onze autres formations kurdes en Syrie. Selon le secrétaire général du parti kurde Yekiti, Hassan Saleh, « des dizaines de boutiques appartenant à des Kurdes ont été saccagées par des milices baassistes », formées d'Arabes, lors des troubles du 4 juin. « Nous voulons le dialogue pour régler le problème kurde, surtout à l'occasion de la tenue du congrès du parti Baas » au pouvoir, assure M. Saleh. Il accuse les autorités de « refuser jusqu'à présent le dialogue ».
« Les Kurdes ont des revendications légitimes et reporter la solution de cette question n'est pas dans l'intérêt du pays », affirme de son côté le député islamiste modéré Mohammad Habache, également président du Centre d'études islamiques à Damas, dont cheikh Khaznaoui était le vice-président. Les autorités leur ont fait plusieurs fois des promesses restées lettre morte. Il explique en outre que les formations kurdes « ont haussé le ton car elles ont réalisé que les circonstances internationales étaient plus favorables » alors que « le sentiment national kurde s'est accru » en raison de la situation en Irak. « La solution est que l'Etat réponde rapidement aux demandes des Kurdes, pour éviter que cette situation ne soit exploitée par des parties étrangères », ajoute le député.
De plus, la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception, a, le 12 juin, condamné deux Kurdes à deux ans et demi de prison pour appartenance à « une organisation secrète visant à faire annexer une partie des territoires syriens par un pays étranger », a indiqué l'avocat Anouar Bounni. Les deux Kurdes, Mohammad Ali Bakr et Abdel Kader Kader, sont membres du Parti de l'Union démocratique (ex-PKK,), a précisé M. Bounni, défenseur des droits de l'Homme.
Les parents d'environ 26 détenus, originaires de Qatana, localité située à 25 km de Damas, se sont également rassemblés devant le tribunal pour « connaître le sort » réservé à ces détenus depuis 13 mois incommunicato sans droit de visite. Selon Me Bounni, les détenus dont plusieurs ont moins de vingt ans, avaient été incarcérés « pour appartenance à un mouvement islamiste ». L'avocat a dénoncé toutes ces arrestations « contraires à toutes les informations propagées sur des changements intervenus en Syrie concernant notamment la loi d'urgence qui est toujours en vigueur » dans le pays depuis 42 ans.
Un tribunal syrien a en revanche acquitté le 26 juin un des principaux défenseurs des droits de l'homme du pays, accusé d'activités antigouvernementales, abandonnant toutes les charges retenues contre lui. La Cour de sûreté nationale a estimé que Aktham Naisse, président des Comités pour la Défense des Libertés démocratiques et des droits de l'Homme en Syrie, a été disculpé de toutes les accusations. Aktham Naisse avait été arrêté en avril 2004 pour « avoir divulgué de fausses informations, pour formation d'un groupe clandestin, ayant des liens avec les organisations internationales de défense des droits de l'homme » et d'autres charges liées à son action contre le parti Baas. Il avait été libéré quatre mois plus tard après paiement d'une caution de 200 dollars (153 euros).
Son avocat, Anouar al-Bounni, a souligné que la Cour de sûreté nationale « était anticonstitutionnelle, illégale et injuste », malgré cet acquittement. « (Quatre) mois de prison, qui peut compenser cela? », a-t-il souligné. Mais, Ammar Qurabi, porte-parole de l'Organisation arabe des droits de l'homme, a salué un « excellent » verdict et a souhaité que les autres prisonniers politiques soient libérés prochainement.
Une cinquantaine d'intellectuels syriens ont également dénoncé « la campagne d'assassinats et de terreur qui a visé le journaliste et écrivain libanais Samir Kassir et l'ouléma kurde, Mohammad Maachouk Khaznaoui », dans un communiqué diffusé 3 juin à Beyrouth. « Ces deux agressions font partie d'une série d'actes criminels et de terrorisme qui noie le monde arabe dans le sang (...) grâce au maintien de régimes totalitaires et dictatoriaux », affirme le texte. « Nous dénonçons cette campagne qui vise la liberté d'expression, la diversité d'opinions et les appels à la démocratie, dont les sociétés arabes ont un besoin urgent », selon ce texte signé notamment par l'opposant Michel Kilo, le sociologue Bourhane Ghalioun et le défenseur des droits de l'Homme en Syrie Aktham Nayssé. « Nous nous élevons contre la campagne d'assassinats et de terreur en cours, et ses auteurs, nous réclamons que la vérité se fasse rapidement et que les assassins soient déférés devant la justice », ajoute le texte.
Selon des chiffres fournis, vendredi 1er juillet, par le gouvernement irakien, les violences ont coûté la vie à 430 Irakiens, dont 266 civils, au mois de juin, soit un chiffre inférieur de 36 % à celui de mai. Le nombre de blessés s'élève à 933, soit une baisse de 20 %. Ces chiffres ne tiennent pas compte des soldats américains tués en juin, au nombre d'au moins 75, selon le Pentagone. Au total, 160 attaques, dont 53 à la voiture piégée, ont été recensées dans tout le pays.
En mai, 672 Irakiens avaient été tués par les insurgés islamo-baasistes, soit 19 % de plus qu'en avril, ce qui avait marqué une augmentation pour le deuxième mois consécutif. Depuis que les Américains ont remis le pouvoir à un gouvernement provisoire irakien, il y a un an, plus de 10 000 civils irakiens ont été tués, à en croire l'organisation non gouvernementale Iraq Body Count.
Par ailleurs, lors d'un discours de 30 minutes le 28 juin à la base de Fort Bragg, en Caroline du Nord, à l'occasion du premier anniversaire du transfert des pouvoirs au gouvernement intérimaire irakien le 28 juin 2004, le président américain George Bush s'est abstenu de fixer le moindre calendrier pour le retrait des soldats présents en Irak et a exclu d'envoyer des troupes supplémentaires, demandant aux Américains de faire preuve de patience malgré les coûts douloureux de la guerre. Le président américain a estimé que fixer une date de retrait des 135.000 GI's d'Irak serait « une grave erreur », au moment où les forces irakiennes n'arrivent pas seules à juguler la violence. « Le discours de Bush ne change rien pour le peuple irakien et ne répond pas à ses besoins en eau, en électricité, en transports et en sécurité face aux voitures piégées. Je crois que le peuple irakien ne se soucie guère du discours parce qu'il est trop préoccupé par ses besoins quotidiens », a estimé Mahmoud Othman, député kurde au Parlement. Le discours du président Bush « s'adressait au peuple américain, pas au peuple irakien », a-t-il ajouté. « Pour nous, il n'y a rien de neuf. Mais Bush voulait remonter le moral du peuple américain dans une période où les enquêtes montrent que la majorité des Américains sont contre sa politique en Irak. »
Le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld a, de son côté, démenti tout contact entre Américains et le chef d'al-Qaïda en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui, même s'il y a des «rencontres» entre des responsables militaires américains et des insurgés. Interrogé lors d'une conférence de presse sur d'éventuelles négociations avec des insurgés, le 27 juin, M. Rumsfeld a répondu : «Non. Et certainement pas avec des gens comme Zarqaoui.». Donald Rumsfeld a toutefois répété que des responsables militaires américains «rencontrent régulièrement des leaders locaux et tribaux. Nous continuons aussi à rencontrer au niveau national des leaders sunnites». M. Rumsfeld avait reconnu la veille que des contacts avaient lieu avec les insurgés en Irak tout en minimisant leur importance. Selon le journal britannique Sunday Times, deux rencontres ont eu lieu en juin entre des représentants américains et les chefs d'un certain nombre de mouvements irakiens, dont des représentants de l’organisation terroriste Ansar al-Sunna.
