Le nouveau Premier ministre irakien, Moustafa al-Kadhimi, semble pour l’instant réussir à se maintenir en poste. Contrairement à ses deux prédécesseurs, il a bénéficié du soutien de l’Iran comme de celui des États-Unis. Par ailleurs, après avoir annoncé ses priorités: combattre l’épidémie et punir les responsables d’assassinats de manifestants, il a rétabli à la tête du service antiterroriste le lieutenant général Abdul Wahab al-Saadi, dont le licenciement fin septembre 2019 avait contribué à déclencher les manifestations. Le 6 juin, il a obtenu l’approbation du Parlement pour sept nouveaux ministres, dont deux Kurdes: Fouad Hussein (PDK), ancien ministre fédéral des Finances, passe aux Affaires étrangères, et Salar Abdul Sattar (UPK) devient ministre de la Justice. Ils rejoignent ainsi trois autres ministres kurdes, déjà nommés à la Construction, au Logement et aux Travaux publics.
Parallèlement, les discussions devaient se poursuivre entre gouvernement fédéral et Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) autour de la question du budget de ce dernier. Le GRK, après avoir reçu les fonds nécessaires de Bagdad, s’était engagé fin mai à régler rapidement les salaires de février à ses fonctionnaires, mais Bagdad a indiqué que les paiements ultérieurs étaient suspendus à la conclusion avec Erbil d’un accord portant notamment sur la fourniture de pétrole. Ce n’est pourtant qu’en fin de mois que les discussions ont réellement repris, d’abord avec une rencontre entre le premier ministre Kadhimi et le président de la région du Kurdistan, Nechirvan Barzani, puis l’arrivée le 23 à Bagdad d’une délégation du GRK dirigée par son vice-premier ministre, Qubad Talabani. Fin juin, les deux parties n’étaient pas encore parvenues à un accord, même si celui-ci était déclaré proche…
C’est que les deux gouvernements ont été confrontés ce mois-ci aux mêmes problèmes: chute du cours du pétrole et développement de l’épidémie du coronavirus. Les conséquences néfastes de la réouverture le 18 mai de deux points de passage Irak-Iran, l’un au Kurdistan, l’autre dans le Sud du pays, décidées en réponse à une demande téléphonique du président iranien, ne se sont pas fait attendre : après un court temps d’incubation, l’Irak et le Kurdistan ont rapidement commencé à signaler une nouvelle augmentation des cas. Au Kurdistan, la majorité des nouveaux contaminés se trouvait à Penjwin, soit moins de 10 km de l’un des points de passage avec l’Iran – mais on a aussi signalé six cas à Duhok… Devant cette situation, le GRK a imposé un confinement d’une semaine à compter du 1er juin. Le 3, on comptait au Kurdistan près de 250 nouveaux cas, dont 104 dans les dernières 24 heures, pour un total de 745 cas confirmés, huit décès et 434 guérisons. Étonnamment, c’est Duhok qui a enregistré le plus grand nombre de cas avec 52, Suleimanieh 46, Erbil et Garmiyan ont chacune signalé six cas… Les hôpitaux ont été rapidement saturés, au point que les autorités ont dû héberger des patients dans des hôtels. En Irak, à la même date, on comptait 781 nouveaux cas et 21 décès, pour un total de 8.168 cas avec 256 décès (Kurdistan-24). Le 6, le Kurdistan comptait 1.089 cas: 634 à Suleimanieh, 33 à Erbil et 97 à Duhok, contre plus de 11.000 pour tout l’Irak…
Le 15, alors que l’augmentation du nombre de cas ne semblait pas devoir ralentir, le ministère de l'Intérieur du GRK a annoncé des amendes allant de 5.000 à 150.000 dinars pour ceux ne respectant pas les mesures sanitaires, notamment le port du masque en public, et l’interdiction de voyager entre provinces du Kurdistan a été prolongée jusqu'au 1er juillet. Le 17, le Kurdistan a atteint un triste record avec seize décès en 24 h, le nombre le plus élevé depuis le début de l’épidémie en mars. À cette date, on comptait 2.821 cas dont 1.623 actifs, 1.123 guérisons et 75 décès cumulés. Ce pic dans les décès survient alors que de nombreux soignants de la province de Suleimanieh se sont mis en grève pour protester contre le non-paiement de leurs salaires par le GRK (Rûdaw). Le 25, à Suleimanieh, 10 personnes sont décédées de la maladie en 10 heures dans plusieurs villes de la province, qui déplorait alors 111 des 133 décès de l’ensemble de la Région du Kurdistan (Rûdaw). Le 26, l’Irak comptait plus de 2.000 nouveaux cas et 100 décès en 24 heures. Au Kurdistan, la dernière semaine du mois, près de 1.300 nouveaux cas ont été confirmés, pour un total de 3.937 cas actifs, 200 décès et 1.767 guérisons.
Dans ce contexte sanitaire difficile, les attaques des djihadistes de Daech s’étaient faites de plus en plus fréquentes durant les deux derniers mois. Début juin, après une visite à Kirkouk du nouveau Premier ministre irakien, l’armée irakienne a lancé contre les djihadistes une nouvelle offensive soutenue par la coalition dirigée par les États-Unis. Intitulée «Héros de l’Irak», cette campagne vise à «nettoyer» les territoires disputés entre Bagdad et Erbil, particulièrement touchés par les attaques des djihadistes, en particulier des incendies visant les champs appartenant à des agriculteurs kurdes. Elle est menée en coordination avec les pechmergas, notamment les unités stationnées au nord de Makhmour, entre Kirkouk et Erbil. Ceci n’a cependant pas empêché une nouvelle attaque djihadiste dans la nuit du 13 au 14 contre la minorité religieuse kurde des Kakaïs, durant laquelle sept habitants du village de Dara, à Khanaqin, ont été tués et deux autres blessés. Cette attaque n’était que la dernière d’une série ayant dans les jours précédents visé cette région ainsi que les abords de la ville de Kirkouk. Le 15, le président de la Région du Kurdistan, Nechirvan Barzani, a exprimé sa préoccupation face à la situation d’insécurité dans les territoires disputés et appelé une nouvelle fois à une coopération plus développée entre pechmergas et militaires irakiens pour protéger les communautés vivant dans ces territoires (Kurdistan-24). Le 24, des discussions à ce propos se sont de nouveau tenues entre le GRK et les responsables militaires américains en Irak (Rûdaw), mais jusqu’à présent, elles n’ont pas permis une amélioration de la situation. Plusieurs responsables de pechmergas se sont plaints dans les semaines précédentes de n’être pas entendus par les Irakiens.
Par ailleurs, une autre question est venue sur le devant de la scène ce mois-ci: celle des incursions militaires turques dans les zones montagneuses du nord du Kurdistan irakien. Les incessantes opérations militaires turques, et en particulier les bombardements aériens, font de plus en plus de victimes civiles. Le 2, une frappe turque a tué cinq combattants du parti kurde d’Iran PJAK dans un village de Suleimanieh, près de la frontière iranienne, endommagé un hôpital local. Le 7, d’autres bombardements turcs ont causé d’importants incendies dans les montagnes de Bradost, près de Soran, provoquant la panique des habitants des villages proches. Les pompiers ont rencontré de grandes difficultés à maîtriser les flammes en raison d’un terrain très montagneux (Kurdistan-24). Le 8 au soir, une manifestation a eu lieu à Suleimanieh pour demander la fin des bombardements turcs. La province de Duhok en a également été victime, notamment la région de Deraluk, régulièrement bombardée, dont sur 82 villages, seulement neuf sont toujours habités, et celle de Shiladze, dont 85 villages sur 91 sont maintenant abandonnés… Quant à la région de Sidakan, près de Soran, 118 de ses 264 villages sont désormais vides: elle subit non seulement les frappes turques, mais aussi les tirs d’artillerie de l’Iran qui vise les combattants kurdes iraniens… Le maire du district, Ihsan Chalabi, a déclaré à Rûdaw: «S’il n'y a pas de bombardement durant une journée, les gens ont l’impression que c’est l’Aïd [fête religieuse]…».
