Le 5 mai, Massoud Barzani, le président de la Région du Kurdistan d’Irak a rencontré à Washington le président Barack Obama pour une demi-heure d’entretien et le vice-président Joe Biden pendant une heure. Massoud Barzani n’a fait aucune déclaration immédiate à la presse, mais d’après les officiels kurdes qui l’accompagnaient, ces rencontres ont été plus longues que prévues, retardant d’une demi-heure la visite du président kurde à la Chambre de Commerce des États-Unis qui a eu lieu immédiatement au sortir de la Maison Blanche.
Lors de son discours à la Chambre de Commerce, Massoud Barzani est revenu sur ses entretiens avec les président et vice-président des États-Unis, en indiquant leur avoir transmis « les remerciements du peuple du Kurdistan pour leur soutien en ces temps difficiles ». Le président kurde s’est ensuite adressé plus particulièrement aux investisseurs américains en assurant qu’en dépit de la guerre et des attaques terroristes, la Région kurde « est toujours ouverte aux sociétés étrangères qui viennent là-bas, et je remercie toutes les sociétés qui n’ont pas quitté le Kurdistan en ces temps difficiles, ce dont je nous en sommes très reconnaissant : cela a été un grand soutien moral. »
Le lendemain 6 mai, Massoud Barzani a de nouveau rencontré Joe Biden lors du petit-déjeuner, avant de se rendre en matinée au siège de la think tank Atlantic Council, il s’est exprimé plus en détail, devant un panel d’invités, la représentante du GRK aux États-Unis et plusieurs ministres kurdes, sur la question du Kurdistan d’Irak et son avenir, ainsi que les développements régionaux vus d’Erbil, les défis et les priorités de la Région dans la guerre contre l’EI et enfin les points ou problèmes clef dans les relations entre les États-Unis et le GRK.
Frederick Kempe, président de l’Atlantic Council a accueilli et présenté les invités et la l’ambassadeur William Taylor, vice-président par interim de l’USIP a modéré la rencontre.
Frederick Kempe a d’abord loué la bravoure et la détermination des Peshmergas dans leur combat contre Daesh, en rappelant qu’à ce jour, plus de 1200 d’entre eux avaient perdu la vie et que 7000 avaient été blessés. Il a aussi salué la présence très fréquente du président kurde sur les lignes du front, au milieu de ses hommes et ses visites aux familles des soldats tombés. Il a également rappelé le fardeau de 2 millions de réfugiés pesant sur le Kurdistan d’Irak et les conséquences économiques qui en découlent, aggravées par la chute des prix du pétrole et le conflit avec Bagdad au sujet du budget kurde.
Après avoir retracé la vie et le parcours politique de Massoud Barzani, il a conclu en citant les propos du Time Magazine quand le président kurde a été « vice-champion » de la liste des personnalités les plus importantes de l’année » en 2014 : « Un président puissant, dont la vie encapsule l’histoire d’un peuple dont le temps finalement, semble être venu. L’héritage de Massoud Barzani est encore en cours d’écriture, mais quand les hordes de l’État islamique d’Irak et de la Grande Syrie ont essaimé à partir du nord de Fallujah aux premiers jours de juin 2014, ont conquis la deuxième plus grande ville d’Irak en quatre jours et se sont tournées alors vers le pays kurde, une chose a été claire : Les Kurdes d’Irak et peut-être 22 millions d’autres Kurdes de la région ont été un élément décisif. »
Prenant la parole, le président Barzanî a renouvelé son message de remerciements, de la part du peuple kurde, à l’adresse du peuple américain et de son gouvernement pour leur aide dans la guerre contre l’EI.
Il a ensuite retracé brièvement le déroulé de la guerre depuis août 2014, quand le Kurdistan a eu à faire face aux milices de Daesh, disposant d’un armement massif, en provenance « de l’armée syrienne comme de l’armée irakienne ». La politique adoptée par les Kurdes a été double : d’abord stopper l’avance de l’EI, dans une stratégie défensive, et puis de passer à l’offensive en attaquant les terroristes. Dans tous les cas, les frappes de la Coalition ont été décisives pour changer la donne sur le terrain et ont infligé à Daesh de lourdes pertes.
