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Bulletin N° 354 | Septembre 2014

 

 

IRAK : FORMATION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

Le 8 septembre, Hayder Al-Abadi et son cabinet, composé de 24 ministres, étaient approuvés par le Parlement irakien. Seuls les postes de la Défense et de l’Intérieur n’ont pas encore été pourvus, ce qui perpétue un peu l’ère Maliki, lequel assumait ces fonctions par interim depuis des années. Les trois vice-présidents choisis renouent aussi avec la tradition du « consensus » qui veut que tous les représentants des principales communautés du pays soient représentées : Iyad Allawi, pour l’Alliance nationale irakienne, Osama Al-Nudjayfi, l’ancien président du Parlement, qui représente les sunnites et… Nouri Maliki, dont le rôle dans la crise irakienne ne sera finalement pas jugé et qui a peut-être négocié son ‘retrait sans effusion de sang’ en échange d’une fonction plus honorifique que politique mais qui lui permet de rester sur le banc de touche, sans sortir tout à fait du jeu irakien.

 

Hayder Al-Abadi a plaidé pour une résolution des conflits qui ont abouti à la partition de facto de l’Irak et a notamment assuré que son gouvernement était « déterminé à résoudre tous les problèmes en suspens avec le Gouvernement régional du Kurdistan ».

 

 

Au cabinet du Premier Ministre, trois vice-Premiers ministres sont pressentis : le Kurde Hoshyar Zebari, qui quitte ainsi son poste des Affaires étrangères, Saleh Al-Mutlaq, le leader sunnite du Front national irakien, et Baha Aradji, un sadriste.

 

Aux Finances c’est Roj Shaways, un vétéran du PDK, qui est pressenti, après avoir été vice-premier Ministre sous Jaffari et Maliki. La question du budget dû aux Kurdes par Bagdad étant le nerf de la guerre, cette nomination peut apparaître comme un geste envers les Kurdes. Aux Affaires étrangères, c’est un ancien Premier Ministre et ancien vice-président, Ibrahim Jaffari, porte-parole du Parti de Maliki.

 

Hussein Sharistani est relégué à l’Éducation nationale, ce qui peut laisser espérer une relance dans les négociations sur la gestion du pétrole kurde par le GRK.

 

Remplaçant Hussein Sharistani au ministère du Pétrole, Adi Abdul-Mahdi n’est pas « l’homme de Maliki » mais vient du Conseil islamique suprême d’Irak, un parti religieux chiite. C’est un économiste, ministre des Finances irakien en 2004 et 2005, qui a la particularité d'avoir plus de liens avec la France que la Grande-Bretagne, puisqu’il a fait ses études en France, à partir de 1969, où il a travaillé pour plusieurs think tank françaises et a dirigé quelques revues franco-arabes. Le nouveau ministre du Pétrole peut amorcer une nouvelle politique, plus souple, rompant avec l’intransigeance du gouvernement Maliki-Sharistani sur cette question. Chiite, il n’appartient pas au parti État de droit, mais est un haut responsable du Conseil suprême islamique, un parti religieux qui a toujours maintenu de bonnes relations avec les Kurdes et est considéré comme « un homme de dialogue » par ces derniers. 

 

Quant au Premier Ministre, Hayder Al-Abadi, il est né à Bagdad en 1952, où il a fait des études d’ingénieur, avant de partir à Manchester pour compléter son cursus. Membre du parti religieux chiite Al-Dawa dès 1967, il en occupe assez rapidement une position de leadership à la fin des années 70, notamment en tant que membre de l’exécutif, alors qu’il est à Londres, où il restera en exil jusqu’en 2003. En 1983, l’Irak lui confisque son passeport pour « conspiration contre le Parti Baath », et dans cette même décennie, trois de ses frères sont arrêtés pour appartenance à Dawa.

 

Revenu en Irak, il est ministre des Communications entre 2003 et 2004. Au début de 2005, il est conseiller auprès du Premier Ministre Iyad Allawi et à la fin de cette même année est élu au parlement, où il a présidé la commission de l'économie, de l'investissement et de la reconstruction, puis celle des finances. En juillet dernier, il a été élu vice-président du Parlement. Dès 2010, il avait été régulièrement mis en avant comme une alternative à Nouri Maliki, dont il est un des proches. Décrit comme un homme d’abord « ouvert, amical », il a la réputation d’être « accessible » ce qui peut trancher avec l’isolement et la défiance frôlant la paranoïa dans lequel s’est enfermé son prédécesseur, lui aliénant une bonne partie des milieux politiques irakiens et kurdes.

 

Les Kurdes ont montré peu d’enthousiasme à se joindre au nouveau gouvernement irakien et jusqu’au 8 septembre, l’incertitude a régné sur leur participation, alors qu’une ultime réunion avait lieu à Suleïmanieh, au siège du Gorran, entre les représentants des principaux partis kurdes, le PDK, l’UPK, et les deux partis islamiques, pour en décider : Nêçirvan Barzanî, le PM de la Région kurde, le secrétaire général adjoint de l’UPK, Kosrat Rassoul, le leader de Gorran, Nashirwan Mustafa, Mohammed Faradj, le secrétaire général adjoint de l’Union islamique du Kurdistan et le leader du Groupe islamique, Ali Bapir. Selon le porte-parole de Gorran, le secrétaire d’État adjoint américain pour le Proche Orient Brett McGurk et le représentant des Nations Unies en Iraq, Nicklay Mladenov des États-Unis et de l’ONU étaient présents à cette rencontre. 

 

Le lendemain 9 septembre, alors que le Parlement irakien s’était déjà réuni pour approuver par vote le Premier Ministre, les députés kurdes attendaient encore le feu vert de leurs leaders, et, arrivés un peu en retard, confirmèrent finalement la participation de principe des Kurdes au futur gouvernement.

