La crise entre le gouvernement de Bagdad et le GRK au sujet de Khanaqin ne s’apaise guère, allant jusqu’à des affrontements entre Kurdes et forces irakiennes, malgré les multiples rencontres entre les deux gouvernements et un accord provisoire. Le 1er du mois, une délégation kurde s’est rendue à Bagdad pour y rencontrer le Premier ministre Nouri al-Maliki. Les entretiens ont été qualifiés d’ « ouverts et de transparents » par Yassin Madjid, un conseiller en communication du Premier ministre, tandis que le député de l’Union islamique kurde, Sami Atroushi, avait exprimé le souhait que la délégation kurde puisse obtenir des résultats positifs, par la voie du dialogue, en écartant toute « option militaire », dans tous les dossiers sur lesquels Bagdad et Erbil sont en contentieux, et tout particulièrement celui de Khanaqin. De son côté, le président kurde Massoud Barzani avait appelé personnellement le Premier ministre irakien pour lui demander instamment d’éviter la crise qui couve sur place entre les deux forces de sécurité.
Le 5 septembre, la signature de l’accord était annoncée par les officiels des deux gouvernements : il était décidé que l’armée et les Peshmergas se retireraient conjointement, au profit de la police locale de Khanaqin, hormis un check-point qui serait partagé entre ces forces de police et les forces irakiennes. « Les choses retournent au point où elles étaient avant l’entrée des forces de sécurité irakiennes dans le district » expliquait le chef d’état-major de l’armée irakienne, le kurde Babekir Zebarî, dans une conférence de presse donnée avec le commandant des Peshmergas de Khanaqin, Mala Bakhtyar. Le général kurde, de par ses fonctions au sein de la Défense de l’Irak, s’exprimait au nom du gouvernement de Bagdad, tandis que Mala Bakhtyar le faisait au nom du GRK, ce qui donne la mesure de l’imbroglio politique du « partenariat kurdo-arabe » au sein du gouvernement central.
Mais les propos du général Babekir sonnent finalement de façon assez ambiguë car la situation « d’avant l’arrivée des forces de sécurité irakiennes » était bel et bien un contrôle kurde sur la région. De fait, l’application de cet accord, se heurte, sur le terrain, à la réalité des faits : La ville de Khanaqin, peuplé à 85% de Kurdes dont 97% sont de confession chiite, souhaite rester sous le contrôle des Peshmergas en attendant de pouvoir être réintégrée dans la Région du Kurdistan, comme l’a expliqué au Guardian Ibrahim Badjelani, un membre du Conseil provincial : « L’armée irakienne veut toujours entrer et les Peshmergas sont encore présents. Nous sommes tous sur la brèche. Si l’armée irakienne tente d’entrer sans un accord préalable, nous ne pourrons être considérés comme responsables des conséquences. »
Déjà, en juin 2006, le conseil municipal de la ville avait réclamé son rattachement au GRK. Ici, le message des bureaux politiques kurdes, tout comme celui du maire, Mala Hassan, est clair : il faut appliquer l’article 140, qui, par référendum, permettra le retour de Khanaqin dans les zones administrées par les Kurdes, comme l’explique à l’AFP le commandant des Peshmerga Mala Bakhtyar : «
Notre message au gouvernement (irakien) est simple : Appliquer la Constitution et autoriser la tenue d'un référendum local d'auto-détermination. Si le gouvernement ne fait rien, il y aura des troubles politiques et des violences. »
Les Kurdes chiites ont été particulièrement visés par les persécutions de l’ancien régime et la majeure partie d’entre eux ont été déplacés de force dans les années 1970-1980. Leur retour dans cette ville date de 2003 et ils n’ont aucune envie de voir à nouveau les troupes irakiennes patrouiller dans les rues de la ville, qui a été libérée par les Peshmergas, comme le raconte Mala Bakhtyar : « Quand nous sommes arrivés ici, il y avait 36 militaires américains et pas de troupes irakiennes. Je suis venu à la tête de 4.000 à 5.000 hommes. Il n'y a pas de combattants d'Al-Qaïda ici, pas de violence. Pourquoi alors des troupes irakiennes? Le gouvernement central devrait nous remercier plutôt que nous demander de déguerpir! » Sommés de quitter ces districts du nord de la Diyala, les Peshmergas, forts du soutien de la population, refusent donc de quitter la place, et ne prennent leurs ordres que du gouvernement kurde, actuellement en négociation avec Bagdad.
L’animosité et la crainte des habitants s’expliquent aussi par les conditions de leur récent retour. Alors que les réfugiés de Kirkouk attendent encore, souvent dans des camps, d’être dédommagés ou relogés, les Kurdes de Khanaqin se sont réinstallés d’office, à la faveur de l’arrivée des troupes kurdes dans la ville, dans les habitations laissées par les colons arabes qui avaient pris la fuite, comme le raconte Mohammed Aziz, un professeur de mathématiques dont la famille avait été chassée de son village en 1975, alors qu’il n’avait que quatre ans : « Nos maisons ont été prises par les Arabes sans qu'on nous ait versé aucune compensation. Nous sommes revenus et avons pris une des maisons vides. Les Arabes d'ici avaient fui. ». Mohammed Aziz, qui avait dû résider dans la province chiite de Babylone pendant 30 ans, se dit à présent heureux de pouvoir élever ses trois enfants en kurde, de revenir « sur sa terre » et souhaite le rattachement définitif de Khanaqin au Kurdistan.