Massoud Barzanî a tenu à rappeler que l’EI n’était pas « une organisation nouvelle, une organisation émergente, mais une extension d’Al-Qaïda, mais dans une version plus poussée. « Ce groupe a prouvé qu’il est contre toute humanité, ils sont contre le passé, ils sont contre l’histoire, ils sont contre l’avenir, ils sont contre la liberté et toutes les valeurs humaines et démocratiques auxquelles nous croyons. Ils ont prouvé, dans les faits, qu’en quelque endroit qu’ils contrôlent, il n’y a plus de place pour la démocratie, la liberté, la liberté religieuses et tous autres principes démocratiques. »
Le président kurde s’est ensuite dit fier de ce que les Peshmergas ont accompli pour détruire le mythe de l’invincibilité de l’EI. L’armée kurde a réussi non seulement à détruire le « mythe Daesh » mais aussi à nettoyer et libérer près de 20 000 km² auparavant sous contrôle de l’EI. Mais il rappelle à quel prix : « nous avons souffert, nous avons fait d’énormes sacrifices. Mille deux cents Peshmergas y ont laissé leur vie et sept mille d’entre eux ont été blessés, en plus du coût matériel et moral que la guerre inflige à notre communauté. » La guerre pèse très lourdement sur l’économie du Kurdistan, car la conséquence des combats a été la venue d’un grand nombre de réfugiés, internes ou venus de Syrie. Les Kurdes d’Irak ont ouvert leurs portes à 1,5 million de réfugiés et de personnes déplacées, de nationalités, d’ethnies, de religion différentes, dont 250 000 venus de Syrie. Ainsi dans la ville de Duhok, les réfugiés sont maintenant plus nombreux que les résidents locaux : « Aux premiers jours de l’attaque, la situation était très difficile, très tendue. Mais j’ai rencontré les représentants des chrétiens, des yézidis, des Turkmènes. Et je leur ai assuré que cette situation était temporaire, que nous vaincrions les terroristes, et que nous ne voulions pas qu’aucun d’entre eux quitte ce pays, pour chercher asile ailleurs. Nous resterons ensemble. Nous vivrons libres dans ce pays, ou nous mourrons ensemble. »
À présent certains réfugiés ont pu rentrer chez eux, à la faveur de l’offensive des Peshmergas, mais un grand nombre attendent encore de pouvoir retrouver leurs foyers.
« Si nous mesurons la ligne de front de Kobanî à Khanqin, les Kurdes se battent contre l’EI sur 1500 km de long. Nous sommes fiers de tous les Peshmergas, de ce qu’ils ont fait, pas seulement dans la Région du Kurdistan d’Irak mais aussi à Kobanî où ils ont aidé aussi à vaincre l’EI. Bien sûr, les frappes ont été très efficaces et utiles, mais les Peshmergas manquent toujours d’armes et de munitions – les armes et les munitions nécessaires pour mettre fin à cette guerre, de façon décisive et rapide. »
Le modérateur William Taylor a posé la première question en abordant le sujet des relations entre Erbil et le nouveau gouvernement de Bagdad. Le président a répété que la priorité était de vaincre l’EI, mais qu’à côté de cela, il y avait, effectivement, d’autres problèmes, dont celui du budget devant être versé aux Kurdes. Au début de 2015, un accord a pu être trouvé, et les relations entre le GRK et Bagdad bien plus meilleures qu’au temps du précédent gouvernement irakien. Cependant, toutes les divergences n’ont pas été surmontées, mais Massoud Barzani estime que de part et d’autre, il existe « un désir commun de résoudre ces questions et d’y trouver les solutions appropriées », ainsi que celui de « travailler ensemble ».