 

 

Dans un entretien avec le journal kurde Rudaw, daté du 10 septembre, le ministre des Affaires parlementaires du GRK, Mawlud Bawamurad, a déclaré que la participation des Kurdes au gouvernement irakien a été décidée sous « une forte pression » des États-Unis,  conditionnant l’aide américaine dans la lutte contre l’EI, mais qu’il estimait que c’était « une bonne décision ».

 

Sur les rapports entre les Kurdes et les chiites, Mawlud Bawamurad fait part d’une hostilité de certains milieux chiites, notamment parmi les cercles proches de Nouri Maliki, les Kurdes étant vus comme les responsables directs de sa chute. Le soutien international à Erbil a fait naître aussi des rancœurs, du fait que les chiites se sentent, eux, dépourvus d’un tel soutien. Beaucoup de Kurdes, pour leur part, ne trouvent aucun avantage personnel à participer au nouveau gouvernement de Bagdad et sont enclins à se passer de l’Irak, maintenant qu’ils ont récupéré les territoires qu’ils réclamaient. Mais le soutien international et l’armement sophistiqué qu’ils ont reçu des puissances occidentales obligeaient quelque peu les leaders kurdes à ne pas « lâcher » l’Irak, tout en soumettant leur participation au gouvernement à une période « conditionnelle » de trois mois. Les chiites ont de même accepté ce partenariat kurde en raison de la faiblesse de leur position devant la menace d’EI et leur dépendance envers l’aide américaine. Ils ont dû également tenter une réconciliation quelque peu forcée avec les sunnites, dans le dessein de les détacher de la tentation de rester ou de basculer totalement du côté d’EI.

 

Un député kurde a même estimé auprès d’un journaliste du Monitor, Mohammad Al-Saleh, que le retour de son bloc politique au gouvernement était plus un accord entre Kurdes, d’une part, et USA et ONU, de l’autre, qu’avec des Irakiens dont ils estiment avoir peu à espérer. Selon Muthana Amin, autre parlementaire kurde à Bagdad, le Premier Ministre Al-Abadi mise d;ailleurs plus sur une alliance entre chiites et sunnites (pour autant qu’elle soit durable) qu’avec les Kurdes, qu’il souhaite laisser de côté, espérant recomposer au moins les deux parties arabes et séparées de l’Irak.

 

En tout cas, le principal point de litige entre Erbil et Bagdad, la question du pétrole, n’a cessé d’être alimentée par une bataille juridique exportée aux États-Unis, alors même que l’Irak et le Kurdistan faisaient face, au mois d’août, aux assauts d’EI.

 

Début août, en effet, Bagdad souhaitait toujours empêcher la vente d’une cargaison de pétrole brut, d’une valeur de 100  millions de $, en provenance du Kurdistan, convoyée sur la côte texane. L’Irak a déposé une plainte auprès de la Cour fédérale de Houston, et a aussi demandé à sa propre cour suprême de bloquer toute nouvelle exportation de pétrole brut de Gouvernement régional du Kurdistan. 

 

Mais bien que Bagdad ait demandé la saisie des million de barils transportés par le pétrolier Kalavrta, et que cette saisie ait été préalablement ordonnée par une cour locale, la cour de Houston l’a levée car celui-ci stationne dans le golfe du Mexique en dehors des eaux territoriales américaines, à environ 97 km (60 miles)  des côtes. Mais le juge n'a pas tranché sur le fond de l’affaire, à savoir à qui appartient ce brut et qui a le droit d’en disposer. Le ministre irakien du Pétrole avait annoncé immédiatement son intention de contester la décision du tribunal, qui ne porte pourtant que sur un point du code maritime.

 

Par ailleurs, cela a incité le GRK à continuer ses exportations en utilisant plus volontiers de petits pétroliers, d’une capacité de 250 000 barils, afin de tromper la surveillance de Bagdad, multipliant les cargaisons vers différentes destinations, à partir du port turc de Ceyhan. Plusieurs de ces pétroliers ont ainsi opportunément disparu du réseau satellite avant de réapparaître quelques jours après, vides de leur cargaison : ainsi le Kamari, qui transportait à la fois du pétrole iranien et kurde, et qui s’évanouit des écrans au nord du Sinaï égyptien, pour réapparaître (vide) 2 jours plus tard, au large d’Israël.

 

Le Kalavrta s’est de même déplacé, fin août, et a disparu 24 h dans les eaux internationales en bordure de la côte texane. En juillet dernier, un autre pétrolier a transféré du brut kurde dans un autre cargo au sud de la mer de Chine.

 

 

Le 6 septembre, le gouvernement irakien, qui n’avait plus que 2 jours avant la formation d’un nouveau cabinet, refaisait une demande de saisie auprès des tribunaux américains, jusqu’à ce que la propriété du pétrole soit légalement établie. Dans le même temps, une compagnie grecque faisait l’objet de poursuites pour avoir exporté du brut kurde via 5 de ses navires. Bagdad réclame 318 millions de dommages et intérêts.

 

KURDISTAN : VISITE DU PRÉSIDENT FRANÇOIS HOLLANDE À ERBIL

Le président de la république française François Hollande s’est rendu à Bagdad puis Erbil, le 12 septembre, lors d’une visite-éclair de trois heures. C’était la première fois qu’un chef d’État foulait le sol du Kurdistan et c’est à la France qu’est revenu ce rôle de premier pas diplomatique.

