Sorti en octobre, le rapport de l’Union européenne faisant état des avancées de la Turquie en vue de son adhésion, pointe des « efforts importants » à fournir en ce qui concerne non seulement la liberté d'expression, mais aussi la liberté de réunion et d'association et la liberté de culte, et enfin ne voit que peu d'avancées, voire aucune, sous certains aspects, concernant le conflit avec les Kurdes.
Droits linguistiques
Il n'est toujours pas permis d'user d'une langue autre que le turc dans les services administratifs et publics, malgré les recommandations du Congrès du Conseil de l'Europe des autorités régionales et locales, contre lesquelles les tribunaux turcs se sont prononcés concernant l'usage de plus d'une langue par les services municipaux. En dépit de plusieurs abandons de poursuites et d'acquittements, des procédures judiciaires contre des maires et des conseillers municipaux ont été rapportées, visant l'usage d'autres langues que le turc dans les municipalités. 55 représentants des collectivités locales ont été temporairement suspendus par le ministre de l'Intérieur, dont les maires de Van, Şırnak, Silopi, İdil, Uludere et Cizre, avec des membres de conseils municipaux et provinciaux, dans le cadre de l'enquête sur le KCK. Dans un seul cas – celui du maire de Siirt – la suspension a été annulée avec l'entrée en vigueur de la 3ème réforme judiciaire.
Les prisons
Le nombre et la qualité des centres pour détention de mineurs demeurent insuffisants. À la suite d'allégations de mauvais traitements dans la prison pour mineurs d'Adana Pozantı, des enfants ont été transférés à Ankara, loin de leur famille. Par ailleurs, les enfants ne sont pas séparés des adultes dans toutes les prisons, et particulièrement les filles. Il y toujours des restrictions abusives sur l'accès aux journaux, aux magazines, aux livres et sur l'usage du kurde lors des visites aux prisonniers et dans leur correspondance. Beaucoup de détenus malades, certains en stade terminal, ne bénéficient pas de soins médicaux appropriés. Il y a eu des plaintes sur les conditions de vie dans les prisons de haute-sécurité (type F) causant des dégâts psychologiques et physiologiques.
Liberté d'expression
Un certain nombre de journalistes ont passé un temps excessif en détention en attendant la tenue de leur procès. Si la troisième réforme judiciaire interdit la saisie d'écrits avant leur publication, elle facilite des restrictions sur la couverture médiatique d'enquêtes criminelles. Le rapport note cependant qu'il est toujours possible de débattre de certains sujets sensibles comme la question arménienne et le rôle de l'armée, et que l'opposition exprime régulièrement ses idées. Malgré cela, la réforme échoue à améliorer réellement la liberté d'expression et le nombre de violations de cette liberté, ainsi que celle des media, ne cesse de croître. Il y a aussi une augmentation de l'emprisonnement des journalistes, des professionnels des media et des distributeurs.
La Cour européenne des droits de l'homme a reçu un grand nombre de requêtes concernant les violations de la liberté d'expression en Turquie. Beaucoup de ces cas concernent des auteurs et des journalistes, mais aussi des universitaires et des chercheurs écrivant et travaillant sur la question kurde. Plusieurs journalistes kurdes et de gauche ont été arrêtés pour propagande en faveur du terrorisme et certains sont restés emprisonnés. Par ailleurs, plus de 2 800 étudiants sont aussi détenus pour les mêmes motifs. Le cadre juridique lié au crime organisé et au terrorisme est toujours imprécis et contient des définitions qui laissent le champ libre à de nombreux actes d'accusation et condamnations, d'autant que l'interprétation de ces lois par les procureurs n'est pas en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La Turquie doit réformer son code pénal et sa législation anti-terreur afin d'établir une distinction claire entre les incitations à la violence et l'expression d'idées non-violentes. Ainsi l'application des articles 6 et 7 de la loi Anti-Terreur combinés avec les articles 220 et 314 du code pénal turc mène à des abus : écrire un article ou prononcer un discours peut entraîner une action en justice et une peine lourde de prison pour "appartenance à une organisation terroriste" ou "direction d'une organisation terroriste".
Liberté de rassemblement
Les manifestations du 1er Mai ont eu lieu dans une atmosphère pacifique, dans tout le pays. Plusieurs activités, dont la Journée de commémoration du génocide arménien, organisée par plusieurs groupes de la société civile pour commémorer les événements de 1915, se sont aussi déroulées pacifiquement.
Mais des restrictions persistent sur la liberté de rassemblement, et des entraves administratives aux manifestations, telles que des choix de lieux et de dates inappropriés. Les célébrations du Newroz (Nouvel An kurde) sont permises seulement pour une journée. À plusieurs reprises, des scènes de violence, de perturbation de manifestations et un usage disproportionné de la force contre les manifestants de la part des forces de sécurité se sont déroulées, principalement lors des rassemblements liés à la question kurde, aux droits des étudiants et des droits des syndicats. Deux étudiants ont été condamnés à 8 ans de prison pour avoir déployé une bannière protestant contre les frais de scolarité, lors d'un rassemblement auquel assistait le Premier Ministre.