« En ce qui nous concerne, nous sommes parvenus à un accord et le GRK doit fournir et exporter [pour le compte de Bagdad] 550 000 barils par jour, comme cela est stipulé dans l’accord, et comme cela figure dans la loi sur le budget. Nous espérons et attendons que Bagdad – le gouvernement fédéral de Bagdad honore cet accord et fournisse au Kurdistan sa part des revenus. »
Interrogé ensuite sur la question de « l’unité de l’Irak » et si cette même question avait été abordée dans les entretiens avec Barack Obama et Jo Biden, le président Barzani a répondu qu’il ne faisait aucun doute que la guerre contre l’EI réclamait l’unité de tous les peuples de l’Irak, et que dans cette guerre, le Kurdistan jouait un rôle majeur. « Mais l’unité de l’Irak dépend des autres peuples de l’Irak, de comment l’Irak va devenir démocratique, jusqu’à quel point ils sont attachés à une coexistence pacifique, parce que cette unité est volontaire et non obligatoire. Par conséquent, la chose importante est d’essayer de faire en sorte que tous, en Irak, aient cette conviction, que l’union est volontaire et non forcée. »
Sur le rôle important que jouent les Kurdes dans l’arbitrage et la conciliation des conflits irakiens, Massoud Barzani rappelle que la protection apportée par les Kurdes aux victimes de ces conflits internes a été majeure, « mais il faut un effort collectif, de la part de tous. L’Irak repose principalement sur trois piliers, qui sont les Kurdes, les Arabes – chiites et sunnites ; s’y ajoutent d’autres minorités nationales : les Turkmènes, les Chaldéens, les Assyriens et plusieurs sectes et religions. Mais quand l’Irak a été fondé après la Première Guerre mondiale, c’était selon le principe que Kurdes et Arabes seraient partenaires dans ce pays. Malheureusement, nous n’avons pas pu établir ce partenariat requis. Nous avons essayé et essayons encore, mais cela n’empêchera pas le peuple du Kurdistan d’exercer son droit à l’auto-détermination. L’occasion lui a été donnée de se prononcer sur son avenir par un référendum. Mais cela se fera de façon pacifique, cordial et dans la compréhension et le dialogue. »
Interrogé sur précisément dans le public sur la possibilité de voir une indépendance du Kurdistan « pour l’année prochaine », Massoud Barzani a répondu sans détours q’il ne pouvait affirmer que ce serait pour l’année prochaine, mais que certainement l’indépendance du Kurdistan était en chemin, qu’il s’agissait d’un « processus continuel » qui ne s’arrêterait pas ni ne ferait marche arrière. Le référendum aura lieu, et la seule raison pour laquelle il a été retardé jusqu’à présent est la guerre contre l’EI.
Après avoir perdu Tikrit en avril dernier, l’État islamique n’a pas pour autant renoncé à s’étendre dans la région sunnite et a lancé ses attaques contre la ville de Ramadi (capitale de la province d’Anbar). Le 18 mai, Daesh annonçait s’être emparé totalement de dans la province d’Anbar, infligeant à Bagdad sa plus lourde défaite depuis la chute de Mossoul en juin 2014.
Autre point commun avec la prise de Mossoul, il semble que les forces armées irakiennes sur place se soient enfuies en laissant, une fois de plus, un armement conséquent aux mains des miliciens de Daesh. Interrogé par l’agence Reuters, un membre du conseil provincial d’Anbar, Athal Fahdawi, a même qualifié cette retraite d’ « effondrement complet », malgré les appels sur les ondes du Premier Ministre Al-Habadi, exhortant les troupes régulière à résister sur place.
La perte de Ramadi laisse toute la région désertique frontalière de l’Arabie saoudite, de la Syrie et de la Jordanie aux mains de l’État islamique. C’est aussi un coup de plus porté à la survie de l’Irak en tant qu’État unifié, puisque la déroute, voire la désertion de son armée a obligé le gouvernement central à faire appel aux milices confessionnelles chiites, soutenues et entraînées par l’Iran, pour reconquérir Ramadi. C’est enfin un camouflet à l’égard de la politique américaine, qui s’est attachée, depuis l’été dernier, à la reconstruction d’un Irak « unifié » dont la défense et l’effort de guerre serait subordonnée à Bagdad, notamment dans la redistribution des armes fournies par l’Occident, ce dont se plaignent amèrement les Kurdes, sous-armés depuis un an et qui n’ont, eux, plus reculé sous l’assaut de l’État islamique depuis août. La chute de Ramadi est aussi une menace pour le Kurdistan, puisque qu’elle alimente, une fois encore, les rangs des djihadistes, avec l’armement lourd et sophistiqué livré par les États-Unis à l’armée irkaienne, et dont sont toujours cruellement dépourvus les Peshmergas.