Cette nouvelle approche vient conforter les représentants sunnites irakiens, politiques et religieux, qui appellent depuis plusieurs mois au dialogue avec les insurgés afin de les intégrer dans le processus politique et faire baisser le niveau de la violence. Le président irakien, Jalal Talabani, était lui-même allé dans le même sens après son élection début avril, appelant à discuter avec « les Irakiens qui portent des armes contre les forces étrangères » mais en excluant toutefois les groupes liés à al-Qaïda.
D’autre part, un rapport de l'opposition démocrate américaine publié le 27 juin indique que les surfacturations de la société de services pétroliers Halliburton en Irak auraient coûté au moins 1 milliard $US aux contribuables américains, voire 1,4 milliard $US. Selon ce rapport, citant des audits du ministère de la Défense et de l'Armée de terre américaine, Halliburton, longtemps dirigée par le vice-président Dick Cheney, aurait facturé pour plus d'un milliard de coûts «considérés comme inacceptables», jugés «déraisonnables» ou non justifiables par les termes du contrat.
Treize policiers ont été tués et 103 autres blessés le 20 juin dans un attentat suicide à la voiture piégée commis sur un terrain où s'entraînait la police dans la ville d'Erbil, selon un bilan fourni par le gouverneur de la ville. « Treize policiers ont été tués et 103 autres blessés dans l'explosion d'une voiture piégée conduite par un kamikaze sur un terrain de sport où des agents de la circulation s'entraînaient », a affirmé le gouverneur d'Erbil, Nozad Hadi. « Il était 07H40 (03H40 GMT) lorsqu'un kamikaze, habillé en policier, est entré à bord d'une chevrolet rouge sur un terrain où s'entraînaient 160 agents de la circulation », avant de se faire exploser, a affirmé l'un des blessés dans un des hôpitaux d'Erbil. « Les morts étaient tous en tenue de jogging et n'avait sur eux aucune carte d'identité », a affirmé le chef de l'institut médico-légal, Dakhil Saïd. Pour sa part, le ministre kurde la Santé, Jamal Abdel Hamid, a indiqué que les blessés avaient été transportés dans quatre hôpitaux de la ville mais que la majorité ne souffrait que de blessures légères. Le 4 mai, à Erbil, un kamikaze s'est mêlé aux recrues de la police devant un centre de recrutement avant d'actionner sa ceinture d'explosifs, tuant 46 personnes.
Le même jour, six Irakiens, dont quatre policiers, ont été blessés dans un attentat à la voiture piégée près de Kirkouk, a annoncé le chef de la police de la province de Taamim. « Un attentat à la voiture piégée qui visait le lieutenant colonel Naouzad Abdallah, chef de la police de Laïlane, à 10 km à l'est de Kirkouk, a fait six blessés, dont quatre policiers », a indiqué le général Shirko Shaker Hakim. Le chef de la police est sorti indemne. Parmi les six blessés admis à l'hôpital, trois policiers étaient dans un état grave.
À Kirkouk, vingt personnes ont péri et 81 autres, en majorité des civils, ont été blessées dans un attentat perpétré, le 14 juin, par un kamikaze devant une banque de Kirkouk. Une vingtaine de suspects ont été arrêtés. Selon le colonel de police Chirzad Abdallah, l'attentat a été commis par un kamikaze portant une ceinture d'explosifs estimés à 50 kilogrammes, dans un quartier commerçant très animé. Le groupe Ansar al-Sunna, lié au réseau terroriste Al-Qaïda, a revendiqué dans un communiqué sur l'internet l'attentat qui a eu lieu vers 10H00 locales (06H00 GMT) au moment où des fonctionnaires, des policiers et des retraités, faisaient la queue pour toucher leurs salaires à la banque. Selon le chef de la police, le Général Tourhane Youssef, « l'attentat a eu lieu à quelque 400 mètres du QG de la police situé à un croisement menant vers les villes kurdes d'Erbil et de Souleimaniyeh ».
Le 2 juin, douze personnes ont été tuées, dans un attentat suicide à la voiture piégée qui prenait pour cible le convoi du vice-Premier ministre d’Irak, Roj Nuri Shwech, a affirmé le ministère irakien de la Défense. M. Shwech n'était pas avec ses gardes du corps lorsque la voiture piégée a explosé à Touz Khurmatou, dans le sud-est de la ville pétrolière de Kirkouk, selon une déclaration du bureau de l'information du ministère de la Défense. L'explosion a mis en flammes sept voitures. Au moins 38 personnes ont été blessées dans cette attaque.
Par ailleurs, le gouverneur d'une province du Kurdistan autonome irakien a proposé le 25 juin l'envoi des peshmergas kurdes pour aider au rétablissement de la sécurité dans des régions plus au sud ravagées par les insurgés. « Nous sommes prêts à envoyer des membres des peshmergas aux provinces de Diyala, Salaheddine et Kirkouk si on nous le demande », a affirmé Dana Ahmed Majid, gouverneur de la province de Souleimaniyeh. « Nous respectons les frontières provinciales mais nous sommes en train d'offrir notre aide pour rétablir la paix et la sécurité », a-t-il ajouté. Il s'exprimait lors d'une réunion des gouverneurs à Baaqouba (60 km au nord-est de Baghdad), chef-lieu de la province de Diyala. En avril, le président irakien, Jalal Talabani, s'était déclaré pour l'utilisation des « forces populaires », les milices kurdes ou chiites, contre les insurgés, essentiellement des Arabes sunnites, regrettant l'opposition américaine sur ce point.
Depuis l'intervention en Irak par les Etats-Unis et la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, les peshmergas continuent de superviser la sécurité dans ces régions, alors que les membres kurdes de la coalition au pouvoir à Bagdad, notamment M. Talabani se sont opposés aux appels au désarmement des peshmergas. Les Kurdes ne veulent pas d'une intégration totale des peshmergas (environ 100.000 hommes) dans l'armée nationale irakienne.
Le maire ultraconservateur de Téhéran Mahmoud Ahmadinejad est devenu le 25 juin le nouveau président de l'Iran. Il a battu son adversaire conservateur pragmatique issu du clergé, Hachémi Rafsandjani, l'ancien chef d'Etat et président du Parlement, qui dirige aujourd'hui le Conseil de discernement, puissant organe d'arbitrage doté de pouvoirs législatifs. Mahmoud Ahmadinejad aurait recueilli 62,2 % des suffrages contre 35,3 % pour son adversaire, l'ayatollah Hachémi Rafsandjani, selon les derniers chiffres du ministère. Les bulletins restants ont été déclarés nuls. Selon le ministère, environ 23 millions d'Iraniens se sont déplacés dans les urnes, soit une participation d'environ 49 % contre 63 % lors du premier tour il y a une semaine. C'est la première fois en neuf scrutins présidentiels depuis l'instauration de la République islamique qu'un second tour a été nécessaire pour les élections présidentielles.
Toutefois, pour de nombreux observateurs ces chiffres sont truqués, la participation a été beaucoup plus faible et les urnes ont été bourrées par les puissants réseaux des Gardiens de la Révolution dont est issu M. Ahmadinejad.
