Un séisme de magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a frappé le 6 février à 4h27 une vaste zone incluant 13 provinces de Turquie et les provinces syriennes d’Idlib et d’Alep. Cette première secousse ayant pour épicentre le district kurde de Pazarcik de la province de Kahramanmaras a duré environ 100 secondes. Elle a été suivie d’une autre de magnitude 7,5 à 13h24 heure locale qui a duré 45 secondes et d’une multitude d’autres répliques moins puissantes causant des dégâts humains et matériels sans précédents.
Le bilan humain officiel s’élevait fin février à 50.399 morts et 107.204 blessés en Turquie et 8.476 morts et 143.803 blessés en Syrie. Un bilan qui, selon les observateurs cités par LE MONDE du 13 février, pourrait atteindre les 100.000 morts. Sur les quelque 23 millions d’habitants de ces 13 provinces sinistrés près de 7 millions d’enfants, dont 4,6 millions en Turquie et 2,5 millions en Syrie, sont affectés selon le rapport de l’UNICEF cité dans une dépêche de l’AFP du 14 février (voir aussi LE MONDE du 14.2). Environ 301.000 immeubles ont été détruits ou gravement endommagés. De nombreuses infrastructures industrielles, des canalisations, des écoles, des hôpitaux, des bâtiments administratifs n’ont pas résisté à ces séismes puissants. Le port d’Alexandrette partiellement détruit est devenu inutilisable. Plus de 5 millions d’habitants ont fui la zone sinistrée, 350.000 ont dû être évacués par train.
D’après les toutes premières estimations les dégâts matériels se chiffreraient à 85 milliards de dollars. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) citée par l’AFP du 14 février, il s’agit du « pire désastre naturel en un siècle en Eurpoe ».
La province la plus touchée est Antakya, l’antique Antioche sur l’Oronte de l’Antiquité grecque qui fut l’une des quatre plus grandes villes de l’empire romain. Son patrimoine architectural et historique exceptionnel comprenant les toutes premières églises de la chrétienté, des vestiges grecs et romains, des ouvrages de l’époque des croisades a été presque totalement détruit. Parmi les 21910 morts recensés fin février dans cette province à majorité arabe allaouite des milliers de réfugiés syriens qui avaient cru y refaire leur vie et qui ont été ensevelis sous les décombres des résidences dites « modernes » construites à la va-vite sans aucun respect des normes anti-sismiques.
L’épicentre du séisme, la province à majorité kurde alévie de Marach (Kahramanmaras), affiche un bilan très provisoire de 12.622 morts et 9 247 blessés mais la plupart de ses décombres ne sont pas encore explorés. Celle de Semsûr (Adyaman), patrie du grand écrivain latin Lucien de Samsatt, nichée au pied du site antique de Nemrud Dagh, peuplée de Kurdes, a elle aussi été réduite en ruines avec un bilan de 6013 morts et 17.500 blessés. On déplore aussi 3897 morts et 25 276 blessés dans la ville cosmopolite de Gaziantep (Dilok) et 1393 morts 9.214 blessés à Malatya, à majorité kurde.