Aussi le Pentagon a-t-il tenté, dès les premières heures qui ont suivi la prise de Ramadi, de minimiser l’événement en le présentant comme un simple revers militaire et non un tournant de la guerre, en faveur de l’EI. Mais au fur et à mesure que les jours passaient et qu’il s’avérait évident que même les milices chiites n’allaient pas reconquérir la ville en trois jours, les critiques se sont faites plus virulentes au sein même du département de la Défense américaine. Ash Carter, secrétaire d’État à la Défense, a ainsi fustigé, sur CNN, l’absence de volonté « de se battre » au sein des forces irakiennes.
« Ce qui est arrivé, apparemment, est que les forces irakiennes n’ont témoigné d’aucune volonté de se battre. Elles n’ont pas été submergées par le nombre. En fait, elles étaient largement plus nombreuses que les forces d’en face. Cela me fait dire – comme à la plupart d’entre nous – que nous avons un problème avec la volonté des Irakiens de combattre l’EI et de se défendre eux-mêmes. »
De fait, la réponse américaine à la situation irakienne a été de réarmer l’armée et de la réentraîner, demandant, en contrepartie, une « réconciliation » entre chiites et sunnites, passant par un partage du pouvoir entre les trois grandes composantes du pays : les chiites, les sunnites et les Kurdes. Par ailleurs, l’intervention militaire de la Coalition se borne à des frappes aériennes et Washington, pour le moment, s’en tient à sa politique « zéro homme au sol », en comptant sur les Irakiens et les Kurdes pour faire tomber l’État islamique. La chute de Ramadi remet sérieusement en cause l’efficacité de cette stratégie et reporte à une date incertaine la reconquête de Mossoul, qui aurait dû commencer, selon les vœux de Washington, dès avril dernier.
Sans remettre en cause la non intervention de troupes américaines au sol, Ash Carter affirme que l’aide des frappes aériennes pourrait suffire aux forces irakiennes pour battre l’EI : « Nous pouvons participer à la défaite de l’EI, mais nous ne pouvons faire de l’Irak… une place décente pour que les gens y vivent, nous ne pouvons remporter la victoire, seuls les Irakiens le peuvent, et, en particulier, dans ce cas, les tribus sunnites de l’Ouest.
Selon le Pentagon, les troupes irakiennes auraient laissé sur place à Ramadi une demi-douzaine de tanks, un nombre équivalent de pièces d’artillerie, un grand nombre de véhicules blindés et une centaine de Humvees.
Sur le plan des victimes, la guerre-éclair de trois jours qui a abouti à la prise de la ville aurait fait 500 morts (chiffres officiels des autorités d’Anbar) lors des combats et jeté une fois de plus sur les routes des milliers de réfugiés civils.
Deux jours après qu’ils ont annoncé avoir pris le contrôle total de Ramadi, en Irak, l’État islamique entrait dans la ville syrienne de Palmyre après en avoir chassé l’armée baathiste, s’emparant de sa base militaire, d’un important stock d’armements, de sa prison (une des plus sinistres du régime et de sa politique de répression à l’égard de ses opposants politiques) et du siège des services secrets. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les affrontements auraient fait cent victimes parmi l’armée syrienne.
La prise de Palmyre suscite l’inquiétude pour les vestiges de son ancien site d’époque gréco-romaine, ses rues à colonnades, son temple et son théâtre, l’État islamique ayant déjà à son actif de nombreuses destructions ou déprédations de sites irakiens, comme Khorsabad ou Hathra. Le directeur des Antiquités nationales syriennes a lancé un appel international : si des centaines de statues conservées sur place au musée de Palmyre ont été déménagées et mises en sûreté, il reste les artefacts les plus monumentaux impossibles à déplacer et le site archéologique lui-même. L’UNESCO a également demandé un effort international pour sauver « cet héritage culturel unique », que l’organisation a mis sur sa liste « Patrimoine mondial en danger » depuis 2013.