Dans certaines provinces, des communiqués de presse diffusés par des ONG et des défenseurs des droits de l'homme ont fait l'objet d'amendes en vertu de la loi nº 2911 sur les manifestations, ou bien de celle sur les délits. Les allégations de violences excessives de la part des forces de sécurité n'ont toujours pas fait l'objet de poursuites ou d'enquêtes approfondies. Par contre, des poursuites judiciaires ont visé des défenseurs des droits de l'homme et des représentants de la société civile qui avaient exercé leur droit de rassemblement pacifique. Les mêmes défenseurs des droits de l'homme font aussi face à des accusations et procédures judiciaires pour "propagande terroriste" suite à des manifestations ou bien pour avoir participé à des conférences de presse.
Liberté d'opinion, de conscience et de culte
De façon générale, la liberté de culte continue d'être respectée. Un certain nombre de "crypto-arméniens" ont repris leurs noms d'origine et ont recommencé à pratiquer leur religion. Des leaders religieux ont reçu une protection policière ainsi que plusieurs églises durant les services religieux.
À Ankara, un tribunal de première instance a rejeté une demande de condamnation d'une association qui avait aidé à la construction de 'maison de cem' (célébration religieuse des alévis). La décision a été infirmée en juin par la Cour de cassation. Le cas a alors été porté devant la justice par le ministère de l'Intérieur. De nouveaux manuels d'enseignement religieux contenant des informations sur les alévis ont été conçus par le ministère de l'Éducation national pour l'année 2012-2013. Mais le jugement rendu en 2007 lors du procès Zengin contre la Turquie, par la Cour européenne des droits de l'homme sur la culture religieuse et les cours de morale qui restent obligatoires dans les écoles primaires et secondaires, n'a pas encore été appliqué. Les enfants qui n'y assistent pas font l'objet de discriminations et aucune alternative ne leur a été proposée.
Les communautés non-musulmanes continuent de faire face à des problèmes liés à leur absence de personnalité juridique, qui a des effets négatifs sur leur droit à la propriété, leur droit d'accès aux tribunaux, la possibilité d'obtenir un permis de travail, ou un permis de résidence pour les prêtres étrangers, ainsi que la possibilité de collecter des fonds. Les recommandations de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe en 2010 n'ont pas été appliquées. Les restrictions portant sur la formation du clergé demeurent. Ni la législation turque ni le système éducatif public ne prévoient un enseignement religieux supérieur privé pour les communautés. En dépit des annonces faites par les autorités, le séminaire grec orthodoxe de Halki (Heybeliada) est toujours fermé. La proposition du patriarche arménien d'ouvrir un département universitaire pour l'enseignement de la langue arménienne est en attente depuis 5 ans. La communauté syriaque orthodoxe n'a le droit que de fournir une formation informelle, en dehors des écoles.
Les documents personnels tels que les cartes d'identité contiennent des informations sur la religion [de naissance] ce qui induit des pratiques discriminatoires ou de harcèlement de la part des autorités locales surtout contre des personnes qui, de l'islam, se sont converties à une autre religion et cherchent ensuite à faire inscrire ce changement sur leurs papiers d'identité. La décision de la Cour européenne des droits de l'homme ayant statué, en 2012, que l'indication de l'appartenance religieuse sur les cartes d'identité était une violation de la Convention des droits de l'homme n'a toujours pas été appliquée.
"L'ouverture" promise aux alévis en 2009 n'a pas été suivie d'effets. Les maisons de Cem ne sont pas officiellement reconnues et les alévis rencontrent des difficultés pour créer de nouveaux lieux de culte. Les alévis sont aussi inquiets après le marquage de plusieurs de leurs maisons dans quelques provinces et la survenue d'incidents les menaçant. Des associations alévies ont porté plainte et des enquêtes administratives et judiciaires sont en cours. La demande d'ouvrir une maison de Cem au parlement a été rejetée, sous le prétexte que les députés alévis peuvent se rendre à la mosquée. Plusieurs cérémonies de commémoration alévies ont été interdites par la police, parfois par la force. Des alévis subissent une discrimination dans l'accès à des emplois publics.
De façon générale, les communautés religieuses non-musulmanes font état de discrimination, d'incertitude et d'obstacles administratifs apportés à l'ouverture de lieux de culte. Dans le sud-est [kurde] tout particulièrement, le renouvellement du permis de séjour de membres du clergé étrangers a été refusé, sans explication adéquate et de manière incohérente. Des critères clairs pour le refus de renouvellement des permis de résidence ou de travail doivent être établis. Les alévis et les autres communautés religieuses non-musulmanes doivent payer l'électricité et l'eau de leurs bâtiments de culte, alors que l'État couvre ces frais pour l'entretien des mosquées. Ces mêmes communautés ont été visées par plusieurs crimes de haine. L'incitation à la haine et à l'antisémitisme se rencontre aussi dans des séries TV et des films, sans être sanctionnée. Il y a une "culture de l'intolérance envers les minorités".
Le procès contre les assassins de trois protestants à Malatya en avril 2007 se poursuit et des liens avec l'organisation Ergenekon ont été allégués suite aux arrestations de 2011. Aucune conclusion claire n'a été encore faite au sujet du meurtre à Trabzon, en 2006, du père Santoro, un prêtre catholique. Concernant le meurtre de l'évêque Padovese à Iskenderun en 2010, l'affaire est toujours en cours d'instruction.