Selon Mala Hassan, lui aussi favorable au rattachement, 90% des Kurdes déplacés de Khanaqin sont à présent revenus. Le maire de Khanaqin, qui faisait partie de la délégation kurde qui a signé l’accord, affirme que sa ville restera sous contrôle kurde, même si les troupes irakiennes se retirent : « Nous sommes tous Peshmergas maintenant. »
De fait, dans la ville, ce sont les portraits de Massoud Barzani et le drapeau du Kurdistan qui sont affichés. Même une zone mixte, peuplée également d’Arabes, comme Al-Djalawla, est entièrement contrôlée par les Kurdes et le GRK alloue même au district un budget annuel plus important que celui fourni par Bagdad (15 millions de dollars). Pour les Kurdes de la ville, un rattachement à la Région du Kurdistan est de toute façon un état de fait, comme l’explique au Washington Post Nihad Ali, qui commande ici le détachement des Peshmergas : « Qui peut contester que nous n’avons pas déjà fait de cette région une partie du GRK ? Qui a dépensé tout cet argent ici ? Quels martyrs y ont versé leur sang ? Ces gens sont totalement dépendants des Kurdes. Nous ne pouvons les abandonner. »
Seuls des Arabes sunnites de la région, souvent liés à l’ancien régime, voient d’un très mauvais oeil la perspective de dépendre du gouvernement d’Erbil. Ahmed Saleh Hennawi al-Nuaimi, un chef tribal de Djalawla, ancien officier sous Saddam, se plaint de ce qu’il appelle un processus de « kurdification » : « Nous sommes soumis à deux occupations, l’une par les Américains et l’autre par les Kurdes. Celle des Kurdes est la pire et mène la population au terrorisme. »
Ces accusations de « kurdification » sont rejetées par le GRK, qui indique n’avoir pas eu besoin de « kurdifier » la région, pas plus qu’il n’essaie de « prendre le contrôle » de la région, comme les accusent les groupes arabes, car, réplique Fouad Hussein, le chef de Cabinet de Massoud Barzani : « Nous contrôlons déjà la région. Il y a une réalité sur le terrain dans ces zones disputées en Irak qui ne peut être ignorée. » Et c’est au contraire le gouvernement d’Al-Maliki qui est accusé par les Kurdes d’avoir « un agenda secret » pour les chasser de la région. « Certains d’entre eux voudraient même nous chasser de tout l’Irak. »
Dans une déclaration officielle, faisant état de la position du Gouvernement kurde sur cette question, Fouad Hussein réaffirme qu’ils n’envisagent pas « une annexion unilatérale » de ces territoires, et que la présence des Peshmergas n’a pour seul but que de protéger la population du terrorisme. Le chef de cabinet ajoute que l’application de l’article 140 permettrait seule de régler ces conflits, par voie constitutionnelle.
En tous cas, Bagdad peine à chasser ne serait-ce que de Djalawla les quelques centaines de Peshmergas qui refusent de quitter leurs quartiers, malgré les demandes réitérées de l’armée qui a tenté plusieurs fois d’entrer, mais s’est vu à chaque fois barré le chemin par les Peshmergas de l’UPK. Le 20 septembre, Sarchil Adnan, qui dirige la branche de l’UPK dans la ville, a tout de même annoncé que « les partis kurdes à Djalawla, Al-Saadiya, Khanaqin et Qara Tepe ont accepté d’évacuer les bâtiments gouvernementaux qu’ils utilisaient comme bureaux », mais sans donner de date précise concernant ce retrait. Le 27 mars, la police irakienne (récemment formée dans le district et composé exclusivement d’Arabes selon les accusations des Kurdes) a attaqué un bâtiment occupé par les Asayish kurdes (services de sécurité) tuant l’un d’eux, avant que le couvre-feu soit décrété dans la ville.
Les forces kurdes sont visées aussi par des attaques terroristes. Une explosion visant un véhicule de patrouille a ainsi tué six d’entre eux et blessés trois autres, en milieu de mois, tandis que le 28 septembre, c’est le maire kurde de la petite ville de Saadiyah, à l’est de Khanaqin, qui a été blessé, avec six de ses hommes, dans un attentat à la bombe, alors qu’il se rendait à son bureau.
Par ailleurs, les craintes des Kurdes de Khanaqin concernant la nouvelle police mise en place à Diyala, dont le recrutement, selon eux, exclut les Kurdes au profit des Arabes, et surtout leur apparaît susceptible d’être infiltré par Al-Qaïda, n’ont pu que se renforcer avec l’arrestation, le 30 septembre, du général Hassan Karawi, commandant de la police de Djalawla, par les forces multi-nationales. Il est suspecté d’être impliqué dans des actions terroristes, avec trois autres officiers, le général de brigade Abdullah Anu, le lieutenant Raed Sheikh Zaed et Ibrahim Abdullah, ancien directeur du centre des services secrets de Khanaqin, sous le régime baathiste. Tous ont été arrêtés dans la demeure d’un chef d’une tribu arabe locale.
Après l’arrestation de Mashaal Tamo, dirigeant de la plate-forme d’opposition « Avenir kurde », survenue le 15 août et dénoncée par l’Observatoire des droits de l’Homme en Syrie, cette même organisation dénonce celle de Talal Mohammad, du parti Wifaq, une branche (interdite) du PKK en Syrie, qui a été aussi mis au secret, à la fin du mois d’août. Tous deux sont accusés d’ « offense majeure » envers l’Etat.