Loin d’être des dommages collatéraux, il semble que les pertes civiles et les destructions soient dues à une stratégie sciemment choisie par la Turquie: frapper des lieux habités pour terroriser et faire fuir les habitants afin d’y instaurer une zone tampon sous contrôle militaire turc.
Le 14, le ministère turc de la Défense a annoncé le lancement d’une nouvelle opération, «Serre d’aigle» (Claw-Eagle), avec des frappes visant dans la nuit du 13 au 14 des bases du PKK à Qandil, Sinjar, Zap, Avasin-Basyan, Makhmour et Hakurk. Au Sinjar, quatre membres des Unités de résistance de Shingal (YBŞ), établies contre Daech et proches du PKK, ont été blessés. Plusieurs ONGs, et la lauréate yézidie du Prix Nobel, Nadia Mourad, ont dénoncé les frappes sur le Sinjar, indiquant qu’elles risquaient d’empêcher le retour de nombreuses familles yézidies dans la région. La veille des bombardements, le ministère irakien des migrations avait annoncé le prochain retour de 200 familles des camps de la province de Duhok, après 150 qui venaient de rentrer… Le choix de la Turquie de frapper à ce moment précis montre qu’Ankara ne vise pas seulement le PKK, a déclaré à Kurdistan-24 Hayrî Demir, le rédacteur en chef de Ezidi Press. Le 16, les autorités irakiennes ont de nouveau convoqué l'ambassadeur turc à Bagdad pour lui remettre une note de protestation, et ont publié un communiqué dénonçant une «violation de la souveraineté irakienne» (AFP). Le même jour, l’artillerie iranienne a de nouveau frappé les territoires frontaliers du Kurdistan d’Irak, notamment près de Haji Omaran et Choman (Soran). Les frappes ont été préparées par des reconnaissances de drones (Kurdistan-24).
Le 17, la Turquie a annoncé avoir déployé «en légitime défense» des forces spéciales dans la région d’Haftanin, dans le cadre d’une opération appelée «Griffes du tigre». «Nos commandos, qui sont appuyés par des hélicoptères de combat et des drones, ont été transportés par nos forces aériennes», a indiqué le ministère turc de la Défense, qui a justifié l’opération par la «recrudescence récente des attaques contre nos commissariats et nos bases militaires» situés près de la frontière irakienne… Le 18, l'Irak a appelé la Turquie à retirer ses troupes de son territoire et à cesser les «actes de provocation». Le même jour, un berger kurde de 36 ans a été tué dans la région de Bradost. Le PKK a indiqué répondre aux tirs turcs, et le lendemain, on comptait encore cinq victimes civiles des frappes aériennes turques, notamment trois personnes frappées dans leur véhicule près de Shiladzê, tandis qu’Ankara annonçait la mort d’un de ses soldats. Au troisième jour de cette offensive terrestre, le gouvernement du Kurdistan irakien a pour la première fois réagi, condamnant la mort de civils et appelant Ankara à «respecter sa souveraineté» et le PKK à «quitter ces régions et ne pas créer de tensions». Le 21, un second soldat turc a été tué, dans un lieu de nouveau non précisé par Ankara (AFP).
Le 25, un nouveau raid aérien a visé un pick-up à Kouna Massi, dans une zone de loisirs fréquentée par de nombreuses familles au nord de Suleimanieh. Le conducteur a été tué et six civils, qui se trouvaient non loin, blessés, a indiqué à l'AFP le maire de la localité, Kamrane Abdallah. Selon ses déclarations, les blessés, «deux femmes, deux enfants et deux hommes », étaient tous membres d'une même famille. Le 28, Ankara a annoncé la mort d’un troisième soldat (AFP). Des militaires turcs ont également été déployés en fin de mois dans les collines entourant la ville de Zakho, alors que des rapports font état de l'établissement de nouvelles bases militaires turques au Kurdistan irakien (WKI).
Comme toutes celles qui l’ont précédée, cette opération militaire en Irak affiche comme objectif l’éradication du PKK… Aucune des précédentes n’a pu y parvenir, et les signes commencent à s’accumuler pour faire penser que celle-ci n’y parviendra pas non plus. Ouest France a même titré le 28 : «L’opération turque s’enlise au Kurdistan irakien». Bien que la Turquie empêche les médias comme les défenseurs des droits de l’homme d’accéder à ses zones d’opération, des informations arrivent tout de même à filtrer: si l’état-major turc a pu annoncer la «neutralisation» d’une dizaine de combattants du PKK, l’opération peine à «nettoyer» comme prévu la région de Haftanin pour enfin progresser vers Qandil. Après 36 ans d’une guerre dévastatrice et sans issue, la Turquie joue toujours la théorie du dernier quart-d’heure et de l’ultime offensive pour «éradiquer définitivement le PKK».
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En Iran, les chiffres officiels de l’épidémie de coronavirus et ceux collectés par l’opposition en exil divergent largement.