La communauté syriaque continue d'être en butte à des difficultés concernant leur droit de propriété et les enregistrements fonciers. Des procès sont en cours, impliquant à la fois des particuliers et des institutions religieuses. Le monastère orthodoxe de Mar Gabriel est toujours en procès au sujet de ses titres de propriété : La Cour de cassation a rendu un jugement très critiqué qui a annulé la décision préalable d'un tribunal local en faveur du monastère. Un litige entre les Eaux et forêts contre ce même monastère a été porté devant la Cour européenne des droits de l'homme qui doit statuer sur son admissibilité. Tous ces procès ont été intentés par l'État, qui a de même confisqué un grand nombre de propriétés appartenant à l'Église catholique latine, laquelle, comme les autres communautés religieuses non-musulmanes, n'a pas de personnalité juridique.
Des progrès ont été enregistrés depuis l'adoption en 2008 de la loi sur les fondations, mais cette législation n'inclut pas les fondations "fusionnées" (prises en charge par la Direction générale des fondations) ou les propriétés confisquées aux fondations alévies. Le cas de Mar Gabriel a suscité des inquiétudes et la Turquie doit garantir le plein respect des droits à la propriété des communautés religieuses non-musulmanes et autres.
Respect et protection des minorités, droits culturels
La Turquie n'a toujours pas signé la Convention-Cadre pour la protection des minorités nationales, ni la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Plusieurs groupes, kurdes ou d'autres langues, des organisations civiles, ont soumis des demandes à la Commission de Conciliation au parlement pour que soient levées, dans la nouvelle constitution, les restrictions apportées à l'usage de leur langue maternelle.
En juin 2012, le ministère de l'Éducation nationale a publié un nouveau programme pour les écoles primaires, qui comprend l'obligation, pour les écoles, d'ajouter un cours sur des langues vivantes telles que le kurde ou le tcherkesse, ou des dialectes, si au moins 10 élèves en faisaient la demande. L'université Artuklu de Mardin poursuit son programme d'enseignement supérieur en zaza et kurde kurmancî. Le département de langue et de littérature kurdes de l'université Alparslan de Muş poursuit son cycle de cours optionnels de langue kurde. En raison d'un manque d'enseignants, les cours de troisième cycle ne sont pas assurés. En décembre 2011, le Conseil de l'enseignement supérieur (YÖK) a approuvé une demande de l'université de Dersim (Tunceli) pour ouvrir un département de langues et de littératures orientales, incluent le zaza et le kurde kurmancî pour une formation universitaire de 4 ans. Un recrutement supplémentaire de personnel est nécessaire pour rendre ce département pleinement opérationnel. Un mensuel en langue syriaque (le premier en Turquie) a commencé ses publications en mars.
La Turquie a accompli des progrès en matière de droits culturels et il existe moins de restrictions à l'usage de la langue kurde en prison ou dans la correspondance des détenus. Mais des lois restreignent encore l'usage des langues autres que le turc, notamment dans les tribunaux.
La situation à l'Est et au Sud-Est (Kurdistan de Turquie)
Un ensemble de mesures incitatives a été annoncé en avril 2012, pour accroître les investissements dans les régions les moins développées et réduire les disparités régionales. Le projet du GAP pour "améliorer le développement socio-économique de la région" a été prolongé de 5 ans. Les projets de barrage se poursuivent, mais sont critiqués car accusés de menacer le développement durable en détruisant les conditions de vie de la population locale, ainsi qu'un patrimoine historique, les habitats naturels, les espèces animales et végétales et les terres agricoles. Le déminage des terres continue.
Sur la question kurde, les rapporteurs constatent qu'elle demeure le "principal défi pour la démocratie en Turquie" et que l’ouverture démocratique" annoncée en 2009 sur cette question n'a pas été suivie d'effets. "Les attaques terroristes du PKK, qui est sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne" ont connu une augmentation significative et sont "fortement condamnées" par l'Union européenne. L'enquête sur l'Union des communautés du Kurdistan (KCK), présumée comme étant la "branche urbaine" du PKK et son extension amène un nombre croissant d'hommes politiques kurdes affiliés au BDP, des maires et des membres de conseils municipaux en détention, ce qui affecte la démocratie aux niveaux régional et local ainsi que l'administration et la gestion. Selon les chiffres officiels, 31 maires et 226 représentants locaux sont actuellement sous les verrous.
La mort de 34 civils à Uludere (Şırnak), le 28 décembre 2011, lors de frappes aériennes militaires en décembre 2011 et l'absence de transparence et d'enquête publique dans cette affaire ont aussi affecté la confiance [des citoyens]. Les autorités ont empêché des ONG de visiter les lieux des bombardements. En février, une sous-commission parlementaire des droits de l'homme a été mise en place et des enquêtes judiciaires et administratives ont eu lieu. Mais il y a des préoccupations au sujet de leur transparence et de leur efficacité. À la fin de février, le procureur de Şırnak a renvoyé le dossier d'Uludere au procureur de Diyarbakir (qui est investi d'une autorité spéciale) en disant que cela ne relevait pas de sa compétence. Il n'y a eu aucun débat sur les responsabilités politiques, sur les erreurs des renseignements et des militaires, ni excuse directe aux habitants, de la part des autorités militaires comme civiles. L'UE recommande donc qu'une attention particulière soit prêtée au maintien de la primauté du droit dans l'enquête sur le KCK et qu'une enquête publique ait lieu concernant le drame d'Uludere.
