Tandis que le président turc poursuit sa répression impitoyable du parti « pro-kurde » HDP, et utilise par ailleurs tous les moyens possibles pour s’assurer toujours plus de contrôle sur la société turque, n’hésitant pas pour ce faire à utiliser la situation de pandémie du COVID-19, l’opposition non-HDP, l’«Alliance de la nation», demeure dans l’ambiguïté en entretenant la division. Ses membres, le CHP (kémaliste, ancien parti unique) et IYI (« Bon parti », une scission du parti d’extrême-droite MHP ayant refusé l’alliance avec l’AKP, le parti islamiste du président turc) refusent toute solidarité avec le HDP. En reprenant le discours d’Erdoğan selon lequel ce parti «doit prendre ses distances avec le PKK», ils renforcent ainsi sa stratégie qui vise à délégitimer le HDP et contribuent à l’augmentation constatée du racisme antikurde dans le pays.
Pourtant, le HDP, situant son action dans un cadre exclusivement politique, a toujours refusé d’appeler à la violence – alors que, pour sa part, le pouvoir ne se prive pas d’y recourir de manière toujours plus extrême. Dans une longue interview accordée depuis sa cellule au journal Cumhuriyet et publiée le 21 juillet, son ancien coprésident, Selahattin Demirtaş, a rappelé une évidence: si l’opposition veut réellement battre Erdoğan aux prochaines élections, elle devra bien accepter à un moment une forme de coopération avec le HDP, même si celui-ci ne demande pas une alliance formelle: «À mon avis, il est nécessaire de parvenir à un consensus sur une nouvelle constitution, un système parlementaire démocratique, la liberté d'association, la liberté d'expression et la liberté de la presse, et un système judiciaire indépendant et impartial», a-t-il déclaré (Ahval). Pour Demirtaş, l’opposition doit cesser d’entrer dans le jeu du pouvoir et renouer avec le public pour élaborer ses propres propositions au travers de diverses consultations démocratiques. Interrogé sur le mouvement kurde en Turquie, Demirtaş l’a comparé à celui des Africains-Américains aux États-Unis après le meurtre de George Floyd, préférant clairement ancrer le HDP à gauche plutôt que de le réduire à un mouvement kurde: «Aujourd'hui, la plus grande cause de pauvreté, de chômage, de faim, de misère, de mort, de guerres et d'exploitation est le système capitaliste néolibéral. Le seul antidote au capitalisme est le socialisme», a-t-il déclaré (Ahval). Quelques jours plus tard, le 27, le tribunal a décidé du maintien en détention de Demirtaş et de l’ancienne co-présidente du HDP, Figen Yüksekdağ.
Quant à la violence, elle est d’abord le fait de l’État. Alors que la constitution turque interdit explicitement la torture, les cas et les plaintes s’envolent. Selon le décompte de la Fondation des droits de l'homme (TİHV), une personne sur 500 en a été victime. L’un des derniers cas en date est celui de la défenseuse des droits des femmes et ex co-maire HDP d’Edremit, Sevil Rojbin Çetin: après avoir brisé sa porte à 5 h du matin, les policiers ont lâché chez elle deux chiens qui l’ont mordue aux jambes. Loin de la faire soigner, ils l’ont ensuite torturée durant plus de trois heures en l’insultant, en la menaçant, verbalement et avec une arme, déchirant ses vêtements puis la photographiant à moitié nue avant de poster les images sur les réseaux sociaux. Une enquête a été ouverte… contre son avocat, pour avoir diffusé dans la presse des photos de ses blessures! L’avocate Eren Keskin, vice-présidente de l'Association des droits de l'homme (İHD), a déclaré à Al-Monitor que la torture des femmes «en détention et durant leur arrestation» était devenue «habituelle». Les auteurs des faits de torture, quant à eux, ne sont jamais sanctionnés. Le 16 juillet, Rojbin Çetin, toujours incarcérée, a été inculpée d’«appartenance à une organisation terroriste».
Alors que la répression s’est récemment intensifiée à l’égard des femmes et que, comme le rappelle Amnesty International, «durant la pandémie de COVID-19, plusieurs cas très médiatisés de meurtres et de viols de femmes […] notamment par leur conjoint ou ex-conjoint, ont eu lieu en Turquie» (27 assassinats et 23 morts suspectes rien qu’en juin), les récentes déclarations appelant au retrait de la Turquie de la «Convention d’Istanbul» (Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, ne peuvent qu’inquiéter. Alors que la Turquie est le premier pays à l’avoir ratifiée et qu’elle est en vigueur depuis 2014, plusieurs députés AKP lui ont reproché de « perturber la structure familiale », et le vice-président de ce parti, Numan Kurtulmuş, a déclaré que les LGBT cherchaient à se «protéger derrière cette Convention». Le 23, la députée et porte-parole du Conseil des femmes du HDP Ayşe Acar a qualifié en conférence de presse ces déclarations d’inacceptables. Elle a rappelé plusieurs cas récents de viols de femmes kurdes par des sous-officiers turcs, en particulier la tentative contre une jeune fille de 13 ans à Şırnak et le viol d'une autre, de 17 ans, à Batman, accusant la coalition gouvernementale AKP-MHP de mener «une méthode de guerre spéciale» (Kurdistan au Féminin).
Parallèlement, M. Erdoğan continue à mettre au pas toutes les structures sociales constituant un risque pour son pouvoir personnel. Après les journalistes, il tourne maintenant son attention vers les avocats. Le 11 juillet, après quatre jours de discussions, le Parlement a adopté une réforme des barreaux très controversée. Pour l’AKP et son allié d’extrême-droite, le MHP, il s’agit comme l’a exprimé le chef de l’État de «mettre en place une structure des barreaux plus démocratique, plus pluraliste, avec un haut niveau de représentativité». Mais lorsqu’un autocrate parle de démocratie, il convient de se méfier… Le texte autorise la fondation de plusieurs barreaux dans chaque département comptant plus de 5 000 avocats – soit Istanbul (48 000), Ankara (18 000) et Izmir (10 000) –, à condition que chacun de ces nouveaux barreaux puisse réunir au moins 2 000 adhérents… Pour les avocats opposés à la réforme, il s’agit, sous couvert de démocratie et selon une technique déjà utilisée avec des syndicats ou d’autres organisations professionnelles, d’affaiblir les barreaux existants en les contournant pour en créer de nouveaux que l’on pourra peupler de partisans du pouvoir. La loi met aussi fin au mode de représentation proportionnel des barreaux auprès de l’Union des barreaux de Turquie (TBB): chaque barreau aura quatre délégués, plus un par tranche de 5 000 adhérents (Le Monde). Avec ce nouveau système, les petits barreaux, installés dans des zones plus rurales où l’AKP possède davantage de soutiens, verront augmenter leur influence, et les trois plus importants, Istanbul, Ankara, et Izmir, perdront la majorité relative qu’ils détiennent actuellement (221 délégués sur 477). 78 des 80 barreaux de Turquie ont signé une déclaration commune d’opposition à la réforme et ont organisé des manifestations avant le vote au Parlement. En vain. La Foundation for Defense of Democracies (FDD) fait remarquer que ce système, inspiré de celui de la République islamique d’Iran, divisera les avocats selon leur appartenance politique et «permettra aux procureurs et aux juges de favoriser les équipes de défense composées de membres des barreaux pro-gouvernementaux, en punissant les avocats qui appartiennent à des barreaux indépendants». Pour la FDD, cette réforme «affaiblira encore l'État de droit et le respect de la légalité en Turquie»…
Significativement, le même jour, le parlement a également adopté une loi autorisant l’armement des bekci, des «gardiens de quartier». Cette force de renforcement de la police, intégrée à celle-ci en 2008 après des décennies d’existence indépendante, en avait été de nouveau séparée en 2016, notamment pour suppléer à l’absence de nombreux policiers envoyés au Kurdistan. L’opposition craint que le gouvernement n’utilise ces bekci comme une nouvelle milice où il pourra recruter ses partisans (The Independent).