Mashaal al-Tammo avait déclaré, peu de temps avant son arrestation, que l’attitude des policiers syriens envers les Kurdes risquait de provoquer des émeutes semblables à celles de 2004, ce que la justice syrienne a qualifié d’ « incitation à la guerre civile », un chef d’accusation qui fait encourir la peine capitale, bien que celle-ci soit rarement appliquée contre des opposants politiques connus. Il est aussi accusé plus classiquement, quand il s’agit des leaders kurdes, d’appartenance à une organisation « ayant pour but de changer les fondements de la société et de créer des tensions raciales et sectaires ».
L’arrestation a eu lieu peu avant la visite de Nicolas Sarkozy dans ce pays, qui a plaidé pour la libération des prisonniers politiques syriens et une libéralisation de la vie politique en Syrie. Mais le message français ne semble guère être passé, car dans le même temps, le Centre syrien pour la liberté des media et la liberté d’expression annonçait que depuis l’année 2000, la Syrie avait bloqué l’accès Internet à 160 sites, de partis politiques kurdes, d’opposants politiques, de journaux (en particuliers libanais), de mouvements pour les droits de l’homme, d’associations diverses, islamiques ou civiles... Et selon Mazen Darwish, le président de l’organisation, cette répression va en s’accroissant : « Ceci n’est que le début d’une politique de censure de la presse, et d’une tentative de contrôler tous les utilisateurs d’Internet », lesquels, selon Mazen Darwish, ont de plus en plus recours à ce media pour s’exprimer et commenter la vie politique dans leur pays.
De fait, le 15 septembre, 50 Kurdes étaient jugés par une cour militaire de Damas, et condamnés à des peines allant de 4 à 6 mois de prison, pour avoir participé aux manifestations qui ont suivi l’enlèvement et l’assassinat du cheikh soufi Maashuk al-Khaznawî. A l’époque, les manifestants réclamaient que toute la vérité soit faite sur ce meurtre par le biais d’une enquête indépendante. Les 50 accusés avaient été arrêtés sur les lieux, détenus 2 mois avant d’être relâchés. Ils ont été condamnés pour « incitation aux dissensions religieuses et raciales et à des conflits entre différentes religions et groupes de la nation. »
Le 18 septembre, s’ouvrait aussi le procès d’Ahmad Tohme, Jaber al-Shoufi, Akram al Bunni, Fida al-Hurani, Ali al-Abdullah, Walid al-Bunni, Yasser Tayser Aleiti, Fayez Sarah, Mohammed Haj Darwish, Riad Seif, Talal Abu Dan et Marwan al-Esh. Les douze hommes sont membres du Conseil national de la déclaration de Damas pour un changement démocratique (NCDD), un mouvement qui comprend plus de 160 hommes politiques, militants pour les droits de l’homme, intellectuels et artistes. Depuis décembre 2007, date à laquelle il a été créé pour remplacer l’ancien Conseil national de Damas pour un changement démocratique (fondé en 2005), quarante de ses membres ont déjà été arrêtés par les services secrets syriens. Les douze actuellement jugés sont ceux qui ont été gardé en détention.
Le 28 janvier 2008, ils ont comparu devant un juge, sur la base de l’article 285 du Code criminel syrien, réprimant « l’affaiblissement des sentiments nationaux », de l’article 286 pour avoir propagé « des informations notoirement fausses » et avoir voulu « affaiblir le sentiment national », de l’article 306, concernant l’appartenance à une « association ayant pour but de changer la structure économique ou la structure sociale de l’Etat, et de l’article 307 visant « toute action, discours ou écrit incitant au sectarisme ou encourageant les conflits entre sectes ». Le 26 août dernier, le procureur général avait confirmé les chefs d’accusation. Les avocats de la défense, entendus le 24 septembre, ont plaidé non coupable, en exposant que la Déclaration de Damas avait seulement pour but d’initier un débat sur un processus de réformes pacifiques et démocratiques en Syrie. Les accusés encourent jusqu’à 15 ans de prison. Le verdict est attendu pour le mois d’octobre.
Le procès a été vigoureusement dénoncé à la fois par le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (une plate-forme de travail conjointe avec la Fédération internationale des droits de l’homme et l’Organisation mondiale contre la torture), Human Rights Watch et Human Rights First. Ces ONG ont exprimé leur « profonde préoccupation » pour ce qu’elles qualifient de détention arbitraire et de procès inique, dans une déclaration cosignée, où elles demandent instamment aux autorités syriennes l’annulation du procès ainsi que la libération immédiate et sans condition des accusés, en rappelant que les membres de la Déclaration de Damas ne font qu’exercer « pacifiquement leurs droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par les lois internationales et la constitution syrienne elle-même, par exemple l’article 38 qui stipule que « tous les citoyens ont le droit d’exprimer librement et ouvertement leurs opinions, verbalement, par écrit, et par tout autre moyen d’expression. »
Les ONG craignent aussi que les accusés ne puissent avoir droit à un procès régulier et dénoncent aussi les termes « vagues et très larges » du code pénal, qui permettent aux autorités de les utiliser contre des dissidents politiques pacifiques ou des militants des droits de l’homme. Les avocats ont fait part aussi des mauvais traitements subis par leurs clients, qui ont tous été battus durant les interrogatoires et contraints de signer de fausses déclarations, lesquelles ont été utilisées ensuite par le procureur au cours du procès.