Palmyre était déjà un site d’habitation à l’époque paléolithique et néolithique, et est mentionnée comme oasis et étape caravanière dans les archives du palais de Mari (IIº millénaire avant J.C). La bible la mentionne sous son autre nom, Thadmor, en lui attribuant Salomon pour fondateur (2 Choniques 8,4). Elle maintint son indépendance après la conquête séleucide du IVème siècle av. J.C., mais mena une existence assez obscure jusqu’aux premiers assauts romains, en 41 av J.C. En l’an 19, l’empereur Tibère l’intégra à la province romaine de Syrie. Elle prospéra à la faveur des voies commerciales reliant l’Inde et la Perse à l’Empire romain. Au IIIème siècle, les Sassanides conquirent une partie de la Syrie mais Palmyre fut épargnée. L’affaiblissement du pouvoir central impérial permit un bref intermède « indépendantiste » quand Zénobie, veuve du prince Odénat que Gallien avait chargé de défendre la ville contre les Perses, s’émancipa à la mort de son époux, de de la tutelle romaine.
En 272, l’empereur Aurélien reprit le contrôle de Palmyre et en chassa Zénobie, sans détruire sa capitale. Mais par la suite, son importance déclina et elle devint surtout une ville de garnison, jusqu’à l’époque byzantine. La conquête musulmane (à laquelle les Palmyréens n’opposèrent pas de résistance) relança quelque peu son activité et c’est à ses alentours que les califes omeyyades construisirent leurs résidences secondaires luxueuses, surnommées « palais du désert ». Palmyre survécut sans dommage aux Croisades et à l’invasion de Tamerlan. Dans sa vaste encyclopédie en 20 volumes, « Voies des regards sur les royaumes des grandes villes » (Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār) le lettré damascène Ibn Fadlallah al-Omari loue ses jardins, son commerce florissant et ses curieux monuments qui, jusqu’ici, n’avaient jamais été menacé par un vandalisme musulman (pas plus que chrétien). Son économie décline sous les Ottomans, mais son prestige renaît quand elle est redécouverte par les voyageurs occidentaux aux XVIIème et XVIIIème siècle : son architecture et son plan urbain inspirèrent les architectes et urbanistes néoclassiques européens et américains, à l’instar de la redécouverte de Pompéi et d’Herculanum à la même époque et : Ruins of Palmyra de l’archéologue irlandais Robert Wood, parut ainsi en 1753.
Palmyre fut un foyer de culture originale, mêlant les influences iraniennes, sémitiques et greco-romaines, tant dans ses cultes religieux que dans ses pratiques artistiques (son décor monumental ou ses sculptures funéraires) et artisanales. Les vestiges de la cité comprennent une longue rue à colonnades (1100 m), bordée de ruelles perpendiculaires. Ces monuments les plus remarquables étaient un grand temple voué au dieu sémitique Bel ou Baal, une agora et un théâtre, le « camp de Dioclétien » (site militaire ou palais), d’autres édifices cultuels, des thermes et des quartiers résidentiels. Elle était pourvue d’une enceinte fortifiée, d’un aqueduc et de vastes nécropoles, surnommée « Vallée des tombeaux ».