François Hollande a d’abord atterri à Bagdad, dans la matinée (c’était aussi le premier chef d’État étranger à se rendre en Irak depuis l’effondrement du pays devant l’État islamique). Il y a rencontré le tout nouveau président irakien, le Kurde Fouad Massum, et le Premier ministre Hayder Al Abadi, qui venait, quelques jours auparavant, de former son cabinet. Dans la déclaration que François Hollande a faite aux côtés du nouveau président irakien, Fouad Massoum, le président français a déclaré qu’il tenait à « être présent, ici, aujourd’hui à Bagdad, parce qu’il y a un nouveau gouvernement en Irak qui s’est constitué démocratiquement et qui a pu rassembler l’ensemble des composantes du peuple irakien. Et vous y avez joué un rôle majeur. »

Se disant honoré d’être le premier chef d’État à être reçu à Bagdad, depuis la formation du nouveau gouvernement, il a affirmé « le soutien et l’amitié de la France » ainsi que sa solidarité, en précisant : « Cette solidarité prend plusieurs formes. D’abord une solidarité politique. Si la France est aux côtés de l’Irak, c’est parce que l’Irak est un pays qui a fait sa transition démocratique, qui a pu organiser des élections, qui a pu former un gouvernement. Un gouvernement où toutes les familles politiques sont présentes (…) La solidarité de la France est aussi humanitaire et sécuritaire. Vous affrontez un ennemi, un groupe terroriste qui n’a pas de frontière, mais qui a des intérêts maintenant territoriaux, qui veut faire la guerre non pas simplement à l’Irak, qui veut faire la guerre à tous les peuples qui ne partagent pas cette vision du monde fondé sur la terreur. (…) La solidarité de la France, c’est aussi d’avoir pu fournir, aussitôt qu’il a été possible, une aide humanitaire, qui a été répétée à plusieurs reprises et encore aujourd’hui, et aussi une aide militaire. Nous continuerons ensemble, dans les discussions que j’aurai avec vous, avec le gouvernement irakien, à organiser cette solidarité qui n’est pas simplement le reflet de notre amitié, mais également de notre intérêt commun, dans la lutte contre le terrorisme. »

François Hollande a aussi annoncé la tenue, à Paris, le 15 septembre, d’une conférence internationale sur la sécurité en Irak et la lutte contre le groupe terroriste Daesh, dont il a exposé les objectifs, dans une conférence donnée cette fois avec le Premier ministre Haïdar Al Abadi, à l’issue de leur entretien : « Cette conférence aura trois objets. Le premier, c’est de fournir un cadre politique pour que chacun puisse coordonner ses efforts, que chaque pays puisse apporter un soutien à l’Irak dans ce moment. Ensuite il y aura un volet d’aide humanitaire indispensable. Et enfin il y aura un aspect sécuritaire, avec une large coalition qui est en train de se former pour venir en soutien militaire à l’Irak. La France elle-même a engagé une coopération justement avec les nouvelles autorités irakiennes et c’était également le sens de ma présence ici. Coopération dans tous les domaines. Humanitaire, nous avons déjà livré plus de 60 tonnes de matériel. Coopération et aide militaire, c’est la 4ème livraison de moyens militaires pour les Irakiens dans leur combat contre le mouvement terroriste. Et cette coopération doit prendre aussi un aspect économique de reconstruction, de développement et c’est ce dont nous avons convenu avec le Premier ministre. Enfin, la France fait son devoir sur le plan de l’accueil des personnes persécutées. Nous sommes en soutien du peuple irakien, des minorités et lorsqu’il y a des cas d’urgence qui le justifient et des liens qui peuvent être établis avec la France, nous faisons notre devoir. »

Répondant plus précisément à la question d’un journaliste sur les buts et l’utilité de cette conférence, François Hollande a indiqué que la conférence de Paris devait répondre à trois questions :

« D’abord, comment aider l’Irak pour que cette nation puisse faire face à cette attaque terroriste. Nous devons donner un cadre politique, montrer que la communauté internationale est présente. Il y aura, lundi, les cinq pays membres permanents du conseil de Sécurité, il y aura aussi beaucoup d’autres pays qui veulent s’associer, montrer leur soutien à l’Irak. Deuxièmement, nous devons coordonner nos efforts pour bien répondre aux besoins urgents de l’Irak mais aussi à la reconstruction des zones où Daech a installé un moment son influence et a détruit une partie du territoire. Enfin, il y aura nécessairement des aspects sécuritaires qui seront évoqués et vous savez qu’il s’est constitué une coalition et nous aurons donc aussi à évoquer ses objectifs. »

Répondant à la question d’un journaliste sur des frappes aériennes françaises éventuelles en Syrie,François Hollande a répondu que «  La France a aidé militairement l’Irak depuis maintenant plusieurs semaines. Compte tenu de la gravité de la situation, des actes barbares qui avaient été commis, du groupe terroriste qui de Syrie est venu en Irak et menace l’ensemble de la région et même au-delà, je suis venu ici à Bagdad pour discuter avec les nouvelles autorités irakiennes, qui ont fait cet effort de s’unir, pour dire la disponibilité de la France, pour aider encore davantage militairement l’Irak dans sa lutte contre le terrorisme » mais que la question de la Syrie serait abordée lors de la conférence : « Il y a un an, presque jour pour jour j’avais averti de la gravité de la situation en Syrie. La communauté internationale a préféré prendre d’autres chemins. Nous voyons que depuis un an, je devrais dire d’ailleurs depuis plus longtemps, la détérioration, le chaos même, de la situation syrienne a abouti à ce qu’il y ait une pénétration de ce groupe terroriste en Irak. Donc nous devons aussi trouver les solutions appropriées pour la Syrie, mais aujourd’hui c’est de l’Irak qu’il s’agit et de la disponibilité de la France dans un cadre international. » Sur cette même question, Haydar Al-Abadi est aussi intervenu, sur la volonté ou non de l’Irak d’une intervention internationale en Syrie : « Aujourd’hui nous sommes en train de mener une véritable guerre en Irak avec la participation du service de sécurité de notre armée, de la mobilisation populaire et également des enfants de nos régions contre ce mouvement terroriste. Nous pouvons gagner sur le sol mais nous avons besoin d’une couverture aérienne. Cette agression vient du territoire syrien, le mouvement de l’EIIL – Daech a des bases en Syrie et l’Irak comme je l’ai dit, subit une véritable agression. Ces groupes agressent nos citoyens, ils tuent nos citoyens, et ce sont des victimes innocentes qui tombent. La communauté internationale a la responsabilité d’arrêter cette agression et d’intervenir afin de détruire les capacités de l’EIIL qui part de Syrie, comme je l’ai dit dans les actions militaires menées contre nous. »