Devant l’ampleur du désastre les critiques ont fusé de toutes parts pour dénoncer l’incurie de l’Etat turc. Pendant les deux ou trois premiers jours du séisme, si critiques pour sauver les vies, les secours étaient absents dans la plupart des zones sinistrées. L’État était absent, l’armée, si prompte à se mobiliser pour les opérations extérieures, était absente. Des milliers de victimes sont mortes de froid au pied de leurs maisons détruites, abandonnées à leur sort, sans abri, ni couverture, ni nourriture. Les critiques sont devenues si nombreuses et si virulentes que le gouvernement a coupé pendant 12 heures l’accès aux réseaux sociaux, ce qui a provoqué une baisse dramatique d’appels à l’aide des sinistrés et aggravé encore le bilan. Trois chaînes de télévision. (HALK TV, FFOX, TELE 1) ont été lourdement sanctionnées le 20 février pour leur couverture critique du sort des victimes du séisme. Bien qu’affaiblie et surveillée de près la société civile s’est mobilisée pour apporter les premiers secours. Ainsi à Diyarbakir, un collectif rassemblant plus d’une soixantaine d’ONG et d’associations socio-professionnelles, comme le Barreau, la Chambre de Commerce, l’Union des Médecins, l’Union des Architectes et des Ingénieurs, s’est formé pour envoyer nourriture, couvertures, tentes et engins de chantiers dans les zones les plus affectés par le séisme. Rien qu’à Diyarbakir où le séisme a fait 414 mots et un millier de blessés et des dizaines de milliers de sans-abris, le collectif a servi pendant plusieurs jours 200.000 repas par jour avant que l’Agence gouvernementale des sinistres, APAD, ne prenne le relai. Les municipalités des villes kurdes, dont les maires élus ont été remplacés par des fonctionnaires nommés par Ankara, sont restées inactives pendant cette catastrophe.
Créée après le tremblement de terre de 1999 dans la région de Marmara, qui a fait 17.000 morts, l’agence gouvernementaire de secours APAD, richement dotée, mais dirigée par un religieux incompétent nommé par Erdogan a, elle aussi, montré son incurie dans la gestion chaotique de la crise et dans la coordination erratique de plus de 11.500 secouristes venant d’une centaine de pays avec des moyens de secours professionnels. Les chaînes de télévisions turques ont longuement médiatisé l’aide modeste des « pays turcs frères » comme l’Azerbaidjan ou la Kirghizie, passant sous silence celle de la France ou des 200 secouristes américains. Le Kurdistan irakien qui a dépêché sur place tant en Turquie qu’en Syrie les tout premiers convois d’aide humantaire et des secouristes a été ignoré des media officiels. Une grande chaîne turque qui faisait un reportage sur la distribution de l’aide venant du Kurdistan a parlé de l’aide du Qatar. S’adressant à chaque équipe de secouriste pour la remercier dans sa langue, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlud Çavusoglu a omis de dire « spas », merci, en kurde. Ce qui a fait réagir son prédécesseur Ahmet Davutoglu, ancien Premier ministre, qui a dit « spas à nos amis venus du Kurdistan »
Le président du Kurdistan, Nechirvan Barzani, a d’ailleurs été le premier dirigeant « étranger » à se rendre sur place et à rencontrer des victimes dans plusieurs localités dans une relative discrétion. Celle du ministre grec des Affaires étrangères, suivie de celle d’Antony Blinken, secrétaire d’État américain, ont été médiatisées. Ce dernier a, à cette occasion, annoncé une aide humanitaire supplémentaire de 100 millions de dollars s’ajoutant à une première aide de 85 millions de dollars pour les sinistrés.
Lors de sa visite à Ankara, le secrétaire d’État américain a, outre son homologue turc, rencontré le président turc qu’il a mis en garde contre les conséquences du contournement par la Turquie des sanctions occidentales visant la Russie. La Turquie est le seul État membre de l’OTAN à ne pas appliquer les sanctions et à accueillir les oligarques russes. Elle a depuis le début de la guerre en Ukraine doublé le volume de son commerce avec Moscou et sert de plaque tournante dans le contournement des sanctions. Washington reste opposé à toute nouvelle incursion turque en Syrie et voit d’un mauvais oeil le processus, sous l’égide russe, du rapprochement entre Ankara et Bagdad.