Mais pour les Syriens contemporains, le nom de « Tadmor » résonne de façon plus sinistre, car sa prison tristement célèbre fut une des plus inhumaines du régime baathiste, du début des années 1960 au début des années 2000. Un rapport d’Amnesty International, rédigé en 2001, rappelle ainsi que « Sous couvert de l'état d'urgence en vigueur sans interruption depuis le 8 mars 1963, les différentes branches des forces de sécurité peuvent maintenir des suspects politiques en détention arbitraire et illimitée. Des dizaines de milliers de personnes ont été interpellées dans le cadre de vagues massives d'arrestations visant les membres présumés d'organisations de gauche, de mouvements islamistes ou nationalistes arabes et de groupes politiques kurdes ainsi que tout individu ayant des activités hostiles au gouvernement et à la politique menée par celui-ci. Des centaines de prisonniers politiques sont au nombre des personnes arrêtées. Les détenus sont souvent torturés pendant leur maintien au secret absolu, qui peut durer des mois, voire des années, sans inculpation ni jugement. Des milliers de familles ignorent tout du sort de leurs proches et certaines, dont les êtres chers ont « disparu » après leur arrestation, craignent le pire […] La prison militaire de Tadmor semble avoir été conçue pour infliger aux détenus des souffrances et une humiliation maximales, pour les terroriser et pour briser leur moral en les maintenant sous une surveillance stricte. Non seulement les détenus sont coupés du monde extérieur, mais il leur est également interdit de communiquer entre eux. Ils sont déshumanisés dans tous les aspects de la vie quotidienne. »
Dans le début des années 1990, cependant, toujours selon Amnesty International, « la plupart des prisonniers politiques ont été élargis par groupes à la faveur d'amnisties présidentielles ou à l'expiration de leur peine d’emprisonnement. La plus récente de ces amnisties, proclamée en novembre 2000 par le président Bachar el Assad, aurait concerné 600 prisonniers politiques appartenant à différents groupes d'opposition. Depuis 1991, date de la première amnistie, le nombre de prisonniers politiques, parmi lesquels on compte aussi les prisonniers d'opinion, a été ramené de plusieurs milliers à quelques centaines. »
La prison a été fermée en 2001. Mais en 2011, aux premiers mois de la révolte syrienne, les prisonniers politiques ont à nouveau rempli ses murs, surtout des manifestants (350 transferts en juin 2011), ainsi que des soldats déserteurs. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les détenus ont été déplacés dans d’autres lieux en Syrie, avant la chute de Palmyre.
Huit jours après la prise de la ville, des vidéos tournées et diffusées par l’État islamique montraient que, pour le moment, les sites historiques n’ont pas été dévastés. Par contre, les exactions contre les civils ont commencé et le théâtre romain a été utilisé pour une exécution publique, au cours de laquelle 20 hommes ont été fusillés, devant une foule rassemblée sur les gradins antiques. Les condamnés seraient des « collaborateurs » du régime. L’OSDH affirme qu’environ 150 membres des forces syriennes ont été ainsi exécutés, par balles, décapitations ou au couteau, ainsi que 67 civils : « Des familles des familles entières ont été supprimées », accuse le directeur de l'Observatoire Rami Abdel Rahman, dont des enfants avec leurs parents. La plupart des exécutions ont eu lieu à Palmyre. Certaines victimes ont été tuées par balles, d'autres ont été décapitées ou tuées avec des couteaux. » (AFP).
Le ton de la campagne électorale en Turquie a surtout été dominé par le parti au pouvoir, l’AKP et le parti kurde du HDP, qui avait « bon espoir » de franchir enfin le seuil fatidique des 10% de votes au niveau national, lui donnant accès au Parlement de Turquie. Dans la composition actuelle du Parlement, les seuls Kurdes à pouvoir y siéger nationale ont pu le faire au sein d’autres partis ou en indépendants.
Le 4 mail, en tournée électorale en France (les votes de la diaspora kurde et turque allaient compter aussi), le co-président du HDP, Selahattin Demirtaş a déclaré que les priorités de son parti étaient l’adoption d’une nouvelle constitution turque qui garantirait des droits ethniques, religieux, et l’égalité des « genres ».
Le programme du HDP, qui a été aussi traduit et diffusé en France, se présente comme étant celui de la liberté, de l’égalité, de la justice et de la paix en Turquie. Il reprend les grandes lignes du dernier message d’Öcalan lu à Diyarbakir en mars dernier, notamment dans son volet écologique : « la préservation de la nature, de l’humain et de toutes les espèces vivantes’ sont présentées comme « valeurs fondamentales » du parti.
Pour garantir les droits des différentes cultures, peuples et langues de Turquie, « l’adoption d’une nouvelle constitution est indispensable », ainsi que la liberté de croyance et d’opinion.
La question de la paix est une « aspiration première » dont les conditions indispensables sont « l’éducation en langue maternelle, l’auto-organisation et l’auto-gestion des peuples (notions assez vagues mais qui sont issues de l’ « autonomie démocratique » souhaitée par Öcalan et que le PYD a plus ou moins voulu mettre en place dans le Rojava syrien) et une « citoyenneté égale pour tous ». Les «revendications légitimes de tous les peuples et de toutes les croyances, notamment des Kurdes et des alévis: doivent être prises en compte.