Le pouvoir a également poursuivi son harcèlement de toute activité politique kurde. En début de mois, l’ex co-maire HDP de Batman, Songül Korkmaz, arrêtée avec plusieurs membres de son conseil municipal, a été condamnée à Diyarbakir à six ans et trois mois de prison pour «appartenance à une organisation illégale». À Ankara, un rassemblement de commémoration du massacre de Sivas (qui avait fait 37 morts en 1993, principalement des Kurdes alevis, dans l’incendie volontaire de leur hôtel) a été dispersé par la police et trois des participants arrêtés. Neuf membres de l’«Assemblée des jeunes» du HDP ont aussi été arrêtés. À Erzurum, deux membres du DTP, Bermal Birtek et Ergin Balta, ont été condamnés à dix ans et six mois de prison. La semaine suivante, plusieurs femmes ont été incarcérées à Diyarbakir avant d’être accusées pour la plupart d’«appartenance» à et de «propagande» pour une «organisation terroriste». Le 8, des arrestations ont aussi touché Betül Yaşar, co-maire du district de Diyadin (Ağrı) et des membres du HDP à Izmir (5 personnes arrêtées), Urfa (3 arrestations), et Gaziantep (33 arrestations) (WKI).
Le 13, trois personnes ont été condamnées à perpétuité pour un attentat commis en 2016 à Istanbul contre un véhicule de police qui avait fait 12 morts, six policiers et six civils. Quatre autres suspects ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire. L’attentat avait été revendiqué par les «Faucons pour la liberté du Kurdistan» (TAK), un groupe scissioniste du PKK (AFP).
Le 15, le HDP a annoncé en conférence de presse la publication d’un rapport accablant sur la situation, intitulé Hostilité anti-kurde durant la pandémie (Salgin döneminde Kürt düşmanliği, ->). Couvrant la période courant du 11 mars (date de la confirmation officielle du premier cas de COVID-19 en Turquie) au 30 juin 2020, le rapport revient sur les révocations abusives et les remplacements par des administrateurs de trente co-maires et dénonce également l’usage des «couvre-feux imposés dans le cadre des mesures de lutte contre la pandémie» comme «prétexte à la violence de la police et des gardiens de quartier». Il cite plusieurs cas de citoyens «sortis acheter du pain, sortir leurs poubelles ou assis dans leur jardin […] insultés, obligés de s'allonger par terre et menottés dans le dos ou mis en joue avec une arme à feu». «Selon les données que nous avons pu obtenir […] durant ces trois mois et demi, lorsque l'épidémie était la plus intense, au moins 84 personnes ont été soumises à la torture et aux mauvais traitements».
Le 16, le journaliste de Die Welt Deniz Yücel, a été condamné en son absence (il a regagné l’Allemagne en février 2018 après un an d’incarcération) à deux ans, neuf mois et 22 jours de prison pour «propagande terroriste» pour le PKK. Une nouvelle inculpation a par ailleurs été lancée contre lui pour «insulte au chef de l'État»: il avait qualifié M. Erdoğan de «putschiste» (Le Figaro, AFP). Le 18, le même chef d’accusation a été porté contre la prisonnière politique kurde Sebahat Tuncel pour avoir qualifié dans un discours le président turc de «totalement misogyne». Ancienne co-présidente du DBP (Parti des régions démocratiques), arrêtée en octobre 2016 et condamnée en février 2019 à quinze ans de prison pour terrorisme suite à d’autres discours, elle risque à présent quatre ans d’emprisonnement supplémentaires… En 2019, 26.115 personnes ont fait l'objet d'une enquête pour «insulte au chef de l'État», dont 2.462 ont été condamnées et emprisonnées…
Le 20, se sont tenues plusieurs marches organisées par le HDP et parfois l’ESP (Parti socialiste des opprimés) pour commémorer l’attentat de Suruç, qui avait fait trente-trois morts et une centaine de blessés le 20 juillet 2015 dans cette ville kurde située face à Kobanê. À Ankara, la police a fait usage de gaz et de balles en caoutchouc pour disperser le rassemblement, qui comptait 300 participants. À Istanbul, dix-sept participants ont été arrêtés (WKI). Le 25, c’est le 800e rassemblement des mères du samedi place Galatasaray, à Istanbul, qui a été attaqué par la police. Trois proches de disparus, dont une mère âgée, ont été arrêtés (Kurdistan au Féminin). La dernière semaine du mois, d’autres membres du HDP ont été arrêtés à Diyarbakir et Şanlıurfa (WKI).
Le pouvoir a décidément un problème avec la mémoire historique. Le 30, un projet de loi soumis par le député HDP Murat Sansac et proposant la création d’un mémorial pour le massacre de Zilan en 1930, a été rejeté. Sansac avait soumis le 13 juillet, date anniversaire du massacre, un projet demandant l’annulation de la construction d’un barrage qui noiera le site où près de 15.000 civils kurdes ont été tués quand leurs villages ont été brûlés. Le président du Parlement, Mustafa Sentop, a rejeté le projet de loi en raison de l’inclusion des mots «massacre» et «kurde», déclarant qu'il contient «des remarques grossières et blessantes», ajoutant que le projet de loi pourrait être examiné si ces termes en sont supprimés (Duvar).
En fin de mois, un ancien enseignant au département de kurde de l’université Artuklu de Mardin, Selim Temo, a révélé que sur décision du Conseil de l’enseignement supérieur (YÖK), les étudiants des départements de langue kurde des universités turques ne sont maintenant plus autorisés à soumettre leurs mémoires en kurde. De même, les cours devront être donnés exclusivement en turc! Outre Artuklu, ces départements existent dans trois universités: Dicle (Tigre), à Diyarbakir, Bingöl et Muş. Temo lui-même a été démis de son poste d’enseignant par un décret d’urgence en 2017 pour avoir signé la pétition des «Universitaires pour la Paix».
