Le 9 janvier, trois militantes kurdes de la mouvance du PKK étaient retrouvées abattues de plusieurs balles dans la tête au Centre d’information du Kurdistan (CIK), le bureau de communication et de relations politiques du PKK européen. Sans nouvelles depuis le milieu de la journée, ce sont des Kurdes proches des victimes qui ont finalement enfoncé la porte, aux alentours de minuit, et découvert les corps. Il s’agissait de Sakine Cansiz, une responsable du PKK en Europe, Fidan Dogan qui dirigeait le CIK et Leyla Soylemez, présentée comme une jeune «stagiaire» du CIK.
Se rendant sur les lieux en début de matinée, le ministre de l’Intérieur Manuels Valls a qualifié ces actes d’ « exécution ».
Survenant quelques jours après l’annonce, par le Premier Ministre turc, d’un début de négociations directes entre Abdullah Öcalan et Hakan Fidan, le directeur du MIT (Renseignements) turc, ces meurtres ont tout de suite été présentés comme une tentative de saborder le processus de règlement du conflit.
Sakine Cansiz a naturellement été désignée comme la cible réelle, les deux autres semblant n'avoir été éliminées que pour s’être trouvées sur les lieux.
Née en 1957, dans le Dersim, Sakine Cansız s’est vite engagée dans les mouvements révolutionnaires des milieux estudiantins d’Elazığ, et en 1976, elle a rejoint le mouvement kurde révolutionnaire. Peu de temps après avoir participé au congrès fondateur du PKK, le 27 novembre 1978, elle est arrêtée et emprisonnée avec plusieurs autres. Dans le climat de terreur politique qui suit le coup d’État du 12 septembre 1980, elle subit, dans la prison de Diyarbakir, de féroces tortures, un de ses bourreaux allant même jusqu’à la mutiler aux seins, et payant, de l’aveu de ses compagnes de cellules, le fait d’être kurde mais aussi de confession alévie. Relâchée en 1991, elle rejoint le PKK au Kurdistan d'Irak et se bat dans la guérilla. Entrant en conflit avec plusieurs commandants militaires, elle doit quitter ses fonctions au Kurdistan et gagner l’Europe mais sans être inquiétée personnellement, ayant toujours été une proche loyaliste d’Öcalan. Elle obtient le statut de réfugiée politique en France, mais réside plus souvent en Allemagne.
Fidan Doğan, était aussi une Kurde alévie, du district de Maraş-Elbistan, une région qui vit, à la fin des années 1978, une période de pogroms orchestrés par l’extrême-droite turque contre la communauté alévie. Née en 1982, elle émigre très tôt avec sa famille, en France, où elle grandit et commence ses études qu’elle interrompt pour s’engager au sein du PKK, à partir de 1999, l’année de l’arrestation d’Öcalan et de la première déclaration de cessez-le-feu unilatéral proclamée par le PKK. Elle est active dans la branche politique et européenne du parti à partir de 2002 et était responsable du CIK au moment de sa mort.
Leyla Söylemez, quant à elle, n’était pas alévie mais venait d’une famille yézidie de la province de Lice et était née et avait grandi à Mersin (Mersin Adana abritant de nombreux Kurdes déportés après la destruction de leurs villages par l’armée turque).Sa famille émigre en Allemagne dans les années 1990. Elle entreprend des études d’architecture une année avant de rejoindre le mouvement kurde en 2006 et passe un an et demi dans les camps du PKK au Kurdistan d’Irak, avant de revenir en Europe, en 2010.
Les victimes ont reçu, pour Sakine Cansız et Leyla Söylemez, trois balles dans la tête et Fidan Doğan, quatre balles, dont une dans la bouche, apparemment de la même arme, un 7.65 mm. Le fait que l’accès aux étages de l’immeuble ne se fait que par une porte intérieure qui n’ouvre que par interphone a tout de suite indiqué que les femmes connaissaient leur(s) meutrier(s) et avaient ouvert d’elles-mêmes la porte. La position des corps montre également qu’elles ont été tuées par surprise ou, à tout le moins, sans opposer de résistance.
À l’annonce du meurtre, des centaines de Kurdes se sont rassemblés devant le 147 rue La Fayette en scandant des slogans accusant la Turquie. Mais bien que désignée spontanément par les militants kurdes, la responsabilité de l’État turc a laissé sceptique presque tous les observateurs et connaissances du « dossier kurde » en Turquie puisque, de fait, on ne voit pas très bien quel intérêt peut avoir le gouvernement AKP à saborder des négociations qu’il venait lui-même d’avoir initié.
Une autre piste a aussitôt été soulevée, celle de divisions internes au PKK, et ce d’abord par Recep Teyyip Erdoğan, qui a déclaré que ces assassinats étaient de nature « crapuleuse » et liés aux dissidences internes du PKK, notamment de la part de « factions » hostiles au processus de paix. Le porte-parole de l’AKP, Hüseyin Çelik a de même rappelé les nombreuses exécutions politiques internes qui émaillent l’histoire du PKK. De la même façon, et comme en miroir, la piste des extrémistes nationalistes turcs a aussi très vite été évoquée, chaque camp, kurde et turc, accusant ainsi mutuellement les « faucons » de l’autre bord. L’existence d’un « État profond », avec la collusion entre des cercles d’extrême-droite, la mafia et des protections à un haut niveau dans l’État a été remise sur le tapis, certains n’y voyant ainsi qu’un rebondissement de l’affaire Ergenekon.