Après un déjeuner qui réunissait « tous les chefs de partis de l’Irak », le président français s’est envolé pour Erbil, où il a été reçu par Massoud Barzani. Les principaux points de cette étape-éclair était la visite de réfugiés chrétiens dans la cathédrale Saint-Joseph à Ankawa, où il a rencontré notamment le patriarche des Chaldéens et l’évêque d’Erbil, en plus de venir à la rencontre directe des familles installées dans l’église.

Massoud Barzani et François Hollande ont ensuite fait une déclaration de presse conjointe. Le président kurde, a salué et remercié le chef d’État français au nom de tous les Kurdes disant que cette visite couronnait de »façon historique » la relation de longue date entre le peuple kurde et le peuple français. Massoud Barzani a indiqué que le soutien de la France a eu « le plus grand effet sur le moral de notre peuple et de nos Peshmergas. L’aide militaire que vous nous avez accordée a également joué un rôle très important pour nous permettre de battre les terroristes. » Il a tenu à réaffirmer la détermination des Kurdes à non seulement vaincre, mais aussi « extirper les terroristes », ajoutant qu’en plus de s’opposer aux terroristes, le Kurdistan avait aussi pour mission de permettre aux personnes déplacées de rentrer chez elles. « Les terroristes sont en train de reculer et les Peshmergas avancent sur le terrain. »

Le président français a qualifié sa première visite au Kurdistan irakien de « très émouvante » en raison de « l’amitié entre le peuple français et le peuple kurde », des moyens impressionnants déployés par les Kurdes pour venir en aide aux centaines de milliers de réfugiés. François Hollande a constaté que le Kurdistan avait fait « le meilleur usage » des armes qu’il avait reçu de la France, de l’Union européenne et des Êtats-Unis, et que cela avait été « décisif pour inverser le rapport de force » dans la lutte contre l’État islamique. « Le Kurdistan irakien est un exemple de ce que les communautés peuvent faire ensemble, comment elles peuvent vivre ensemble. La France est attachée à cette diversité, à cette pluralité du Moyen-Orient, où des chrétiens vivent à côté des musulmans, à côté d’autres confessions, et ce sont ces minorités qui font ce rayonnement exceptionnel du Moyen-Orient, et nous devons tout faire pour préserver cet esprit-là. Eb ce sens, l’actions que vous avez pu mener au Kurdistan irakien peut donner espoir. »

MOSSOUL : L’ÉTAT ISLAMIQUE REPOUSSÉ EN IRAK MENACE LES KURDES DE KOBANÎ

Après que les Peshmergas et l’armée irakienne ont repoussé les milices de l’État islamique qui assiégeaient Amerli, les Irakiens ont lancé leurs troupes dans plusieurs assauts, début septembre, sur la ville de Tikrit, tenue par les djihadistes, mais sans succès, alors que l’EI tentait d’avancer, de son côté, au sud de Bagdad, en intensifiant ses attaques, peut-être en espérant obliger les forces irakiennes à se détourner de Tikrit ou délaisser les positions nouvellement gagnées à Amerli. C’est ainsi qu’après avoir dû se retirer des alentours d’Amerli, qu’ils assiégeaient, l’EI a aussi concentré plusieurs de ses attaques dans la province d’Anbar et vers Samarra, la ville sainte chiite, utilisant pour cela des forces dégagées du siège d’Amerli.

Les mouvements des troupes djihadistes ont aussi fait craindre qu’un assaut majeur se préparait contre la ville de Haditha, dans une zone restée à l’écart des frappes aériennes. Devançant la menace, les forces irakiennes et des tribus sunnites hostiles à l’EI ont attaqué les dihadistes autour de Haditha, tandis que des frappes aériennes américaines bombardaient des positions de l’EI près du barrage de Haditha. En parallèle, les djihadistes devaient aussi faire face à la poussée des Peshmergas au nord et à l’est de Mossoul, et ont dû se retirer de la ville de Bashiqa, reprise par les Kurdes en coordination avec les frappes américaines. Mais toujours fidèle à sa tactique de diversion quand il perd des positions, l’EI a accentué sa pression sur Samarra et Bagdad, d’abord avec des attaques terroristes. Puis le 8 septembre, il a lancé un assaut important à Dhuluiya, aud sud-est de Samarra, dans la province de Salahaddin, sans pouvoir prendre la place. La menace sur Samarra, ville sainte chiite, est évidemment de forte conséquence d’un point de vue psychologique et symbolique, mais plus pragmatiquement, Dhuluiya est aussi un point stratégique permettant de gêner les communications entre cette ville et Bagdad.