Enfin, l’état de santé de certains des dissidents s’avère préoccupant et nécessite des soins médicaux suivis : Riad Seif, le secrétaire général du NCDD souffre ainsi d’un cancer de la prostate et ne bénéficie actuellement d’aucun traitement ; le Dr. Fidaa al-Horani, le président du NCDD s’est vu également refusé une surveillance médicale alors qu’il est atteint de problèmes cardiaques ; Ali Abdallah, un journaliste indépendant, a perdu l’ouïe de son oreille gauche, conséquence des coups reçus lors de ses interrogatoires. Le 28 janvier dernier, il a été examiné par un médecin qui a refusé de faire un rapport, ce qui a empêché ainsi de fournir au prisonnier un traitement médical. De plus, Ali Abdallah a été transféré il y a deux mois dans un quartier disciplinaire, où les conditions de détention sont encore plus sévères, pour avoir refusé de se lever durant une altercation avec un gardien.
Les organisations rappellent à la Syrie qu’elle est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de multiples conventions, notamment celle sur les droits civils et politiques portant, entre autres, sur le droit d’expression et la liberté d’association. Elle a aussi signé la Déclaration des Nations Unies de 1998 « sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ». Elles demandent aussi la levée de l’état d’urgence et des lois qui en découlent, en appelant toutes les institutions de l’Union européenne à se joindre à cette protestation et à en faire part la Syrie.
L’assemblée nationale irakienne a finalement accouché dans la douleur, le 24 septembre, d’une nouvelle loi sur les élections provinciales, lesquelles devraient se tenir au plus tard le 31 janvier 2009, dans 14 des 18 provinces de l’Irak. Les 191 députés présents ont voté à main levée et la loi a été ainsi adoptée à la majorité des présents.
Approuvée à l’unanimité, la loi électorale nouvelle version a été qualifiée par Mahmoud al-Mashshadani, le porte-parole du parlement, de « grand jour pour l’Irak, et un jour pour la démocratie durant lequel les Irakiens ont prouvé qu’ils peuvent parvenir à des solutions de consensus. Kirkouk est la source des problèmes, mais aujourd’hui, c’est devenu un symbole de l’unité irakienne. »
En fait, le « symbole de l’unité irakienne » fera simplement l’objet d’un report des élections, suivant en cela l’avis des représentants des Nations Unies qui ont conseillé un report des élections pour Kirkouk et la formation d’une commission chargée de préparer les élections dans cette région, ce que le parlement irakien a accepté. Selon le député de l’Alliance kurde Khalid Shawani, cette commission sera constituée « de deux représentants de chaque communauté, arabe, kurde et turkmène, et un de la communauté chrétienne. » Son objectif est de « préparer le terrain » pour la tenue des élections, prévues courant 2009, de mettre en place les nouveaux « mécanismes du partage de l’autorité » à Kirkouk, de revérifier le recensement des citoyens et l’inscription des électeurs sur les registres, tout en corrigeant les « excès qui ont eu lieu avant et après avril 2003 », date de la chute du régime baathiste. Le rapport de la commission devra être présenté au parlement avant le 31 mars et ce sont les députés qui choisiront alors la date du scrutin.
En attendant, le Conseil provincial de Kirkouk, composé en majorité de Kurdes, continuera de gouverner la région. Le député kurde Khalid Shawani a également déclaré sur la radio La Voix de l’Irak, que le parlement avait approuvé unanimement la recommandation de l’envoyé de l’ONU, sur la commune « participation du gouvernement fédéral et du Gouvernement régional du Kurdistan » au processus, et de leur soutien nécessaire à son succès.
Trois autres provinces seront soumises à un agenda électoral indépendant : Duhok, Suleïmanieh, Erbil, soit l’actuelle Région du Kurdistan qui doit d’abord faire voter par son parlement sa propre loi électorale, comme l’explique à l’AFP Ali Qader, le président de la commission électorale du GRK : « Seul le parlement du Kurdistan a le droit de faire passer cette loi ; aussi aucune date n’est encore fixée pour les élections au Kurdistan. »
L’adoption de la loi électorale a bien sûr été saluée par Washington, qui pousse depuis des mois à la tenue de ces élections, prévues initialement en octobre 2008, et qui a tenté jusqu’au bout d’éviter le report. « Nous félicitons le parlement irakien pour avoir fait passer la loi sur les élections provinciales. Nous pensons que c’est un signe positif et qui montre sans aucun doute une démocratie irakienne en voie de maturation », a ainsi déclaré Robert Wood, porte-parole du Département d’Etat. « Nous espérons que les élections provinciales se tiendront dès que possible, de préférence à la fin de l’année. »
Mais des voix discordantes se sont élevées dans ce concert dithyrambique. Le vice-président de l’Assemblée nationale du Kurdistan, Kamal Kirkouki, a ainsi déclaré sur la Voix de l’Irak, que le vote de la loi, et particulièrement de ses deux articles 2 et 14, violait la constitution irakienne et par là-même, « les fondements démocratiques du nouvel Irak ». Kamal Kirkouki exprimait en fait la position généralement adoptée par les Kurdes, qui s’opposaient, dès le début de l’été, à un traitement particulier pour Kirkouk, qui aurait pour seul but d’empêcher une nouvelle victoire des Kurdes au Conseil provincial, tant la démographie de la région est en leur faveur. L’avis des Kurdes du Gouvernement régional du Kurdistan, comme celui des Kurdes de Kirkouk était donc la tenue d’élections dans cette province sous les mêmes conditions et au même titre que dans le reste de l’Irak. Le vote des députés de l’Alliance kurde au parlement de Bagdad n’a été qu’un compromis pour sortir de la crise.