Le 1er juin, le porte-parole du ministère de la Santé, le Dr Kianoush Jahanpour, a annoncé 3.117 nouveaux cas dans les dernières 24 heures, pour un total de 7.878 décès. Ce chiffre officiel, pourtant le plus élevé depuis le pic de début avril, demeure pourtant bien inférieur à ceux publiés le lendemain par le Conseil national de la résistance iranienne (NCRI): plus de 48.800 décès dans 324 villes de tout le pays. Accompagnés de chiffres calculés par province, ces calculs de l’Organisation des Moudjahiddine du Peuple d’Iran (OMPI), membre du NCRI, paraissent malheureusement vraisemblables: Khouzistan 3.745 morts, Qom 3.555, Khorassan Razavi 3.110, Sistan-Balouchistan 1.545, Lorestan 1.532, Fars 1.071, Kurdistan 935, Kerman 580, Nord-Khorassan 548, et Hormozgan 245. Il semble clair qu’après l’importante baisse de début mai, l’Iran est frappé par un nouveau pic résultant en grande partie d’une réouverture prématurée, imposée pour des raisons économiques par le président Rouhani malgré l'opposition du ministère de la Santé…
L’épidémie frappe plus durement les minorités: les sept régions les plus gravement touchées sont les provinces à majorité kurde d’Azerbaïdjan-Occidental, du Kurdistan, de Kermanchah ainsi que Khouzestan (Arabistan), Bouchehr, Hormozgan, et Sistan-Baloutchistan. Déjà le 19 avril, dans un article du Middle East Institute intitulé «COVID-19: Hitting Iran's minorities harder», Ramin Jabbarli et Brenda Shaffer prévenaient du risque en rappelant que les provinces frontalières connaissent une plus grande pauvreté et des infrastructures sanitaires moins développées que le Centre persan du pays. Le 1er juin, le vice-gouverneur du Kurdistan a déclaré à l'agence Fars que la situation de l'épidémie dans la province, et notamment dans sa capitale Sanandaj, était «alarmante». Selon la télévision d'État, le porte-parole de l'Université médicale de Kermanshah a déclaré: «Avec 235 nouveaux patients […], le nombre de patients dans la province a atteint 5.752», et le président de l'Université médicale d'Azerbaïdjan-occidental a indiqué que le nombre de cas à Mahabad avait «augmenté de manière rapide et inquiétante». Le 10, le Washington Kurdish Institute (WKI) indiquait que la pandémie continuait de frapper particulièrement le Kurdistan iranien, les villes de Sardasht et Sanandaj, par exemple, ayant toutes deux connu des centaines de nouveaux cas en quelques semaines. À cette date, les chiffres officiels étaient de 172.000 cas et 8.281 décès, montés à respectivement 187.000 et 8.500 une semaine plus tard. En contraste, le NCRI comptabilisait plus de 53.600 décès…
Les autorités, face à cette situation, tiennent un double discours : elles culpabilisent la population qui ne respecterait pas les règles de distanciation sociale, mais répètent qu'il n'y a aucun lieu de s'inquiéter, la hausse des cas recensés résultant seulement d'un dépistage plus intensif… Enfin, le régime réprime toute enquête indépendante, comme celle du journaliste kurde Sharam Safari sur la façon dont sont dissimulés nombres de cas et de décès: Safari a reçu en milieu de mois 91 jours de prison pour «publication de fausses nouvelles et confusion du public» (WKI). Le 19, le député de Saqqez et Baneh déclarait: «L’indifférence des autorités de la province du Kurdistan les dix derniers jours de mai et le manque de supervision adéquate dans la province ont fait que la situation du coronavirus au Kurdistan a atteint un point critique. […] Les officiels et les autorités de la province du Kurdistan continuent de rejeter la responsabilité des conséquences de leur inaction sur la population, et celle-ci est très inquiète» (CNRI).
Le 25, l’Iran annonçait plus de 10.000 morts, plus de 100 par jours durant les sept derniers jours, pour un nombre de cas de 215.096 (France-24), et le 29, on était à 162 morts en une journée, le pire bilan quotidien depuis le début de l’épidémie en février. Le 27, il était annoncé que le port du masque deviendrait obligatoire à partir du 4 juillet dans les espaces fermés ou durant les regroupements.
La situation sanitaire dans les prisons continue à inspirer des inquiétudes, notamment pour l’activiste kurde Zeynab Jalalian, accusée d’appartenance au PJAK et seule femme prisonnière politique purgeant une peine de prison à vie en Iran. On a appris en début de mois qu’elle avait été placée en quarantaine dans la prison pour femmes de Qarchak (30 km au sud de Téhéran), où elle avait été transférée fin avril. L’administration pénitentiaire n’a pas indiqué la cause de son isolement, mais son père pense qu’elle a été infectée par le coronavirus. Selon lui, le régime lui a refusé l'admission à l'hôpital et l'accès à un médecin. Selon le Kurdistan Human Rights Network (KHRN), la prison est complètement surpeuplée avec environ 2.000 détenues, et il est impossible d’y respecter des distances sanitaires . Il semble que Jalalian se soit remise ensuite du coronavirus, mais en fin de mois, elle a entamé une grève de la faim pour obtenir son retour vers sa prison d’origine, à Khoy.
Parallèlement, les assassinats de porteurs transfrontaliers kurdes ou kolbars, déjà très nombreux en mai (26 abattus depuis janvier), se sont poursuivis ce mois-ci. Trois ont été tués et huit blessés la première semaine de juin, près de Baneh, Chaldiran, Saqqez et Sardasht, et un autre, blessé le 28 mai, est décédé à l’hôpital. À mentionner un incident particulier lié à l’épidémie de coronavirus, qui a touché un poste-frontière de la Région du Kurdistan d’Irak, impliquant un groupe de près de deux-cents porteurs venus de Khurmal: événement jusque-là inédit, dans la nuit du 23, ceux-ci s’étant vus selon des sources différentes confisquer leurs charges ou bien interdire la sortie vers l’Iran, la frontière étant fermée à cause du coronavirus, ils ont… attaqué le poste-frontière de Sargat! Durant l’échange de coups de feux qui a suivi, un porteur a été tué et quatre garde-frontières blessés. Le procureur de Halabja a émis un mandat d'arrêt contre les gardes-frontières ayant tiré sur les contrebandiers (Rûdaw).
La semaine du 14, deux autres porteurs ont été tués et six autres blessés par les soldats turcs à Salmas, et iraniens à Baneh et Sardasht. Par ailleurs, deux kolbar sont morts sur des mines datant de la guerre Iran-Irak. Le 22, un kolbar a été blessé quand son groupe a été pris en embuscade par des garde-frontière iraniens (WKI). Le 27, trois porteurs ont été blessés près de Nowsud, et le lendemain, deux autres ont été abattus et un troisième blessé par des garde-frontière iraniens près d’Ouroumieh (Kurdistan-24).
Comme chaque été malheureusement, la région du Kurdistan d’Iran a de nouveau été frappée par des incendies de forêt, certains criminels, d’autres causés par la sécheresse et la déforestation, la mauvaise situation économique incitant les habitants à couper du bois en prévision de l’hiver. L’Association du Kurdistan pour les droits de l’homme KMMK a rapporté plusieurs incendies ayant visé des terres agricoles à Sarpol Zahab et des forêts dans les provinces du Lorestan, Kermanshah, Ilam et Kurdistan. Un militaire a trouvé la mort dans les feux, combattus avec courage par les membres de plusieurs associations kurdes de défense de l’environnement, comme la Zhiway Pawa Society de la ville de Paveh (Kermanshah), dont une centaine de membres se sont rassemblés pour lutter contre les incendies (Rûdaw). L’un des responsables de l’association, Mokhtar Khandani, justement interviewé le 6 juin par Rûdaw, a trouvé la mort avec deux autres personnes dans les incendies en fin de mois. L’association Hengaw a indiqué que les trois activistes avaient été tués par une mine placée par le régime pour combattre les rebelles, mais d’autres sources ont déclaré qu’ils avaient été entourés par les flammes. Leur mort, rendue suspecte par les tentatives de l’Etelaat pour censurer les publications la concernant, a déclenché des rassemblements de protestation à Paveh le 29, lors de leurs obsèques. Une autre association de défense des droits de l’homme, le KMMK, a demandé la création d’une commission d’enquête indépendante.
Par ailleurs, en fin de mois, le PDKI a annoncé un «engagement important» de ses pechmergas avec les pasdaran près des Monts Halgurd, au cours duquel ces derniers ont dû se retirer, les combattants kurdes n’ayant pour leur part essuyé aucune perte (WKI).