Ce résultat renforce la mainmise des conservateurs sur l'appareil politique iranien, après leur victoire lors des élections législatives l'an dernier, et donne plus de marge de manoeuvre aux dirigeants religieux, qui ne sont pas élus et qui détiennent le mot final sur toutes les grandes orientations politiques.
Pendant le vote du 24 juin, le ministère de l'Intérieur, dirigé par des réformistes, a fait état d' « interférences» dans certains bureaux électoraux de Téhéran.
Un employé du ministère chargé de prévenir les violations du scrutin a été arrêté après s'être disputé avec un représentant d'un des candidats, et un groupe d'observateurs du ministère a enregistré 300 plaintes de fraudes à Téhéran. Le camp de Akbar Hachémi Rafsandjani a également dénoncé « d'énormes irrégularités ».
Après le premier tour, le 17 juin, les adversaires de Mahmoud Ahmadinejad avaient évoqué des bourrages d'urnes, des achats de voix, des pressions sur les électeurs et la mobilisation en sa faveur de l'armée idéologique et de la milice islamiste. Dans un communiqué, H. Rafsandjani estime que les ultra-conservateurs aux commandes de la « mollarchie », ont « usé de tous les moyens disponibles au sein de l'élite au pouvoir, de manière organisée et illégale, pour porter atteinte à (sa) crédibilité ». « Je ne me plains qu'à Dieu », ajoute-t-il pourtant, considérant inutile de porter officiellement plainte devant des juges acquis à la cause de ses rivaux.
Les pasdarans (Gardiens de la révolution) et autres factions extrémistes ont intimidé les électeurs et manipulé le vote en faveur de leur poulain. Sans cacher son jeu, le Guide suprême de la révolution, le grand ayatollah Ali Khamenei, affichait lui sa satisfaction: « les Etats-Unis humiliés par l'élection », a-t-il écrit. Le Conseil des gardiens, institution ultra-conservatrice qui supervise les élections, et les militaires auraient mené une vaste entreprise de mobilisation en faveur de M. Ahmadinejad dans l'armée et les organisations radicales, disent leurs accusateurs.
Le parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) a dénoncé ces élections dans un communiqué daté du 27 juin. Le PDKI s’étonne qu’un candidat placé en dernière position dans les sondages avant les élections, puisse recueillir 5 millions de voix au premier tour et plus de 17 millions au second triplant son score. Le PDKI dénonce également son implication dans le « complot terroriste aboutissant à l’assassinat de Dr. Abdul Rahman Ghassemlou, ancien secrétaire général du PDKI, de son collaborateur Abdullah Ghaderi Azar, membre du Comité central du parti et d’un kurde irakien de nationalité autrichienne, Fadhel Rassoul. » Ces assassinats ont eu lieu le 13 juillet 1989 à Vienne lors d’une réunion avec les émissaires du gouvernement iranien, venus de Téhéran pour parler de la « paix » et trouver une solution « pacifique » à la question kurde en Iran. Un témoin, intitulé témoin « D », a récemment avoué auprès de l’ancien président iranien exilé en France, Banisadr et Peter Piltz, député du Parlement autrichien, que deux équipes avaient été prévues pour cet assassinat. « Il faisait partie d’un deuxième groupe terroriste dans lequel il était chargé de fournir les armes nécessaires pour l’accomplissement de cette sale besogne » conclu le PDKI.
Mahmoud Ahmadinejad, 49 ans, qui a créé la surprise en recueillant 19,5 % des suffrages contre 21 % à Hachémi Rafsandjani au premier tour, a courtisé lors de sa campagne les déçus du changement social, victimes d'une économie chancelante, ainsi que les puissantes forces, principalement religieuses, opposées à l'évolution du régime islamique instauré en 1979. Mahmoud Ahmadinejad, quasiment inconnu avant de devenir maire de Téhéran en 2003, affirme vouloir mettre en place une « société islamique exemplaire », et entend favoriser les compagnies pétrolières iraniennes. La République islamique risque de s'engager sur la voie de la radicalisation avec cet ancien membre des forces spéciales de l'armée idéologique qui prêche un strict respect des valeurs islamiques ainsi que l'intransigeance envers les Occidentaux.
Le Guide suprême, dont il se réclame, a interdit toute manifestation de rue dans le souci évident d'éviter les violences après une élection sous haute tension.
Pas de bain de foule, Mahmoud Ahmadinejad s'est contenté d'apparitions à la télévision. Il a soigné son image d'homme simple, de bon musulman auquel son discours populiste a attiré une forte sympathie dans les milieux défavorisés. « Je suis très fier que les gens m'aient témoigné leur gentillesse et leur confiance. Au-dessus de cela, il y a l'honneur de rendre service, que ce soit comme maire, comme président ou comme balayeur des rues », a souligné celui qui n'avait pas hésité à se produire dans une tenue d'éboueur. Quelques jours plus tard, le président iranien a tenu un discours beaucoup plus virulent en déclarant que la sensation causée par son élection signifiait une « nouvelle Révolution islamique » dont « la vague atteindra bientôt le monde entier ». « Une nouvelle Révolution islamique a eu lieu grâce au sang des martyrs et la révolution de 1384 (l'actuelle année iranienne), si Dieu le veut, déracinera l'injustice dans le monde », a-t-il affirmé lors d'une rencontre avec les familles des victimes d'un attentat perpétré en 1981 contre le parti de la république islamique.
Ce discours rappelant les premières années de la Révolution, dont M. Ahmadinejad a déjà exalté la « pureté », suscite l'inquiétude des Occidentaux. Les élections iraniennes ont provoqué une onde de choc, la communauté internationale s'inquiétant notamment de ses intentions nucléaires. Le nouveau président iranien préconise la création d'une nouvelle équipe comprenant certains des religieux les plus anti-occidentaux du pays. Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a qualifié le scrutin de « simulacre électoral ». Selon lui, M. Ahmadinejad « n'est pas un ami de la démocratie ni de la liberté. C'est quelqu'un de très proche des ayatollahs ». Les Européens ont réagi avec un mélange d'inquiétude et de prudence à l'élection à la présidence de M. Ahmadinejad. Le nouveau président iranien fait une « sérieuse erreur s'il pense que nous allons être mous parce que nous n'allons pas être mous », a déclaré le 27 juin le Premier ministre britannique Tony Blair.
Par ailleurs, selon les témoignages publiés le 30 juin par le Washington Times, d'anciens otages de l'ambassade américaine à Téhéran affirment que le président élu iranien a été l'un des principaux acteurs de la prise d'otages de 444 jours, entre 1979 et 1981. Les services de M. Ahmadinejad ont nié qu'il ait participé à la prise de l'ambassade, mais n'ont fait aucun commentaire sur son rôle éventuel tout au long de la crise. Le 4 novembre 1979, les révolutionnaires iraniens avaient pris d'assaut l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran où se trouvaient 90 personnes. 52 d'entre elles étaient restées captives pendant 444 jours, avant d'être libérées le 20 janvier 1981.