Deux autres États ont été suspectés d’avoir trempé dans les assassinats car n’ayant aucun intérêt à ce que le PKK et la Turquie concluent une trêve : l’Iran et la Syrie.
Mais le 20 janvier, on annonçait que deux Kurdes proches du CIK étaient en garde-à-vue. L’un d’eux était très vite relâché tandis que l’autre, Ömer Güney, présenté comme le « chauffeur occasionnel » de Sakine Cansız, était inculpé d’homicide, le procureur de Paris François Molins déclarant, dans une conférence de presse, qu’il y avait assez d’éléments sérieux pour le considérer comme étant au moins l’un des auteurs des meurtres, même si la possibilité qu’il n’ait pas été seul n'était pas totalement écartée, des traces d’ADN ne correspondant pas à celui de Güney ayant été retrouvées sur une des douilles. Selon le procureur, Güney, lors de son audition par les services de police, aurait déclaré avoir déposé Sakine Cansız au CIK dans la matinée du mercredi 9 et avoir quitté les lieux vers 11 h. Or les caméras de surveillance le montrent sortir de l’immeuble à 12 h 56, ce qui correspond à la tranche horaire pendant laquelle les meutres ont été commis. Sorti du CIK vers 13 h, portant un sac dans lequel on a retrouvé des traces de poudre, ce sont les caméra de surveillance (dont il ignorait peut-être l’existence) qui l’ont « trahi ».
Âgé de 30 ans, Ömer Güney a été d’abord présenté comme un « Kurde » par les autorités et la presse françaises. Mais très vite, les media pro-PKK se sont empressés de « révéler » que le suspect n’était pas kurde mais turc, comme si le fait d’être turc était incompatible avec celui d’être pro PKK et même militant du parti. Or, il y a toujours eu des Turcs au PKK et dans les années 1990 l’un d’eux était même officiellement président de FEYKA (Fédération des associations kurdes de France). Mais il est vrai que ces Turcs pro-kurdes sont la plupart du temps alévis, alors que le village d’où est originaire Ömer Güney, Şarkişla (région de Sivas), n’est pas du tout alévi et surtout pas sympathisant de la cause kurde. Les élections ont vu voter Şarkişla pour les deux partis d’extrême-droite.
L’oncle d’Ömer Güney, contacté par la presse, a nié toute implication de sa famille avec le PKK et décrit son neveu comme mentalement invalide, avec d’importantes pertes de mémoire dues à une tumeur au cerveau. Les fonctions d'Ömer Güney au sein de la communauté kurde pro-PKK n’étaient sans doute pas assez importantes pour qu’il ait pu faire l’objet d’une enquête serrée de la part des Kurdes : il servait de traducteur occasionnel, il parlait un bon français car sa famille s’était installée en France quand il avait 5 ans. Il pouvait aussi aider à remplir des formalités administratives et Fidan Doğan lui demandait parfois de servir de « chauffeur » au besoin, ce qui ne l’a pas empêché de se présenter aux policiers comme un « membre du PKK depuis deux ans ».
Murat Karayılan, qui dirige le Conseil de présidence du PKK à Qandil (Kurdistan d’Irak) a répliqué qu’on ne devenait pas membre du PKK aussi facilement, sans formation idéologique ou militaire, ce qui est vrai : il y a, à FEYKA comme dans le reste de ces associations pro-PKK, la masse des sympathisants ou militants de base, qui, hormis une participation aux manifestations, aux activités associatives, et à « l’impôt révolutionnaire », ne sont pas tenus par les règles et les obligations propres aux « cadres » : ils se marient, ont des enfants, et ne partent pas se battre dans les montagnes ou ne vivent pas la vie monacale des cadres européens. Ils ne sont pas non plus impliqués dans les affaires les plus secrètes du parti mais, par contre, peuvent côtoyer facilement des hauts responsables. Selon Murat Karayılan, il s’agit d’un « agent » infiltré depuis deux ans et il a accusé le gouvernement turc de vouloir éliminer les cadres européens, dans une coopération avec le Gladio turc, ainsi que les USA et l’Europe : « Ni l’Europe ni les U.S.A n’ont soutenu une solution au problème kurde, aucune de ces puissances n’a jamais fait le moindre effort pour parvenir à une solution via des négociations, alors qu’ils ont toujours pris parti pour une solution basée sur la violence .»
À la fin du mois de janvier, les révélations de la presse (qu’elle soit turque, internationale ou kurde) se sont concentrées sur la vie et la personnalité d’Ömer Güney. Les co-locataires qui avaient vécu un certain temps avec lui, en France ou en Allemagne, pays où il vivait après son mariage, en 2003, et dont il revient après son divorce, en 2011, le dépeignent comme un personnage au comportement contradictoire ou changeant : vu comme un Turc nationaliste en Allemagne, il se présente comme sympathisant du PKK aux Kurdes d’Ile-de-France. Mais tous le décrivent comme un garçon plutôt gentil, sans grande intelligence, avec une fascination pour les armes et une garde-robe de près de 50 costumes, 4 ou 5 téléphones mobiles. Des crises d’épilepsies ont fait détecter chez lui une tumeur au cerveau pour laquelle il a été soigné à Saint-Anne et lui ont permis d’obtenir, d’après son avocate, une pension d’invalidité (Libération, 11/2/13).