La situation sanitaire n’a pas stoppé la répression, et la liste d’arrestations, condamnations et exécutions perpétrées par le régime s’est encore allongée. Le 4, le cherheur français Roland Marchal, libéré le 20 mars, a d’ailleurs lancé un appel dans une tribune publiée dans Le Monde à ne pas oublier les universitaires étrangers incarcérés, dont sa collègue, la Franco-Iranienne Fariba Adelkhah, qui venait après un an de détention d’être condamnée à six ans de prison… Le 6, le défenseur de l’environnement kurde Sohaib Saadi a été arrêté à Sanandadj (et battu lors de son arrestation). Le 15, on a appris que le prisonnier politique kurde Hedayat Abdollahpour avait été exécuté le 21 mai, sans que sa famille soit informée, puis inhumé dans un lieu inconnu. Le 12 mai, son épouse s’était entendue répondre par le procureur adjoint d’Ouroumieh que si elle ne savait pas où se trouvait son mari, elle «ferait mieux d’aller chercher au cimetière»… Arrêté avec une dizaine d’autres habitants de son village après un affrontement entre les pechmergas du PDKI et les pasdaran, Abdollahpour, soupçonné de soutenir le PDKI, avait été torturé et condamné en février 2017 pour « inimitié avec Dieu» (NCRI). Parallèlement, le journaliste kurde Nasrollah Nashine, incarcéré pour six ans en 2016 pour «propagande contre la République islamique», et qui avait profité d’une permission de sortie pour se réfugier en Turquie, a été renvoyé en Iran par les autorités turques. Le 13, l’activiste kurde Babek Dabirian a été arrêté à Kermanshah, et le lendemain Jaffar Awsafi a été arrêté à Bokan et mis au secret. Par ailleurs, l’annonce par les autorités de la mort du coronavirus dans la prison de Saqqez du prisonnier kurde Kamal Husseini a été accueillie avec suspicion, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ayant demandé une enquête. À Kermanshah, des agents de l’Etelaat ont informé la famille de Khalil Muradi, arrêté en octobre 2017, qu'il était mort dans un «accident de voiture »… Le 19, le militant écologiste irano-américain Ashfeen Sheikhollah, libéré de prison cinq semaines auparavant, a été de nouveau arrêté alors qu'il rendait visite à ses parents à Sanandaj. Aussi à Sanandaj, la militante écologiste Faranak Jamshedi a été arrêtée le 21. Le 23, le militant kurde Sirwan Rahimi a été arrêté à Dehgolan (WKI).
Le 30, Amnesty International a attiré l’attention sur le sort du Kurde de Syrie Kamal Hassan Ramezan Soulo, détenu depuis trois ans en Azerbaïdjan Occidental, torturé et menacé d’exécution: ses geôliers de l’Etelaat refusent de reconnaître sa véritable identité, malgré deux décisions de justice récusant leurs affirmations que Soulo est en fait un haut responsable du PJAK, Kamal Soor, condamné à mort par contumace en 2011 après l’attaque d’un poste de police… Amnesty appelle à écrire au responsable du pouvoir judiciaire, Ebrahim Raisi, pour demander la libération de Kamal Hassan Ramezan Soulo (Fr.:->, Eng.: ->). Le même jour, l’activiste iranien Rouhollah Zam, exilé en France mais attiré puis enlevé à Bagdad en octobre 2019 avant d’être transféré en Iran, a été condamné à mort pour espionnage. Il avait notamment dévoilé sur sa chaîne Telegram appelée Amadnews l’existence de 63 comptes bancaires au nom de l’ancien chef de l’appareil judiciaire, Sadegh Amoli Larijani, où avaient été versés des cautions déposées par des accusés et des dommages financiers versés par des condamnés…
À l’étranger, un ancien responsable du PDKI, Sadegh Zarza, 64 ans, a survécu le 20 à une tentative d’assassinat aux Pays-Bas. Poignardé à de nombreuses reprises par un Iranien de 38 ans avec lequel il avait rendez-vous, et qui a été arrêté, il demeure toutefois dans un état critique (Kurdistan-24). Sa famille a accusé le régime iranien, qui a déjà fait assassiner de nombreux opposants à l’étranger.
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Le territoire de l’Administration autonome de l’Est syrien (AANES), qu’il est devenu habituel de désigner par le nom kurde de Rojava (Kurdistan de l’Ouest), bien que sa population soit loin d’être exclusivement kurde, est simultanément confronté à la guerre, à l’épidémie de coronavirus et à la pénurie d’eau. La dernière invasion turque à l’Est de l’Euphrate en octobre dernier a encore aggravé ce dernier problème. En occupant la région de Serê Kaniyê, les mercenaires djihadistes de la Turquie ont aussi pris le contrôle de la station de pompage d’Al-Alouk, qui approvisionne une région de près d’un demi-million d’habitants, dont la ville de Hassaké. Mise hors-service au moment de l’invasion puis réparée, la station a été stoppée depuis plusieurs fois. Par ailleurs, selon l’ONG britannique Solidarity Economy Association, «les forces militaires turques et leurs alliés ne cessent d’attaquer les infrastructures hydrauliques, d’incendier les vergers nouvellement plantés et d’endiguer les cours d’eau qui fournissent à la Syrie la majeure partie de l’eau douce et de l’électricité». L’usage de l’eau comme arme n’est pas une première pour la Turquie, qui avait dès 2015 utilisé ses nombreux barrages sur l’Euphrate pour limiter le débit entrant au Rojava… En partenariat avec plusieurs autres ONGs, l’organisation britannique a lancé une campagne appelée «De l’eau pour le Rojava». Son but: collecter 100.000 £ pour aider les communautés locales à entretenir les infrastructures hydrauliques, voire en installer de nouvelles, puits, pompes ou systèmes d’irrigation agricole. Le site de la campagne : https://www.crowdfunder.co.uk/water-for-rojava (RojInfo).
En plus du manque d’eau, alors que l’économie syrienne, minée par neuf ans de guerre, est menacée d’effondrement, les agriculteurs du Rojava sont aussi confrontés, comme chaque été, à de nombreux incendies, dont certains criminels… Il faut maintenant 2.300 livres syriennes pour obtenir un dollar, contre 1.000 en début d’année (et 50 avant la guerre, autant dire à l’époque préhistorique…), et la situation des familles devient de plus en plus critique. Côté régime de Damas, 80% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté. Une pénurie de blé pourrait provoquer des troubles aussi bien dans les territoires contrôlés par le régime que dans ceux tenus par l’AANES. Le blé de l’Euphrate est donc vital. Les fermiers kurdes n’ont guère envie de traiter avec le régime, mais celui-ci part avec un avantage: il propose 400 livres syriennes le kilo, contre seulement 315 pour l’AANES… Celle-ci devrait tenter de contrer en soutenant le cours du blé, et peut-être aussi en imposant une taxe de sortie qui rétablirait l’équilibre…
Par ailleurs, la crise économique risque encore de s’amplifier, car les États-Unis vont imposer à compter du 17 du mois des sanctions économiques à la Syrie au titre du Caesar Syria Civilian Protection Act, nommé d’après le pseudonyme du photographe de la police militaire syrienne qui avait fait défection en 2013 en diffusant 55.000 clichés montrant des civils torturés par celle-ci. D’une dureté sans précédent, ces sanctions viseront non seulement de manière ciblée de nombreux responsables politiques syriens, mais aussi toutes les entreprises étrangères en relations avec le régime, ce qui pourrait avoir un impact important sur la reconstruction du pays. Si, comme l’a déclaré le 9 Fawza Yousef, l’une des responsables du PYD, l’objectif est d’abord de punir le régime et de protéger les civils, et que les responsables américains ont promis à l’AANES qu’elle bénéficierait d’exemptions, il n’en reste pas moins que le Rojava est considéré au niveau international comme appartenant à la Syrie, et que ses habitants seront affectés .