À la fin du mois de septembre, l’armée irakienne et l’aviation américaine concentraient leurs attaques sur Kirkouk et, à l’ouest, empêchant EI de reprendre Ramadi, dans la province d’Anbar, qui a une position clef entre Haditha et Fallujah. Et c’est alors qu’EI a opéré un retour soudain en direction de Rabia -Yaroubia, ce poste-frontière clef entre la Syrie et l’Irak, tenus conjointement par les YPG et les Peshmergas, dont la prise permettrait une plus grande facilité d’accès et de communication, pour l’EI, entre la Syrie et l’Irak. L’attaque a été repoussée, mais les frappes aériennes autour de Mossoul et de Raqqa, le recul de l’EI de Rabia-Yaroiubia, ont eu pour conséquence une recrudescence des assauts contre la ville kurde de Kobanî et son canton, qui avait pu contenir le même type d’assaut au mois d’août. Ramenant peut-être des troupes qui avaient reculé devant les Kurdes à Mossoul, ou bien faisant venir des renforts d’autres places de Syrie, l’EI a rassemblé rapidement de nombreuses forces contre Kobanî et, entre le 16 et le 19 septembre, les localités du canton sont tombées les unes après les autres, les YPG se retrouvant dans la même position que les Peshmergas en août, à court de munitions et sous-armés, devant un adversaire équipé d’armes lourdes. Mais la situation de Kobanî est encore plus critique du fait de son isolement des autres cantons en Syrie, et de son unique poste-frontière à Suruç, en Turquie.

Que ce soit sur le terrain kurde, irakien ou syrien, il arrive ainsi fréquemment que, quand l’EI perd une ville ou un district, ses milices attaquent soudainement un tout autre point sur le front, même éloigné, au lieu de s’accrocher aux positions menacées ou de tenter de les reconquérir à tout prix, comme font les Kurdes ou les Irakiens. C’est que l’EI, tant qu’il tient sur le terrain les places-fortes qui lui permettent de verrouiller la défense de son « État », Mossoul, Falludjah, Tikrit, Hawidja et en Syrie, Raqqa, peut se permettre d’avancer ou de reculer rapidement, abandonnant des places, renonçant à en assiéger d’autres, et fondant sur des cibles-surprises, qui, logiquement, semblait loin de ses opérations initiales. Cette tactique lui permet d’apparaître plus invincible qu’il n’est sur le terrain, en amoindrissant, dans les esprits des populations qui vivent dans sa terreur (ou de ses supporters) chaque retraite, ou défaite, du fait qu’elles sont presque simultanément accompagnées d’une recrudescence d’assauts en un autre point de son immense ligne de front entre la Syrie et l’Irak.

En face, les forces irakiennes ou kurdes paraissent, par comparaison, avancer ou opérer plus lentement, en regagnant le terrain de façon plus méthodique, et surtout, en s’accrochant le plus possible aux nouvelles places reconquises, afin de les étendre le plus loin possible sans, toutefois, risquer de se retrouver encerclés, comme à Ninive ou Sindjar en août. Par ailleurs, l’EI ne se soucie pas du sort des populations qui les ayant soutenus, pourraient se retrouver en danger lors du retour des forces chiites ou sunnites hostiles aux troupes du calife, voire kurdes, du fait de leur « trahison ». Au contraire, les tragédies de Sindjar, d’Amerli, de Ninive et d’autres lieux, où les civils restés sur place ont subi ou ont risqué de terribles exactions, ont servi de leçons aux Kurdes : depuis août, il n’y a plus eu de retrait majeur et soudain des Peshmergas, comme à Qaraqosh ou Sindjar, et si leur avancée plus modérée, moins hasardeuse, peut sembler frustrante aux populations encore occupées par les djihadistes, comme à Sindjar, elle est aussi moins sujette aux revirements et aux brusques retraites et il n’y a pas, pour le moment, de retour des réfugiés dans des zones qui ne sont pas totalement sécurisées.

Alors que les USA frappent l’EI en Syrie comme en Irak, le fait que les djihadistes ne relâchent pas leur étau militaire sur Ramadi, qu’ils se lancent dans une nouvelle offensive contre les Kurdes à Kobanî ou Sindjar, montrent aussi la limite des opérations aériennes, peu efficaces pour entraver la capacité de déplacement et d’opération des troupes d’EI qui semble, en tout cas, décidé à ne pas lâcher ses positons à Anbar (conjoint à ses territoires de Syrie) et même à s’y étendre, en poursuivant ses tentatives sur Ramadi. Enfin, l’effondrement du canton de Kobanî est, pour lui, une étape supplémentaire dans l’unification de son « État » et la maîtrise de ses frontières.

PARIS : CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR L’IRAK

Une « conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak » s’est tenue le 15 septembre 2014 au Quai d’Orsay, inaugurée conjointement par le président François Hollande et le président irakien Fouad Massoum, avec les représentants d’une trentaine de pays, à savoir l’Allemagne, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, la Belgique, le Canada, la Chine, le Danemark, l’Egypte, les Émirats arabes unis, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Irak, l’Italie, le Japon, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, les Pays-Bas, le Qatar, la Norvège, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Russie, la Turquie, la Ligue des États arabes, en plus des représentants de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union européenne).