Plus troublant, l’enquête va révéler qu’en 2012, il s’est rendu de nombreuses fois en Turquie, ce qu’il cachait aux Kurdes, parlant de visites chez sa sœur, en Normandie.
Témoignant de façon anonyme à l’agence FiratNews (pro-PKK), un de ses co-locataire en France raconte la façon dont il a appris les meurtres et les réactions de Güney : « Je n’ai rien observé d’anormal dans son comportement ce jour-là quand un ami m’a appelé vers 3 h 05 du matin pour me dire que nos trois camarades avaient été tuées. Sous le choc j’ai immédiatement réveillé mes co-locataires et leur a dit ce qui s’était passé. Il [Güney] a dit qu’il n’y croyait pas, qu’il les avaient vues saines et sauves le même jour. Cependant, il n’a pas dit ce qu’il avait fait avec elles au bureau ce jour-là.» Se rendant plus tard avec le même co-locataire pour être interrogé par la police, il ne semblait pas inquiet et pensait visiblement être convoqué pour son témoignage ou des traductions, alors qu’il aurait eu tout le temps pour fuir entre le 9 à la mi-journée et l’aube du 10 janvier quand on a découvert les corps.
L’arrestation et l’inculpation d’Ömer Güney déclenchent alors de multiples « révélations » dans la presse turque, de sources plus ou moins fiables, souvent reprises par les Kurdes. Ainsi le journal turc Akşam a-t-il publié celles de son oncle Zeki Güney, parlant de deux autres personnes ayant accompagné son neveu sur les lieux du crime, filmées par les caméras de surveillance, mais dont les images auraient été « escamotées » dans les fims saisis par la police. Zeki Güney affirme, de la même façon, sans que l’on puisse savoir d’où il peut tenir toutes ces affirmations, qu’Ömer Güney mentionne lui aussi deux personnes avec lui et qu’il nie les meurtres, ce qui « met sa vie en danger ». Du côté de la presse kurde, Yeni Özgür Politika (pro PKK) a publié les confessions de Murat Şahin, Kurde d’Elazığ se prétendant agent du MIT quand il a été arrêté en décembre 2011 dans une opération policière qui visait une organisation d’extrême-gauche. Assurant alors être un agent, il aurait été relâché une semaine plus tard et serait revenu en Suisse. Se sentant « exploité » par l’État qui, selon lui, l’employait, il aurait quitté les Renseignements turcs. Ce personnage, au profil peut-être un peu mythomane, affirme à Özgür Politika et à la chaîne Nûçe TV reconnaître Ömer Güney d’après une photographie qu’une agente du MIT lui aurait montré, indiquant qu’il s’agissait d’un des leurs, à Paris. Lui aussi insiste sur la thèse des « deux ou trois » agents qui devaient l’accompagner. S’appuyant par ailleurs sur un article de Hürriyet daté du 19 octobre 2012, Yeni Özgür Politika, mentionne une récompense de 4 millions de lires turques (1.6 million d’euros), que la Turquie avait prévu de verser pour l’exécution de 50 responsables du PKK, dont 20 cadres européens.
S'agit-il d'un règlement de compte interne au PKK pour des motifs politiques ? C’est douteux. D’abord parce que Sakine Cansız n’avait pas le profil d’une « opposante » à la ligne Öcalan. De plus, même en cas de « litige » avec des membres du Conseil de présidence moins enclins à signer en blanc ce qui se négocie à Imralı, Sakine Cansız ne participait visiblement pas aux négociations et n’a jamais accompli de missions diplomatiques. Si sa personnalité était légendaire, c’était en raison de son passé « historique », car finalement peu de gens demeurent au sein du PKK parmi ceux qui ont participé à sa fondation, entre les épurations politiques et les dissidences, ou les morts au combat. Tuer Sakine Cansız ne pouvait faire capoter les négociations.
Ce qui, du coup, fait s’interroger sur la thèse « extrême-droite ». En admettant que des factions ultra-nationalistes hostiles à la négociation aient envisagé, comme cela avait été le cas pour Ergenekon, d’assassiner des personnalités politiques ou représentatives afin de susciter des troubles et d’embraser à nouveau la question kurde en Turquie, pourquoi infiltrer le PKK en Europe afin de tuer une membre, certes respectée mais dont la mort ne changera rien à la politique du mouvement ? Pourquoi tuer, presque au hasard, un cadre européen, alors qu’il aurait été plus simple et sûrement plus efficace, pour lancer une vague d’émeutes en Turquie, d’assassiner un membre en vue du BDP, un député élu, un maire médiatique, un des dirigeants du parti… Il est probable que « l’exécution » d’un Ahmet Türk, d’un Osman Baydemir, ou de Selahattin Demirtaş, notamment au moment des élections, aurait causé une onde de choc plus forte en Turquie.