Le mois de juillet a aussi été marqué par la décision, annoncée le 10 par le président turc, de retransformer en mosquée l’ex-basilique Sainte-Sophie. Cela faisait suite à l’invalidation quelques heures plus tôt par le Conseil d’État, saisi sur plainte d’une association musulmane proche de l’AKP, du décret de 1934 qui avait transformé l’édifice byzantin en musée, au motif que Sainte-Sophie, devenue une mosquée après la prise de Constantinople par Mehmet le Conquérant, en 1453, ne pouvait «pas être utilisée à d’autres fins que celle qui lui avait été assignée par le sultan»… Il s’agit clairement d’une décision politique symbolique destinée à redorer son image dans un contexte de crise politique, économique et sanitaire. Les réactions à l’étranger ont été en général négatives: l’UNESCO, mais aussi Washington, l’Union européenne et la Grèce, ont «regretté» cette décision. Le HDP a pour sa part déclaré: «Sainte-Sophie fait partie du patrimoine culturel et historique de l'humanité. La transformer en mosquée est une erreur» et a accusé le Conseil d'État d’avoir servi de «machine de propagande» à l’AKP (WKI). Dans un article intitulé «Sainte-Sophie ouverte aux prières… mais pas aux Kurdes», Al-Monitor a rapporté que, lors des premières prières, tenues dans l’édifice le 24, le gouvernement avait exclu le HDP de la liste des invités. Le député HDP Mahmut Togrul a rappelé à Al-Monitor que depuis 2015, le HDP avait été exclu de presque tous les rassemblements nationaux. En fait, les membres du HDP ne peuvent même pas participer aux débats télévisés sur le HDP!
Enfin, le 28, les avocats d’A. Öcalan ont annoncé avoir déposé plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme à propos de l’isolement imposé à celui-ci et à trois autres détenus sur l’île-prison d’Imralı. Avec le rejet de leur demande de visite en juin dernier par la Cour constitutionnelle, ils avaient épuisé tous les recours devant les tribunaux turcs. La dernière visite qu’ils ont pu obtenir remonte à mai 2019, après une précédente remontant à 2011, et les trois autres détenus n’ont pas encore rencontré leurs avocats depuis leur transfert sur l’île en 2015 (Ahval).
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La tension continue d’augmenter dans un Iran où le coronavirus fait toujours des ravages et où un bâtiment du site nucléaire de Natanz a été presque totalement détruit le 2 juillet par une forte explosion. Sous tension, le pouvoir réprime toujours plus durement sa population, et en particulier les Kurdes, à coups de condamnations et d’exécutions.
Le 2, alors que l’Iran redémarrait ses activités d’enrichissement d’uranium, le site de centrifugation de Natanz a été détruit aux trois-quarts par une explosion qui pourrait selon le New York Times retarder le programme nucléaire de deux ans. Quant aux causes, si un député iranien a parlé de problème technique, les experts hésitent plutôt entre une bombe et une cyberattaque. Une seconde explosion semble s’être produite le lendemain dans une base de missiles…
Concernant le coronavirus, le 3, l'Organisation des Moudjahidines du Peuple d'Iran (OMPI), qui publie régulièrement ses propres chiffres sur l’épidémie dans le pays, a indiqué avoir calculé que le nombre de décès dans 342 villes d'Iran dépassait à présent les 64.800. Concernant les provinces partiellement ou totalement kurdes, les chiffres de l’OMPI pour cette date étaient de 1.795 en Azerbaïdjan occidental, 1.320 au Kurdistan (Kordestan), 1.655 pour Kermanshah, et 2.385 au Lorestan (pas de chiffres pour Ilam). La province arabophone du Khuzestan est toujours gravement touchée avec 4.950 décès (NCRI). Pour comparaison, le nombre officiel de décès à cette date était de 11.260… Pourtant, un membre du Centre national de lutte contre le coronavirus, Massoud Mardani, a déclaré le 4 à l’agence ISNA que les tests aléatoires permettaient d’estimer que «18 millions d'Iraniens, soit environ 20% de la population du pays, [avaient] contracté la maladie»… La télévision officielle a annoncé le rétablissement des restrictions dues au coronavirus dans les lieux publics à partir du 5.
Le 5, jour pour lequel l’OMPI a compilé plus de 65.200 décès, l’agence IRNA a indiqué que dans la province d’Ilam, «du 21 juin au 1er juillet, le nombre de cas positifs [avait] doublé [...] et [augmentait] de manière exponentielle». Selon le gouverneur de la province, celle-ci est presque totalement dans le rouge (NCRI). Le virus circulait également dans les prisons, et notamment dans celle d’Ourmia: durant la première semaine de juillet, plus d’une centaine de détenus y ont été infectés, alors que le pouvoir poursuivait les incarcérations d’activistes kurdes (WKI).
Le 12, l’OMPI publiait un nombre de 69.800 décès dans 342 villes… Le 29, l’Assemblée des associations médicales du pays a publié sur son site une lettre ouverte au président Rohani, dont certains signataires sont des responsables politiques et des ministres, pour avertir d’une véritable catastrophe à venir si aucune mesure radicale n’était prise: «Il faut interdire strictement célébrations de deuil et cérémonies religieuses […] ainsi que les rassemblements importants comme les examens d’entrée sans respect des conditions nécessaires, et assortir cette interdiction de contrôles très stricts», dit entre autres le texte. Le 30, le vice-ministre de la Santé a indiqué que, seulement dans la province de Téhéran, 710 malades du coronavirus avaient été hospitalisés la veille… Le 31, alors que l’OMPI donnait une nouvelle estimation de plus de 80.100 décès, la porte-parole du ministère de la Santé indiquait que «toutes les régions du pays [étaient] infectées par le coronavirus» (IRNA).
Dans la province du Kurdistan, des affrontements ont selon l’agence IRNA opposé le 16 dans le district de Hawraman, près du village de Bolbar, des pasdaran (gardiens de la révolution) et des bassij (un groupe paramilitaire de supplétifs islamiques volontaires) à un «groupe contre-révolutionnaire» qui n’a pas été précisé, mais décrit comme «affilié à l’arrogance globale», une manière de désigner l’Occident. L’organisation Hengaw de défense des droits de l’homme a indiqué qu’un groupe d'opposition kurde avait été impliqué dans l'engagement sans subir aucune perte, et que deux membres du groupe militaire iranien avaient été tués et deux autres blessés (Kurdistan-24).
Les kolbars, porteurs kurdes transfrontaliers, continuent de payer de leur vie leurs tentatives de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Durant la deuxième semaine de juillet, aussi dans la région d’Hawraman, les gardes-frontières iraniens ont abattu plusieurs chevaux ou mules utilisés par les kolbars pour transporter leurs marchandises. Trois porteurs ont aussi été abattus par les forces de sécurité iraniennes: l’un près de Sardacht, sans sommation, un autre dans une embuscade tendue à un groupe près de Nowdeshah (Kermanshah), et un autre près de Piranshahr. Trois autres ont été blessés près d’Ourmia. Les forces de sécurité turques ont aussi tué un kolbar près du district de Chaldiran. Le 20, la chaîne kurde d’Irak Rûdaw a annoncé que deux frères avaient ainsi été tués à deux mois d’intervalle, le premier le 24 mai, et son jeune frère survivant le 9 juillet. Par ailleurs, un berger a été tué par des tirs de mortier des pasdaran près de Piranshahr, le second berger à être tué en deux semaines (WKI). Pendant ce temps, trois Kurdes ont été tués par des mines de la guerre Iran-Irak dans le district de Mehran (Ilam). Le 27, cinq autres porteurs ont été blessés dans une embuscade près de Baneh. Dans cette même ville, dix activistes kurdes ont été condamnés à trois mois de prison, 25 millions de rials d’amende (environ 550 €) et 25 coups de fouet pour avoir protesté contre l’assassinat de deux kolbars par les forces de sécurité en 2018 (WKI).