La question kurde, comme d'autres problèmes de longue date en Turquie, pourrait cependant être résolue par une révision constitutionnelle. Une Commission de Conciliation a ainsi tenu des consultations publiques auprès d'un large éventail de parties, entre novembre 2011 et avril 2012, qui ne sont pas représentées au parlement : organes d'État, corps de métier, syndicats, organisations non-gouvernementales. Pour la première fois, des représentants de minorités religieuses ont été officiellement reçus au parlement. Les défis majeurs de la réforme constitutionnelle sont la séparation des pouvoirs, les relations entre l'État, la religion et la société civile, et enfin la question kurde (la citoyenneté, l'usage de la langue maternelle, la décentralisation) sur laquelle le parti kurde BDP a été le seul parti politique a prendre une "position ferme" en présentant en juillet 2012 une note détaillée sur les droits fondamentaux et les libertés. La nouvelle constitution doit consolider la stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect et la protection des minorités, et résoudre les problèmes de longue date, en particulier la question kurde. "Dans l'ensemble, le gouvernement s'est engagé à une démocratisation du pays et à des réformes politiques via les travaux sur la nouvelle constitution, mais la législation a été rédigée et adoptée sans préparation et consultations suffisantes."
Le procès concernant le JITEM et le colonel Temizöz, jugeant leurs exécutions extra-judiciaires et les disparitions de personnes dans les années 1990 se poursuit à la Cour pour les crimes graves de Diyarbakir. Mais de nombreux dossiers se rapprochent du délai de prescription. Aucun plan n'a été fait pour démanteler le système des Gardiens de village, cette force para-militaire de plus de 45 000 miliciens payés et armés par l'État.
Les réfugiés et personnes déplacées internes
La période de mise en œuvre de la loi de dédommagement des pertes résultant de "du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme " a été prolongée d'un an en avril. En septembre, 361 391 demandes ont été soumises à la Commission d'évaluation des dommages. 305,758 ont été évaluées, 166,158 dossiers ont été rémunérés et 139,600 ont vu leur demande rejetée. La Commission a accordé un total de 1 230 000 000 € aux requérants qui ont signé pour un règlement à l'amiable. Mais il y a toujours des retards dans les paiements. Diverses réclamations ont été rejetées par les tribunaux administratifs et certains dossiers sont en instance devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il est nécessaire de bien évaluer l'efficacité de la législation et de la procédure d'octroi de compensation.
Le nombre de personnes déplacées internes a augmenté à la suite de deux tremblements de terre à Van en octobre et novembre 2011. Le camp de personnes déplacées de Tuzla à Mersin, qui a été mis en place il y a 15 ans, a besoin d'être amélioré en termes de fourniture de services et d'hébergement. Les personnes déplacées vivent souvent dans des conditions inférieures aux normes, que ce soit dans les camps ou ailleurs. Beaucoup ne peuvent retourner à leur ancien lieu de résidence, principalement pour des raisons de sécurité, du système des Gardiens de village, de la présence de mines, un manque d'infrastructures de base, ainsi que des possibilités d'emploi limitées. Les autorités n'ont pas encore d'informations à fournir concernant un plan de reconstruction urbaine et de réaménagement de Van.
Par contre, le rapport juge que « les autorités turques ont fait preuve d'un haut niveau de compétence et de capacité opérationnelle pour faire face à l'afflux continu de ressortissants syriens en Turquie, depuis le début de la crise en Syrie. Le statut de Protection temporaire, accordé à la fin d'octobre 2011 à tous les résidents du camp implique maintenant des frontières ouvertes, l'aide humanitaire et l'impossibilité de renvoyer de force les citoyens syriens dans leur pays. Selon les estimations officielles, le nombre de citoyens syriens résidant en Turquie a atteint près de 100.000 personnes. La plupart d'entre eux sont dans des camps et des sites de conteneurs mis en place dans quatre provinces du sud. Les conditions générales de vie dans ces camps ont été saluées par un certain nombre d'observateurs internationaux, y compris le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et la Direction générale de l'aide humanitaire (ECHO).
Le HCR a aidé les autorités turques sur le terrain : il a suivi et surveillé les opérations du camp et pris en charge, à titre consultatif, les procédures d'enregistrement dans le centre d'enregistrement de Hatay (Antakya). Un nombre croissant d'observateurs a été en mesure de surveiller et de faire rapport sur la situation dans les camps. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour assurer la pleine transparence et de permettre à d'autres acteurs concernés, notamment les organisations de la société civile actives dans le domaine de l'asile, l'accès aux installations du camp.
La situation critique de la liberté des media s’est vue confirmée par un autre rapport, celui du Comité de protection des journalistes (CPJ) intitulé « Crise de la liberté de la presse en Turquie - Jours sombres pour les journalistes emprisonnés et les dissidents criminalisés ».
Le CPJ indique que la rédaction du rapport a été faite après trois missions d’observation et d’enquête en Turquie, conduites en 2011 et 2012, et de multiples rencontres avec des journalistes, des observateurs politiques, et des avocats. Il indique un total de 76 journalistes détenus à la date du 1er août 2012, dont 61, au moins, le sont pour avoir exercé leur profession, principalement avoir traité des questions politique sensibles, en rapport avec le « terrorisme » et rapporté ou couvert les activités de groupes et d’associations interdits. 15 autres dossiers sont moins clairs et continuent de faire l’objet d’investigations sur les raisons de leur emprisonnement. 30% de ces prisonniers sont accusés d’avoir pris part à des « complots » anti-gouvernementaux ou d’appartenir à des organisations interdites.