Si ce n’était pas la « paix » qui était visée, peut-il y avoir un autre motif à tuer Sakine Cansız ? Dans un cable diplomatique datant de 2007 et révélé par wikileaks, elle était désignée par les USA, avec Riza Altun, comme un des personnages-clef concernant le financement du PKK, son armement et sa stratégie, ce qui était vrai, et correspondait à son profil de « loyale inconditionnelle » d’Öcalan et de personne au-dessus de tout soupçon concernant les détournements de fond ou la corruption, si faciles quand il s’agit de lever ou de transférer d’importantes sommes, toutes clandestines.
Cet extrait a été bien sûr largement repris et commenté par des Kurdes qui vont vu même la main des USA dans les meurtres, via un Gladio turc. Mais en 2012, soit six ans après, les USA sentaient-ils la même urgence de neutraliser le financement et l’armement du PKK ?
S'il s'agit d'un acte solitaire d’un nationaliste, Ömer Güney n'a, en tout cas, pas le comportement d'un Ogün Samast revendiquant le meurtre de Hrant Dink : il nie les faits et se présente bel et bien comme sympathisant du PKK. Pourrait-il s'agir d'un acte de folie, due à sa maladie ? C’est ce que son avocate laisse entendre, au moins concernant son « trou de mémoire » au moment des crimes, ou bien présentant son client comme susceptible d'être « manipulé» par des commanditaires, mais n’ayant en aucun cas le profil d'un agent secret ou d'un tueur professionnel. Il se peut que des expertises psychiatriques ou à tout le moins psychologiques, plus poussées, en disent davantage sur la personnalité floue d'Ömer Güney et sur ce qui s'est passé, le 9 janvier, entre 11 heures et 13 heures, au 147 rue La Fayette.
Le 30 décembre dernier, le gouvernement turc annonçait son intention d’entreprendre des pourparlers avec le leader du PKK, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999. Son but : obtenir que la guérilla du PKK dépose les armes et mettre un terme à une guerre qui dure depuis bientôt 30 ans. Ce n’est pas la première fois que des tentatives politiques de régler le conflit ont été amorcées mais jusqu’ici, elles n’ont jamais tenu la distance sur le terrain : les cessez-le-feu unilatéraux fréquemment reconduits par le PKK depuis la capture d’Öcalan n’ont jamais été pris en considération par l’armée turque qui poursuivait ses opérations, ou bien les négociations secrètes entre Ankara et le PKK comme à Oslo, en 2011, échouaient en raison de fuites dans la presse, et laissaient place à une répression judiciaire de grande ampleur contre les membres du KCK et/ou du parti BDP. Mais cette fois, un des principaux conseillers du Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, Yalçin Akdoğan, a assuré au journal Taraf que les discussions porteraient sur toute autre chose qu’une trêve provisoire et qu'il s’agissait d’amener le mouvement kurde armé à cesser définitivement le combat. Le détail et le déroulé de ces négociations menées par les services secrets turcs (MIT) dirigés par Hakan Fidan, ont été peu dévoilés pour le moment. Du côté turc, la priorité est le désarmement de la guérilla, voire sa reddition et l'exil de ses hauts commandants. Les revendications du PKK et du parti BDP portent (avec des variantes dans les déclarations des uns et des autres) sur l’enseignement de la langue kurde dans les écoles primaires (ou bien un enseignement total en kurde), un processus de gestion autonome des régions kurdes en Turquie (l’ampleur de cette autonomie n’est pas toujours précisément explicitée), l’arrêt des attaques militaires turques contre les bases du PKK et, concernant le sort d’Abdullah Öcalan, des demandes allant de la levée de son isolement jusqu’à sa libération pure et simple.
Mais des conditions personnellement formulées par Öcalan, très peu a filtré des entretiens qui ont débuté le 23 décembre. Selon des responsables du MIT, dont les propos ont été rapportés par le journal Hürriyet, en plus d’une amélioration de ses conditions de détention, le chef du PKK aurait réclamé pouvoir reprendre directement contact avec la guérilla, actuellement dirigée « en son nom » par le Conseil de présidence réunissant plusieurs vétérans des forces armées. On ne sait si cette demande a été depuis agréée.
Dans son allocution de Nouvel An donnée sur Stêrk TV, le président du Conseil exécutif du PKK, Murat Karayılan, a rappelé que 90 ans de « turcification » avaient échoué et qu’il fallait qu’Ankara l’admette. Répondant plus directement à la possibilité envisagée par le gouvernement turc que lui-même et le haut-commandement de la guerilla quittent leurs bases sans être poursuivis, à condition qu’ils ne résident pas dans des États voisins mais dans « d’autres pays », Murat Karayılan a répliqué que cette proposition était une « attaque contre le peuple kurde et ses valeurs » : « Chacun doit savoir que la guérilla du mouvement de la liberté et de la résistance du peuple kurde doit rester en vie aussi longtemps que la répression armée et le massacre politique du peuple kurde continuent. » Sur le principe de négociation et de paix, Murat Karayılan a ajouté qu’ils ne se retireraient pas du combat sinon via une solution obtenue par le dialogue et la négociation, à condition que « les autorités [turques] reconnaissent le peuple kurde, voient sa réalité et mettent fin à leur politique d’occupation ».