Plus généralement, la campagne de répression contre les activistes kurdes s’est poursuivie. Mi-juillet, l’Institut kurde de Washington (WKI) estimait que le régime avait exécuté pas moins de quinze prisonniers politiques kurdes depuis mars dernier. Le 1er juillet, l’Etelaat (Renseignement) a arrêté trois personnes à Mahabad, puis un autre dans un village proche de cette ville, Goyak Tepe. Le 3, un autre Kurde a été arrêté après un raid chez lui à Naghadeh. Ali Sakani, avocat d’un prisonnier politique condamné à mort, a également été arrêté. Un défenseur kurde de l’environnement, Fateh Mohammadi, a aussi été arrêté à Javanrud en début de mois, ainsi que cinq autres personnes, dont un jeune de seize ans à Mahabad. Le 11, un prisonnier politique de Piranshahr, Abdulwahid Ara, s’est suicidé dans sa cellule à Naghadeh, après avoir été condamné à onze ans de prison pour «appartenance à un parti kurde d’opposition». Il s’était vu refuser la liberté provisoire pour raison sanitaire.
Le 14 juillet a été une journée particulièrement sombre en termes de répression. Tout d’abord, a été annoncée l’exécution dans la prison d'Ourmia de deux prisonniers politiques kurdes, Diako Rassulzadeh et Sabir Cheikh Abdollah. Arrêtés en 2013, accusés d’appartenir au Komala et d’avoir préparé un attentat à la bombe qui avait frappé une parade militaire en 2010 à Mahabad, ils avaient été torturés durant une année entière par l’Etelaat de la ville de Mahabad jusqu’à faire des aveux et être condamnés à mort en 2017 pour «hostilité envers Dieu». «Ces deux jeunes hommes ont été condamnés à mort à l'issue d'un procès très inéquitable fondé sur des aveux obtenus sous la torture et les mauvais traitements», a déclaré Amnesty International (Kurdistan-24). Leur exécution a eu lieu dix ans après que le commandant de la force terrestre des pasdaran, Mohammad Pakpour, ait affirmé que les véritables responsables de l'attentat de 2010 avaient été tués.
Puis, quelques heures à peine après l’annonce de l’exécution d’Abdullah et de Rassulzadeh, le porte-parole du pouvoir judiciaire, Gholam Hossein Esmaili, a annoncé que la Cour suprême avait confirmé la condamnation à mort des trois jeunes manifestants arrêtés en novembre dernier, Amirhossein Moradi (26 ans), Saeed Tamjidi (28) et Mohammad Rajabi (26). Cette annonce a provoqué un flot jamais vu de messages Twitter, d’Iran et de l’étranger, demandant l’annulation de l’exécution : 1,2 millions en quelques heures. Amnesty International, notamment, a dénoncé un «procès inéquitable», alors que les condamnés «ont dit avoir été torturés en étant battus, électrocutés et pendus tête en bas». Enfin, plus tard le même jour, a été annoncée la condamnation de Zara Mohammadi, passée en jugement à Sanandaj le 17 février dernier, à dix ans de prison. Son crime: avoir enseigné la langue kurde à des enfants. Après avoir été accusée de coopérer avec un parti d’opposition kurde, elle a été convaincue d’avoir «constitué un groupe […] pour perturber la sécurité nationale». Pourtant, Nojîn, l’association culturelle et sociale dont Mohammadi partageait depuis sept ans la direction, est tout à fait légale puisqu’elle dispose d’une autorisation officielle du ministère de l'Intérieur. Mis à part organiser des cours de langue kurde dans différentes villes, elle a aussi joué un rôle important durant les derniers mois pour assister les populations du Lorestan sinistrées par les inondations. Ses interrogateurs ont refusé à Mohammadi l’accès à ses médicaments et ont menacé de s’en prendre à sa famille si elle ne coopérait pas. Plusieurs autres membres de Nojîn ont également arrêtés (Hengaw).
Également à Sanandaj, l’avocat et activiste Farhad Mohammadi, arrêté en novembre 2017, a été condamné à six ans de prison pour «crimes contre la sécurité nationale» (WKI). Le 21, quatre jeunes Kurdes de Baneh, âgés de 17 à 20 ans, ont été condamnés à seize ans de prison pour avoir brûlé une affiche représentant le commandant de la force Al-Qods, Qassem Soleimani, tué à Bagdadpar une frappe américaine. Parallèlement, l'Association des droits de l'homme du Kurdistan (KMMK) a rapporté qu’à Sardasht trois hommes kurdes avaient été arrêtés sous l’accusation d’«appartenance à un parti kurde d’opposition», et que l’Etelaat avait également arrêté une personne.
Autre nom à ajouter à la sinistre liste des exécutions, celui Kamil Qadri Eqdem. Originaire de Piranshahr, il a été pendu le 22 au matin dans la prison centrale de Naghadeh où il était détenu, malgré une manifestation en sa faveur devant la prison. Selon Hengaw, il était le sixième prisonnier politique kurde exécuté en une semaine dans les prisons de Kermanshah, Ourmia et Naghadeh.
Enfin, en fin de mois, de nombreux autres Kurdes, hommes et femmes, ont été arrêtés ou condamnés dans diverses villes du Kurdistan d’Iran sous l’accusation de «coopération avec» ou « appartenance à» un parti kurde d'opposition»: un jeune homme de 23 ans Siawesh Rojkhoun, a été arrêté à Mahabad, une femme précédemment arrêtée par l’Etelaat avec sa fille à Ourmia, Shanaz Sadiqi, a été condamnée à quinze ans de prison, et à Sardasht, Dara Rashidi à reçu dix ans de prison. Des protestataires pour des raisons différentes ont aussi été sanctionnés : le militant kurde Foad Enayati a ainsi été condamné à Sanandaj à 76 coups de fouet pour avoir protesté contre l'invasion turque du Rojava en octobre 2019, et Khalil Husseini pour avoir protesté sur les médias sociaux contre des exécutions. À Bokan, Fatima Dawand a reçu cinq ans de prison pour avoir organisé des manifestations antigouvernementales en août 2019…
Le 28, le défenseur de l’environnement Rashid Hassanzada a été condamné à de la prison à Oshnavieh pour «réunions et plans contre la sécurité nationale ».
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Juillet a commencé en Irak par l’assassinat le 6, par balles et en pleine rue, de Hisham Al-Hashimi, expert reconnu de la mouvance djihadiste et critique virulent des milices chiites pro-iraniennes. Celles-ci l’avaient déjà, comme Daech d’ailleurs, menacé à plusieurs reprises, l’accusant d’être pro-américain. Le premier ministre Mustafa Al-Qadhimi, qui avait travaillé avec lui quand il était encore chef des services de renseignement, a promis une enquête transparente. Mais cet assassinat est un défi à son autorité ainsi qu’un avertissement clair pour lui: il y a deux semaines, quand il avait ordonné l'arrestation de quatorze membres du Kata'ib Hezbollah, soupçonnés d’être responsables des tirs de roquettes sur la zone verte de Bagdad, Hashimi l’avait publiquement soutenu, ce qui lui avait valu des menaces de l’organisation (The Guardian).