Si, sur le plan extérieur, le séisme a permis une certaine accalmie dans les relations tumultueuses de la Turquie avec la Grèce et l’Europe, ses conséquences au plan politique turc pourraient être fatale au long règne d’Erdogan. Ce dernier étant arrivé au pouvoir en dénonçant l’incurie de l’Etat turc lors du tremblement de terre de 1999 et en promettant que le pays ne serait « plus jamais pris au dépourvu par nos désastres naturels ». Outre la création d’une agence spécialisée de secours et de gestion de sinistres AFAD, truffée de ses partisans islamiques pour concurrencer le centenaire et laïc Croissant Rouge turc, il avait institué une taxe anti-sismique pour financer la mise en conformité des bâtiments vétustes. Plus de 40 milliards de cette taxe collectée depuis ont été utilisés à d’autres fins dans l’opacité la plus totale dénoncée par l’opposition. Aucun programme de réhabilitation sérieux n’a été mis en œuvre. Les alertes lancées depuis 2016 par les sismologues sur l’imminence d’un séisme d’ampleur 7,5 sur la faille Maras-Antakya ont été ignorées. Pire, pour des raisons électoralistes le gouvernement turc depuis 2002 a promulgué une dizaine de lois amnistiant les constructions illégales ou non-conformes moyennant une amende sans exiger la mise en conformité préalable. La plus large amnistie a été décrétée en 2018. Plus de 7 millions de constructions ont été, pour la plupart, édifiées sans permis de construire et sans aucune inspection de conformité aux normes anti-sismiques, une pratique considérée comme « bienveillante » et populaire dans un pays où le palais présidentiel de 1100 pièces d’Erdogan lui-même a été construit sans permis de construire avec les conséquences tragiques qu’on voit et que le pouvoir présente à ses électeurs pieux comme la volonté de Dieu contre laquelle il ne pouvait rien faire.
Les critiques eux continuent de crier que ce n’est pas le tremblement de terre qui tue, c’est l’incurie d’un Etat gangrené par la corruption, le népotisme et le clientélisme qui tue. Les séismes de magnitude de 7,3 ont fait, en 2021 et 2022, quelques morts au Japon et de 7,8 probablement plus de 100.000 en Turquie. Les électeurs rendront leur jugement le 14 mai prochain.
Le tremblement de terre du 6 février a durement frappé les provinces du nord-est de la Syrie faisant, d’après un bilan provisoire et incomplet, plus de 8560 morts. Les habitations de fortune bâties à la hâte pour accueillir des millions de déplacés de la guerre qui fait rage dans le pays depuis 2011 se sont effondrés en ensevelissant sous les décombres leurs habitants extenués par des années d’errances et de misère. L’accès à ces régions sous occupation turque comme le canton d’Afrine ou celui d’Al-Bab ou contrôlée par la branche syrienne d’al Qaida, soutenue par la Turquie comme la province d’Idlib, est resté très difficile au moins pendant les dix premiers jours du séisme. Les sinistrés ont dû chercher avec des moyens de bord dans les décombres leurs proches.
Une semaine après le séisme l’ONU a indiqué avoir obtenu l’accord de Damas pour ouvrir pour trois mois deux points de passage supplémentaires entre la Turquie et le nord-ouest de la Syrie : Bab al-Salama et al-Rai. La majeure partie de l’aide internationale a été acheminée par le point de passage de Bab el-Hawa, le seul reconnu et garanti par une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU. D’après une dépêche de l’AFP du 20 février « les avions chargés d’aide humanitaires se succèdent à Damas » et l’ONU a indiqué « avoir envoyé au total depuis le séisme près de 200 camions d’aide au nord-est syrien. Une goutte d’eau sachant que selon Médecin sans Frontières, cité par l’AFP, la moyenne hebdomadaire d’aide humanitaire à cette région peuplée par plus de 4 millions d’habitants était de 145 camions l’an dernier. En temps normal, 90% de cette population déplacée dépend, pour sa survie, de l’aide humanitaire.