Le 4 janvier il était annoncé que deux députés kurdes, Ayla Akat Ata et Ahmet Türk avaient pu rencontrer Abdullah Öcalan, ce que personne, hormis son frère Mehmet, n’avait pu faire depuis près d’un an, et surtout pas ses avocats. Dès le lendemain, 5 janvier, le co-président du BDP, Selahattin Demirtaş twitta laconiquement qu’aucune déclaration spéciale ne serait faite sur la rencontre d’Imralı et que les développements politiques seraient livrés au public « quand le temps sera venu ». S’exprimant un peu plus tard sur la chaîne Nûçe TV, le même Demirtaş promit une déclaration « dans les prochains jours », en qualifiant simplement la rencontre de « positive ». Finalement, aucun compte-rendu détaillé n’allait être fourni à la presse concernant cet entretien.
Paradoxalement – ou est-ce pour ménager son opinion publique ? – la Turquie n’a pas cessé ses opérations militaires contre le PKK et déclare ouvertement ne pas en avoir l’intention, par la voix du ministre de l’Intérieur Idris Naim Şahin (remplacé depuis) qui a assuré à l’agence de presse Anadolu, que les assauts se poursuivront jusqu’à ce que « le groupe qui porte l’inimitié contre notre peuple ne soit plus en position d’attaquer ou de verser le sang », objectif qui, s’il était véritablement retenu, pourrait rallonger le conflit de quelques trente ans supplémentaires … Même mise en garde belliciste de la part de Yalçin Akdoğan, conseiller de Recep Tayyip Erdoğan, qui avait pourtant annoncé lui-même la réalité des négociations, affirmant qu'il n'était pas question de : « de suspendre ou de stopper le combat contre le terrorisme » et présentant la « politique sécuritaire » comme « un facteur complémentaire » des négociations. Par contre, toute attaque armée de la part des Kurdes ne sera vue que comme un « sabotage » de ces mêmes pourparlers. Optimiste, Akdoğan allègue la « fatigue » des combattants, las de vivre dans la clandestinité des montagnes et juge que la perspective de pouvoir en « redescendre » serait une incitation suffisante à déposer les armes. Plus prudent, Nurettin Canikli, un haut responsable de l’AKP, a admis que des « progrès » avaient été faits, mais qu’il ne pouvait dire si le PKK était sur le point de cesser la guerre, d’autant que le Premier Ministre a, pour le moment, écarté toute possibilité d’une amnistie générale des combattants, ce qui est une des revendications de la guérilla, de même que le placement d’Öcalan en résidence surveillée.
Alors que les opérations militaires ne cessent pas, Erdoğan exhorte directement la guérilla à déposer les armes, en gage de « sincérité » et en leur assurant, au passage, un abandon de toute poursuite judiciaire dans un pays tiers.
Le remaniement de son cabinet, qui voit remplacer Idris Naim Sahin à son poste de ministre de l’Intérieur pour Muammar Güler, un Kurde originaire de Mardin, est au moins apparu comme un signe d’apaisement ou de bonne volonté vis-à-vis des Kurdes qui appréciaient peu Naim Sahin et ses sorties contre les députés du BDP, stigmatisés comme « représentants des bandits du PKK » et « gens qui ne valent pas un centime ». Muammer Güler, en plus d’être kurde, est vu, lui, comme un modéré au sein de l’AKP.
Concernant le retrait du PKK de Turquie, voire même l’exil de ses commandants militaires, le BDP de son côté, assure ne pas être au courant et Demirtaş, son co-président, a rejeté cette éventualité, tout comme Karayılan l’avait fait le 1er janvier, et à peu près dans les mêmes termes : « Ce n’est pas une formule que le PKK peut accepter. Après tout, le PKK est une organisation qui vit au Kurdistan. Pourquoi voudraient-ils déposer les armes au Kurdistan et partir vivre dans d’autres pays ? » Demirtaş continue d’insister sur la demande « d’autonomie » accordée aux régions kurdes : « Comment cette autonomie sera créée, en quoi elle consistera, peut être discuté mais dire que, du point de vue kurde, il y a renoncement à l’autonomie, est faux. Seule la façon dont elle sera implantée peut changer » Le co-président du BDP a indiqué que lui-même et l’autre leader du parti, Gultan Kışanak, avaient demandé au ministre de la Justice de pouvoir rencontrer à leur tour Öcalan mais qu’ils n’avaient toujours pas reçu de réponse. Il a aussi ajouté que ce plan annoncé ne serait sans doute pas l’accord définitif agréé par Öcalan, qu’il fallait auparavant en « discuter [avec lui], et échanger nos idées ».
En fin de mois, Gultan Kışanak a, à son tour, critiqué l’isolement d’Öcalan durant les négociations, rappelant que Nelson Mandela avait été transféré de sa prison pour une résidence surveillée lors d’un même processus. Selon elle, la reddition préalable de membres du PKK relève du domaine « spéculatif » et il lui semble indispensable que le BDP et le PKK jouent un rôle plus actif, notamment en permettant au BDP de rencontrer Öcalan (aucune allusion ou révélation n’a été publiée sur la rencontre avec Ahmet Türk et Ayla Akat Ata).