Parallèlement, les discussions intra-kurdes «pour l’unité», annoncées courant avril, se sont poursuivies avec l’annonce en début de mois par le commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, leur principal initiateur, du succès de leur «première étape». Lancées avec des médiations notamment américaine et française, ces discussions visent à résoudre les différends entre les partis kurdes au pouvoir en Syrie (le PYD et les partis qui lui sont alliés au sein du front TEV-DEM), et le Conseil national kurde (ENKS, Encûmena Niştimanî ya Kurdî li Sûriyê), dont certains membres sont basés en Turquie, un pays toujours très opposé à l'unité kurde en Syrie… Le 17, après plusieurs rounds de négociations tenus à Hassaké, les deux camps ont annoncé être parvenus la veille au soir à un accord qualifié d’«historique» pour le renforcement de leur coopération. Leur déclaration commune fait état d’une «conclusion satisfaisante» du «premier cycle de négociations pour l'unité kurde», avec l’arrivée à «une vision politique commune sur la base de l’accord de Duhok de 2014 sur la gouvernance et le partenariat dans l'administration et la défense». L’accord du 16 devrait donc fournir la base permettant de poursuivre les discussions. Cependant, le chemin parait encore long pour parvenir à un accord opérationnel. L’accord de 2014 prévoyait en effet un partage du pouvoir à égalité entre les deux tendances et la fusion de leurs forces militaires, des points qui ne sont jamais arrivés à application… Mais cette fois, les discussions se sont tenues au Rojava, ce qui donne davantage de poids à l’accord obtenu, et d’autre part, le jeu en vaut la chandelle: parler d’une même voix pourrait permettre aux Kurdes de Syrie de surmonter l’opposition turque pour participer enfin aux discussions sur l’avenir de la Syrie menées à Genève sous l’égide de l’ONU. Celles-ci devraient reprendre dès que la situation sanitaire le permettra, peut-être fin août.
Très probablement une conséquence des progrès dans ces discussions, le 27 juin, pour la sixième année jour pour jour après l’incident d’Amouda, les YPG ont présenté leurs excuses aux familles des victimes de celui-ci. Les 27 juin 2013, des combattants des YPG avaient ouvert le feu sur un groupe de manifestants rassemblés devant le bureau de la Sécurité de la ville (Asayish) pour demander la libération de jeunes protestataires, tuant six personnes. Le porte-parole des YPG, Nouri Mahmoud, a dans une déclaration diffusée en vidéo qualifié l’événement de «catastrophe», précisant: «En tant que commandement général des Unités de protection du peuple, nous considérons être responsables de cet événement malheureux», et a attesté de la volonté des YPG d’apporter une compensation morale et matérielle aux familles.
À Afrin, les exactions des mercenaires djihadistes de la Turquie se poursuivent. Le 1er juin, suite à la découverte lors d’affrontements entre différentes factions d’une prison secrète où étaient retenues et torturées des dizaines de femmes kurdes, un groupe de femmes déplacées de cette région a envoyé une lettre ouverte au Secrétaire-Général des Nations Unies António Gutteres, à la Haut-commissaire des Nations Unies pour les droits humains Michelle Bachelet, et au président de la Commission d’enquête internationale sur la Syrie Paulo Pinheiro. Elles y dénoncent les graves violations de toutes les lois internationales perpétrées par ces milices, qui «ne diffèrent en rien» de l’esclavage sexuel pratiqué par Daech, et demandent «à la communauté internationale et aux instruments internationaux appropriés», entre autres d’agir immédiatement pour mettre fin à des violations qui perdurent depuis plus de deux ans, de mettre en place un comité international d’enquête pouvant juridiquement initier des poursuites contre les auteurs, et de mettre fin à l’occupation turque (Kedistan). Parmi les prisonnières libérées, dont des Yézidies, certaines avaient de 13 à 16 ans, d’autres avaient été kidnappées à Idlib, région aussi sous contrôle turc…
Le 5, le corps d’une jeune fille de 16 ans enlevée le 23 mai à Afrin par des mercenaires pro-turcs de la brigade Sultan Murad, une composante djihadiste de la soi-disant «Armée nationale syrienne», a été retrouvé criblé de balles dans un champ près d’Azaz (RojInfo). Le 9, onze civils ont à leur tour été enlevés à Afrin, huit par les mercenaires du groupe Al-Jabhat al-Shamiya (dont deux ont été libérées contre rançon), et trois par Sultan Muhammad Fateh. Malgré la peur inspirée par ces groupes, les habitants du district de Mabata, d’où étaient originaires les kidnappés, ont manifesté contre l’occupation, de même que des centaines d’habitants de Tel Abyad / Girê Sipî, qui ont exigé la libération des civils, dont des femmes, enlevés là aussi par les mercenaires (Kurdistan au Féminin). Le 11 à Afrin, un homme kurde de 80 ans, Aref Khalil, enlevé lors du pillage de sa maison, a été retrouvé mort au bord d’un lac (WKI). Le 18, un autre habitant d’Afrin enlevé la semaine précédente a été retrouvé mort dans un champ près d’Azaz. À cette date, selon RojInfo on comptait au moins 500 cas de remise de rançons allant de 3.000 à 100.000 euros, des montants choisis selon les possibilités de la famille…
Les militaires turcs et leurs mercenaires djihadistes poursuivent aussi attaques et tentatives de nettoyage ethnique contre les implantations situées juste au-dehors de leur zone de contrôle. Comme ils l’ont fait avec les oliveraies d’Afrin, ils n’hésitent à détruire les ressources agricoles d’une région pour forcer les habitants à partir. Ainsi le 2 juin, au sud-ouest de la ville chrétienne de Tal Tamr, ils ont incendié à l’artillerie depuis l’autoroute M4 les champs de céréales des villages d’Amiriya, Arbihin et Lalan, puis ont tiré sur les civils qui tentaient d’éteindre le feu (ANF). L’agence Hawar News a estimé en fin de mois que ces incendies criminels ont emporté plus de 1.600 ha depuis janvier (sur 344.000 pour l’ensemble du Rojava). Ces méthodes sont les mêmes que celles utilisées simultanément par Daech à Deir Ezzor (WKI).
Le soir du 23, une frappe de drones turcs sur le village d’Helincê, près de Kobanê, a tué trois femmes de Kongra Star, dont l’une avait participé à la bataille de Kobanê contre Daech, et blessé un nombre indéterminé de civils . L’attaque a provoqué une manifestation devant la base militaire russe de la ville, les habitants accusant la Russie, qui contrôle Kobanê depuis le départ des Américains, d’avoir autorisé cette frappe turque contre des civils (WKI).
Autre menace loin d’avoir disparu, Daech, organisation contre laquelle les FDS ont annoncé le 4 dans un communiqué le lancement d’une campagne baptisée «Dissuasion du terrorisme», en coopération avec la coalition internationale, incluant les forces de sécurité irakiennes. Face à la récente augmentation des attaques, notamment dans la province de Deir Ezzor, l’objectif est de «traquer les cellules de l'organisation dans l'est du pays, le long de la rivière Khabour et de la frontière syro-irakienne» (AFP). Les premiers résultats apparaissaient le 6 avec l’arrestation de 17 suspects. L’opération n’est pas exempte de considérations politiques intérieures, une trop grande insécurité à Deir Ezzor, majoritairement arabe, risquant de miner la légitimité de l’AANES. La campagne a pris fin après une semaine, des raids sur 56 objectifs frontaliers, et la capture de «110 terroristes et suspects» (WKI).