Le chaos qui règne dans ces zones rebelles régentés par des milices armées islamistes constitue un obstacle de taille à la distribution de l’aide aux plus nécessiteux. Ainsi le tout premier convoi envoyé via la frontière turque au canton d’Afrin par la Fondation Barzani, a été très rapidement captée par les milices armées locales d’après de nombreux témoignages. A Idlib aussi les familles des miliciens du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), présentée comme « ex-branche syrienne d’al-Qaïda », sont servis les premiers ainsi que leurs proches. De son côté, malgré ses promesses de faire parvenir aux zones rebelles sinistrées l’aide humanitaire internationale reçue à Damas, le gouvernement syrien, avec son cynisme habituel accapare une grande partie de cette aide pour ses propres partisans.
Le 15 février, le secrétaire général de l’ONU a lancé un « appel d’urgence aux dons » de près de 400 millions de dollars pour les populations victimes du séisme qui a ravagé la Syrie. Cela couvrira une période de trois mois a déclaré Antonio Guteres, cité par l’AFP.
A la suite du séisme, des humanitaires et des journalistes ont enfin pu avoir un accès provisoire au canton kurde d’Afrin sous occupation turque et de constater à quel point le territoire est désormais arabisé. Une trentaine de camps de relocation des déplacés arabes, installés par la Turquie, complète le dispositif turc de changement démographique qui laisse les multiples milices djihadistes supplétives de l’armée turque chasser les habitants kurdes de leurs maisons, de leurs villages, de leurs commerces et les remplacer par leurs proches. Le district de Jinderesse, durement touché par le séisme était il y a quelques années encore à plus de 90% kurde et il devenu une agglomération difforme et chaotique de camps de réfugiés et de casernes peuplés de miliciens, de leurs familles et d’autres déplacés arabes islamistes des banlieues de Damas ou d’autres villes syriennes. Le Koweit, le Qatar et les Emirats arabes unis vont y financer de vastes quartiers résidentiels pour y loger des déplacés arabes syriens, pour parachever l’arabisation de la région. Leur mansuétude ne va pas jusqu’à les accueillir chez eux au nom de la solidarité pan-arabe.
Le Premier ministre du Kurdistan, Masrour Barzani, a effectué une visite officielle à Paris au cours de laquelle il a été reçu le 16 février au Palais de l’Elysée par le Président Emmanuel Macron.
Au menu des discussions, la situation au Kurdistan et en Irak, les relations entre Erbil et Bagdad ainsi que le point sur la guerre commune contre Daech. La France continue d’apporter à la Région du Kurdistan un soutien politique et diplomatique depuis des années. Elle a été le premier pays occidental à ouvrir un consulat général à Erbil dès 2008. Dans le cadre de la coalition internationale contre Daech elle a apporté un soutien mlilitaire important aux Peshmergas kurdes. Le Président François Hollande a été le premier chef d’Etat occidental à se rendre au Kurdistan où il s’est rendu, en compagnie du Président Massoud Barzani, sur la ligne de front de la guerre contre Daech. Depuis, les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense ont à maintes reprises effectué des visites au Kurdistan. Le Président Macron, lors de la grande crise consécutive au referendum kurde d’auto-détermination d’octobre 2017, entre Erbil et Bagdad, a joué un rôle de médiateur très apprécié. Les échanges officiels ont été suivis par des visites nombreuses de parlementaires et universitaires français dans la région.
Les relations franco-kurdes sont donc au beau fixe, comme l’a rappelé le Premier ministre du Kurdistan qui, au cours de sa courte visite, a également été longuement reçu par le président du Sénat, Gérard Larcher, qui a parlé de « la dette de la France envers le peuple kurde qui a consenti tant de sacrifices dans notre combat commun contre Daech ». Il a également remercié le gouvernement kurde pour sa protection des chrétiens et autres minorités.
La Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo a, elle aussi, reçu le Premier ministre et sa délégation à l’Hôtel de Ville. Elle a rappelé ses deux visites au Kurdistan et la coopération entre Paris et la capitale kurde Erbil « Ville sœur » qu’elle a inclus dans le vaste réseau des villes partenaires de Paris. En parlant de l’avenir, elle a indiqué qu’elle se rendra « bientôt » au Kurdistan pour poursuivre et développer la coopération entre Paris et Erbil.