L'élection iranienne n’est ni libre ni équitable puisque seuls peuvent se présenter les candidats chiites acceptés par un comité religieux non élu. La loi électorale interdit aux candidats extérieurs à l'élite au pouvoir de se présenter à la présidence. Huit candidats s'affrontaient lors du scrutin du premier tour le 17 juin. Plus d'un millier s'étaient enregistrés, mais le Conseil des Gardiens de 12 membres n'en a retenu que six. Deux réformistes ont réintégré la liste sur intervention de l'ayatollah Ali Khamenei. Le conseil, constitué de clercs chiites et de juristes, a exclu les 89 femmes qui voulaient se présenter, ainsi que bon nombre d'opposants au pouvoir religieux iranien. Deuxième pays producteur de l'OPEP, le gros marché de consommateurs potentiels de cette théocratie pétrolière fait saliver les investisseurs étrangers. Mais tout, les affaires et les contrats, y est contrôlé par les mollahs. D'où un système de clans et de corruption, dénoncé par Transparency International, qui classe l'Iran vers le milieu de sa liste des corrompus, devant l'Inde mais derrière la Mongolie. Le chômage est officiellement de 16%, mais il dépasserait en réalité les 30%. Et jusqu'à 40% de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté.
Le Premier ministre irakien Ibrahim al-Jaafari, en visite à Washington, a été reçu le 24 juin à la Maison Blanche par le président George W. Bush. Le président George W. Bush et le Premier ministre irakien Ibrahim al-Jaafari se sont efforcés de vanter les progrès accomplis en Irak, tout en convenant que les mois à venir resteraient difficiles, alors que les Américains expriment des doutes croissants. « Ce n'est pas le moment de reculer », a déclaré M. Jaafari, en remerciant les Américains de leur engagement. « Nous devons à ceux qui se sont sacrifiés de continuer à poursuivre les objectifs qu'ils défendaient. Je vois de près ce qui se passe en Irak, et je sais que nous faisons des progrès réguliers et substantiels », a ajouté le Premier ministre irakien, sûr que « le processus politique, qui inclut les Arabes sunnites, sapera les terroristes ».
Depuis le transfert de souveraineté, il y a un an « les Irakiens peuvent revendiquer d'extraordinaires réussites en dépit de terribles difficultés », a aussi souligné M. Bush. Evoquant les élections de janvier, la mise en place du gouvernement et l'enclenchement du processus constitutionnel, M. Bush a déclaré que « ce sont des tâches monumentales, et pourtant, à chaque étape jusqu'à présent les Irakiens ont atteint leurs objectifs stratégiques, et les terroristes ont échoué à les arrêter ».
Dans une conférence de presse le 23 juin au soir, le chef de gouvernement irakien avait souligné qu'il « il y a une détermination très forte du peuple irakien ». Evoquant l'insurrection, il a demandé: « Peut-on appeler cela une résistance? Je me demande qui sur Terre accepterait que de tels agissements surviennent chez eux et en soient fiers », s'est-il interrogé. Le Premier ministre irakien s'est également prononcé pour une enquête rapide sur des crimes précis commis par l'ancien dictateur irakien, souhaitant que son procès puisse s'ouvrir dans les prochains mois. Il a estimé qu'il était temps de juger Saddam Hussein et a reconnu que « le terrorisme restait une menace importante » pour l'Irak. « Il y a eu du temps de perdu et j'ai parlé au principal juge responsable du procès de Saddam Hussein », a-t-il déclaré le 23 juin après son arrivée à Washington. « Si nous menons une enquête intensive (sur les crimes de Saddam) alors la recherche ne s'arrêtera jamais car il n'y a pas un crime qu'il n'ait pas commis », a-t-il ajouté. « Nous ne voulons pas d'une enquête complète. Tout ce que nous voulons c'est un verdict ».
Par ailleurs, la Chambre des Représentants a voté le 20 juin en faveur de l'octroi de 45 milliards de dollars supplémentaires pour les guerres en Irak et en Afghanistan, dans le cadre d'une loi portant à 409 milliards le budget de la défense américaine. Les Représentants ont approuvé ce fonds d'urgence, qui va porter le coût des opérations militaires américaines à plus de 300 milliards de dollars.
De plus, le porte- parole adjoint du département d'Etat Adam Ereli, a, le 20 juin annoncé que le nouvel ambassadeur des Etats- Unis en Irak, Zalmay Khalilzad, a quitté l'Afghanistan pour prendre ses nouvelles fonctions en Irak. Zalmay Khalilzad a fait une escale à Bagdad où il a présenté ses lettres de créance au président Jalal Talabani, avant de se rendre à Bruxelles pour participer le 22 juin à la conférence sur la reconstruction de l'Irak.
L'Irak a demandé le 28 juin à l'ONU la fin des versements destinés à dédommager les victimes de la guerre du Golfe de 1990 à 1991. Au début d'une session de trois jours de la Commission d'indemnisation des Nations unies, le vice-ministre irakien des Affaires étrangères Mohammed Hamud-Bidan a affirmé à la presse qu'il était temps d'arrêter de payer 5% des revenus du pétrole irakien pour les victimes d’un conflit vieux de 15 ans.
Il s'agit de la dernière session de la Commission d'indemnisation de l'ONU, au cours de laquelle elle doit approuver des réclamations suite à l'occupation du Koweït par le régime de Saddam Hussein du 2 août 1990 au 2 mars 1991. Au total, la Commission a reçu près de 2,7 millions de plaintes pour un montant total de 354 milliards de dollars. Des réclamations ont été présentées par 96 gouvernements au nom de leurs ressortissants, d'entreprises ou en leur nom propre. Composé des représentants des Etats membres du Conseil de sécurité, le Conseil d'administration de la commission a approuvé jusqu'ici 52,1 milliards de dollars en indemnités, dont 19,2 milliards ont effectivement été versés.
Le Conseil doit examiner jusqu’à la fin du mois 33 000 réclamations restantes portant sur plus de 50 milliards de dollars, notamment pour des dommages à l'environnement au Koweït. Les ressources destinées à verser les indemnités sont prélevées sur le Fonds d'indemnisation des Nations unies. Celui-ci percevait à l'origine 30% des revenus générés par l'exportation des produits pétroliers irakiens.
En décembre 2000, le Conseil de sécurité avait décidé que 25% des fonds déposés en vertu du programme « pétrole contre nourriture » seraient transférés au Fonds d'indemnisation. Le 22 mai 2003, la résolution 1483 a fixé à 5% la part à verser au Fonds sur les revenus générés par l'exportation de tous les produits pétroliers et le gaz naturel irakiens.
En marge de la session, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont protesté à Genève devant le Palais des Nations contre des indemnités qui aggravent la situation économique des Irakiens. Une représentante du mouvement, Caomihe Butterly, a déclaré que les Irakiens n'avaient pas le choix lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït, et qu'il a commis une erreur, mais c'est aussi une erreur de continuer à punir le peuple irakien pour les crimes de Saddam Hussein.
Par ailleurs, l'ancien vice-président d'une société suisse, auteur en 1998 de courriers suggérant que Kofi Annan avait connaissance de l'attribution à cette compagnie -pour laquelle travaillait son fils Kojo- d'un contrat de reconstruction en Irak dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture », a nié le 15 juin avoir évoqué cette question avec le secrétaire général des Nations unies. La veille, la commission d'enquête sur le programme « Pétrole contre nourriture » avait révélé qu'elle examinait « en urgence » deux courriers électroniques envoyés en interne en décembre 1998 par le vice-président de la Cotecna Inspection, Michael Wilson. Le premier e-mail mentionne une brève discussion avec le secrétaire général de l'ONU « et son entourage » lors d'une réunion à Paris fin 1998 sur la candidature de la firme à un contrat de 10 millions de dollars dans le cadre de « Pétrole contre nourriture ». Il fait référence à un « KA », qui pourrait être Kojo Annan, le fils du secrétaire général, consultant de la Cotecna à l'époque. Dans le second courrier électronique, Michael Wilson fait part de son optimisme quant à l'attribution du contrat grâce au « lobbying discret mais efficace » de la Cotecna dans les milieux new-yorkais. Les avocats de Michael Wilson affirment que leur client n'avait jamais évoqué l'attribution d'un contrat à son entreprise avec Kofi Annan.