Le soir du 29, les détenus djihadistes d’Hassaké se sont mutinés durant plusieurs heures, avant que les FDS ne parviennent à reprendre le contrôle, assistés d’hélicoptères américains. L’OSDH a rapporté que les prisonniers demandaient des procès équitables et la possibilité de voir leurs proches. Des mouvements semblables avaient déjà touché l’établissement en mars puis en mai.
Enfin, dans la nuit du 21 au 22 juin, la France a rapatrié de Syrie dix enfants de djihadistes français retenus dans des camps de déplacés de l’AANES, que le ministère français des Affaires étrangères, qui n’a pas précisé leur lieu d'arrivée, a «remercié» pour sa «coopération». Depuis la perte par Daech de son territoire en mars 2019, la France a ainsi rapatrié 28 enfants. Le Collectif Familles Unies, qui regroupe des proches de ces enfants en France, a de nouveau réclamé le rapatriement de «l’ensemble des enfants avec leurs mères, comme le demandent l’ONU, l’UNICEF, le CICR, le CNCDH...». Rien que dans le camp d’Al-Hol, 517 personnes, dont 371 enfants, sont morts en 2019 (AFP), et il resterait encore 900 enfants dans les trois camps du Rojava. La délégation française, dirigée par Eric Chevallier, a également discuté du récent dialogue intra-kurde (WKI).
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Ce mois-ci, le racisme anti-kurde est revenu sur le devant de la scène en Turquie, puisque juin a commencé avec l’assassinat d’un jeune Kurde à Ankara: Barış Çakan, 20 ans, a été poignardé à mort le 1er par trois ultranationalistes après une altercation causée par la musique. L’agence kurde Mezopotamya a indiqué qu’il avait été tué parce qu’il écoutait de la musique kurde, ce qui a poussé le HDP à dénoncer «l’esprit raciste» nourri par la politique de l’AKP au pouvoir. Après que l’événement ait suscité une polémique dans le pays, le père du jeune homme en a ensuite présenté une version différente, ce qui a nourri le soupçon de pressions des autorités (WKI). Dans cette seconde version, la dispute aurait éclaté au contraire parce que la musique écoutée par les trois meurtriers dans leur voiture couvrait l’appel à la prière… Mais des proches ont bien témoigné de pressions sur la famille pour qu’elle modifie ses premières déclarations (The Guardian). Quelle que soit la vérité dans ce cas précis, il reste qu’être Kurde en Turquie signifie être discriminé, comme le montrent depuis des années des incidents réguliers. Un autre Kurde, d’Istanbul cette fois, Mehmet Nuri Deniz, l’a expérimenté lorsque, après avoir perdu son emploi en raison de l’épidémie, il est venu le 5 du mois demander une aide sociale au bureau du sous-gouverneur de Şişli pour payer son loyer. Après lui avoir promis deux mois de loyer, le bureau ne lui a finalement envoyé qu’un tiers d’un mois, «comme une moquerie», a-t-il déclaré. Revenu s’informer, il a été accueilli par ces mots: «Est-ce que nous devons te donner de l'argent? D’où que tu viennes, retournes-y! Voilà un Kurde venu de Bitlis, qui veut vivre à Nişantaşı! Retourne dans ton village, qui es-tu pour vivre à Nişantaşı!». Le ton est monté, et Deniz a été sévèrement battu puis expulsé par la sécurité du bureau. Muni d’un rapport médical, il est allé porter plainte, assisté de l’avocate Eren Keskin. Le 15, le bureau du sous-gouverneur a déposé plainte contre lui… (Bianet). Autre rapport, cette fois de Başkale (Van), le 14, où des soldats turcs ont tué Emrah Görür, un civil kurde de 20 ans qui irriguait son champ, et blessé une autre personne. Selon des témoins, Görür a été d’abord étouffé avec un foulard avant d’être exécuté par balle.
L’épidémie de coronavirus ayant montré un certain ralentissement fin mai, la Turquie a engagé une phase de normalisation le 1er juin, avec la réouverture de lieux comme les cafés et restaurants et l’allègement des contrôles sur les voyages intérieurs. Mais cela ne signifie pas la fin de l’épidémie. Le virus a continué à se propager, et en particulier au Kurdistan, une des régions les plus pauvres du pays. Le 1er juin, on comptait selon le ministère de la Santé 162.120 cas cumulés et 4.489 décès en Turquie, dont 28 morts et 1.141 nouveaux cas en 24 h. Plusieurs organisations professionnelles, dont celle des médecins, ont appelé à voter des lois sanitaires pour éviter une deuxième vague. Le pouvoir, lui, a continué à utiliser le virus comme prétexte à la répression: le 4 juin, le ministère de l’Intérieur a indiqué que 520 personnes avaient été incarcérées, dont 11 ensuite arrêtées, pour des posts «provocateurs» sur les réseaux sociaux et que des poursuites légales ou administratives avaient été lancées contre le nombre incroyable de 496.841 personnes n’ayant pas respecté les mesures anti-coronavirus! Le 10, l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a publié une déclaration (->) appelant les autorités turques à cesser les enquêtes contre les responsables des associations médicales de Mardin, Şanlıurfa et Van, accusés depuis mars de «déclarations menaçantes visant à créer la peur et la panique au sein du public». Conséquence, beaucoup de médecins préfèrent s’autocensurer de peur d’être inculpés s’ils informent le public sur la COVID-19. Le 12, les responsables des Chambres médicales de Diyarbakır, Elazığ, Dersim, Bingöl, Urfa et Van ont indiqué que le nombre de nouveaux cas avait recommencé à augmenter depuis la normalisation, une information confirmée le lendemain par le ministre de la Santé Fahrettin Koca, qui a annoncé un record de 1.459 nouveaux cas en 24 h. Le 18, était annoncée la mort de six détenus, sur 72 cas actifs dans les prisons, et le port des masques à l’extérieur était rendu obligatoire dans 50 des 81 provinces du pays (Bianet).