Le BDP n’est pas le seul à se plaindre de l’opacité des négociations. L’opposiiton turque réclame aussi plus de « transparence ». Ainsi le vice-président du CHP, Faruk Loğoğlu, se plaint que le Parlement n’ait, pour le moment, pas son mot à dire dans le processus. De façon surprenante, Loğoğlu, s’il se dit favorable à une solution non-militaire, réclame en effet qu’en place et lieu d’Öcalan pour interlocuteur, le gouvernement choisisse de s’adresser à l’Assemblée nationale turque pour trouver une solution, en blâmant le fait que l’avenir de la Turquie soit à présent subordonné à des pourparlers avec le leader du PKK. Il critique par ailleurs le flou et l’incertitude qui règnent sur les modalités d’un possible désarmement du PKK dont les déclarations contredisent les « avancées » publiées dans la presse turque. On ne voit pas trop ce que le Parlement turc pourrait apporter de nouveau à un conflit de 28 ans, même si une réforme radicale de la constitution turque réussissait enfin à être votée. Mais il est certain que s’appuyer uniquement sur Öcalan pour négocier un plan de route menant à une paix définitive peut être irréaliste si Ankara ne tient pas compte des positions de la guérilla.
Dans le même temps, le Conseil de présidence, tout comme le BDP, ayant toujours proclamé agir soit au nom, soit pour le compte d’Öcalan, il leur sera difficile, surtout devant leurs militants, de totalement désavouer les choix politiques de leur leader, au risque de voir une désintégration du mouvement (ce qui n’est pas non plus dans l’intérêt de la Turquie). Dans une interview donnée au journal Aswat al-Iraq le 25 janvier, Hajar Zagros, une des cinq responsables du PKK a confirmé que les conditions de base demandées par son parti pour négocier la paix avec la Turquie étaient la libération d’Öcalan, plus celles des 44 avocats et des 10 000 militants kurdes sous les verrous. Elle a indiqué qu’ « à ce stade », le PKK ne souhaitait pas un État kurde indépendant, mais souhaitait la reconnaissance des Kurdes comme seconde nation en Turquie dans un cadre constitutionnel (reprenant l’idée préalable d’Atatürk d’un État bi-national, ou bien l’actuelle bi-nationalité de l'État irakien).
Comme chaque année, Human Rights Watch publie son rapport sur l’état des droits de l’homme dans le monde, continent par continent, en détaillant les pays « à problèmes ». Les Kurdes sont mentionnés, en tant que victimes et parfois auteurs des abus, dans les chapitres traitant de la Turquie, de l’Iran et de la Région du Kurdistan d’Irak. Cette année, la Syrie n’est étudiée que via les crimes commis par le gouvernement baathiste et ceux aussi imputés à l’ASL. Apparemment, les zones kurdes n’ont pas été visitées.
La Turquie est, sans surprise, blâmée pour son usage abusif des lois « anti-terroristes » et de sa persécution judiciaire contre des journalistes, des politiciens kurdes et des restrictions de libertés envers les Kurdes en général. L’indépendance des tribunaux suscite de « sérieux doutes ». Les procureurs et les cours utilisent les lois de lutte contre le terrorisme pour poursuivre ou prolonger l’incarcération des militants kurdes, des défenseurs des droits de l’homme, d’étudiants, de journalistes et de syndicalistes. La liberté d’expression et celle des media est réduite et « des violations graves et persistantes » sont observées au sujet de l’équité des procès. Du fait que l’AKP « ferme les yeux sur les détentions massives de militants kurdes » et de « l’escalade des attaques du parti hors-la-loi, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), 2012 a sombré dans une spirale de violence avec des conflits armés qui ont causé des centaines de morts parmi les soldats et les membres du PKK, ce qui est significativement plus élevé que les annés précédentes. Au cours de 2012, le PKK a kidnappé des membres de la sécurité et des civils, dont des politiciens, un député et des enseignants, les relâchant périodiquement. Un attentat attribué au PKK, en août à Gaziantep, a tué 9 civils, dont 4 enfants. La non-résolution de la question kurde demeure le principal obstacle à l’avancée des droits de l’homme en Turquie.»
Parmi les milliers de prisonniers accusés de terrorisme, emprisonnés et/ou dont le procès est en cours, l’universitaire Büşra Esanlı, l’éditeur Ragip Zarakolu et les journalistes Ahmet Şık et Nedim Şener ont été remis en liberté mais les charges de terrorisme n’ont pas été levées. La majorité de ces prisonniers sont des militants kurdes et des responsables du Parti de la paix et de la démocratie (BDP). Ils sont accusés de liens avec l’Union des communautés du Kurdistan (KCK/TM), une organisation reliée au PKK.