Toujours en février, le président du Kurdistan, Nechirvan Barzani, a assisté à la conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue du 17 au 19 février. Il y a rencontré les ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Italie, de Norvège, du Qatar ainsi que le Président de la Commission européenne, le président de l’Azerbaidjan, les Premiers ministres d’Arménie, de Pologne et de l’Irak.
Le Kurdistan accorde beaucoup d’importance à la diplomatie pour se faire connaître et pour affirmer son statut international en tant que partenaire fiable dans la guerre contre Daech, dans la protection des chrétiens d’Orient et dans la stabilisation de l’Irak.
Sur le plan intérieur, l’actualité kurde a été marquée par la publication de deux ordonnances importantes sur l’usage de la langue kurde dans la région. La première ordonne la mise en place de cours de kurde à l’intention des travailleurs étrangers résidant au Kurdistan. Les ministres de l’Enseignement supérieur et de l’Education sont appelés à préparer, en partenariat avec l’Académie kurde et les experts, un programme d’enseignement adapté et efficace.
La deuxième ordonnance rappelle la loi sur la langue officielle de la Région du Kurdistan et statue : « tous les ministères doivent prendre les mesures nécessaires pour l’usage de la langue kurde dans toutes les institutions gouvernementales, dans les consulats des pays étrangers, dans les compagnies et organisations étrangères et institutions de secteur privé installées au Kurdistan ». En outre, « tous les commerces doivent avoir des enseignes en kurde, les restaurants des menus en kurde et les lieux de loisirs des guides en kurde ».
En raison de l’afflux des centaines de milliers de déplacés arabes irakiens, ainsi que des milliers de travailleurs étrangers non kurdophones, la mise en pratique de ces mesures était attendue de longue date par la population pour une meilleure intégration de ces immigrés.
Au 5ème mois du mouvement de contestation, qui a secoué le régime de la République islamique d’Iran, la répression continue de faire rage. Outre les arrestations, enlèvements, tortures, aveux obtenus sous la contrainte, condamnations et exécutions, les autorités iraniennes, à la recherche de nouvelles méthodes de répression, ont eu recours à l’empoisonnement de jeunes écolières. Dans un article publié le 27 février sur le site de France Info on lit : « Les autorités iraniennes ont confirmé l'existence d'intoxications délibérées de centaines de jeunes filles dans leurs établissements scolaires depuis fin novembre, sans donner plus de détails ».
Le phénomène de l'empoisonnement des élèves a commencé le 19 décembre dans une école pour filles à Qom. Au cours de la période récente des cas similaires ont été signalés dans d'autres villes, notamment à Borujerd, à Téhéran et à Ardabil. Selon les médias locaux iraniens, quelques centaines de jeunes filles ont été victimes de mystérieux malaises dans leurs écoles dans plusieurs villes d'Iran depuis la fin novembre. Les écolières évoquent une intoxication au gaz. Au micro d'une télévision régionale, certaines d’entre elles ont décrit leurs symptômes qui sont toujours les mêmes : des maux de têtes, des vertiges...
Sous la pression de parents inquiets, les autorités ont enfin enquêté et ont donné une explication. Selon elles, les jeunes filles ont étéempoisonnées intentionnellement. Les autorités n'ont pas donné plus de détails et n'ont procédé à aucune arrestation. Les auteurs pourraient être des extrémistes religieux ayant pour but de fermer les écoles de filles. S'agirait-il d'un moyen d'éteindre la contestation actuelle contre le régime ? Les écolières sont en première ligne des manifestations.
Quant à la répression ordinaire, Human Rights Watch a documenté l’utilisation par les forces de sécurité de fusils de chasse, de fusils d’assaut et d’armes de poing contre des manifestants dans des contextes largement pacifiques. Elle souligne le 3 février que « les forces de sécurité visent systématiquement les yeux des manifestants » et déclare avoir recensé 22 cas de manifestants éborgnés suite aux tirs des forces de sécurité parmi lesquels neuf victimes féminines.