Pour ce qui est de la politique étrangère, le HDP soutient la « lutte des peuples pour la liberté et la démocratie », « face aux occupations, aux guerres, aux bases militaires et à la prolifération des armes créées par les forces impérialistes dans nos régions et dans le monde entier. » Curieusement, dans ce volet, aucune allusion à la menace djihadiste et à la guerre totale que Daesh a déclaré dans le monde, et aux événements de Kobanî, qui ont pourtant fortement nui à la popularité de l’AKP dans l’électorat kurde. La guerre est présentée comme unique fruit de l’impérialiste, dans un ton très « vieille garde de gauche » ce qui donne l’impression que les programmes antérieurs ont été recyclés sans mise à jour. Le volet économique reprend cette charge anti-capitaliste, en attaquant, entre autres, les conditions de travail dangereuses et pénibles en Turquie, la précarisation de l’emploi, la sous-traitance, et la « désyndicalisation ».
La démocratie directe est prônée, avec toujours le principe de « gestion autonome, locale et démocratique ». Ainsi les préfets et sous-préfets seraient élus par le peuple. « Les prérogatives des services publiques tels que l’éducation, la santé et la sécurité doivent être redistribués aux collectivités locales.
Concernant l’égalité des genres et la défense des femmes, « victimes de violence, de viol, de harcèlement et d’assassinat », le HDP réaffirme son attachement à la parité en son sein et à une co-présidence (un homme/une femme). L’égalité des genres concerne aussi les discriminations envers les LGBT (lesbiennes, gay et transexuel(le)s).
Enfin le programme se termine sur l’écologie et la protection de la biodiversité, avec une opposition aux « grands projets inutiles entrainant les déforestations, les assèchements des cours d’eau, les pollutions maritimes », mais le projet du GAP, cette série de barrages inondant des régions kurdes, contre lequel les partis kurdes se sont souvent opposés n’est pas mentionné explicitement.
En Turquie, la campagne a été émaillée de violences, principalement contre le HDP, parfois dans des affrontements avec des supporters de l’extrême-droite ou des islamistes kurdes (Huda-Par), parfois dans des attaques terroristes à auteurs inconnus, visant des bureaux du HDP ou certains de ses membres. Selahattin Demirtaş a déclaré à Reuters que durant la campagne, c’est près de 60 attaques qui ont eu lieu contre son parti, dans tout le pays. Ainsi le 18 mai, des explosions ont eu lieu simultanément dans deux bureaux du HDP. La première a eu lieu à Adana, avec la livraison d’un colis piégé qui a blessé six personnes et l’autre à Mersin (ville voisine). Commentant l’événement, le Premier ministre Ahmet Davutoğlu a affirmé qu’il s’agissait sûrement d’un attentat de l’organisation clandestine d’extrême-gauche turque, le DHKP-C, qui a parfois affronté le PKK, mais la piste de l’extrême-droite est celle qui a paru la plus plausible à la presse.
Ahmet Davutoğlu a alors changé son fusil d’épaule en accusant le HDP et le MHP (le parti ultra-nationaliste turc) d’une entente secrète pour fomenter ces attaques, afin de discréditer le gouvernement et de faire porter le chapeau au parti au pouvoir. Cette seconde explication m’a pas davantage convaincu les observateurs.
Des protestations ont éclaté spontanément dans la ville kurde de Mahabad, après la mort suspecte d’une jeune employée, qui aurait chuté « accidentellement » le 4 mai (selon la version officielle) du quatrième étage de l’hôtel Tara où elle travaillait. Mais une contre-version a circulé très vite, selon laquelle Farinaz Khosrawani, âgée de 25 ans, se serait d’elle-même défenestrée pour échapper à des membres des services de renseignement (Itilaat) qui voulaient la violer, ou bien aurait été jetée dans le vide par ses violeurs.
L’état d’urgence a été instauré dans la ville alors que deux manifestants ont été tués, et plusieurs dizaines d’autres blessées. De nombreuses arrestations ont eu lieu. Un des responsables de la sécurité d’Ourmieh (capitale de la province d’Azerbaïdjan occidental, dont dépend Mahabad) a menacé les manifestants, en prévenant que « la police iranienne ne gardera pas éternellement son calme » et que si les émeutes continuaient, les manifestants seraient fortement réprimés.