De façon générale, l’étau judiciaire s’est resserré sur le BDP et les cercles du militantisme kurde en 2012, avec des vagues d’arrestation et des prolongements de procès. Parmi eux, de nombreux journalistes, étudiants, avocats, syndicalistes et défenseurs des droits de l’homme. Dans le procès le plus massif, celui de Diyarbakir, qui englobe 175 accusés, 108 sont en détention depuis 3 ans et demi, dont le directeur de la branche de Diyarbakir de l’Association des droits de l’homme, Muharrem Erbey, six maires BDP, des membres de conseils municipaux, tous BDP et 5 députés élus.
HWR rappelle le bombardement de 34 jeunes villageois (jeunes gens et enfants) à Roboski (Uludere) en décembre 2011, alors qu’ils traversaient la frontière du Kurdistan d’Irak pour passer des biens de contrebande et fait part de ses inquiétudes au sujet d’un étouffement de l’affaire, au vu des déclarations du Premier Ministre, rejetant les demandes des familles, des partis d’opposition et des media réclamant une élucidation, et au vu de l’absence d’enquêtes publique et criminelle.
Cependant, il y a un progrès dans le débat public concernant des faits passés, et de nouvelles informations ont vu le jour sur des crimes antérieurs, ce qui a donné «un nouvel élan à des enquêtes criminelles portant sur des abus des droits de l’homme par des agents de l’État dans les années 1980 et 1990. En octobre, un général de brigade a été jugé pour le meurtre ou la disparition de 13 villageois à Dêrîk, au début des années 1990. Il faut des réformes gouvernementales pour abolir le recours à l’assassinat et à la torture.
Enfin, le procès de 2 leaders encore en vie du coup d’État du 12 septembre 1980 a débuté en avril, ce qui est une occasion importante de rendre justice aux victimes des violations massives de droits de l’homme qui ont suivi le coup d’État.
Concernant l’Iran, le gouvernement refuse d’accorder la liberté de culte aux adeptes du bahaïsme, la plus importante minorité religieuse non-musulmane d’Iran. Parmi les musulmans, les non-chiites font face à des discriminations dans l’emploi et la représentation dans la société, alors que les sunnites forment 10% de la population. Ils ne peuvent construire de mosquées dans les grandes villes ni conduire des prières séparées durant l’Eïd. Les soufis sont souvent pris pour cible par le gouvernement.
Les activités culturelles et politiques des Azéris, des Kurdes, des Arabes et des Baloutches sont soumises à d’importantes restrictions. En septembre 2012, au moins 28 militants kurdes attendaient leur exécution, accusés de menaces contre la sécurité nationale et d’être moharebeh (ennemis de Dieu).
Le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak n’a fait aucun progrès pour appliquer la loi de 2011 condamnant l’excision. Cependant, en juillet 2012, les plus hautes autorités musulmanes ont délivré une fatwa signée par 33 imams et docteurs de la loi, déclarant que l’islam ne requiert pas l‘excision. Mais l’application et la mise en œuvre de la loi contre les violences familiales, qui a pris effet le 11 août 2011, incluant plusieurs dispositions pour éradiquer cette pratique, n’a eu que des effets médiocres.
Amnesty a lancé le 17 janvier un appel pour sauver de l’exécution de deux prisonniers politiques kurdes, Zanyar et Loghman Moradi, ainsi qu’un azéri de la religion des Yarsans ou Ahl-é Haqq, Yunes Aghayan.
Zanyar et Loghman Moradi sont actuellement détenus à la prison Raja’i Shahr, à Téhéran. Ils ont été arrêtés le 1er août pour Zanyar et le 17 octobre pour son cousin Loghman, à Mariwan, province du Kurdistan. Détenus pendant 9 mois, sans accusation, par le ministère des Renseignements, ils ont été transférés de plusieurs centres de détention, sans jamais voir un avocat. Ils ont finalement atterri à la prison d’Evin, à Téhéran, section 209 (sous contrôle des Renseignements).
En novembre 2009, la chaîne Press TV, une chaîne officielle iranienne de langue anglaise, annonçait finalement que quatre "terroristes" liés au gouvernement britannique avaient été arrêtés à Mariwan : Plusieurs religieux kurdes occupant des fonctions religieuses officielles au Kurdistan, mais sans être des personnages clefs, avaient été mystérieusement assassinés, sans que les revendications de pseudo-peshmergas kurdes aient été bien convaincantes. La plupart des Kurdes d'Iran y voyaient la main du régime afin de discréditer les groupes de résistances kurdes auprès de la population.
Le 22 décembre 2010, ils avaient été condamnés par la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, comme moharebeh (ennemi de Dieu) et pour le meurtre du fils de l’imam de Mariwan, ainsi que d'actions armées au sein du Komala et d'espionnage pour le compte de la Grande-Bretagne. Une semaine après leur procès, Zanyar et Loghman avaient été transférés à la prison de Raja’i Shahr. De là, ils ont raconté, dans une lettre publique, que tous leurs aveux leur avaient été extorqués sous la torture et des menaces de viol, comme le précise Zanyar Moradi : « Je n’ai avoué aucune des accusations jusqu’`a ce qu’ils me menacent de viol. Ils ont apporté une bouteille et m'ont dit que je devais avouer ou ils m’assiéraient sur cette bouteille.»