Au Kurdistan d’Iran la situation ne cesse de se détériorer. Dans un article intitulé : « Les Kurdes d’Iran, victimes d’une répression féroce du régime de Téhéran » publié le 31 janvier dans journal Le Monde, Ghazale Golshiri rapporte que de jeunes Kurdes iraniens sont victimes de violence et ce depuis le début du soulèvement contre le régime iranien. Le Kurdistan irakien autonome est devenu le refuge d’Iraniens poursuivis et recherchés par les services de sécurité.
Le 7 février, un adolescent kurde de 14 ans a été arrêté par les forces de sécurité à Oshnovieh, ville kurde de la province l’Azerbaidjan occdental. L’ONG des Droits de l’Homme Hengaw fait part de la mort le samedi 11 février de Hossein Mohammadi (Talan) de Rabat, district de Sardasht, tué par un tir direct de Gardiens de la révolution.
Toujours selon Hengaw la police des frontières a tiré sur plusieurs Kolbars (portefaix) à la frontière de Sardasht avec le Kurdistan irakien le vendredi 10 février 2023, à 22h00. A la suite de la fusillade un Kolbar identifié comme Hossein Mohammadi, marié et père de deux enfants, est décédé sur le coup.
Le 16 février Hengaw indique que sept prisonniers de la ville kurde d’Oshnovieh, Hayman (Karvan) Shahiparvaneh, Faryad Hameshor, Farzad Mohammadpour, Shahram Maarouf Mola, Reza Islam Dost et les frères Farhad et Farzad Tahazadeh sont en détention à la prison d’Ourmieh. Elle ajoute, selon une source bien informée, que ces prisonniers ont été soumis à plusieurs reprises à des tortures psychologiques notamment celle qui consiste à leur faire subir sous la contrainte physique le spectacle d’exécutions réelles ou factices de présumés condamnés dans le but précis de leur miner le moral et saper l’assise psychique sur laquelle s’appuie leur conscience qui permet de résister à l’adversité. Ces prisonniers d'Oshnovieh avaient été arrêtés dans le cadre de manifestations et de soulèvements populaires et, après une série de séances d’interrogatoires très musclée, ils ont été transférés à la prison d'Ourmia. Ils sont qualifiés de « muharibeh » (en guerre contre Dieu)
En vertu du code pénal islamique « muharibeh » et « la corruption sur terre » sont punis de la peine de mort.
Le 17 février, suite aux tirs directs de la police des frontières sur un groupe de kolbars, Nemat Azizi, originaire de la ville kurde de Nowsud, province de Kermanshah, a été grièvement blessé.
En 2022, 162 portefaix kurdes, se livrant au commerce frontalier avec le Kurdistan irakien, ont été tués à la frontière de la province de Kermanshah (Kirmashan), chiffre en augmentation de 179% par rapport à l’année 2021.
Le dimanche 19 février 2023 Jila Hojabri, une militante de Marivan qui avait été arrêtée l’été dernier à Bukan par les forces de sécurité iraniennes, a été condamnée à cinq ans de prison ferme. Le verdict a été officiellement communiqué pour "collaboration et appartenance au Parti de la vie libre du Kurdistan » (PJAK).
Selon un rapport rendu public par Hengaw le 20 février, Vafa Azarbar, 27 ans, de Bukan, Mohsen Mazlum, 28 ans, de Mahabad, Pejman Fatihi, 28 ans, de Kamiyaran et Mohammad Faramarzi, 28 ans, de Dehgolan, ont tous été détenus pendant sept mois et se sont vus refuser l'accès aux droits les plus élémentaires, comme le droit de désigner un avocat ou celui de recevoir des visites. Ces quatre citoyens avaient été arrêtés dans le village de Yengejeh dans les districts de Soma et de Bradost d'Ourmia. Ils sont tous membres du parti Komala. L'épouse de Mohsen Mazlum, Jwana Taymesi, a récemment exprimé son inquiétude en publiant une vidéo sur l'état récent de ces quatre prisonniers politiques et a demandé à la communauté internationale et aux citoyens iraniens d'agir afin de dissuader l’appareil judiciaire iranien de les sanctionner lourdement.