Parallèlement, l’Irak a dû également affronter l’explosion de la COVID-19 ayant suivi la réouverture de la frontière avec l’Iran en mai dernier. L’épidémie menace de dépasser les capacités du pays. Le 1er juillet, le ministère de la Santé a annoncé 2.415 nouveaux cas et 107 décès durant les dernières 24 heures, portant le nombre total de morts à 2.050. Ce n’était que le début d’une longue série d’annonces durant laquelle les morts se sont comptées chaque jour à plus de 100 et les nouveaux cas à plus de 2000: 110 décès et 2.184 nouveaux cas le 2, 106 et 2.334 le 4, 118 et encore plus de 2.000 le 7. Le 13, avec 100 nouveaux décès et 2.229 cas, l’autorité de l’aviation civile irakienne a annoncé le prolongement de la fermeture des aéroports, décidée le 17 mars, jusqu’au 23 juillet, et il a été décidé que toute personne entrant dans le pays devrait s’auto-confiner pendant quatorze jours. Le 16, le couvre-feu, originellement de 24h/24, a été réduit à la période 21h30-6h. Le 19, on annonçait 2.310 nouveaux cas et 90 décès. À cette date, l’épidémie avait fait 92.530 morts dans le pays (Kurdistan-24). Mais la situation économique catastrophique imposait un assouplissement… Les vols internationaux ont repris le 23, avec le Liban et la Turquie, les passagers devant présenter des tests négatifs pour embarquer. Le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a quant à lui annoncé que ses aéroports, Erbil et Suleimaniyeh, demeureraient fermés jusqu’au 1er août. Le 27, l’Irak a annoncé 2.500 nouveaux cas et plus de 90 décès. Note positive malgré tout: à cette date, selon les données officielles, environ 77.144 patients, 68,5 % d’entre eux, s’étaient rétablis…
Le Kurdistan n’a pas non plus été épargné par l’épidémie. Le 4 juillet, le GRK annonçait 9 décès et 204 nouveaux cas, la majorité dans les provinces de Suleimaniyeh (173) et Halabja (93), les plus en relations avec l’Iran, 25 à Erbil et seulement 3 à Dohouk. Un peu plus tôt le même jour, le gouverneur d’Erbil avait indiqué que le couvre-feu total imposé sur la ville depuis fin juin allait être réduit à la période 20h-5h, avec réduction des horaires des services publics, interdiction des rassemblements et cérémonies et limitation des restaurants aux plats à emporter. Il a également exhorté les Erbiliens à ne sortir que si nécessaire et masqués. Le 6, le GRK a annoncé 11 nouveaux décès et 324 nouveaux cas. À Suleimaniyeh, le Directeur adjoint de la santé, Herish Salim, a indiqué à Kurdistan-24 que plus de 400 soignants avaient été infectés, mais qu’en raison de la pénurie de personnel, ils revenaient au travail aussitôt remis – comme lui-même. Le 7, le ministère de la Santé a confirmé 495 nouveaux cas, le nombre quotidien le plus élevé enregistré depuis l'apparition de l'épidémie, et onze décès. Erbil a mis en place une quarantaine de 48h pour toute personne arrivant en ville. 1.287 personnes étaient alors isolées dans toute la Région.
Le 8, les chiffres sont redescendus à 294 nouvelles infections avec toujours 11 décès (Kurdistan-24), mais les retards de paiement des salaires accentuaient les difficultés en causant des grèves parmi les soignants. Selon le syndicat de médecins de Suleimaniyeh, il y avait 20.000 grévistes le 10, et un médecin militaire de cette ville indiquait au Monde que les pechmergas n’avaient pas reçu leur salaire depuis cinq mois. Le gouvernement autonome du Kurdistan a commencé à payer début juillet les salaires de… février, mais seulement partiellement.
Le Kurdistan a connu jusqu’en fin de mois la même courbe que pour l’ensemble du pays, avec des chiffres plus faibles, en rapport à sa population: le 13, 254 nouveaux cas et 14 décès en 24 h, le 20, 258 cas et 7 décès… Le 14, l’Institut kurde de Washington calculait qu’il y avait eu 1.500 nouveaux cas et 340 décès en une semaine, Kirkouk étant alors la zone la plus frappée avec 2.247 cas et 114 décès, dont celui du porte-parole de la police de la ville. Le 21, si les chiffres demeuraient en apparence stables avec 252 cas et 13 victimes, la répartition par provinces montrait qu’Erbil connaissait une augmentation relative, avec 98 cas, juste derrière Suleimaniyeh à 130. La tendance s’est confirmée le 28, où sur 302 nouveaux cas, 139 provenaient d’Erbil, passant pour la première fois devant Suleimaniyeh à 124 cas; par contre, l’ancienneté de la vague ayant frappé Suleimaniyeh se constatait aux chiffres des personnes toujours sous observation médicale: 2.580 à Suleimaniyeh contre seulement 899 à Erbil (Kurdistan-24). Ces chiffres peuvent inquiéter car ils laissent penser qu’une vague plus tardive qu’à Suleimaniyeh pourrait rapidement frapper Erbil…
Le 31, le ministère de l’Intérieur a confirmé la réouverture des deux aéroports de la Région le lendemain. Celui de Suleimaniyeh a indiqué que, bien que le GRK n’en ait pas fait la demande, il n’autoriserait l’embarquement qu’aux passagers pouvant produire un test négatif (Rûdaw).
En fait d’interdiction de cérémonies et de fermeture de frontières, un incident mérite d’être signalé: le 10 juillet, près de 2.000 derviches soufis de la confrérie Qadiriyya sont entrés illégalement au Kurdistan irakien par le poste frontière de Başmax pour assister aux obsèques du Cheikh Mohammed Kasnazani. Les autorités iraniennes ont ouvert le feu sur les derviches, pour la plupart démunis de passeports, et blessé cinq d'entre eux, mais les autres ont pu forcer le passage et monter dans des bus pour Souleimaniyeh, où ils ont assisté aux funérailles… (WKI)
S’approcherait-on, enfin, d’une vraie coordination anti-Daech dans les territoires contestés entre Erbil et Bagdad? Le 2, une délégation du ministère des Peshmerga du GRK a rencontré à Bagdad des responsables du ministère irakien de la Défense pour discuter de la création de centres d'opérations conjoints à Kirkouk, Ninive et Diyala. Selon une source du ministère, Bagdad aurait accepté le principe et devrait à son tour envoyer une délégation à Erbil pour finaliser l'accord. Le 9, le général Yahia Rasul, porte-parole du Commandement irakien des opérations conjointes a déclaré à Rûdaw que les réunions avec les pechmergas se poursuivaient «pour combler les lacunes sécuritaires dans les zones contestées, qui peuvent atteindre 13 km dans certaines régions». Le 11, en présence du Premier ministre irakien venu pour superviser l’opération, les forces de sécurité irakiennes et les unités antiterroristes kurdes de la province de Suleimaniyeh ont lancé la quatrième phase de la campagne anti-Daech «Héros de l’Irak» dans la province de Diyala, en coopération avec des éléments des Hashd al-Shaabi (Unités de mobilisation populaire), avec un soutien aérien irakien et de la coalition. La première phase de l’opération, lancée mi-mai, visait les provinces d'Anbar, de Ninive et de Salahaddine; la seconde, lancée le 2 juin, ciblait les djihadistes aux limites des provinces de Kirkouk et Salahaddine, et la troisième celles de Salahaddine, Diyala, Samarra et Kirkuk (Rûdaw). Cependant, concrètement, les peshmergas ne participaient pas à l'opération du 11…
Le 20, une délégation du ministère irakien de la Défense est arrivée à Erbil pour poursuivre les discussions sur les opérations conjointes dans les territoires disputés, en présence de militaires américains. Le gouvernement fédéral et le GRK, qui avaient déjà convenu de déployer des troupes entre Khurmatu et Kirfi, avaient mobilisé des troupes dans la région la semaine précédente, bien que les peshmergas aient dénoncé des déploiements non coordonnés des forces irakiennes près des frontières du Kurdistan. La dernière semaine du mois, une nouvelle opération anti-Daech a été lancée dans les zones s’étendant entre les provinces de Kirkouk et de Diyala.