Le porte-parole des Nations unies Stéphane Dujarric, a, le 1er juin, annoncé que le secrétaire général de l'ONU a renvoyé Joseph Stephanides, le responsable qui gérait les contrats du programme « Pétrole contre nourriture » avec l'Irak. Joseph Stephanides, qui est de nationalité chypriote, était le directeur de la Division des affaires du conseil de sécurité. Il est le premier responsable de l'ONU a être renvoyé après la publication du rapport Volcker sur le programme « Pétrole contre nourriture » qui a révélé des faits de corruption. Deux autres personnes ont été mises en cause. Kofi Annan a estimé que Joseph Stephanides avait commis une « faute professionnelle grave ». Il est reproché au fonctionnaire d'avoir truqué un appel d'offres en faveur d'une société dans le cadre des contrats concernant l'inspection des fournitures humanitaires à l'Irak. Joseph Stephanides, qui travaille aux Nations unies depuis 1980 avait prévu de prendre sa retraite en septembre à 60 ans, âge obligatoire de la cessation d'activité à l'Onu.
Le rapport de la commission Volcker accuse deux autres fonctionnaires de l'Onu de malversation dans ce programme, alors que Bagdad était soumis à un embargo et qui a représenté un pactole de 64 milliards de dollars. Des sanctions n'ont pas été prises contre les autres personnes mises en cause dans l'attente de la publication du rapport définitif.
Par ailleurs, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshiyar Zebari, a, le 1er juin, déclaré aux Nations unies que l'Irak va laisser un organisme indépendant surveiller sa production de pétrole et sa gestion des revenus qu'il en tire. La décision prise par Bagdad de prolonger l'existence du Conseil de surveillance international (IAMB) vise à prouver que l'Irak utilise ses ressources pétrolières « de manière transparente, et au bénéfice du peuple irakien », explique H. Zebari dans une lettre au Conseil de sécurité. Ce suivi est également de nature à rassurer les donateurs et les créanciers de l'Irak, en montrant que ce dernier gère ses revenus et ses dettes « de manière responsable, et au profit du peuple irakien », poursuit-il.
Le Conseil de sécurité a créé l'IAMB - qui compte en son sein des membres de l'Onu, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international - en mai 2003, pour surveiller la gestion des ressources naturelles irakiennes. Mis en place pendant l'intervention en Irak par les forces américaines, l'IAMB a vu son mandat prolongé après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement irakien, en juin 2004.
Le dernier audit réalisé par KPMG à la demande de l'IAMB, et portant sur la période allant du 29 juin au 31 décembre 2004, identifie de nombreux problèmes dans la gestion des revenus pétroliers irakiens. Selon cet audit, rendu public il y a une semaine, l'Irak ignore où sont passés 618.000 tonnes de pétrole, d'une valeur de 69 millions de dollars et n'a toujours pas mis en place un système lui permettant de mesurer sa production et attribue de nombreux contrats sans appels d'offres. Par ailleurs, l'organisation chargée de la commercialisation du pétrole irakien, la SOMA, a déposé illégalement 97,8 millions de dollars tirés de la vente du pétrole sur trois comptes bancaires en Jordanie et en Irak, et réalisé des transactions sous forme de troc à hauteur de 461 millions de dollars, ce que n'approuve pas l'IAMB parce qu'elles sont difficiles à surveiller, selon KPMG. Hoshiyar Zebari a déclaré les recommandations de l'IAMB bienvenues, estimant qu'elles aideraient les autorités irakiennes à prendre des mesures pour corriger les défauts du système.
De plus, le Conseil de sécurité de l'Onu a, le 31 mai, accepté de prolonger le mandat de la force multinationale sous commandement américain en Irak, le ministre irakien des Affaires étrangères ayant fait savoir que son gouvernement y était favorable. Le mandat de cette force n'expire pas avant la fin de l'année, et la formation en Irak d'un gouvernement permanent. Mais Bagdad a néanmoins la possibilité de demander leur départ avant cette date. Le Conseil de sécurité a estimé que le mandat de la force multinationale - 28 pays y sont représentés - devait se poursuivre jusqu'à « l'aboutissement du processus politique », ainsi que le stipule sa résolution 1546 de mai 2003, a déclaré l'ambassadeur du Danemark à l'Onu, Ellen Loj, qui préside actuellement le Conseil.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu le 6 juillet au soir à Washington sur fond de relations toujours crispées entre les deux pays à la suite notamment du refus d'Ankara de s'associer à la guerre en Irak. « Depuis plus de deux ans, les relations entre les Etats-Unis et la Turquie ont été marquées par une succession d'erreurs. On ne peut revenir dessus et la relation prendra des années pour se rétablir », estime Michael Rubin, chercheur auprès de l'American Enterprise Institute à Washington. La Maison blanche a longtemps tergiversé pour accorder un rendez-vous à Recep Tayyip Erdogan, tout autant que l’ambassadeur américain à Ankara qui avait dû prendre son mal en patience pour obtenir une rencontre avec le Premier ministre turc.
Les relations entre Ankara et Washington, deux alliés de l'Otan dont les liens étaient traditionnellement bons, sont toujours distendus après le refroidissement provoqué notamment par le refus du parlement turc d'autoriser, en mars 2003, le passage par le sol turc de soldats américains en route pour l'Irak. Washington n’a pas non plus apprécié les commentaires du gouvernement turc sur les opérations de Falloujah, qualifiées de « génocide » par les Turcs. Les différences de vues semblent être surmontées, mais Ankara est toujours frustré de l'inaction des troupes américaines contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui se sont réfugiés par milliers dans les montages du Kurdistan irakien avant la guerre.
Dans des déclarations à la presse avant son départ pour les Etats-Unis, M. Erdogan a tenté de relativiser les différends. « Nous ne voulons pas porter ombrage à notre partenariat stratégique », a-t-il déclaré au quotidien Yeni Safak. « Il peut y avoir des développements défavorables, mais nous pouvons les surmonter (...), en fait nous en avons surmonté la majorité ». Dans le but de remettre les relations sur les bons rails, les deux pays ont fait une série de gestes. Washington a continué à défendre une adhésion de la Turquie à l'Union européenne et des membres du Congrès et des hommes d'affaires américains se sont rendus dans l'entité turque du nord de Chypre, non reconnue internationalement, pour apporter leur soutien à cette petite « république » isolée du monde. Ankara a de son côté autorisé les Etats-Unis à utiliser sa base aérienne d'Incirlik (sud) pour mener des activités liées à l'Irak et à l'Afghanistan.