Certains sont accusés d’être liés à Ergenekon, cette conspiration ultra-nationaliste qui avait pour but un coup d’État ; mais des journalistes ayant simplement enquêté sur la procédure ont été accusés de vouloir créer un « chaos social »au moyen de leurs articles. Ce fut le cas d’Ahmet Şık et de Nedim Şener, qui restèrent détenus plus d’un an avant d’être remis en liberté, mais en attendant toujours d’être jugés. Ils avaient en effet écrit un livre sur l’affaire Ergenekon. Ahmet Şık a aussi publié un livre sur l’influence croissante de la confrérie religieuse Fetuhllah Gülen dans la société turque et Nedim Şener un autre ouvrage où il pointait les négligences de l’État dans l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink.
L’utilisation massive de la détention préventive est aussi à relever, beaucoup de journalistes passant de longs mois en prison en attendant leur jugement, ou bien même au cours de l’enquête. Ainsi, plus des 3/4 des journalistes dont le cas a été étudié par le CPJ, n’ont pas été reconnus coupable mais attendent derrière les barreaux l’issue de la procédure. En 2011, entre 3000 et 5000 dossiers criminels concernant des journalistes, qui attendaient d’être jugés. Cette détention « provisoire » peut, parfois, durer aussi longtemps que la peine de prison encourue : Füsün Erdoğan, directeur général d’une radio de gauche, Özgür (Liberté) a ainsi passé 6 ans derrière les barreaux, sans procès. Durant tout ce temps, les accusés peuvent être mis au secret, privés de rencontre avec leur avocat et d’accès à leur dossier.
Ce chiffre de 76 journalistes détenus ramène la Turquie au niveau des années 1990, au moment de la «sale guerre» contre les Kurdes, puisqu’en 1996, on atteignait celui de 78. Si l’on prend ce nombre comme critère, la Turquie surpasse maintenant l’Iran (42), l’Érythrée (28) et la Chine (27) et de plus, tout indique une accélération spectaculaire de cette politique : Les 2/3 de ces 76 journalistes ont été arrêtés entre 2011 et 2012.
Le rapport confirme la prédominance des Kurdes parmi ces journalistes (autour de 70%), généralement tous accusés d’appartenance au PKK ou au KCK, ou bien de relayer leur propagande. Les organes de presse les plus visés sont l’agence Dicle, le journal en langue turque Özgür Gündem et le journal en langue kurde Azadiya Welat. La loi Anti-Terreur et son « usage prolifique » permettent à des procureurs de poursuivre et d’emprisonner des journalistes, assimilant un soutien ou une sympathie politiques à l'appartenance active à des actions «terroristes». Écrire sur le PKK revient à « collaborer avec le PKK ». Rencontrer et interviewer certaines personnalités politiques peut être assimilé à un crime. Tayip Temel, le rédacteur en chef d’Azadiya Welat encourt ainsi 22 ans de prison car il est accusé d’appartenir au KCK. Les preuves présentées contre lui sont ses publications, des conversations téléphoniques avec des collègues et des sources dont des membres de partis politiques kurdes.
« Le gouvernement use toujours des lois désuètes de la période du 12 Septembre (1980, date du coup d’État militaire) », explique Mehmed Ali Birand, rédateur en chef du département de l’information du Kanal D. « Ces lois ont été rédigées de telle façon qu’elles prêtent la main à toute sorte d’interprétation. Un juge peut les lire de gauche à droite, un autre de droite à gauche. Vous ne savez jamais. C’est pourquoi nous avons toujours peur d’avoir des ennuis, d’une façon ou d’une autre. »
Les termes que doit employer la presse pour décrire le conflit kurde sont de plus en plus soumis à la censure. C’est ainsi que cette année, le Conseil d’État a interdit à la télévision l’usage du mot « guerilla » estimant que cela pouvait « légitimer les terroristes et le terrorisme ».
Autre réforme adoptée, menant à une auto-censure, est la possibilité de suspendre les poursuites contre un journaliste, à condition qu’il ne récidive pas dans le même crime pendant trois ans. L’AKP a par ailleurs présenté un autre amendement constitutionnel qui veut restreindre la liberté de la presse afin de « protéger la sécurité nationale, l’ordre public, l’ordre moral, les droits d’autrui, la vie familiale et privée, éviter les crimes, assurer l’indépendance et l’impartialité de la Justice, prévenir le bellicisme et la propagation de toute forme de discrimination, d’hostilité, de rancœur et de haine ».
L’éditorialiste Nuray Mert a ainsi subi les attaques personnelles du Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan, qui n’avait pas apprécié sa critique de la politique kurde du gouvernement devant le Parlement européen et l’a assimilée à un acte de «trahison». Nuray Mert a alors fait l’objet d’un lynchage public, avec menaces physiques, et amenant finalement ses employeurs à annuler son émission télévisée et la publication de ses éditoriaux. Elle a ainsi déclaré aux rapporteurs du CPJ avoir fait l’objet d’intimidations, avoir reçu des courriers haineux ou sexistes, être accusée de soutien aux «Kurdes terroristes» avoir constaté que ses bagages avaient été inexplicablement fouillés lors de ses déplacements et que ses conversations téléphoniques privées avaient été écoutés, et parfois retapées et publiées sur des sites Web et des journaux, pour preuve de sa collusion avec le KCK. D’autres chaînes de télévision ont cessé de l’inviter sur leurs plateaux par crainte de représailles.
Les paiements des compagnies pétrolières travaillant au Kurdistan, que l’Irak avait laissés en souffrance depuis avril dernier, ont commencé d’être réglés début octobre, comme l’a annoncé, le 2 octobre, le Vice-Premier Ministre Roj Nuri Shawais, parlant d’un montant de 650 millions de dollars US.