Autre problème auquel est confronté le Kurdistan, l’aggravation des frappes aériennes et des incursions terrestres turques depuis le lancement de l’opération anti-PKK «Griffes de l’aigle» le 15 juin, notamment dans les districts de Zakho, Akre et Amedi (Dohouk), et au Sindjar. La situation était déjà suffisamment grave fin juin pour que le secrétaire d'État adjoint américain à la démocratie, aux droits de l'homme et au travail, Robert Destro, condamne le 30 les frappes sur le Sindjar en déclarant: «Comment les gens peuvent-ils s'épanouir s'ils sont sous la menace de frappes aériennes?». Mais la Turquie a poursuivi ses incursions et début juillet, avait quasiment doublé sa présence militaire au Kurdistan. Mi-juin, elle y comptait déjà 24 bases militaires, début juillet, elle avait pénétré dans une zone de 40 à 50 kilomètres de long sur 15 kilomètres de profondeur et y tenait 12 bases supplémentaires, dans une réplique plus discrète de sa «zone de sécurité» au Rojava… Les militaires turcs n’hésitent pas à utiliser leurs drones pour frapper des cibles près d’installations civiles, au risque de blesser ou tuer de très jeunes enfants, comme l’a montré un reportage de Voice of America (VOA) publié le 2, où témoignent des tenanciers d’une boutique frappée alors qu’un véhicule transportant des combattants du PKK s’y était arrêté. Une vidéo publiée le 7 juillet par l’émission de France-24 «Les Observateurs» montre comment une autre frappe turque, le 25 juin, a failli tuer de très jeunes enfants jouant dans une rivière près d’une zone de pique-nique… (->). La diplomatie turque a répondu aux protestations irakiennes en déclarant à VOA que si les autorités irakiennes «avaient agi de manière décisive pour éliminer le PKK de leurs territoires, nous n'aurions pas besoin de mener de telles opérations». Mais certains experts aux États-Unis estiment qu’un but caché des frappes turques pourrait bien être de faire échouer les négociations intra-kurdes au Rojava qui se tiennent avec la médiation américaine…
Après que de nouvelles frappes aériennes turques le 3 ont fait au moins cinq victimes civiles à Deraluk et Shiladze (Dohouk), le ministère irakien des Affaires étrangères a commencé à réfléchir à des mesures de rétorsion économiques contre Ankara. Le commerce irako-turc est en effet en excédent annuel de seize milliards de dollars en faveur de la Turquie, dont des centaines de sociétés sont présentes en Irak. Il a aussi annoncé qu’il allait demander une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour condamner l’intervention militaire turque (Rûdaw).
Ceci n’a en rien influencé le comportement de la Turquie, qui a au contraire intensifié ses opérations le long de la frontière, avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie sur Shiladze, Amêdî, Zakho et Bradost (WKI). Le 6, la Présidence turque a publié une carte montrant 37 «points [d’implantation] militaires» turcs au Kurdistan d’Irak. Un commandant du PKK, Rizgar Ersi, a déclaré que la Turquie cherchait à installer un «corridor d’occupation» de 40 km allant de Shingal (Sindjar) à Qandil afin d’en faire une base d’attaque continue contre le parti kurde. Les garde-frontière de la province de Dohouk, une force créée en 2003 et constituée majoritairement de Kurdes, ont installé le 1er juillet cinq bases sur des positions «stratégiques» afin de s’interposer et tenter de réduire les pertes civiles (Rûdaw).
L'ancien ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, lui-même kurde, a averti le 8 sur Twitter: «La récente incursion militaire turque au Kurdistan irakien dans la région de Zakho est un développement géopolitique très grave. L'intensité de l'attaque est alarmante. Et les appels des dirigeants turcs à réactiver les revendications historiques [turques] sur le Vilayet de Mossoul sont encore plus inquiétants» (Ahval). De nouveaux villages ne cessent d’être abandonnés par leurs habitants terrifiés, comme celui d’Avla (Zakho) le 10 (Rûdaw), pour rejoindre la liste de milliers de civils déplacés par les frappes turques.
Le 12, le ministère turc de la Défense a annoncé qu’un cinquième soldat avait été tué au Kurdistan d’Irak, sans préciser le lieu. Mais il participait à l'opération au sol «Griffes du tigre» , qui se déroule dans la région de Haftanin. Dans des revendications croisées, alors que le ministère a annoncé avoir «neutralisé» trois combattants du PKK, celui-ci a indiqué avoir «puni» à Haftanin seize soldats turcs en trois jours (Rûdaw).
En fin de mois, l'incursion militaire de la Turquie au Kurdistan irakien s'est poursuivie avec de nouvelles frappes aériennes et le déploiement de troupes supplémentaires dans le district de Bradost (Erbil). Le 26, un raid aérien a tué deux civils près de Bamarni (Duhok). De son côté, le Parlement de la région du Kurdistan a examiné un rapport soumis par les délégations qu’il avait missionnées le 5 dans les zones frontalières récemment bombardées de Zakho, Amêdî, Erbil, et Suleimaniyeh. Les opérations turques ont causé la mort de 50 civils sans aucune affiliation au PKK, l'évacuation de 504 villages et des dizaines de millions de dollars de dommages matériels, notamment des dégâts causés aux fermes et la mort de bétail appartenant à la population locale (WKI). Dans un rapport publié un peu auparavant, le 23, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) avait quant à lui évalué que depuis août 2015, les opérations au sol, frappes d'artillerie ou bombardements turcs avaient tué ou blessé plus de 180 civils dans les zones frontalières du Kurdistan d’Irak, dont 15 tués et 95 blessés durant le premier semestre 2020 (Kurdistan-24). L’estimation du CPT demeure pourtant inférieure au chiffre de 30 victimes civiles des dernières attaques turques mentionné début juillet sur Rûdaw par le chef du district de Batifa (Zakho). Aux États-Unis, la liste effrayante de victimes civiles des opérations turques compilée par l’université de Columbia (->) montre sans ambiguïté qu’Ankara s’est rendu massivement coupable de crimes de guerre depuis janvier.
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Alors qu’il lutte déjà pour se maintenir face à la Turquie d’Erdoğan et au régime de Damas, le Rojava doit aussi mener un combat existentiel pour échapper à l’isolement dont il est menacé, alors qu’il manque de tout et demeure exposé au risque de la pandémie autant qu’aux effets collatéraux des sanctions «César» américaines contre la Syrie.