Recevant le 8 juin le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à la Maison Blanche, le président américain George W. Bush a estimé que la démocratie turque était un exemple pour la région du « Grand Moyen-Orient ». Les deux dirigeants ont affirmé que les liens entre leur pays étaient solides malgré des divergences sur la guerre en Irak. « La Turquie et les Etats-Unis ont une relation stratégique importante », a déclaré M. Bush. « J'ai dit au Premier ministre (turc) combien j'étais reconnaissant de son soutien » au projet américain de Grand Moyen-Orient, qui vise à promouvoir la démocratie dans un vaste espace s'étendant du Pakistan au Maroc. « La démocratie turque est un exemple important pour les habitants du Grand Moyen-Orient », a déclaré M. Bush en présence de son hôte, devant les caméras de télévision. Le président américain a remercié M. Erdogan pour le soutien d'Ankara au processus de démocratisation en Afghanistan et le travail de la Turquie pour aider les Palestiniens à créer un Etat indépendant.
M. Erdogan a précisé avoir également discuté avec M. Bush d'un projet de réunification de Chypre, île divisée depuis 1974 entre le nord chypriote-turc, où Ankara maintient 40.000 soldats, et le sud sous contrôle chypriote-grec. Il a aussi souhaité davantage de coopération des Etats-Unis pour lutter contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui est retranché dans le Kurdistan irakien. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a assuré la Turquie que son pays ne permettrait aucune « action terroriste » anti-turque provenant d'Irak, a indiqué le 7 juin le chef de la diplomatie turque au terme d'un entretien à Washington avec son homologue américain. « Mme Rice nous a promis qu'aucune action terroriste contre la Turquie émanant du territoire irakien ne sera permise », a-t-il indiqué à des journalistes. M. Gul a indiqué avoir expliqué à son homologue les « attentes » de la Turquie au sujet d'une lutte de l'armée américaine contre le PKK. « J'ai vu des signes positifs de la part des Américains à ce sujet », s'est félicité M. Gul qui s'est dit convaincu que Turcs et Américains coopéreraient davantage dans l'avenir contre le PKK. « La Turquie ne peut tolérer la recrudescence des actes de violences et les infiltrations. Nous attendons plus de détermination » des Américains, a-t-il néanmoins ajouté.
Par ailleurs, lors de sa visite de travail, M. Erdogan s'est entretenu le 9 juin avec le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan sur le dossier chypriote. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le Conseil de sécurité des Nations Unies à rompre l'isolement de la partie nord de Chypre, occupée par Ankara, affirmant que son pays avait fait plus que la Grèce pour surmonter les divisions de l'île. « Nous avons dit que nous aurions toujours un temps d'avance sur les chypriotes grecs et nous avons totalement tenu cette promesse », a déclaré M. Erdogan devant le Conseil, après un entretien avec le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan.
Les Chypriotes turcs ont approuvé en 2004 le plan de réunification proposé par Kofi Annan, que les Chypriotes grecs ont majoritairement rejeté. Depuis, Chypre est entrée dans l'Union européenne (UE) mais seule la partie sud bénéficie de cette intégration, la partie nord étant reconnue uniquement par Ankara. Recep Tayyip Erdogan a regretté que le Conseil de sécurité ne se soit toujours pas prononcé sur le plan de Kofi Annan. « Nous pensons qu'une décision doit être prise, qu'une reconnaissance doit avoir lieu, et nous espérons une issue heureuse », a-t-il affirmé.
Un responsable du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a exhorté le 28 juin la Turquie à ouvrir un dialogue avec son organisation à l'instar des contacts engagés entre des responsables militaires américains et des insurgés en Irak. « Nous leur disons (à Ankara), venez et parlons d'une solution. Envoyez-nous un responsable pour des discussions », a déclaré Murat Karayilan, chef militaire du PKK dans un entretien accordé à l'agence Mésopotamie, basée en Allemagne. Il a donné l'exemple des contacts engagés en Irak entre des officiers américains et les insurgés: « Regardez en Irak, les Etats-Unis annoncent qu'ils ont entrepris des discussions même avec les organisations qui résistent par tous les moyens et qui ne répondent à aucune loi », a declaré Karayilan, réputé être l'un des dirigeants les plus radicaux du PKK. Il a déploré que l'Etat turc ne se soit jamais engagé dans un dialogue avec son organisation. « Est-ce que l'Amérique est humiliée? Non, elle a grandi par ces négociations », a-t-il estimé.
Les accrochages se sont multipliés depuis le début du printemps, l'armée turque lançant notamment de vastes opérations de ratissage dans les régions montagneuses du Kurdistan turc. La région connaissait depuis des années un calme relatif mais les plaies du passé se sont rouvertes. Lors d’obsèques les proches des victimes ne cachent pas leur colère lorsqu'ils font part de leur insatisfaction à l'égard des réformes entreprises par Ankara pour accroître les libertés des Kurdes. Pour eux, la décision du PKK de mettre un terme à une trêve unilatérale de cinq ans est la conséquence inévitable de ce qu'ils considèrent comme la poursuite d'une discrimination et d'une persécution des Kurdes. Beaucoup de Kurdes craignent maintenant que l'agitation ne menace les libertés fragiles dont ils bénéficient depuis peu, ainsi que les progrès économiques qu'ils espèrent pour leur région défavorisée.
Au moins 65 combattants et 32 militaires ont été tués depuis avril selon les autorités turques. Cinq combattants du PKK ont été tués le 24 juin dans les montagnes de la province de Bingol. Les funérailles le 27 juin se sont transformées en une manifestation qui a dégénéré ensuite en affrontements avec la police, faisant plusieurs blessés. Ces événements surviennent quelques jours après un incident meurtrier à Van, où un jeune manifestant a été tué lorsque les gendarmes ont tiré sur une foule qui protestait contre le fait que les autorités aient inhumé un combattant du PKK sans avoir restitué la dépouille à sa famille. Par ailleurs, dix-sept combattants maoïstes appartenant à un mouvement clandestin, le Parti communiste maoïste (MKP), ont été tués lors de deux jours d'affrontements dans le Kurdistan avec l'armée turque, ont annoncé le 18 juin les autorités turques. Ils ont été exécutés par les tirs de trois hélicoptères Sikorsky déferleant des tirs de mitraillette directement sur eux. Les médias turcs en ont fait leurs manchettes pendant au moins trois jours, la presse insistant tout particulièrement sur le fait qu'il s'agissait sans aucun doute d'un « coup mortel » porté aux maoïstes. Le quotidien à grand tirage Milliyet a notamment prédit que « les maoïstes auront donc été éliminés d'un seul coup ». Les combats se sont produits dans une vallée reculée de la région montagneuse de Dersim.
Quelque 300 intellectuels kurdes ont exhorté le 22 juin le gouvernement turc à proclamer une amnistie générale pour les combattants kurdes et leur chef emprisonné Abdullah Ocalan. « Au cas où il y aurait une amnistie générale, elle doit aussi être valable pour Abdullah Ocalan », a déclaré aux journalistes Tarik Ziya Ekinci, un porte-parole des signataires d'un document soutenant un appel précédent d'intellectuels qui demandaient au PKK de déposer les armes. « Nous acceptons totalement cet appel, nous demandons que le PKK cesse immédiatement ses activités et que l'Etat fasse ce qui lui incombe pour trouver une solution à la question kurde », a souligné M. Ekinci, ancien député de Diyarbakir et ancien secrétaire général du Parti ouvrier de Turquie. Il a ajouté que parmi les solutions à la question figurait la proclamation d'une amnistie générale. L'Etat turc a par le passé à plusieurs reprises adopté des amnisties partielles, excluant les dirigeants du PKK, et donc A. Ocalan, qui a été condamné à mort en 1999 pour séparatisme. Sa peine, qu'il purge sur l'île prison d'Imrali (nord-ouest), a été commuée à la prison à vie lorsque la Turquie a aboli la peine de mort en 2003 dans le cadre de ses ambitions pro-européennes.