Trois jours après, le 5 octobre, le président de la compagnie pétrolière Genel Energy, Mehmet Sepil, déclarait qu’en cas de non règlement de ses dettes par l’Irak, il conseillerait au Gouvernement régional du Kurdistan de stopper, une fois de plus, les exportations de brut. Le 8 octobre, cependant, ce discours s’était adouci et Genel Energy faisait marche arrière, en annonçant son intention de continuer les exportations, puisque les versements avaient été effectués. Le GRK a par ailleurs précisé qu’il attendait un autre versement, de 350 milliards de dinars irakiens.
Sur les 170 000 barils par jour que le Kurdistan fournit au gouvernement central, ceux produits par Genel Energy s’élèvent à 110 000, provenant des champs de Taq Taq et Tawke (qui pourrait atteindre une production de plus de 90 000 bpj). La compagnie se plaint de n’avoir pas été payée pour tout le pétrole exporté de 2009 à 2011, ainsi que d’autres exploitants, comme la norvégienne DNO.
Mais le relatif apaisement du conflit irako-kurde au sujet des contrats étrangers peut n’être que de courte durée, au fur et à mesure que les investisseurs seront sommés de choisir entre l’agrément de Bagdad et la coopération avec Erbil, ou bien opteront d’eux-mêmes pour l’une ou l’autre de ces options. Très souvent, des affirmations contradictoires sont lancées respectivement par Bagdad et Erbil sur le maintien ou l'annulation de contrats passés entre le Kurdistan et des sociétés étrangères ayant des intérêts à la fois en Irak et dans la Région kurde. C'est le cas d'ExxonMobil, dont le gouvernement central a annoncé plusieurs fois le renoncement à ses investissements au Kurdistan, tandis que le GRK soutient le contraire, et que les investisseurs concernés se refusent à tout commentaire Le géant américain est un des premiers à avoir signé des contrats avec les Kurdes sans l’aval du gouvernement Maliki et des « sources diplomatiques » ont fait état, le mois dernier, d'un possible l’abandon par cette compagnie de ses participations en Irak, pour investir plus amplement au Kurdistan. ExxonMobil serait insatisfait des bénéfices apportés par l’exploitation du champ Qurna-Ouest 1 et espère des investissements plus avantageux dans la Région kurde, d’autant que le gouvernement central menace constamment d’annuler ce contrat si les Américains persistent dans leurs tractations avec les Kurdes. La compagnie s’est aussi plainte, comme d’autres exploitants étrangers, des infrastructures déficientes en Irak, des retards de paiements et des tracasseries bureaucratiques qui plombent son activité. Exxon pourrait ainsi céder 60% de sa participation dans l'exploitation du champ de Qurna Ouest 1, à condition qu’un acquéreur se présente pour lui permettre de se dégager rapidement.
Par ailleurs, selon l’hebdomadaire Nefte Compass, spécialisé dans les questions d’énergies, Bagdad a pu envisager d'évincer ExxonMobilpar des sociétés russes, comme LUKOIL et Gazprom Neft, après une rencontre entre le Premier Ministre Nuri Maliki et Vladimir Poutine, même si aucune annonce officielle n’a été faite à ce sujet. Un porte-parole de LUKOIL a même démenti toute intention d’accroître leurs investissements en Irak, notamment par l’acquisition de parts supplémentaires dans le champ de Qurna-Ouest 1, et déclaré qu’ils se satisfaisaient de leur participation actuelle en Irak. Gazprom, pour sa part, s’est une fois de plus refusé à toute confirmation ou dénégation.
Ajoutant à la confusion, d’autres voix irakiennes s’élèvent pour que Washington incite Exxon à demeurer dans le sud. C’est le cas de l’ambassadeur d’Irak aux États-Unis, qui a averti que le repli de la compagnie au Kurdistan pourrait aggraver les tensions avec les Kurdes : « Il faut que le gouvernement américain fasse pression sur cette compagnie » a ainsi déclaré à la presse Jabir Habeb, lors d’une conférence qui se déroulait au Centre des Études internationales et stratégiques.