Le projet de résolution soumis mi-juin au Conseil de sécurité des Nations Unies par l’Allemagne et la Belgique proposait l’extension pour un an de l’autorisation du passage de l'aide humanitaire vers Idlib à partir de deux postes-frontière turcs, qui échappent donc au contrôle de Damas. Il proposait aussi la réouverture pour six mois du point de passage d’al-Yarubiah avec l’Irak, fermé depuis janvier suite aux pressions de Damas et de son allié russe. L’ONU considère Al-Yarubiah, contrôlé par l’Administration autonome du Nord-Est Syrien (AANES), comme un point d’entrée vital pour les fournitures médicales nécessaires à la lutte contre le coronavirus. Le 7, la Russie a fait pression sur ces deux pays pour qu’ils retirent la réouverture d’al-Yarubiah de leur proposition, en échange pour le maintien pour un an du passage vers Idlib… Après leur refus, le vote s’est terminé par un veto russe et chinois, alors que la proposition avait été approuvée par les treize autres membres du Conseil.
Utilisant l’argument du «respect de la souveraineté syrienne», la Russie veut imposer le contrôle par le régime de toute aide humanitaire, alors que plusieurs ONGs ont déjà dénoncé l’usage politique que celui-ci a fait de l’accès à la nourriture et aux fournitures médicales durant les presque dix ans de guerre civile. L’accord de novembre 2019 avec la Turquie a placé la Russie en position de force en lui permettant pour la première fois depuis des années de prendre pied à l’Est de l’Euphrate. Elle veut maintenant en profiter pour obliger l’AANES, qui administre le Rojava, à se soumettre à Damas, d’où ce véritable chantage à l’aide humanitaire, alors que de son côté, la Turquie poursuit un chantage similaire avec l’eau potable… Ilham Ahmed, présidente du comité exécutif du Conseil démocratique syrien (CDS) a déclaré le 4 qu'Ankara retenait «intentionnellement» l'eau pour provoquer «une véritable sécheresse en Syrie» (Rûdaw). Près de trois millions de personnes, en majorité des femmes et des enfants, ainsi que de nombreuses personnes déplacées, sont ainsi prises en otages…
Les vetos russe et chinois ont été dénoncés par le Secrétaire d’État Mike Pompeo et par un consortium d’ONGs internationales, sans effet. Le lendemain, la Russie a soumis sa propre résolution, qui prévoyait de n’autoriser que pour six mois un seul point de passage turc vers Idlib, Bab al-Hawa. Ce texte n’ayant obtenu que quatre voix, la Belgique et l’Allemagne ont soumis une seconde proposition abandonnant toute mention d’al-Yarubiah et ajoutant à Bab al-Hawa la réouverture du second point de passage turc vers la région d’Alep, Bab al-Salam. En fin de journée, les discussions ont abouti à ne maintenir qu’un accès unique pour toute la Syrie, Bab al-Hawa, exactement ce qu’avait proposé Moscou, pour un an… L’intransigeance russe a payé.
La Russie a parallèlement déclaré soutenir les discussions entre AANES et Régime, et répété son soutien à l’intégration des Forces démocratiques syriennes dans l’armée syrienne en tant que «Division 5»… L’AANES, de son côté, a annoncé refuser toute participation aux élections au parlement syrien («Assemblée du peuple»), qui se sont tenues le 19, et a refusé tout bureau de vote sur son territoire (WKI).
Concernant la pandémie, la sonnette d’alarme a commencé à tinter, puisqu’après les deux premiers cas de COVID annoncés en avril, l’AANES a annoncé quatre nouveaux cas le 23, trois femmes et un homme, trois à Qamishli et un à Hassaké, portant le nombre total de positifs à six. Les seuls tests disponibles étant les quelque 2.000 donnés par le président du Kurdistan d’Irak Nechirvan Barzani, les autorités doivent sélectionner judicieusement qui tester, ce qui rend difficile la gestion de l’épidémie. Le même jour, le nombre officiel de cas dans les régions de Syrie contrôlées par Damas était annoncé à 584, ce que de nombreux observateurs pensent très sous-estimé. Le 24, l’AANES a ordonné la fermeture des frontières sauf pour transport humanitaire, et imposé une «quatorzaine» d’isolement à tout entrant: l’AANES pense que les nouveaux cas auraient pu venir de zones contrôlées par le régime, une des femmes nouvellement infectées étant arrivée de Damas. Beaucoup se sont alors trouvés bloqués à la frontière. Les prières collectives dans les mosquées ont également été interdites, et les restaurants limités à servir des plats à emporter. Le Croissant rouge kurde a indiqué que 88 personnes étaient placées en quarantaine. Le 30, alors que le nombre de cas dans le reste de la Syrie montait à 738, les autorités du Rojava ont annoncé 17 nouveaux cas, onze dans la Djéziré, trois à Raqqa et trois autres à Deir Ezzor, pour un total de 25… (Rûdaw)
Concernant Daech, la phase 2 de l’opération «Dissuasion du terrorisme», lancée le 17 en réponse à la demande de chefs tribaux de Deir Ezzor inquiets de la résurgence djihadiste dans leur région, a pris fin le 22. Fortement soutenue par la population des zones concernées, elle a permis la capture de 31 militants, dont un commandant, et la confiscation d’un important matériel militaire (Difesa e sicurezza). Par ailleurs, des agents du renseignement turc avaient infiltré le camp de al-Hol pour en faire évader une femme moldave et ses quatre enfants, une évasion confirmée le 17 par les autorités locales. Les SDF ont déclaré ne pas comprendre la nécessité d’une telle opération, puisqu’ils ne cessent de demander aux pays d’origine de ces détenus de les rapatrier, sans succès… (VOA) Cette action pose aussi la question de savoir si des combattants pourraient être exfiltrés de la même manière, et l’AANES a publié une déclaration accusant la Turquie de soutenir Daech.
Par ailleurs, la vie quotidienne au Rojava est toujours marquée par l’insécurité, qu’elle résulte de la guerre, d’attentats ou d’accidents. Le 15, une explosion dans un dépôt de munitions des Asayish (Sécurité) ou des FDS à Hassaké aurait fait 8 blessés (Rûdaw). À Sarê Kaniyê / Ras al-Aïn, la première ville prise par les Turcs dans leur invasion d’octobre dernier, les attentats à la bombe se sont succédés: le 23 et le 25, des voitures piégées ont explosé en ville, faisant morts et blessés. Le 26, au moins huit personnes, dont six civils, sont mortes et 19 autres ont été blessées dans l'explosion d'une moto piégée dans un marché aux légumes. Le 28, une autre moto piégée a tué deux civils et un combattant, et le 30, une autre voiture piégée a de nouveau fait six victimes, pour la plupart des combattants, à un point de contrôle du village de Tal Halaf, près de Sarê Kaniyê. Quinze personnes ont été blessées. À Afrin, une bombe artisanale a tué un enfant kurde le 26 et en a blessé quatre autres (WKI). Ces différents attentats n’ont pas été revendiqués. Si Ankara attribue généralement à «l’organisation terroriste PKK/YPG» les attaques survenant dans les régions syriennes qu'elle contrôle, l’AANES en rend responsables les luttes internes entre opposants syriens, dont ceux servant de supplétifs à la Turquie.