Abdullah Ocalan ne veut pas être jugé de nouveau en Turquie où il estime qu'un tel procès ne sera pas « indépendant et impartial », a indiqué le 3 juin l'un de ses avocats. « Mon client ne veut pas un nouveau procès en Turquie. Il ne veut pas être jugé dans les conditions actuelles », a déclaré Mme Aysel Tugluk qui a rencontré le 1er juin A. Ocalan La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a confirmé le 12 mai la condamnation de la Turquie pour procès inéquitable d'Ocalan et a recommandé à Ankara d'organiser un nouveau procès. Les dirigeants turcs ont affirmé qu'ils respecteraient l'arrêt de la Cour de Strasbourg.
Pour qu'il puisse bénéficier d'un nouveau procès le condamné doit en faire la demande mais Abdullah Ocalan a dénoncé les lois turques en vigueur et ne fera pas de telle demande, a souligné son avocate. « Ocalan a dit qu'il ne jouera pas le rôle principal d'une pièce de théâtre que la Turquie mettra en scène », a indiqué Me Tugluk qui a critiqué notamment des déclarations du chef de la diplomatie turque Abdullah Gul qui avait affirmé que A. Ocalan écoperait de la même peine s'il était rejugé « cent fois ». Le chef du PKK a fait savoir à ses défenseurs qu'il souhaiterait être jugé en dehors de la Turquie par un « tribunal spécial » qui serait mis en place par le Conseil de l'Europe. Me Tugluk a par ailleurs dénoncé des restrictions imposées à la défense par les autorités de son client en vertu d'un nouveau code de procédure criminelle qui vient d'entrer en vigueur. Ainsi, elle et deux autres collègues se sont vus leurs notes confisquées lors de leur dernière audience avec leur client. Une personne a également enregistré leurs conversations. « C'est inacceptable. Nous ne pouvons poursuivre la défense dans ces conditions », a-t-elle dit. A. Ocalan a également demandé à ses avocats de ne plus lui rendre visite tant que les conditions d'un nouveau procès ne seraient pas remplies à ses yeux. Le ministre turc de la Justice Cemil Cicek a exprimé le 5 juin son opposition à l'organisation hors de Turquie d'un nouveau procès. Expliquant qu'aucune demande de la sorte ne lui était parvenue, M. Cicek a déclaré à des journalistes alors qu'il se rendait à un congrès de son parti à Uludag (ouest) qu' « une telle chose est inconcevable (…) Ce sont les tribunaux du pays où le crime a été commis qui sont compétents. Ce genre de choses relève de la souveraineté » nationale, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le Parti des travailleurs du Kurdistan, réuni en congrès, le 1er juin, dans le Kurdistan irakien près de la frontière avec l'Iran, a proposé un cessez-le-feu et un dialogue avec les autorités turques. « Nous lançons un appel au gouvernement turc, lui demandant de cesser les opérations militaires pour ouvrir la voie au dialogue et nous sommes prêts, de notre côté, à décréter un cessez-le-feu », a déclaré à la presse, Murat Karayilan, en marge du congrès tenu dans le village de Lijwa, à 500 km au nord-est de Bagdad. « Nous ne posons pas comme condition au gouvernement turc d'avoir un dialogue direct. Nous acceptons que le gouvernement turc dialogue avec les partis, courants politiques et personnalités kurdes élues dans les villes kurdes pour résoudre le problème avec eux », a-t-il ajouté.
M. Karayilan a appelé les gouvernements turc, syrien et iranien à « trouver par le dialogue une solution au problème kurde », tout en dénonçant « les campagnes militaires de la Turquie et de l'Iran » contre son parti. Selon lui, sa formation a changé de stratégie et milite désormais pour une « confédération démocratique », non plus pour un Kurdistan unifié et indépendant.
L'épineux débat sur le statut de la ville de Kirkouk, qui menaçait de retarder la rédaction de la nouvelle Constitution irakienne, pourrait être reporté à une date ultérieure, ouvrant la voie à l'adoption du texte par les députés comme prévu d'ici le 15 août. « Le statut administratif définitif de Kirkouk - à savoir si la ville fait partie du Kurdistan - sera décidé après la ratification de la Constitution », a déclaré, le 20 juin, Barham Salih, ministre irakien du Plan. « Nous souhaiterions que le statut de Kirkouk soit réglé le plus tôt possible (...) mais nous reconnaissons aussi que Kirkouk est une ville multi-ethnique », a ajouté l'ancien vice-Premier ministre d'origine kurde.
La détermination du statut de la ville est l'une des questions les plus sensibles dans l'Irak d'après-guerre, où les tensions ethniques et religieuses dégénèrent régulièrement en scènes de violence, épargnant de moins en moins souvent le Kurdistan. Selon certains analystes, mettre aujourd'hui de côté le débat sur Kirkouk risque de reporter à plus tard les troubles que cette question ne manquera pas de faire naître. Mais les dirigeants irakiens ont accepté, en accord avec les recommandations de la Constitution intérimaire rédigée l'an dernier que le sort de Kirkouk ne soit décidé qu'une fois la Constitution définitive adoptée et un recensement dans les régions contestées effectué. Une fois adoptée par les députés, d'ici le 15 août, la Constitution irakienne sera soumise à référendum le 15 octobre au plus tard. De nouvelles élections législatives censées parachever la normalisation institutionnelle du pays seront ensuite organisées en décembre
Un dirigeant du parti chiite du Conseil de la révolution islamique en Irak (CSRII), Ammar Hakim, s'était dit opposé le 6 juin à un rattachement de Kirkouk au Kurdistan. « Nous n'acceptons pas l'annexion de la ville de Kirkouk à cette région (...) car elle appartient à tous les Irakiens », a affirmé à Najaf, Ammar Hakim, fils du chef du CSRII, Abdel Aziz Hakim. « Nous nous opposons aussi à la réinstallation forcée d'Irakiens car tous ont le droit de vivre dans la ville de leur choix », a-t-il indiqué en référence au retour dans leur ville de Kurdes qui en ont été chassés par le régime de Saddam Hussein.
Selon l'article 58 de la Loi fondamentale qui régit actuellement le pays, le gouvernement doit favoriser le retour des Kurdes expulsés par la politique d'arabisation de l'ancien régime et faire des propositions sur le statut définitif de la ville qui devront figurer dans la Constitution permanente.
La chambre des députés allemands, le Bundestag, a adopté le 16 juin une résolution en mémoire des massacres commis par la Turquie entre 1915 et 1917 contre le peuple arménien, tout en se gardant de les présenter comme un génocide. Dans ce texte, l'ensemble des partis parlementaires demande au gouvernement allemand de « s'engager pour faire respecter la liberté d'opinion en Turquie, en particulier en ce qui concerne les massacres commis à l'égard des Arméniens ». « Un arrangement doit être trouvé entre Turcs et Arméniens par la réconciliation et le pardon pour la responsabilité historique » turque, ajoute la résolution, approuvée par les groupes parlementaires social-démocrate (SPD), conservateur (CDU-CSU), Vert et libéral (FDP). Les parlementaires allemands demandent aussi à Berlin d'oeuvrer à ce que « la Turquie normalise immédiatement ses relations bilatérales avec l'Arménie ».