Dans une déclaration officielle, le président du Kurdistan, Massoud Barzani, bien que se déclarant « très satisfait » de ce vote, en espérant qu’il sera un « pas significatif en direction d’un renforcement du processus démocratique en Irak. » et bien qu’il affirme « soutenir activement l’adoption d’une loi qui permettrait à tous les Irakiens de déterminer le statut final de leur communauté à l’intérieur du nouveau système fédéral », regrette que la loi ne mentionne pas les droits des chrétiens, yézidis et autres minorités religieuses, à être représentés. Aussi la présidence du Kurdistan tient à réaffirmer son soutien à tous les groupes religieux et ethniques de l’Irak pour la garantie de leurs droits, ce qui reste dans la droite ligne de la politique de tolérance, voire de discriminations positives du GRK envers les minorités, surtout religieuses, et place le gouvernement irakien dans un certain embarras en raison de l’agitation chrétienne que la nouvelle mouture de cette loi a suscitée.
En effet, le silence du texte sur la représentation des minorités dans les conseils de province n’a pas non plus échappé aux principaux intéressés. Ainsi, le 29 septembre, des chrétiens de Qaraqosh, dans la province de Ninive, qui abrite un grand nombre de réfugiés venus d’Irak, en plus de la population chrétienne autochtone, ont manifesté contre l’abrogation, lors de son second vote, de l’article 50 de cette loi, qui prévoyait qu’un certain nombre de sièges soient garantis par quota aux minorités ethniques et religieuses des provinces, comme c’est le cas au parlement kurde depuis 1992. Les Assyro-Chaldéens estiment cette suppression anticonstitutionnelle et surtout portant atteinte à leurs droits, en les « marginalisant ».
Les manifestants de Qaraqosh ont donc soumis un mémorandum au maire de la localité, afin qu’il le fasse parvenir au président Jalal Talabani, au Premier ministre Nouri Al-Maliki, au porte-parole du parlement Mahmoud al-Mashhadani, au représentant des Nations Unies en Irak, Staffan de Mistura et à l’ambassadeur des Etats-Unis. Ils réclament le rétablissement de l’article 50 et la possibilité de s’auto-administrer.
Le Conseil populaire des Assyro-Chaldéens a appelé tous les chrétiens à organiser « dans tous les lieux où ils résident », mais il est en fait difficile à cette communauté, particulièrement visée par le terrorisme, de défiler dans les zones où elle ne bénéficie pas de la protection des Kurdes. Le chef du Parti irakien démocratique de la section de Mossoul, Menas Al-Yousifi, a également jugé « injuste » cette abrogation, qui ne pouvait que « jeter de l’huile sur le feu » et « aggraver la crise que vit le peuple irakien. »
Ce mécontentement chrétien est relayé à l’intérieur du GRK, au plus haut niveau gouvernemental, puisque Georges Mansour, le ministre de la Société et des affaires civiles, lui-même chrétien, a pris la parole pour condamner à son tour cette abrogation, en la qualifiant de « retour en arrière » dans le processus démocratique du pays et de « violation flagrante du deuxième article de la constitution irakienne interdisant toute loi électorale qui nuirait aux principes démocratiques », ainsi que l’article 14, qui affirme l’égalité de tous les Irakiens, quels que soient leur sexe, leur ethnie et leur religion. Un député chrétien, Yonadim Kanna, a de même jugé que la disparition de l’article 50 portait atteinte aux principes démocratiques, de partenariat et de fraternité dans le pays.
Devant cette salve de critique, Staffan de Mistura, le représentant de l’ONU en Irak, a fini par convenir que les minorités étaient marginalisées dans la nouvelle mouture de la loi, mais a appelé les mécontents à négocier avec la Haute Commission électorale indépendante, qui gère les scrutins locaux.
Le Premier ministre Nouri Al-Maliki, qui a rencontré récemment le pape et l’avait assuré de son soutien aux chrétiens d’Irak, a désavoué officiellement cette abrogation, en déclarant qu’il avait, bien au contraire, espéré que le parlement maintiendrait le passage garantissant la représentation des minorités. Il a également appelé les leaders parlementaires et la commission électorale à « trouver une solution et à lever le sentiment d’inquiétude, le sentiment d’être aliénées ou opprimées, qui affecte des communautés fières d’être irakiennes. »
Finalement, le cardinal Emmanuel III Delly en personne, patriarche des Chaldéens catholiques d’Irak, a appelé le Conseil de présidence, qui n’a pas encore approuvé la loi, à y mettre une seconde fois son veto, ce qui ne ferait évidemment pas l’affaire ni du gouvernement irakien, ni du parlement ni des USA : « J’appelle le Conseil de présidence à ne pas approuver l’abrogation de l’article 50 de la loi provinciale, qui est un acte d’oppression contre notre présence et notre représentation dans la société irakienne » a lancé le cardinal, lors d’une interview télévisée.
Interrogé à ce sujet, Hashim Al-Tayy, à la tête de la commission parlementaire des régions, a révélé que les différents blocs parlementaires ont abrogé l’article 50 pour la seule raison qu’ils n’avaient pu se mettre d’accord sur le nombre de sièges qui seraient alloués à chaque groupe. Mais il a assuré que la garantie de ces sièges sera ajoutée ultérieurement à la loi.
Alors que depuis le 25 août dernier des prisonniers politiques kurdes font grève de la faim dans les prisons iraniennes, les commerçants de la ville kurde Mahabad ont observé, le 3 septembre, une journée de grève en refusant d’ouvrir leurs boutiques, par solidarité avec leurs compatriotes incarcérés.
N’appréciant guère la démonstration, les Forces de sécurité de l’Etat (SSF) ainsi que des agents des services secrets ont mené des raids dans les bazars et les rues de Mahabad, afin d’obliger leurs propriétaires à reprendre leur activité. Quant aux manifestants qui protestaient ouvertement, ils ont tous été photographiés et filmés par les autorités.