S’exprimant au sujet de l’accusation de meurtre du fils d’un mollah de Mariwan, Eqbal Moradi, le père de Zanyar, étale les irrégularités et l’aspect très artificiel de ce dossier : "Mon fils a été arrêté il y a 20 mois, et c’est seulement 17 mois après qu’il a été accusé de meurtre et de terrorisme. Mais tous les gens de Mariwan, et même la famille de la victime, savent bien que ce n’est pas Zanyar et quelques autres de ces jeunes qui ont fait cela. Tous les gens de Mariwan et même la famille de la victime savent que ces cas récents de meurtres ne sont rien d’autre que le fait du régime, et que cela n’a rien à voir avec ces jeunes."
De même, le père de Loghman Moradi, Osman Moradi a confirmé le caractère tardif des accusations : "Durant les 9 premiers mois qu’il était détenu par les services de renseignements, il n’y avait pas d’accusation de meurtre dans son dossier. Même plus tard, durant les 7 mois où il était en prison, on n’a jamais parlé de cela. Mais ils l’ont ramené au ministère du Renseignement une fois de plus et ils l’ont gardé 25 jours. Il a été torturé et maltraité à un point tel qu’il a reconnu le meurtre. Je veux dire qu’il l’a reconnu pour échapper à une telle situation. Il a fallu 17 mois pour obtenir de lui cette confession."
En janvier 2012, La Cour suprême a maintenu la sentence et un mois plus tard, l’ordre de son application a été envoyé au bureau compétent de la magistrature à Téhéran.
Un an plus tard, des informations ont circulé sur Internet que l’exécution des deux cousins pouvait être imminente. Amnesty International, qui suit ce dossier depuis plusieurs années, a en effet eu connaissance que l’imam, père de la victime, et le procureur du Kurdistan, se seraient rendus ensemble à Téhéran, ce qui pourraient signifier que la peine de mort pourrait être prochainement appliquée.
Yunes Aghyan a été arrêté en novembre 2004, après des heurts entre des fidèles Ahl-e Haqq (Yarsans) et la police, où au moins 3 membres des forces de sécurité ont été tués quand des Yarsans avaient refusé de cesser d’entonner des slogans religieux dans leur ferme d’élevage. Yunes, ainsi que sa famille, a toujours nié être impliqué dans ces heurts, indiquant qu’il n’était qu’ouvrier là-bas. Durant sa détention préventive, il aurait été torturé et soumis à de mauvais traitements. Jugé avec 4 autres Yarsans par la 2ème chambre du tribunal révolutionnaire de Mahabad, Yunes Aghyan a été condamné, avec Mehdi Qasemzadeh, à la peine capitale, en tant qu’ « ennemis de Dieu », en janvier 2005.
Ces sentences ont été confirmées par la Cour suprême en avril 2005. Mehdi Qasemzadeh a été exécuté le 28 février 2009. Trois autres Yarsans – Sehend Ali Mohammadi, Bakhshali Mohammadi et Ebadollah Qasemzadeh – avaient été aussi initialement condamnés à mort, mais leur peine a été commuée par la Cour suprême en septembre 2009 et ils purgent à présent une peine de 13 ans de prison en exil intérieur dans la province de Yazd. Les Yarsans ou Ahl-e Haqq, majoritairement kurdes et, en nombre moindre, azéris, ne sont pas reconnus en tant que minorité religieuse et leurs rites, l’expression de leur foi et leurs pratiques sont interdits. Yunes Aghayan a été transféré de la prison de Mahabad (Azerbaïdjan occidental) le 26 décembre 2012, pour être détenu en isolement dans la prison d’Ourmieh. Les transferts en isolement sont souvent, pour les condamnés qui attendent dans le couloir de la mort, le signe que leur exécution approche. Yunes Aghyan a entamé une grève de la faim totale (ni nourriture ni boisson) dès le premier jour de son arrivée à Ourmieh. Depuis, sans contact avec l’extérieur, la poursuite de cette grève et son état de santé demeurent inconnus.
Atta Nasiri, ancien membre du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran a annoncé qu’après 5 ans d’efforts et de requêtes, il avait réussi à persuader les autorités autrichiennes d’accorder l’autorisation d’élever un monument commémorant l’assassinat du leader kurde Abderahman Ghassemliu, assassiné à Vienne en 1989 par les services iraniens.
Pendant plusieurs années, l’Autriche s’était montrée réticente à tout hommage de ce genre, en invoquant ses « bonnes relations avec l’Iran », selon Atta Nasiri, lui-même ancien peshmerga. Finalement, l’actuel président autrichien, Heinz Fischer, a répondu favorablement en invoquant ses liens d’amitié avec Ghassemlou.
Le monument sera érigé sur les lieux mêmes de l’assassinat du leader kurde, par des émissaires iraniens se présentant comme des «négociateurs». Les autorités autrichiennes se sont montrées d’abord réticentes sur l’inscription prévue mentionnant le crime des «terroristes iraniens» mais ont finalement accepté. Atta Nasiri avait été envoyé étudier à l’étranger par Abdurahman Ghassemlu après avoir perdu une jambe au combat. Il a obtenu un master en sociologie et est l’auteur d’un livre sur la question kurde.