Relatant un entretien qu’il a eu avec un responsable politique américain en charge des questions de l’énergie, l’ambassadeur irakien s’est entendu répondre que l’État n’avait pas une grande marge de manœuvre sur la politique d’Exxon dont les décisions dépendaient en majeure partie de ses actionnaires, ce à quoi Jabir Habeb avait rétorqué que le conflit en cours pouvait avoir des répercussions politiques et sociales qui pourraient finalement devenir aussi un sujet de préoccupation pour les actionnaires. Prenant ainsi le contre-pied de certaines affirmations vindicatives au sein de son gouvernement, notamment de la part du Vice-Premier ministre Hussein Sharistani, l’ambassadeur a affirmé la volonté de son pays de garder Exxon comme exploitant dans le sud-irakien : « Nous préférons qu’ils y soient, eux, et je pense que le potentiel pétrolier du sud de l’Irak est sans comparaison avec le nord de l’Irak, je pense qu’ils comprennent ce fait. »
Quant à la société russe Gazprom Neft, mise en avant comme possible remplaçant d'Exxon, des rumeurs toutes aussi contradictoires ont couru sur ses investissements au Kurdistan. Des sources proches du gouvernement irakien affirmaient qu’elle avait gelé ses projets dans la Région, mais d’autres voix, émanant de la compagnie elle-même (sans que son porte-parole s’exprime directement sur cette question) ont démenti, indiquant cependant qu’ils étaient aussi intéressés par le pétrole kurde. Et le porte-parole du GRK, pour sa part, déclarait que Gazprom Neft leur avait fait savoir que les contrats signés entre eux restaient d’actualité. (Reuters)
De son côté, non content de signer ses propres contrats avec les sociétés étrangères, le Gouvernement Régional du Kurdistan a commencé de vendre directement son brut sur les marchés internationaux, ouvrant davantage la voie à une auto-gestion économique, qui ne le ferait plus dépendre des relations plus ou moins bonnes qu’Erbil entretient avec les gouvernements de Bagdad pour le bon fonctionnement de la Région. Et si, jusqu’ici, les menaces de rétorsion contre ExxonMobil n’ont guère été suivies d’effet, il est encore plus douteux que Bagdad puisse sanctionner Trafigura et Vitol, les deux plus importantes sociétés de courtage pétrolier au monde, dont l’Irak dépend tant pour ses importations d’essence et de diesel que pour la vente de son propre brut. Trafigura a ainsi chargé, le mois dernier, sa première cargaison de pétrole léger brut (condensat), qui a été au préalable convoyée en camions du Kurdistan via la Turquie. Vitol a suivi avec 13 228 tonnes de condensat (pour une valeur de 890 $ par tonne), le tout sans aucun aval de Bagdad, dont les protestations usuelles n’ont suscité, là encore, aucun commentaire de la part des deux sociétés.
Rien ne semble vraiment infléchir la détermination des Kurdes à gérer et vendre leurs propres ressources naturelles et, pour le moment, force est de reconnaître que les différentes phases du conflit énergétique, avec ses trêves et ses bras de fer, leur ont permis d’avancer leurs pions, même si leurs ressources naturelles peuvent sembler encore moindres par rapport à l’énorme production irakienne. Mais la région apparaît de plus en plus comme très prometteuse à explorer et exploiter et sa situation politique et économique est incomparablement plus stable que celle de l’Irak.
De plus, les choix politiques de Maliki, par exemple son soutien au régime syrien ou la proximité qu’on lui prête avec l’Iran, peuvent nuire aux relations de l’Irak avec les autres pays de la région. Ceux-ci, à l‘instar de la Turquie, peuvent laisser tomber plus facilement leurs réticences à traiter directement avec la Région kurde, longtemps vue comme un facteur de désordre et de séparatisme.
Le même mois, Dubaï et les Émirats Arabes Unis ont annoncé qu’ils aideraient le Kurdistan d'Irak à ouvrir prochainement son propre marché financier. Abdullah Abdulrahim, à la tête de la bourse d’Erbil a confirmé au journal Rudaw la signature d’un protocole d’entente d’une durée de 3 ans avec le Marché financier de Dubaï (DFM) pour bénéficier d’une assistance et d’une expertise techniques, pour la mise en place d’un bureau de change et, dans 6 mois, celle d’une bourse des valeurs.
La chaîne de télévision Al-Arabiyya a fait état de documents prouvant que l'État syrien était l'auteur de l’assassinat du politicien kurde Mashaal Tammo. Un document divulgué par la chaîne établit qu'un ordre avait été donné le 3 octobre 2011, émanant du colonel Saqr Mannoun qui lui-même obéissait au palais présidentiel. Cet ordre a été transmis au colonel Jawdat Hasan, qui appartient aux services de renseignements de l’armée de l’Air, lui enjoignant de se rendre sans tarder dans la province de Hassaké, d'exécuter Mashaal Tammo et de revenir immédiatement.
Mashaal Tammo avait déjà échappé à deux tentatives d'assassinats et son parti, comme d'autres leaders politiques, tel Eman Eddin Rasheed, qui dirige le Bureau politique du Rassemblement national syrien et qui, sur les plateaux d'Al-Arabiyya, a raconté avoir eu le leader kurde au téléphone le matin de sa mort et lui avoir demandé de quitter le pays. Mashaal Tammo lui a répondu qu'il resterait pour les manifestations du vendredi et qu'il partirait ensuite. Il a été tué à 2 heures de l'après-midi.
Un document estampillé 'top secret', non daté, a été envoyé par le colonel Saqr Mannoun à Bashar Al-Assad, confirmant le meurtre de Tammo et mentionnant un ordre émanant du président datant du 22 septembre 2011. Des informations reçues par les services secrets sur une réunion de l'opposition kurde comprenant Mashaal Tammo, son fils et Zahida Rashkilio à Qamishlo ont amené les forces militaires à faire un raid sur le lieu de cette réunion et le document indique que toutes les personnes présentes avaient été 'éliminées'. De plus, le document fait état des motifs de l'opération : 'Amener le pouvoir turc à une attitude neutre et coopérante à l'égard de la crise la Syrie'.
Les 25 et 26 octobre 2012 a eu lieu, à Oslo, la première Conférence internationale sur la liberté d’expression artistique, intitulée « All that is banned is desired » (tout ce qui est interdit est désiré) organisée par la fondation norvégienne Fritt Ord et l’ONG Freemuse - The World Forum on Music and Censorship, dont le siège est à Copenhague et qui milite pour la liberté d’expression des musiciens, chanteurs, interprètes et compositeurs dans le monde.