Les prisonniers politiques kurdes qui observent cette grève de la faim sont au nombre de quarante dans la prison d’Ourmieh, quinze à Mahabad, treize à Sanandadj et huit dans la prison d’Evin à Téhéran, tandis que quatre autres n’ont pu être localisés. Dans leur déclaration, les grévistes, dont huit sont condamnés à mort et attendent leur exécution, font appel à l’opinion publique internationale, en faisant état de conditions de détention inhumaines. Ils réclament la suspension immédiate des exécutions et l’arrêt « de toutes formes de torture et de punitions dégradantes. » Ils demandent aussi à ce que les prisons iraniennes soient contrôlées par une commission internationale.
Dans son dernier rapport, datant de juillet 2008, Amnesty International avait déjà alerté sur le nombre croissant des détentions arbitraires, des procès iniques et de la recrudescence des exécutions dans les prisons d’Iran, en indiquant que la population kurde était tout particulièrement visée, surtout les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les militants féministes.
Le Comité de protection de journalistes a également appelé l’Iran à la libération de deux journalistes kurdes, arrêtés en août dernier, Anvar Sa’dj Mutchashi et Massoud Kurdpour.
Anvar Mutchashi, étudiant en droit à l’université internationale de Téhéran, travaillait pour plusieurs chaînes de télévision satellite kurdes et exerçait aussi des activités de militant. Il avait aussi collaboré au journal kurde Karaftu, un hebdomadaire interdit depuis. La veille de son arrestation, il avait confié à des collègues de travail qu’il avait reçu un appel téléphonique d’un agent des services de sécurité, l’avertissant qu’il avait « dépassé la ligne rouge ».
Quant à Massoud Kurdpour, il exerçait le journalisme en free-lance et militait aussi pour les droits de l’homme. Il a été arrêté à son domicile, dans la ville de Bokan. Membre de la rédaction d’un journal maintenant interdit, Didga, il a donné régulièrement des interviews portant sur la question kurde à plusieurs radios étrangères, dont Voice of America, Radio Farda, la BBC et Deutsche Welle. Sa famille, qui a pu lui rendre visite, a fait état de son amaigrissement et parlé de mauvais traitements. Les seules informations qu’elle a pu obtenir de la part des services de sécurité, concernant les charges qui lui sont reprochées, sont ses contacts avec des agences de presse internationales et ses déclarations dans des média internationaux. Ainsi, le 12 juillet 2008, date de sa dernière déclaration à la presse, il avait pris la parole dans une émission en langue kurde de la radio Voice of America, qui couvrait une grève au Kurdistan d’Iran, pour commémorer l’assassinat du leader kurde Abdulrahamn Ghassemlou en 1989, par les services iraniens.
D’autres journaux ont été récemment fermés par la Commission pour la surveillance et l’autorisation de la presse, un organe du ministère de la Culture et de l’orientation islamiques : ainsi le magazine écologiste Tarabestan Sabaz et, de façon surprenante, la revue de mots croisés Sargami. Dans son courrier des lecteurs figuraient en effet des propos humoristiques visant les dirigeants du pays. Il lui a été reproché la publication de « commentaires inappropriés » et le journal a été interdit.
Le 5 septembre, cependant, les ONG, dont Reporters sans frontières, apprenaient avec soulagement que la peine de mort qui avait été prononcée contre le journaliste kurde Adnan Hassanpour, avait été annulée pour « vice de procédure ». En effet, la Cour Suprême de Téhéran a finalement jugé que l’accusation « d’ennemi de Dieu » retenue contre le journaliste (délit qui fait encourir la peine capitale) s’avérait sans fondement solide. Elle a donc renvoyé l’accusé au tribunal de Sananadadj. Reporter sans Frontière a exprimé sa satisfaction, tout en demandant à nouveau la libération immédiate d’Adnan Hassanpour, « qui vit un calvaire depuis dix-huit mois », et qui nie toutes les charges dont on l’accuse. « L’accusation n’a jamais été en mesure de démontrer les preuves de sa culpabilité. Malgré cela, les juges en charge du dossier avaient, à deux reprises, décidé de le condamner à mort. L’acharnement judiciaire contre les journalistes indépendants et ceux collaborant avec la presse étrangère doit cesser. »
Saleh Nibakht, l’avocat du prisonnier, espère que le tribunal de Sanandadj ne fera pas deux fois de suite « la même erreur », en indiquant que l’un des juges qui y officiaient a depuis été renvoyé. Un nouveau procès contre Adnan Hassanpour a débuté le 6 septembre.
Adnan Hassanpour, âgé de 26 ans, a été arrêté le 25 janvier 2007 et emprisonné à Mahabad, avant d’être transféré à Sanandadj. Il avait travaillé pour l’hebdomadaire Aso, un journal qui traite de la question kurde, sujet « sensible » en Iran, hebdomadaire qui a été interdit en 2005 par le ministère de la Culture et de l’orientation islamique. Le journaliste collaborait aussi à des radios étrangères, telles Voice of America et radio Farda. Depuis son arrestation, il a poursuivi deux grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention.