Dans son discours d’inauguration, François Hollande a rappelé les objectifs de la conférence : « apporter aux nouvelles autorités irakiennes le soutien politique qui leur est nécessaire, pour lutter contre une menace majeure qui s’appelle Daech et qui fait peser sur l’Irak, sur la région du Moyen-Orient et sur le monde un risque majeur. »

Alors que la nouvelle de l’exécution par l’EI du journaliste britannique David Haines venait juste de tomber, François Hollande a rappelé toutes les exactions et les crimes contre l’humanité dont s’est rendu coupable Daech : « Ce groupe terroriste a non seulement décapité des journalistes, des humanitaires mais a perpétré des massacres, des exactions contre la population civile. Ce mouvement terroriste s’en est pris aux plus faibles, aux plus fragiles, aux femmes, aux enfants. Ce mouvement terroriste s’en est pris également aux minorités religieuses qu’il a pourchassées pour éliminer un certain nombre de communautés. Ce mouvement terroriste s’est déployé sur tout un territoire, en Irak, en Syrie. Ce mouvement terroriste se joue des frontières et prétend même fonder un Etat. Telle est la menace, elle est globale, il doit donc y avoir une réponse globale. »

François Hollande a aussi répété que l’unité était elle aussi « nécessaire sur le plan international. Le Conseil de sécurité dans sa résolution 2170 a déclaré que Daech constitue un danger immense pour la sécurité du monde. Le combat des Irakiens contre les terroristes est donc aussi le nôtre. Et nous devons nous engager ensemble, c’est le sens de cette conférence, aux côtés des autorités irakiennes, clairement, loyalement et fortement. Et il n’y a pas de temps à perdre. Cette aide, elle doit d’abord être humanitaire. Près de 2 millions de personnes ont été déplacées, et j’ai vu moi-même, vendredi à Erbil, la détresse de celles et de ceux qui ont tout quitté face à l’avancée des terroristes. Pour ces familles, pour ces femmes, ces enfants, nous devons engager un effort exceptionnel. Il faut mettre en place un véritable pont humanitaire et renforcer l’action – remarquable d’ailleurs – des Nations Unies sur le terrain. Mais il convient d’être efficace, là aussi c’est le sens de cette conférence, recueillir des fonds des pays amis, acheminer des vivres et les matériels indispensables et accueillir dans la région, et parfois au-delà, les populations les plus menacées. L’Irak a également besoin d’un appui militaire. Les amis de l’Irak doivent coordonner leur action pour répondre aux demandes des autorités irakiennes. La France pour sa part a déjà livré des équipements, en liaison avec l’Europe et les pays qui pouvaient s’associer à nous. »

Sur la question syrienne, le président français a signifié que « le territoire irakien n’était pas « le seul concerné » : « Daech est installé en Syrie et menace l’ensemble du Moyen-Orient. Il fait aussi appel – ce mouvement terroriste – à des combattants venus du monde entier et chaque pays, y compris le mien – est concerné. Nous devons donc tout faire pour lutter contre l’endoctrinement de nos jeunes, empêcher leur embrigadement, casser les filières jihadistes, priver Daech de ses ressources et punir tous ceux qui lui sont associés, de près ou de loin. (…) La réponse à la menace terroriste est enfin politique, et la communauté internationale doit trouver une solution durable là où est né ce mouvement, c'est-à-dire en Syrie. Je rappelle que depuis maintenant 3 ans, la crise en Syrie a fait 200 000 victimes, 200 000 morts. Le chaos fait le jeu des terroristes, il faut donc soutenir ceux qui peuvent négocier et faire les compromis nécessaires pour préserver l’avenir de la Syrie. Et pour la France, ce sont les forces de l’opposition démocratique, elles doivent être appuyées par tous les moyens. »

Enfin, le président français a tenu à « alerter » sur la situation fragile du Liban qui a accueilli près de 2 millions de réfugiés syriens ainsi que de la Jordanie.

Donnant un compte-rendu final de cette conférence, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a voulu insister sur les points suivants :

« Le premier point : le mouvement Daech, qui n’est ni un État ni représentatif de l’Islam, est un mouvement d’une dangerosité extrême que toutes celles et tous ceux qui sont là considèrent nécessaire de faire reculer, puis disparaître. Pourquoi ? Parce que le mot d’ordre de ce groupe terroriste est tragiquement simple et il a été très bien résumé ce matin par le président irakien. Les égorgeurs de Daech, c’est ainsi que je les appelle, disent au monde entier : « Ou bien vous êtes avec nous, ou bien nous vous tuerons. ». Lorsque l’on a à faire à un groupe de la sorte, il n’y a pas d’autre attitude que de se défendre. C’est ce que la communauté internationale, quelles que soient ses nuances et ses différences, a décidé de faire.

La deuxième observation, c’est que tout le monde est concerné et pas seulement les pays qui sont directement frappés comme l’Irak, la Syrie et les pays voisins. C’est l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient, l’Europe elle-même et la France et le monde entier. On sait qu’il n’y a pas d’exemple où un groupe terroriste s’arrête de lui-même, c’est la raison pour laquelle il y a eu récemment une réunion à Djeddah et il y en aura d’autres. Il y en a bientôt une aux Nations unies, parce que tout le monde est concerné dans cette lutte nécessaire.

La troisième observation que je voudrais faire, c’est que si l’on veut mener une lutte efficace contre ces terroristes - ce qui prendra du temps car c’est une action de long terme -, il faut que cette action soit globale. Ce matin, nous avons parlé d’une approche politique. C’est parce que les autorités irakiennes ont maintenant décidé une approche inclusive après les élections qu’elles sont en situation, avec notre soutien, de mener cette lutte. C’est donc une approche politique qui est indispensable et qui explique le soutien que nous apportons tous, unis, aux nouvelles autorités d’Irak. »