Dans les rues de Mahabad, le drapeau iranien a été brûlé devant l’hôtel Tara, lui aussi en feu. Des milliers d’habitants de Mahabad ont continué de se répandre dans les rues, malgré les jets de gaz lacrymogène. Ils accusent les autorités de couvrir les assassins et réclament que ces derniers soient traduits en justice. Jusqu’ici, seul le propriétaire de l’hôtel, a été arrêté et maintenu en détention.
Quant aux services de renseignement mis en cause, ils sont tout d’abord restés silencieux. Finalement, Hassan Rouhani a recommandé que « la lumière soit faite sur cet incident », mais le 9 mail, les manifestations se poursuivaient.
Omar Baleki, un responsable du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran a averti les autorités iraniennes que si elles faisaient feu sur les manifestants, les émeutes pourraient se propager dans d’autres villes. Selon lui, cette explosion de colère est aussi la conséquence de « trois décennies d’oppression » : « En surface, c’est juste une attaque portée contre une femme seule, mais en réalité, cette injustice et cette répression s’exercent contre les Kurdes depuis 36 ans ». Omar Baleki nie que des partis kurdes aient été à l’origine du mouvement.
Abdullah Muhtadi, le secrétaire général du parti kurde Komala a rapporté au journal Rudaw que l’armée et les forces de sécurité s’étaient déployées dans plusieurs villes kurdes, en plus de Mahabad, et que la situation était « très tendue ».
Amnesty International a appelé l’Iran à ne pas faire un usage excessif de la force à Mahabad. Selon Kurdistan Human Rights, la famille de la victime a fait l’objet de pressions et de surveillances et n’a pu ni confirmer ni infirmer les différentes versions de la mort de Farinaz.
Le 11 mai, la police iranienne annonçait avoir arrêté un homme qui pourrait être lié à cette mort et que le suspect avait « avoué », mais sans préciser son identité ni la teneur exacte de ses aveux. La police a indiqué qu’il s’agissait d’une mort accidentelle, liée à une affaire de moeurs. La victime aurait eu une liaison avec le suspect, et ils se seraient trouvé dans cet hôtel, quand, apprenant que sa famille était sur le point de les découvrir, la jeune femme aurait tenté de fuir par le balcon et serait alors tombée.
Cette version a plus tard été reprise par le gouverneur adjoint de la province, sur les ondes de la BBC persane. Mais elle est contestée par les Kurdes, et Abullah Muhtadi, du Komala, rapporte à Rudaw que la victime ´n’était pas une cliente de l’hôtel mais y travaillait comme comptable. Par ailleurs, son corps comporterait des traces de coups et ses vêtements déchirés indiqueraient une lutte et non une relation consentie, comme le lui auraient raconté les témoins qui auraient vu en premier le corps après sa défenestration.
Le 12 mai, le maire de la ville, Jaffar Katani, indiquait à la presse que Mahabad était redevenue calme. Cependant, le 14 mai, une grève générale était observée dans plusieurs villes du Kurdistan d’Iran, Mahabad, Sine, Sardasht, Bokan, Shino, Piranshar, Oshnawiye et Ourmiah, où la plupart des marchés, les boutiques et plusieurs autres activités commerciales ont baissé le rideau. Par ailleurs, sur Internet, les réseaux sociaux s’enflammaient et reprenaient largement les événements, tandis que des manifestations étaient organisées à l’étranger.
L’ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême de l’Iran, a accusé « l’ennemi contre-révolutionnaire» de menées visant à créer des conflits ethniques et religieux au Kurdistan.
Selon les estimations des manifestants, deux semaines après le début des troubles, 50 personnes auraient été blessées à Mahabad et 70 arrêtées.
La télévision satellite de l’illustre National Geographic a lancé un site internet en kurde kurmancî, qui peut être consulté à cette adresse :
http://www.natgeokurd.com
Le site du National geographic est un des plus éminents sites internet traitant notamment de la géographie, du climat, de l’environnement, de l’espace et de la technologie.
Le National Geographic a aussi publié une version de son magazine en kurde, traitant de science et de technologie, « Zanko » ou « Université ». Trois numéros ont déjà paru, en kurmancî et en zazaki.