À cette occasion, l'Initiative pour la liberté d'expression à Istanbul a préparé une brochure de 18 pages, qu'elle a distribuée lors de la conférence : « Silencing Music in Turkey » (faire taire la musique en Turquie), qui recense les violations de cette liberté d'expression et les intimidations et pressions, tant envers les artistes que leur public, qui ont eu lieu en Turquie au cours des 12 derniers mois.
Les Kurdes – et tout particulièrement dans la région de Dersim – sont parmi les plus en butte à ces violations, que ce soit de la part des autorités ou de la population.
– le 23 décembre 2011, à Izmir, un jeune Kurde, Gazi Akbayır, a été tué dans un bar, pour avoir demandé à entendre une chanson en zaza. À la fin de la chanson, il a été pris à partie par d'autres spectateurs et a répliqué qu'il avait le droit d'écouter une chanson dans sa langue maternelle. Il a alors été attaqué à coups de couteaux et on lui a finalement tiré dessus alors qu'il tentait de s'enfuir en regagnant sa voiture. Il est mort à son arrivée à l'hôpital.
– le 12 février 2012, 6 étudiants ont été condamnés à des peines de prison allant de 1 à 3 ans pour "appartenance à une organisation terroriste", parce qu'ils avaient vendu des billets pour un concert du groupe Yorum (groupe non interdit) à Malatya.
– le 24 février 2012, le maire de Pertek (Dersim), Kenan Çetin, a aussi fait l'objet d'une poursuite judiciaire pour avoir assisté à un concert de ce même groupe au stade Atatürk de Dersim (Tunceli) le 10 juillet 2011. En plus d'avoir assisté au concert, il a été vu en train de crier des slogans, de chanter et d'agiter des bannières : Kenan Çetin risque 2 ans de prison s'il est reconnu coupable d'apologie de criminels et de crimes.
– La Seconde chambre criminelle d'Erzurum a condamné le chanteur kurde Hemé Geci à 10 mois de prison pour « propagande en faveur d'une organisation terroriste ». Il avait chanté au Newroz 2010 à Kars des chansons que l'artiste nie être de la propagande mais des textes en faveur de la liberté d'expression. Il a fait appel.
– Le 8 mars 2012, 17 co-détenues de la prison de Kocaeli ont écopé de 3 mois supplémentaires de détention pour raisons disciplinaires, c'est-à-dire avoir « chanté et dansé illégalement. Hatice Sahin et Dogan Sahin Ermis auraient dû, par ailleurs, sortir les 23 et 24 février 2012 mais leur détention a été prolongée le temps de l'enquête interne dans la prison, suite à ces prestations artistiques peu appréciées, comme Hatice l'a expliqué dans une lettre adressée à l'IHD (association pour les droits de l'homme) d'Istanbul : "Cela fait près de 7 ans que je suis en prison. Ma peine s'est terminée le 23 février mais je n'ai toujours pas été libérée. Les gardiens ont commencé une enquête parce que j'ai chanté dans ma langue natale, le kurde, et c'est pourquoi je suis toujours là. Ils disent que je ne sortirai tant que l'enquête ne sera pas terminée."
– Le 11 mai 2012, de nouvelles poursuites ont été lancées contre Pınar Aydınlar et deux membres du groupe Munzur, Özlem Gerçek et Erkan Duman, avec des réquisitions de 1 à 5 ans de prison pour propagande terroriste lors du festival de Munzur à Dersim (Tunceli). Le procureur s'est appuyé sur le fait que les noms de Ali Haydar Yıldız et Ibrahim Kaypakkaya (membres du mouvement révolutionnaire TIKKO, morts en 1973) ont été évoqués dans les chansons : 'Ibrahim’e Agıt’, ‘Ali Haydar’, ‘Kırmızı Gül'. De plus, un groupe de spectateurs a brandi des posters du même Ibrahim Kaypakkay et de Mao Tse Toung, en criant d: "Les martyrs d'Ovacik sont immortels", "Mahir, Hüseyin, Ulas, combat jusqu'à la libération", "Güler Zere est immortelle", "l'oppression ne peut nous arrêter", "notre leader est Ibrahim Kaypakkaya" et sont donc accusés d'avoir changé un concert en manifestation politique, ce dont les chanteurs auraient remercié l'assistance. L'affaire a été suspendue pour 3 ans en vertu de la réforme judiciaire qui permet à de tels auteurs de délits de n'être plus poursuivis s'ils ne récidivent pas dans un délai de 3 ans.
– le 25 mai 2012, les étudiants Zülküf Akelma, Yavuz Kılıç et Özgür Yıldırım ont fait l'objet d'une enquête pour avoir chanté, lors d'un meeting organisé par l'Union des médecins turcs, la chanson kurde "Herne Pesh" et sont donc accusés de propagande pour le PKK. En fait, si Herne Peş est bien une chanson populaire de la guerilla, c'est à l'origine un poème de Cergerxwîn datant des années 1940 et c'est surtout le chanteur Şivan qui l'a popularisée en 1977. Le groupe Yorum l'a enregistrée en 1995 (avec l'approbation du ministre de la Culture) et c'est une chanson que l'on trouve en vente absolument partout.
– Le 29 juin 2012, le chanteur kurde Ferhat Tunç a été condamné par la 3ème chambre criminelle de Malatya à 2 ans de prison pour propagande en faveur du mouvement illégal MKP (Parti communiste maoïste). Il avait déclaré, lors d'un concert du 1er mai, salué "l'esprit révolutionnaire de Deniz Gezmis, Mahir Çayan, et Ibrahim Kaypakkaya.