Laurent Fabius a aussi annoncé la tenue prochaine d’une autre conférence, à Bahrein, qui portera plus spécifiquement sur la nécessité de « tarir le financement » du groupe terroriste et les moyens à mettre en œuvre pour cela. « De la même façon, il faut interrompre et stopper les flux de combattants qui viennent de nombreux pays du monde. On a cité le chiffre de 51 pays qui, bien évidemment, ne doivent plus pouvoir alimenter les combats sur le terrain. Par ailleurs, il y a la dimension humanitaire et de reconstruction. Il y a près de deux millions de personnes déplacées en Irak et il y a des situations extraordinairement difficiles. Aujourd’hui, les gens sont démunis dans une chaleur suffocante. Dans quelques semaines, le froid arrivera et il faut que l’ensemble des pays - ils ont commencé à le faire - que ce soit dans les pays voisins, en Europe et à travers l’Organisation des Nations unies, apportent leur soutien sur le plan humanitaire et sur le plan de la reconstruction de l’Irak. C’est un pays potentiellement riche mais qui a besoin de notre soutien à tous. » Voilà quelques-uns des éléments abordés ce matin. Je suis bien sûr lacunaire, mais ce sont les éléments qui m’ont personnellement frappé, ce qui signifie que cette conférence internationale a été, de l’aveu de tous, utile. Elle va permettre d’avancer dans le soutien nécessaire à la paix et à la sécurité en Irak et dans la lutte non moins nécessaire contre le groupe terroriste Daech. »

Dans leurs conclusions, les États participants et les représentants des Nations Unies et de l’Union européenne ont exprimé :

– « leur attachement à l’unité, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Irak. Ils ont salué la formation d’un nouveau gouvernement sous l’autorité du premier ministre, M. Haïdar al-Abadi, et lui ont apporté leur plein soutien pour conforter l’Etat de droit, mettre en œuvre une politique de rassemblement et assurer la juste représentation de toutes les composantes au sein des institutions fédérales et l’égalité de tous les citoyens, toutes mesures nécessaires pour lutter efficacement contre Daech (EIIL) et les groupes terroristes qui sont une menace pour tous les Irakiens.

– Les participants à la conférence de Paris ont affirmé que Daech (EIIL) constitue une menace pour l’Irak mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale et que faire face à une telle menace, où qu’elle soit, nécessitera une action sur le long terme de la part de la communauté internationale. Ils ont condamné les crimes et les exactions massives qu’il commet contre les populations civiles, y compris les minorités les plus vulnérables, qui peuvent être considérés comme des crimes contre l’Humanité. Ils sont convenus de coopérer et de tout faire pour veiller à ce que les auteurs de ces crimes en rendent compte devant la justice. Ils confirment leur soutien à l’enquête menée par le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme à cet effet.

– Tous les participants ont souligné l’urgente nécessité de mettre un terme à la présence de Daech (EIIL) dans les régions où il a pris position en Irak. Dans cet objectif, ils se sont engagés à soutenir, par les moyens nécessaires, le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre Daech (EIIL), y compris par une aide militaire appropriée, correspondant aux besoins exprimés par les autorités irakiennes et dans le respect du droit international et de la sécurité des populations civiles.

– Les participants à la Conférence ont également rappelé leur détermination à mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à la lutte contre le terrorisme et ses sources de recrutement et de financement, notamment la résolution 2170. Ils veilleront à la bonne application de celle-ci et prendront les mesures nécessaires pour qu’elle produise tous ses effets. Ils sont convaincus qu’une action déterminée est nécessaire pour éradiquer Daech (EIIL), notamment en prenant des mesures pour prévenir la radicalisation, en coordonnant l’action de tous les services de sécurité et en renforçant la surveillance des frontières. Ils ont accueilli avec satisfaction la perspective de travailler à un plan d’action pour lutter contre le financement du terrorisme.

– Réaffirmant leur soutien au gouvernement irakien, les partenaires internationaux ont rappelé la nécessité de soutenir les aspirations du peuple irakien au respect des droits de l’homme dans un cadre fédéral respectueux de la constitution, des droits des régions et de l’unité du pays.

– Ils ont salué le rôle des Nations unies en Irak, notamment pour coordonner et faciliter l’assistance internationale au gouvernement irakien. Les participants à la Conférence reconnaissent également que la Ligue des Etats arabes et l’Union européenne sont des partenaires stratégiques essentiels à long terme pour l’Irak. Ils se sont également félicités des résultats de la conférence de Djeddah du 11 septembre 2014.

– Les participants à la Conférence sont convenus de poursuivre et renforcer, en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain, les efforts déployés jusqu’ici en matière d’aide humanitaire d’urgence apportée au gouvernement irakien et aux autorités locales, afin de les aider dans l’accueil et l’aide aux réfugiés et déplacés qui doivent pouvoir retourner dans leurs foyers en toute sécurité.

– Les partenaires internationaux ont marqué leur disponibilité à assister l’Irak dans ses efforts de reconstruction, dans une optique de développement régional équitable, notamment par l’apport d’expertise et de savoir-faire et un soutien financier approprié, grâce par exemple à un fonds mondial spécifique pour aider à reconstruire les zones dévastées par Daech (EIIL).

– Les partenaires internationaux sont convenus de rester pleinement mobilisés dans leur soutien aux autorités irakiennes et dans la lutte contre Daech (EIIL). Ils s’assureront de la mise en œuvre et du suivi des engagements pris aujourd’hui, notamment dans le cadre des Nations unies et des autres organes créés à cet effet, et lors des réunions de haut niveau qui se tiendront en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. »

CULTURE : COLLOQUE à L’UNESCO SUR LE PATRIMOINE IRAKIEN EN DANGER

Le 29 septembre s’est tenue, à Paris, au siège de l’UNESCO, un colloque intitulé « Le patrimoine irakien en danger : comment le protéger ? », en présence de Mme Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Organisé conjointement par la France et l’Irak, le colloque avait pour but d’évaluer « la situation du patrimoine culturel en Irak et les dangers qui le menacent depuis le début de l’offensive de l’État islamique, alors que les responsables irakiens du patrimoine et de l’archéologie ont lancé des appels pressants à la communauté internationale pour sauver les sites et le patrimoine culturel mésopotamiens. »

Après les allocutions d’ouverture d’un représentant du ministère des Affaires étrangères français, de Mahmood Al-Mullakhalaf, délégué permanent de l’Irak auprès de l »UNESCO et d’Irina Bokova, la première table ronde faisait un état des lieux du patrimoine culturel irakien, avec, comme intervenants, Qaees Hussein Rashed, le directeur du musée de Bagdad et le Dr. Saad Iskander, directeur général des manuscrits et bibliothèques d’Irak.