En fin de mois, l’inquiétude s’est exprimée ouvertement sur la situation sanitaire au Kurdistan. Le site Ahval a dressé le 25 un tableau particulièrement sombre de la situation dans la province de Cizre, où les hôpitaux de différentes villes, Cizre, Silopi et İdil, étaient saturés, surtout depuis les rassemblements liés à l’Aïd, et où au moins 200 maisons étaient placées en quarantaine. La situation se dégrade aussi sur le plan économique, l’épidémie frappant une région déjà sinistrée par les années de guerre. Le président de la Chambre de commerce de Diyarbakir, Mehmet Kaya, tirant les conclusions d’une enquête menée dans la province, a réclamé le 29 un plan d’aide spécifique pour les provinces de l’Est et du Sud-Est – grossièrement le Kurdistan de Turquie. Ce même jour, on comptait dans tout le pays 20.000 cas actifs de COVID-19, plus de 1.000 patients en soins intensifs, et 1.300 nouveaux cas en 24 h…
Parallèlement, les autorités turques ont poursuivi leur répression systématique du HDP. Le 4, deux députés du HDP, Leyla Güven (Hakkari) et Musa Farisoğulları (Diyarbakir), ainsi que le député CHP Enis Berberoğlu, ont été démis de leur mandat lorsque le vice-président du Parlement Süreyya Sadi Bilgiç a, malgré les protestations, lu en séance la décision de justice les concernant. Güven et Farisoğulları avaient été condamnés à des peines de prison dans l’affaire du KCK (Union des Communautés du Kurdistan), l’acte d’accusation contre Güven mentionnant également son opposition à l’invasion d’Afrin. Berberoğlu avait quant à lui été condamné pour sa participation à la diffusion d’images montrant des livraisons d’armes du MIT à des rebelles syriens. Tous trois ont été rapidement incarcérés, mais Berberoğlu a été placé en résidence surveillée le jour suivant en raison des risques sanitaires, et Güven, ayant déjà purgé six ans de prison pour ces affaires, a été relâchée le 9. Elle a déclaré à Rûdaw qu’elle ne comprenait pas comment elle pouvait être privée de son mandat sur la base d’un acte d’accusation préparé par des juges depuis emprisonnés pour terrorisme en raison de leurs liens avec le prédicateur Fethullah Gülen…
Le même jour, la maire HDP de Bismil (Diyarbakir), Cemile Eminoğlu, a également été incarcérée (Duvar English, Ahval). Avant son arrestation, Leyla Güven a dénoncé l’opération comme un «coup d’État» visant à couper la politique kurde des bases démocratiques, ajoutant: «Nous sommes confrontés à un fascisme qui vise les tombes, les cadavres et l’existence des Kurdes». À Diyarbakir, de nombreux politiciens et femmes militantes kurdes ont été arrêtés dans des raids policiers les 7 et 8, dont Gülistan Nazlıer, de l’association de protection des femmes Rosa et plusieurs responsables locaux du HDP, du DBP et du syndicat DISK, et le 9, six autres personnes ont été arrêtées, dont un conseiller municipal de Bağlar, Vahit Doğru, de plusieurs membres de l’Association de Soutien aux Familles des Détenus (TUAY-DER), dont deux de ses dirigeants, Mehmet Emin Güzel, et Şafi Hayme. Les locaux du TUAY-DER ont également été perquisitionnés et selon son épouse, Hayme, elle-même et leur fille ont été frappés et menacés de leurs armes par les policiers durant l’interpellation. Le 8, six autres membres et dirigeants du HDP ainsi qu’une membre de l’association de femmes Rosa et un syndicaliste ont été incarcérées pour «participation à une organisation illégale». Le 22 mai déjà, 18 personnes avaient été incarcérées dans le cadre d’une enquête contre Rosa. Le 17, les co-maires HDP de la commune d’Ipekyolu (Van), Azim Yacan et Şehzade Kurt, révoqués et remplacés par des administrateurs en novembre 2019, ont été condamnés respectivement à sept ans et trois mois et six ans et trois mois de prison pour «appartenance à une organisation illégale». Şehzade Kurt a été libérée avec assignation à résidence. Le 22 tôt le matin, 18 personnes ont été incarcérées à Batman, dont l’ex-co-maire HDP d’Ikiköprü, Hatice Taş, démise et remplacée par un administrateur en décembre 2019, ainsi qu’un conseiller municipal et plusieurs employés de la mairie. Parallèlement, l’administrateur nommé pour remplacer le maire de Batman a profité de la rénovation de 49 passages piétons de la ville pour en faire supprimer les indications en kurde. Le même jour, l’ancienne co-maire de Nusaybin, Sara Kaya, destituée en janvier 2017, a été condamnée à 16 ans de prison, notamment pour «participation à une organisation illégale». Le parquet avait demandé la perpétuité… Le 23, les deux co-maires HDP de Sarıcan (Elaziğ), Bekir Polat et Canan Tagtekin, ainsi qu’un responsable local du HDP, Mehmet Sari, ont été incarcérés dans un raid policier, tandis que l’armée encerclait la mairie (RojInfo). Le vice-gouverneur a été nommé administrateur.
Le 24, à l’issue d’un grand procès tenu à Malatya où comparaissaient 79 accusés, 68 politiciens et activistes kurdes, dont l’ancien maire de Cizre, Mehmet Zırığ, ont été condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans de prison pour «appartenance à une organisation terroriste» (T24). Là encore, l’acte d’accusation avait été préparé par des juges emprisonnés depuis pour leur appartenance au mouvement güleniste… (Rûdaw). En fin de mois, près de 70 personnes supplémentaires ont été arrêtées: 24 personnes à Batman, dont les deux co-maires démis d’İkiköprü, Hatice Taş et Osman Karabulut, 5 autres à Pazarcık (Maraş), et 43 à Diyarbakir, pour la plupart des membres du Congrès pour une société démocratique (DTK), dont Rojbin Çetin (WKI), qui a été victime lors de son arrestation de violences graves sur lesquelles nous reviendrons plus bas.
Pour réagir à la poursuite de la répression dont il est l’objet, le HDP a décidé d’organiser du 15 au 20 juin une «Marche pour la démocratie et contre le coup d’État» au cours de laquelle deux cortèges partis chacun d’une extrémité du pays se rejoindront à Ankara, après des étapes donnant lieu à autant de rassemblements et de conférences de presse tout au long du chemin. Présentant les détails de l’opération le 11, la co-présidente du HDP Pervin Buldan a annoncé qu’elle prendrait la tête du cortège parti d’Edirne (lieu d’emprisonnement des anciens co-présidents du HDP Figen Yüksekdağ et Selahattin Demirtaş), tandis que celui venu d’Hakkari serait dirigé par son collègue masculin Mithat Sancar. Déclarant que le pouvoir ne parviendrait pas à les faire reculer dans leur lutte pour la démocratie et la liberté, Buldan a également annoncé la publication d’un document rassemblant les revendications des marcheurs, dont la rédaction d’une nouvelle constitution: «Ce dont la Turquie a le plus besoin maintenant, c'est changer immédiatement cette Constitution qui nie les peuples et restreint les libertés». Dès avant le début de la marche, les gouverneurs de seize provinces qu’elle doit traverser ont interdit les manifestations. Le gouverneur de Tekirdağ a notamment expliqué que la marche menacerait l'ordre public et affaiblirait la lutte de la Turquie contre la pandémie en violant les directives de distanciation sociale… (Ahval) Alors que la marche démarrait, le 15, la police a cerné les locaux du HDP à Edirne, et a arrêté des dizaines de participants à Hakkari, Van, Silivri, et Istanbul, faisant parfois usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour tenter de disperser les rassemblements. Le groupe d’Edirne est arrivé à Ankara après avoir visité İstanbul et Kocaeli. Le groupe de Hakkari a rejoint Ankara en passant par Van, Bitlis, Diyarbakır, Urfa, Antep et Adana. Presque tous les événements organisés au cours de la marche se sont déroulés avec une forte présence policière, et de nombreux marcheurs ont été arrêtés. Durant ces six jours de marche, selon Garo Paylan, député HDP de Diyarbakir, «la force mise en œuvre était pire que jamais: soldats, police, hélicoptères, armes à feu partout»…
Durant ce mois, plusieurs cas de violences policières ou de tortures en prison ont émergé, et notamment l’agression subie lors de son arrestation chez elle par l’ancienne co-maire HDP d’Edremit (Van) Rojbin Çetin. Avant d’entrer dans son appartement à Diyarbakir, la police anti-terroriste y a envoyé deux chiens qui l’ont mordue aux jambes. Selon les témoignages, elle a ensuite été agressée puis photographiée par les policiers partiellement dévêtue (Ahval).