La télévision de la République islamique d'Iran avait diffusé les aveux forcés de ces quatre prisonniers politiques pour la deuxième fois le lundi 5 décembre 2022. Les plaintes déposées par le ministère du Renseignement iranien font craindre le prononcé de peines sévères.
Le 21 février, Soheila Mohammadi, originaire de Selmas, incarcérée à la prison centrale d'Ourmia depuis deux ans, s'est suicidée après le rejet de sa demande d'amnistie. Rejet motivé par une obstruction systématique émanant de responsables des Gardiens de la révolution. Agée de 30 ans, elle avait été arrêtée à Selmas à l'automne 2020 par les services de renseignement des Gardiens de la révolution islamique et après plusieurs mois d'interrogatoire elle avait été transférée au secteur des femmes de la prison centrale d'Ourmia.
Le 17 février, à Sanandaj, après la prière du vendredi, les Kurdes ont protesté contre l'arrestation du clerc sunnite Ibrahim Karimi, imam de la mosquée du village de Nanleh, en scandant « Mort à Khamenei », « Mort au dictateur », "Kurdes, Baloutches et Azéris, la liberté et l'égalité", "Mort aux Pasdarans, mort aux Basijis", " Libérez les prisonniers politiques " "Mort à l'oppresseur, que ce soit le Shah ou le Guide (Khamenei) ».
Par ailleurs, les habitants de Sardasht ont organisé un rassemblement de protestation massif pour dénoncer l'arrestation de Fathullah Rostami, imam sunnite de la prière du vendredi du village de Mareghan, et ont exigé sa libération. Rostami a été arrêté alors qu'il se rendait à Khoi pour aider la population de la ville touchée par le tremblement de terre. »
Le 20 février 2023, l'imam Jafar Parvini et l'imam Ali Rahimi, tous deux de la ville kurde de Piranshahr, ont été convoqués par le service de renseignements de cette ville. Ali Rahimi, l'imam de la prière du vendredi, a été libéré après une longue séance d’interrogatoire, et Jafar Parvini, enseignant à l'école Salahuddin (Saladin) Ayoubi des sciences religieuses à Piranshahr, a été arrêté et transféré dans un lieu inconnu.
Selon un rapport du 21 février 2023 de l’ONG Hengaw, 186 enfants kurdes, dont 32 filles, avaient été arrêtés lors des manifestations pacifiques de protestation en Iran. Ces enfants ont été enlevés dans les provinces du Kurdistan, de Kermanshah, d'Azerbaïdjan occidental et d'Ilam, et la ville de Javanrud a enregistré le plus grand nombre d'enfants arrêtés (28 enfants).
21 enfants à Sanandaj et 14 à Saqqez ont été arrêtés. Selon l’ONG le nombre d'enfants et d'étudiants arrêtés est supérieur à 400.
Le 22 février 2023, Sarkawt Ahmadi (Arash), un militant de Ravansar, a été secrètement exécuté dans la prison de Dizel Abad, Kermanshah. Agé de 29 ans, Sarkawt Ahmadi, militant politique et ancien membre du parti Komala du Kurdistan iranien, avait été arrêté par les forces de sécurité iranienne en janvier 2021, alors qu'il n’était plus membre de cette organisation et voulait se rendre en Europe via Ourmia. Il avait été ensuite transféré au centre de détention du renseignement de Kermanshah. Il était accusé du meurtre d'un policier nommé Hassan Maleki.