Le directeur du musée de Bagdad a expliqué « qu’une mafia internationale des Antiquités informe Daesh de ce qui peut être vendu » (…) Ils identifient les objets et disent ce qu'ils peuvent vendre », Daesh fait des fouilles pour vendre (ces objets) sur les places européennes et asiatiques par l'intermédiaire des pays alentours. « Des pièces sont inestimables… Certaines ont 2.000 ans, peuvent valoir très cher, mais comme il n'y a pas de marché réel, on ne peut dire combien ça vaut. On n'a pas encore de statistiques car Daesh est encore là. Pour le moment, c'est du terrain conquis par Daesh, il faut attendre ou tout faire pour reprendre. On ne peut rien faire. » Qaes Hussein Rashed a notamment évoqué le pillage du palais assyrien d’Ashurnasipal II, à Kalhu, datant du IXe s. avant notre ère : « Des tablettes asyriennes ont été volées et retrouvées dans des villes européennes. Certains des objets sont découpés et vendus en pièces, dont une tablette figurant un taureau ailé.

Béatrice André-Salvini, conservatrice générale du patrimoine, directrice du département des antiquités orientales, musée du Louvre, évoquait la nécessité de faire connaître le patrimoine historique et culturel de l’Irak afin de le sauvegarder, tandis que Madame Géraldine Chatelard, chercheure associée, Institut français du Proche-Orient (IFPO), faisait un état des lieux du patrimoine archéologique et bâti en Irak depuis 2003. Monseigneur Pascal Gollnisch, directeur général de L’œuvre d’Orient présentait le patrimoine des communautés chrétiennes en Irak.

La seconde table ronde, « Comment protéger le patrimoine culturel d’Irak ? » était introduite par Bruno Favel, chef du département des affaires européennes et internationales à la direction générale des patrimoines, ministère de la Culture et de la Communication. L’intervention du professeur Alain Desreumaux, directeur de recherche au CNRS, président de la Société d’études syriaques, portait sur les manuscrits syriaques au nord de l’Irak, tandis que le Colonel Ludovic Ehrhart, chef de l’Office Central de lutte contre le trafic de Biens Culturels (OCBC), abordait la lutte contre le trafic des biens culturels en Irak.

Le Dr. Abdullah Khorsheed Qader, directeur de l’institut irakien pour la conservation des antiquités et du patrimoine à Erbil, présentait, pour sa part, « la situation du patrimoine au Kurdistan : bilan et perspectives ». I a notamment évoqué la destruction de la tombe du prophète Jonas et de nombreuses statues à Mossoul ou encore des palais assyriens dans que l'EI a « dynamités ou détruits ».

La question des formations pour la protection et la conservation du patrimoine irakien a été aussi soulevée par Eric Gross, directeur de l’Institut National du Patrimoine, et Alessandra Peruzzetto, archéologue, spécialiste du programme pour l’archéologie et le Moyen-Orient.

Dans les conclusions de cette conférence, Philippe Lalliot, Ambassadeur, Délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO a jugé le patrimoine irakien « en très grand danger. »

« Le conflit est aussi une guerre contre la culture. Nous pouvons éprouver des scrupules à dénoncer des crimes perpétrés contre le patrimoine, alors que les pires horreurs sont commises contre les hommes. Quand les morts se comptent par dizaines de milliers, faut-il se préoccuper du +nettoyage culturel+ ? Oui. Lutter contre le trafic, c'est lutter contre le terrorisme" et faire en sorte que "la contrebande n'alimente pas le trésor de guerre et l'armement des organisations terroristes. (…)"Quand les morts se comptent par dizaines de milliers, faut-il se préoccuper du nettoyage culturel ? Oui, certainement oui, car l'anéantissement du patrimoine qui porte l'identité d'un peuple et l'histoire du pays n'est pas un dommage collatéral ou secondaire dont nous pouvons nous accommoder. Il relève en effet de la même logique que l'anéantissement des hommes. C'est parce que la culture est une puissance d'incitation au dialogue que les groupes les plus extrémistes, fanatiques, obscurantistes s'acharnent à vouloir l’anéantir. »

La directrice générale de l'Unesco Irina Bokova a « alerté l'ensemble des Etats membres, les principaux musées du monde et le marché de l’art » en demandant "la plus extrême vigilance envers les objets qui pourraient venir du pillage en cours du patrimoine irakien.

 

L'Unesco a appelé le Conseil de Sécurité de l'ONU à adopter une résolution d'interdiction préventive de tout commerce des objets culturels irakiens et syriens, pour lutter contre le trafic illicite. ». Irina Bokova a aussi indiqué que l'Unesco a "partagé les coordonnées et toutes les informations pertinentes avec les états-majors engagés dans des frappes aériennes » pour protéger de ces frappes des sites historiques, a également indiqué Mme Bokova. Les autorités irakiennes ont aussi alerté sur le fait que l'EI avait transformé de nombreux palais ou sites antiques pour lui servir de bases.

 

Avec la prise de la province de Ninive, l’État islamique a mis la main sur 2000 sites archéologiques irakiens.