Dans un autre cas, un membre du MHP a publié le 1er juin sur son compte Twitter la photo d’un homme subissant des tortures dans un commissariat de Diyarbakir. Le barreau de la ville a dénoncé la «politique d’impunité» qui a permis à la torture de devenir pratique courante. Le 18, le ministre de la Justice, répondant à une question posée sept mois plus tôt par le député CHP Sezgin Tanrıkulu, a indiqué que 396 prisonniers avaient déposé des plaintes pour torture depuis le 1er octobre 2019, ajoutant qu’une unité spéciale avait été créée pour examiner ces cas au sein de la Direction des prisons, dépendant de son ministère. Cela n’a pas empêché le président de la Commission des droits de l’homme du parlement, Hakan Çavuşoğlu, quatre jours plus tard, le 22, de répondre à une question parlementaire du député HDP Ömer Gergerlioğlu en déclarant: «Nous constatons avec plaisir qu’il n'y a pas de plaintes pour torture ou coups et blessures dans les établissements pénitentiaires»! Au moins cette question a-t-elle obtenu une réponse, toute insatisfaisante qu’elle soit: au cours de la session parlementaire, le ministre de la Justice n’a répondu qu’à 154 des 3.553 questions parlementaires reçues, ce qui en dit long sur le rôle du parlement… Le 23, la section de Diyarbakir de l’Association de défense des droits de l’homme İHD a publié un rapport où elle indique que dans les dix dernières années, 690 personnes ont fait appel à elle à propos de cas de torture, dont 45% en prison, avec une augmentation en nombre durant les trois dernières années (118 plaintes entre 2010 et 2015, mais 217 pour 2016-2019)… (Bianet) La torture et les violences, notamment celles infligées aux femmes, semblent malheureusement appartenir à la culture étatique turque, comme en témoignent les chiffres publiés récemment par la plate-forme «Nous stopperons les féminicides» (Kadın Cinayetlerini Durduracağız Platformu – KCDP), qui concernent aussi bien la Turquie elle-même que les territoires qu’elle occupe en Syrie: en Turquie en 2019, on comptait au moins 474 femmes tuées, dont plus de la moitié dans des lieux publics, et plus de 146 depuis janvier 2020. Dans les zones occupées en Syrie, elles sont 564. Mais selon l’organisation des droits de l’Homme du nord et de l’est de la Syrie, dans les régions sous occupation turque (Jérablous, Azaz, al-Bab, Afrin, Tal-Abyad et Serêkaniyê), plus de 1.564 femmes ont été exposées à des exactions allant des enlèvements aux meurtres en passant par des violences physiques et des viols (Kurdistan au Féminin).
Enfin, dans un tout autre domaine, le Kurdistan de Turquie a été frappé par trois tremblements de terre ce mois-ci: deux à Bingöl le 14 et le 15, qui ont fait une victime, et un troisième à Van le 25, qui a blessé légèrement cinq personnes et endommagé plusieurs maisons.
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A signaler trois projets culturels différents qui ont abouti à des sites internet très différents, mais tous enrichissants.
Les archives de Radio Erevan. Durant ces longues années où la langue kurde était totalement interdite en Turquie, les Kurdes de ce pays pouvaient se tourner vers Radio Erevan, Radyoya Erîvanê, en Arménie, pour écouter des programmes dans leur langue. Il y avait des actualités mais surtout de la musique traditionnelle. Démarrés dès les années 30, puis fermés à l’époque du stalinisme en 1937, les programmes reprirent en 1955 sous la direction de Casîmê Celîl. Les Kurdes attendaient avec impatience ces 15 mn diffusées trois fois par semaine… Selon le responsable des archives de la radio, Artur Ispiryan, celles-ci contiennent plus de 10.000 enregistrements de chansons populaires kurdes. Une copie des principaux enregistrements est conservée dans les archives de l’Institut kurde de Paris où ils ont été numérisés, nettoyés ,répertoriés. Une sélection de ces enregistrements est depuis 2018 diffusée par notre radio web KURD 1.
De son coté, l’Institut culturel germano-kurde (Deutsch-Kurdisches Kulturinstitut), après avoir commencé en avril dernier à publier en ligne 900 chansons numérisées provenant de ces archives, vient de les transférer le 26 juin sur un support plus traditionnel: un recueil papier en quatre volumes rassemble la transcription des chants, notes et paroles, grâce au travail accompli durant quatre ans par une équipe dirigée par le musicologue et artiste kurde Cewad Merwanî. Les livres sont accompagnés d’un DVD contenant les chansons.
Chaîne Youtube du Deutsch-Kurdisches Kulturinstitut: https://www.youtube.com/c/DeutschKurdischesKulturinstitut
Page Youtube des chansons numérisées par l’Institut :
https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_lTujIdEUgvyBUbBB86E_ZrM8ybTe4fr-M
«Big Village». Autre publication, cette fois exclusivement sur le web, le site d’un documentaire cinéma interactif appelé «Gewrede», en kurde, «Grand village», dû à la réalisatrice kurdo-néerlandaise Beri Shalmashi, qui a travaillé en collaboration avec l’historien Lyangelo Vasquez. Il ramène à la vie un lieu qui n’existe plus que dans les mémoires des acteurs de la révolution kurde des années 80 en Iran, un village créé par les pechmergas du PDKI qui finit bombardé par l’armée iranienne du régime de Khomeiny.
Le projet est né d’une demande faite à Shalmashi de contribuer à un podcast sur la vie antérieure des réfugiés kurdes. Elle a alors réalisé qu'elle n'avait aucun souvenir de cette période de sa vie (elle était alors juste un bébé) et qu'elle n'avait jamais questionné son père, un ancien cadre du PDKI, à ce propos (sa mère est décédée il y a des années). Elle a alors commencé à poser des questions, à rassembler de la documentation, des séquences de films… Le projet est progressivement devenu ce documentaire interactif où l’on peut trouver interviews, images, cartes, séquences vidéo de l’époque… Shalmashi explique qu’elle n’a pas cherché à réellement recréer le village, mais plutôt à transmettre l’esprit de liberté qu’on y respirait aux nouvelles générations.
On peut suivre le documentaire comme on le ferait dans une salle de cinéma ou à la télévision, en restant passif. Mais on peut aussi interagir avec le village virtuel en cliquant sur un lieu que l’on souhaite explorer plus précisément…
https://bigvillagestory.com/en
Le patrimoine immatériel syriaque. Ce troisième site web est l’aboutissement d’un projet visant à sauvegarder le patrimoine immatériel représenté par les pratiques culturelles de la communauté syriaque de la région de Mardin – et d’avertir sur les risques qu’il court. Il met à la disposition du public une grande quantité de documentation sur ce patrimoine, non pas seulement pour le bénéfice des Syriaques eux-mêmes, mais en raison d’une richesse culturelle qui selon les auteurs apporte des bénéfices à toute la région: «La région, appelée Tur Abdin dans la tradition syriaque, a abrité une société à caractère multilingue, multiethnique, multiculturel et multireligieux. Les communautés de cette société comprenaient des musulmans, des chrétiens et des Yézidis, et on y parlait tout au long de l'histoire aussi bien le turc que l’arabe, le kurde et le syriaque». Il s’agit pour les réalisateurs du projet de promouvoir aujourd’hui cet aspect multiculturel face aux menaces qui le guettent.
https://intangiblesyriac.org/index.php
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