Un reportage du Daily Star se penche sur l’étrange situation des Kurdes vivant au Liban, dont beaucoup n’ont jamais pu obtenir la nationalité de ce pays, bien que la majeure partie de cette communauté soit arrivée dans les années 1920-1930, alors qu’elle fuyait les persécutions de la république de Turquie. C’est lors du dîner annuel donnée par l’Association philanthropique des Kurdes libanais à l’occasion de l’Iftar (rupture du Jeûne), que les journalistes ont pu rencontrer les 250 adhérents de l’association ainsi que le sheikh Hamed Mousamak, qui, prenant la parole dans l’assemblée, est revenu sur les difficultés rencontrées par sa communauté : « La communauté kurde fait face à deux problèmes majeurs. Beaucoup d’entre nous n’ont pas la citoyenneté libanaise et nous ne sommes représentés ni au Parlement, ni au gouvernement. »
Privés des droits et des aides accordées aux Libanais, ces Kurdes, qui font partie des couches de la société les plus défavorisées, sont ainsi discriminés dans l’accès à l’éducation supérieure, la santé, l’emploi. Malgré les promesses du gouvernement Hariri, en 1994, de régulariser cette situation, l’hostilité des chrétiens à tout octroi massif de citoyenneté accordée à une population musulmane, ainsi que l’indifférence des autres Libanais envers ces non-Arabes, a fait qu’aujourd’hui encore, 40% des quelques 75 000 Kurdes qui vivent au Liban depuis plusieurs générations n’ont pas la nationalité libanaise et subissent ainsi un statut précaire de résidents non nationaux.
« Nous nous sommes plaints à beaucoup d’hommes politiques et de leaders religieux, explique le Sheikh Hami, mais personne ne soutient notre cause. Nous n’avons même pas de lieux où notre communauté puisse se rassembler. Nous voudrions construire un centre kurde, mais nous ne le pouvons pas. Le dîner annuel de l’Iftar est la seule occasion pour que notre peuple se réunisse. »
Les Kurdes commencèrent d'arriver au Liban, alors sous mandat français, à la fin de la Première Guerre mondiale et surtout après la révolte de Sheikh Saïd en 1925, et puis durant toutes celles de l'entre-deux-Guerres, fuyant la répression en Turquie. Il y eut aussi, dans les années 1960, une vague d'émigration économique. Socialement et économiquement, c'est une des communautés les plus faibles, les moins instruites et des plus défavorisés du pays. Ils ont été ou sont encore agriculteurs, manoeuvres, ouvriers ou bien travailleurs non qualifiés.
La question de leur naturalisation ne se posa pas aux Kurdes avant la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, la plupart d’entre eux n’avaient pas jugé utile de se dépenser en argent ou en démarches administratives pour obtenir une citoyenneté qui ne leur offrait, à l’époque, pas d’avantages particuliers. Mais en 1941, ils se trouvèrent, étant sans papiers, exclus du système des cartes de rationnement d'alimentation établi dans les colonies et protectorats français comme en métropole. Par malchance, un an auparavant, une loi venait tout juste de restreindre l'accès à cette citoyenneté alors que les conditions en avaient été jusqu’ici très larges : il suffisait d'avoir vécu 5 ans consécutifs dans le pays ou d'avoir épousé un(e) Libanais(e).
En 1960, Kemal Djoumblatt, le chef de la communauté druze, lui-même d’origine kurde, devenu ministre de l’Intérieur, leur accorda une citoyenneté « indéterminée » qui permit à ceux qui en bénéficiaient d'obtenir, au moins pour leurs enfants, la nationalité libanaise s'ils étaient nés au Liban. Mais cette mesure fut annulée en 1962 sous la pression des chrétiens, qui, s'ils étaient favorables à la naturalisation des Arméniens, s'opposaient à celle des Kurdes musulmans par peur de faire basculer l'équilibre démographique entre les groupes religieux du pays. On instaura donc des « cartes de substitution », qui permettent de circuler dans et hors le Liban, et d'avoir accès à l'école publique. Ces cartes de substitution ne donnent pas le droit de vote et ne permettent pas d'exercer un emploi de fonctionnaire.
Le 21 juin 1994, Rafik Hariri permit à un certain nombre de Kurdes, estimés entre 10.000 et 18.000 d'être naturalisés, malgré une vive opposition chrétienne.
Le 18 septembre, le journaliste et éditeur turc Ragip Zarakolu a été récompensé par le prix « Liberté pour l’édition » de l’Association internationale des éditeurs, qui a salué son « courage exemplaire » dans sa lutte pour la liberté d’expression et de publication.
C’est en 1977 que Ragip Zarakolu et son épouse ont fondé leur maison d’édition à Istanbul, avec l’objectif de créer « un espace plus grand pour la démocratie et la liberté d’expression et de publication en Turquie ». Ainsi, depuis 40 ans, cet éditeur a fait paraître des ouvrages sur des sujets tabous dans la société turque, tels que le génocide arménien, la question kurde et la situation de la minorité grecque dans le pays.