À Manbij, toujours tenu par un Conseil militaire affilié aux FDS, mais avec une présence militaire russo-syrienne, six civils habitant dans des villages environnants ont été tués le 27 par des tirs d’artillerie de supplétifs syriens de l’armée turque, lancés depuis une base turque installée à Cheikh Nasser, au Nord-Ouest de la ville. Des femmes et des enfants comptent parmi les morts et six autres enfants ont été blessés (Kurdistan-24). Les mercenaires pro-turcs poursuivent leurs attaques contre les villages se trouvant aux limites de leur zone de contrôle ainsi que leurs exactions à l’intérieur de celle-ci. Parfois, des civils sont victimes de leurs affrontements internes, comme à Afrin, où le 22, une femme âgée a été victime de combats opposant deux groupes djihadistes différents… (WKI)
Le 4 juillet, dix-huit organisations de défense des droits de l’homme ont lancé l’alerte quant aux crimes de guerres commis par la Turquie à Afrin, dans une lettre ouverte adressée à des responsables européens, Marija Pejéinovié Burié, secrétaire générale du Conseil de l'Europe et Robert Ragnar Spano, président de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Ils accusent Ankara et ses représentants syriens d'avoir «depuis le début des opérations militaires turques» commis dans cette zone «des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, ainsi que des crimes de nettoyage ethnique et de génocide» (Rûdaw).
Depuis la publication de ce texte, malheureusement, de nouvelles violations ont pris place. Le 7, un jeune Kurde de 18 ans, Mihemed Mistefa Yusif, a été trouvé pendu à un arbre devant chez lui à Afrin. Selon des témoignages locaux, alors que sa famille avait déjà été expulsée de sa maison précédente par les djihadistes, il avait refusé d’aller combattre en Libye. Beaucoup de combattants envoyés en Libye sont recrutés par une société de sécurité privée, «Sadat», en lien étroit avec le président turc… En fin de mois, une femme kurde d’Afrin âgée de 50 ans, enlevée et torturée durant 26 jours par les supplétifs pro-turcs avant d’être libérée contre rançon, a apporté un témoignage effrayant. Horrifiée de retrouver dans sa prison sa fille de 27 ans et sa petite-fille de 3 ans, elle a été soumise à des décharges électriques et à des simulations de noyade, insultée, battue… Elle a perdu 19 kg durant cette période. Elle a également confirmé que les djihadistes pratiquaient le viol de leurs prisonnières. Elle a attendu pour livrer son témoignage de se trouver avec sa famille en sécurité dans la région de Shehba, toujours administrée par l’AANES (Kurdistan au féminin).
Par ailleurs, la Turquie poursuit sa colonisation rampante des zones syriennes qu’elle contrôle: y construisant de nouvelles bases militaires, Ankara y a généralisé l’usage de sa monnaie depuis juin, une évolution facilitée par le fait qu’elle paie ses mercenaires locaux en livres turques. Les bureaux de poste (Posta Telegraf Telefon, PTT) maintenant ouverts dans ces régions servent de bureaux de change, et ont été fournis en petites coupures à cet effet. Des chambres de commerce étroitement liées à leurs homologues turques ont aussi été créées. À Afrin, de nombreux propriétaires kurdes ont été dépouillés de leurs terres, et la production d’olives, la richesse de cette région montagneuse, est exportée vers l’Europe via la Turquie. La part de l’argent des olives qui ne reste pas en Turquie est souvent la cause des affrontements entre factions djihadistes déjà mentionnés (Le Monde).
Le silence de la communauté internationale à propos des spoliations, exactions, et crimes de guerre turcs au Rojava se fait de plus en plus injustifiable et assourdissant.
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Décès du «Rossignol d’Amed»
Le 5 juillet au matin, le dengbêj Seyidxanê Boyaxcî, surnommé le «Rossignol d’Amed», est décédé à 87 ans dans son appartement d’Amed (Diyarbakir). Il était atteint d’une paralysie causée par une infection qui s’était propagée dans tout le corps. Elevé par son oncle après la mort de ses deux parents, il n’avait pas pu faire d’études. D’abord berger puis cireur de chaussures, il confiait que ses chansons lui avaient permis de continuer à vivre après la mort précoce de ses sept enfants.
Il a été longtemps très présent à la «Maison des Dengbêj» de la vieille ville de Diyarbakir, jusqu’à ce que celle-ci soit évacuée par les autorités turques en 2016, lorsqu’elles ont destitué les co-maires pour les remplacer par un administrateur, avant de rouvrir en 2017.
Seyidxanê Boyaxcî a été inhumé au cimetière de Yeniköy, dans le district Bağlar de Diyarbakir.
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Foire aux livres au Rojava
Prévue pour six jours à partir du 20 juillet, la «Foire aux livres» de Qamishli a dû fermer ses portes plus tôt que prévu à cause de l’épidémie de COVID, mais il est déjà extraordinaire et méritoire qu’un tel événement ait pu se tenir dans un contexte aussi difficile. Une quarantaine d'éditeurs et plusieurs écrivains ont apporté sur place environ 120.000 livres, pour la plupart en kurde et en arabe. «Divers livres sur la religion, l'ethnicité et l'histoire ainsi que des dictionnaires ont été apportés de nombreux endroits» a déclaré Khabat Ibrahim, qui a participé à l'événement. Environ 700 livres ont été présentés par des éditeurs kurdes basés en Turquie, qui ont été transportés au Rojava via la Région du Kurdistan d’Irak. Pourtant, aucun éditeur de celle-ci n'a participé à l'événement. Malheureusement, les prix des livres demeurent très élevés vu le cours de la monnaie locale et le niveau de vie des habitants… (Rûdaw)
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Asile politique pour l’écrivain kurde d’Iran en exil Behrouz Boochani
On a appris le 24 juillet que le journaliste kurde d’Iran Behrouz Boochani, connu pour avoir écrit un livre racontant son expérience de six ans d’internement dans un camp de Papouasie-Nouvelle-Guinée, avait finalement obtenu l'asile politique en Nouvelle-Zélande.
Comme de nombreux demandeurs d’asile refoulés par l’Australie, il avait été interné dans un camp de réfugiés situé loin de l’Australie, à Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et qui constituait une zone de non-droit et un véritable enfer au quotidien. Il avait réussi à faire connaître sa situation en transmettant par SMS un témoignage en kurde qui avait ensuite été traduit en anglais et publié sous le titre No Friend But the Mountains: Writing from Manus Prison («Témoignage d'une Ile-Prison. De l'exil aux prix littéraires»), qui lui avait valu le prix Victoria pour la littérature, récompense littéraire la plus richement dotée d'Australie.
Se trouvant depuis novembre en Nouvelle-Zélande, où il s'était rendu suite à une invitation à témoigner dans un festival littéraire, il a appris que sa demande d’asile avait été acceptée le jour de ses 37 ans. Occupant à présent un poste de chercheur à l'Université de Canterbury, établie à Christchurch, la grande ville de l'île du Sud, Boochani a indiqué dans un communiqué sa volonté de continuer à se battre pour les réfugiés «tant que le gouvernement australien continuera de détenir illégalement des gens à Port Moresby, Nauru et en Australie» (AFP).
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