La Turquie a qualifié la résolution d' « irresponsable » et d' « étroite d'esprit ». « Le parlement allemand a adopté une résolution sur les événements de 1915. Nous le déplorons et nous le critiquons vivement », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. « L'approbation d'une telle résolution par l'Allemagne sèmera le chaos dans nos relations », souligne le communiqué.
La Turquie nie farouchement le génocide arménien qui selon les estimations courantes a fait entre 1,2 et 1,5 million de morts. Elle affirme que, si des centaines de milliers d'Arméniens ont été tués par les Turcs ottomans, davantage de Turcs sont morts lors de l'effondrement de l'Empire ottoman sur les divers fronts de la première guerre mondiale.
Un nouveau code pénal est entré en vigueur le 1er juin en Turquie, après avoir été révisé pour remplir les conditions européennes à l'ouverture des pourparlers d'adhésion avec Ankara. Et ce, malgré les critiques des journalistes, qui craignent que la liberté de la presse ne soit désormais menacée. Voté l'année dernière, le nouveau code pénal, destiné à harmoniser les dispositions turques avec la conception des droits de l'homme en vigueur dans l'UE, aurait dû entrer en vigueur en avril, mais le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan l'a reporté pour de nouvelles modifications, adoptées le 27 mai dernier au Parlement.
Cette première révision du code pénal en 79 ans, emprunté à l'Italie fasciste, améliore le sort des femmes et des enfants, reconnaissant que le viol marital et le harcèlement sexuel sont des crimes, et durcit les peines contre le viol, la pédophilie, le trafic d'êtres humains et la torture. Mais la presse se plaint de formulations trop vagues, facilitant une interprétation restrictive et la répression de la liberté d'expression, voire même l'emprisonnement de journalistes pour délit d'opinion. Un groupe de journalistes a d'ailleurs annoncé qu'il entamait une grève de la faim pour protester contre l'entrée en vigueur du texte. La presse turque a accueilli le nouveau code avec méfiance et scepticisme. « La liberté de la presse est en danger » titrait notamment le quotidien Aksam, tandis que Milliyet évoquait « un début amer ».
Le président turc Ahmet Necdet Sezer a cependant mis, le 3 juin, son veto à une loi controversée qui permet aux responsables d'écoles religieuses illégales d'échapper à la prison, estimant qu'elle va à l'encontre de la laïcité. Cette loi qui a été introduite à la dernière minute par le parti de la Justice et du Développement (AKP) dans le paquet d'amendements à la réforme pénale adoptée a provoqué un tollé de l'opposition et de la presse libérale. Elle prévoit que les responsables d'écoles coraniques clandestines soient condamnés à une seule amende et échappent à une peine jusqu'à trois ans de prison, comme c'est le cas actuellement. « La laïcité est la pierre angulaire des valeurs constituant la République de Turquie », précise le chef de l'Etat dans un communiqué de son service de presse argumentant les raisons de son rejet. M. Sezer estime que la nouvelle disposition « encourage » les milieux pro-islamistes à fonder de telles institutions et met en garde contre les « pensées perverses » qu'auront les gens éduqués dans ces écoles et la « menace » qu'ils pourraient faire peser sur l'unité nationale. M. Sezer ne peut mettre son veto qu'une seule fois aux lois qui lui sont présentées. Si le Parlement adopte de nouveau cette loi dans les mêmes termes, il sera contraint de la promulguer, mais pourra encore saisir la Cour constitutionnelle.
L'élite laïque turque est catégoriquement opposée à toute mesure facilitant l'ouverture d'écoles privées au motif qu'une telle disposition permettra aux mouvements islamistes de fonder leurs propres centres d'enseignement. Des descentes policières sont effectuées régulièrement contre des écoles de ce genre, situées surtout dans les banlieues d'Istanbul, pépinières des partis pro-islamistes.
Le gouvernement formé par le chiite Ibrahim al-Jaafari a obtenu, le 14 juin, la confiance du Parlement en Irak à l'issue d'une séance consacrée à examiner son programme d'action. Dans son discours de politique générale, le 31 mai, le Premier ministre s'était engagé à bâtir un pays fédéral et démocratique et à renforcer les services de sécurité face à la violence.
De plus, la commission parlementaire chargée de rédiger une Constitution permanente pour l'Irak est parvenue le 16 juin à un accord garantissant aux Arabes sunnites d'y participer à hauteur de 15 membres. Cet accord a été confirmé par des personnalités sunnites, arabes, communauté représentant environ 17% de la population irakienne mais qui ne participait pas jusqu'ici au processus de transition. L'accord prévoit la règle du consensus et non du vote au sein de la commission de 55 membres qui doit achever la rédaction de la loi fondamentale avant le 15 août. Les Arabes sunnites ont boycotté les élections générales du 30 janvier et n'ont envoyé qu'une poignée de députés au Parlement de 275 sièges.
Plus de deux ans après la chute de Saddam Hussein et cinq mois après des élections nationales présentées comme une chance de reconstruire le pays, les Bagdadiens ne cachent pas leur amertume face à la situation. Deux millions de Bagdadiens sont privés d'eau potable en raison, selon les autorités, du sabotage par les insurgés d'une installation hydraulique alimentant la capitale irakienne. Alors que la température ambiante dépasse les 40° Celsius, les habitants de l'ouest de Bagdad ont creusé le sol, à la recherche de conduites souterraines transportant une eau chaude qu'ils rapporteraient ensuite chez eux dans des bouteilles, pour boire ou cuisiner. Outre la pénurie d'eau, de nombreux habitants n'ont accès que quelques heures par jour à l'électricité s'ils ne sont pas équipés de leur propre générateur.
Selon la police iranienne, une série d'attentats, les premiers depuis des années en Iran, ont, le 12 juin, fait au moins dix morts et 70 blessés dans la ville à forte majorité arabe d'Ahvaz (une ville pétrolière du Khouzistan, dans le sud-ouest de l'Iran), théâtre récent de heurts ethniques. Quatre explosions se sont produites devant les bureaux du gouverneur d'Ahvaz, capitale de la province pétrolière frontalière de l'Irak, et devant la maison du directeur de la radio-télévision à Ahvaz.
Le Front démocratique populaire d'Ahvaz, qui milite pour un Khouzistan (Arabistan) indépendant, a démenti toute responsabilité dans ces attentats tout en affirmant qu'ils ont été revendiqués par un autre groupe arabe s'intitulant Brigades des martyrs révolutionnaires Ahvazi.
Quelques heures plus tard, un engin de faible puissance a explosé dans le centre de Téhéran, faisant un mort et trois blessés. Les forces de l'ordre ont bouclé le secteur où s'est produit la déflagration, dans une rue donnant sur la place de l'imam Hossein, dans un quartier commercial animé de la capitale iranienne. L'engin avait été dissimulé dans une poubelle. Les moudjahidine du peuple ont démenti toute implication dans ces attentats.
Le Khouzistan, qui renferme l'essentiel des réserves prouvées de pétrole de l'Iran, a été en proie en avril à des incidents à caractère ethnique au cours desquels cinq personnes avaient été tuées. Quelque 300 personnes avaient été arrêtées à la suite de ces violences.