L’un des livres les plus controversés qui figurent à son catalogue fut, dans les années 1990, un essai portant sur le Kurdistan. Bien que les autorités turques l’aient immédiatement interdit, elles ne purent empêcher sa diffusion, comme le raconte Ragip Zarakolu : « Ils sont venus à la maison d’édition et ont voulu saisir tous les exemplaires. Mais nous les avions déjà distribués, avant qu’ils n’arrivent. Nous en avions tiré 3000. Ils ont été très surpris, mais il n’y avait rien qu’ils ne puissent faire. Plus tard, ils nous ont accusés et ont entamé un procès. Le premier a eu lieu à la Cour des « crimes graves ». Nous étions accusés d’inciter les Kurdes à la rébellion. Mon ex-femme a ainsi passé six mois en prison, en 1994. »
Mais ni les condamnations ni le harcèlement sévère des autorités n’ont eu raison de la détermination de cet éditeur qui, deux ans plus tard, faisait paraître un ouvrage sur le génocide arménien. « Quand nous étions inculpés, nous répliquions en publiant davantage de livres sur le même sujet. Nous étions accusés de crimes. Aussi, nous tâchions de comprendre en quoi le crime consistait, en réalité : dans la publication d’un livre ou dans le sujet qu’il contenait ? Et si le crime était contenu dans le livre, qui étaient les vrais criminels ? Si vous publiez un livre sur le génocide arménien, et si vous êtes accusés pour cela, vous devez alors démontrer ce qu’est le génocide arménien, qui en est responsable, et qui, en réalité, est le criminel. »
Au début de l’année 2008, Ragip Zarakolu a été jugé coupable pour avoir traduit et publié un autre livre sur le génocide arménien. Mais l’attribution du prix lui semble un soutien important : « Vous sentez que votre lutte est reconnue. Je suis fier de le recevoir parce que j’aime les livres. Aussi ce prix me procure un sentiment d’heureuse fatigue. Mais j’éprouve aussi de la honte, du fait que ce soit un crime, parfois, d’être un éditeur en Turquie. C’est une honte pour mon pays. Je continuerai donc à publier, à trouver de nouveaux titres, à ouvrir de nouvelles portes, de nouvelles fenêtres. Il y aura toujours un danger potentiel. Mais j’aime cela. En tant qu’éditeur, on ne pourra jamais imposer de limites à mon travail. »
Des responsables en charge des questions sanitaires à Kirkouk tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, même si la ville a été épargnée cet été par les cas de choléra qui sévit ça et là Irak, son système défectueux de distribution des eaux et des égouts fait courir aux habitants un danger sérieux.
En août 2007, l’Irak avait connu sa plus grosse alerte au choléra, avec plus de 20 décès. L’épidémie était partie précisément de Kirkouk, avant de gagner le reste du pays. Plus de 3000 cas avaient alors été recensés dans la province. Cette année, les efforts des autorités sanitaires, ainsi qu’une assistance nationale et internationale ont permis d’éviter la résurgence de la maladie mais les experts sur place n’excluent pas sa réapparition, comme l’explique Sabah Amin Ahmed, le directeur de la Santé publique pour la province de Kirkouk : « La pauvreté des services et les insuffisances en matière de santé publique mettent en danger la vie de la population. La plupart des habitants de Kirkouk n’ont pas facilement accès à des sources d’eau potable ni à un bon système d’écoulement des eaux usées. »
Selon le ministère de la Santé irakien et l’Organisation mondiale de la Santé, plus de 30% des prélèvements d’eau effectués à Kirkouk présentent une contamination bactérienne, alors que le taux national pour l’ensemble de l’Irak est en moyenne de 10%. La raison invoquée par les responsables est l’état déplorable des canalisations, dont certaines sont sérieusement endommagées, ce qui nuit à la qualité de l’eau distribuée. En attendant une hypothétique rénovation des infrastructures, la direction de la Santé en est réduite à distribuer des comprimés de chlorure à la population afin de traiter l’eau qu’elle consomme. « Nous savons que cela provoque des diarrhées chez certaines personnes », explique Djaffar Rubay, un des administrateurs des services sanitaires. Mais c’est la seule solution d’éviter une explosion de l’épidémie. » Le gouvernorat a également pris des dispositions pour que soient mis en place, dans les hôpitaux, des chambres d’isolement, les a fournis en comprimés de réhydratation et a lancé une campagne d’information et de prévention auprès du public. « Nous faisons de notre mieux pour éduquer la population, avec nos équipes de santé et des brochures que nous distribuons dans les centres de soin et les écoles. Un petit nombre de gens suit d’emblée nos directives sanitaires, mais quand ils craignent d’une épidémie, ils se mettent à y adhérer strictement. »
Naturellement, les zones les plus susceptibles d’être contaminées sont les plus pauvres, et notamment celles où se sont installées les familles kurdes déplacées sous l’ancien régime, et qui, revenues sans avoir encore pu être relogées, vivent dans des camps de réfugiés ou dans des bidonvilles sans aucun aménagement. La population de Kirkouk s’est ainsi accrue de 35% depuis 2003, ce qui, bien sûr, a aggravé les problèmes d’infrastructure. Hors de la ville, la population vit ainsi sans égout, sans eau potable et sans électricité, et est contrainte de creuser elle-même ses puits d’eau, lesquels sont loin de satisfaire aux normes de sécurité et de santé.
Cette année, la troisième édition du Festival national iranien du théâtre de rue se tiendra dans la ville de Mariwan, au Kurdistan d’Iran, du 3 au 6 octobre. 183 troupes avaient soumis leurs pièces aux organisateurs, qui en ont sélectionné 34. Lors d’une conférence de presse, le secrétaire du Festivan, Shahram Karami, a annoncé que deux troupes viendraient du Kurdistan d’Irak. Elles joueront respectivement « Les Fleurs du Trésor pour le théâtre » de Morad Aziz et « Mes histoires « humaines » » de Kardo Aziz.
Le festival doit accueillir également 10 troupes venues de Téhéran et 24 autres de toutes les villes d’Iran. Une troupe polonaise animera aussi un atelier.
Chaque pièce, parmi lesquelles « La Soupe de pierre » de Mahmoud Farhang, « Le Cancrelat féérique » de Siamak Baniani, « La Fiancée de la pluie » de Rajabali Fallah et « Cercles et potences » de Mohsen Purqasemi, sera jouée trois fois dans les rues de Mariwan. 15 d’entre elles, au total, seront sélectionnées pour le Festival international de théâtre.