Le 21 février, 3 citoyens kurdes de Bukan, Mohammad Faraji, 20 ans, Afshin Rasouli, 27 ans, et Reza Mohammadreza, 20 ans, ont été enlevés par les forces de sécurité iraniennes et emmenés dans un lieu inconnu.
Les services de renseignements iraniens d'Ourmia ont contacté Mohammad Faraji, garagiste, lui demandant de venir à un endroit précis pour réparer une voiture. Ce citoyen s'y est immédiatement rendu et a été kidnappé. Mohammad Faraji avait déjà été enlevé le samedi 14 janvier par les forces de renseignement iraniens, à Bukan, et emmené dans un lieu inconnu. Il avait été libéré du centre de détention de cette organisation la semaine dernière.
Afshin Rasouli et Reza Mohammadreza, deux autres citoyens kurdes de Bukan, ont été enlevés par les forces de sécurités iraniennes en même temps que Mohammad Faraji dans le quartier de Mirabad et emmenés dans un lieu inconnu.
Dans le reste de l’Iran la répression sévit également. Le 21 février un tribunal de Téhéran a condamné à mort un dissident irano-allemand, Jamshid Sharmand, 67 ans, kidnappé et amené de force en Iran. La ministre allemande des Affaires étrangères, Mme Baerboch, a déclaré que l’application éventuelle de cette sentence « entraînerait une réaction significative de Berlin (Le Figaro du 22 février). Menaces qui n’ont guère de chance d’avoir un impact sur la conduite du gouvernement iranien, pas plus d’ailleurs celles de Londres où une chaîne de télévision privée, Iran-International TV, a annoncé le 8 février devoir fermer ses bureaux « à la suite des intimidations récurrentes des services iraniens contre ses journalistes ». Par ailleurs, Washington a accusé l’Iran d’héberger le chef d’Al Qaïda, Seif al-Adel, ancien officier des forces spéciales égyptiennes. Les Etats-Unis ont mis une prime de 10 millions de dollars sur la tête de ce chef terroriste impliqué dans les attaques américaines en Tanzani et au Kenya qui ont tué 224 civils et blessé plus de 5.000 personnes (Challenge 16 février).
L’Iran a également adopté une série de sanctions contre des personnalités européennes en représailles à de nouvelles sanctions ciblées adoptées le 20 février par l’Union européenne.
Mme Vassilièva, qui fut l’un des piliers de la kurdologie soviétique et russe, est décédée le 15 février à Saint-Pétersbourg à l’âge de 89 ans.
Née le 22.12.1935, à Novgograd, elle s’était installée avec sa famille à Léningrad en 1944. Elle a commencé ses études en 1953 à la prestigieuse Faculté d’Orientalisme de l’Université de Léningrad et obtenu en 1958 son diplôme sur l’Histoire du Proche et Moyen-Orient. Elle a ensuite rejoint l’Institut d’Orientalisme de l’Académie soviétique où elle a soutenu, en 1977, sa thèse de doctorat d’État sur l’Histoire de la dynastie kurde des Ardalan aux XVIIIe-XIXe siècle. En 1991 elle a publié à Moscou une monographie de référence sur l’Histoire du Kurdistan de l’Est (d’Iran) au début du XVIIe siècle « Histoire des princes Ardalan et Baban ». En 2003, elle a publié à Saint-Pétersbourg une autre monographie de référence intitulée « Chéreff Khan Bidlisi : son temps et sa vie », sur l’auteur de « Chéreff Nameh ou Fastes de la nation kurde », achevée en 1596, première histoire générale des Kurdes.
On lui doit aussi la traduction et l’édition critique en russe en deux tomes du « Chereff Nameh » de Chéreff Khan de Bidlis, Moscou 1967 et 1976, ainsi que la publication en fac-similé de l’original de l’«Histoire de la dynastie des Ardalan » de Khosrew Beni Ardalan, suivie de sa traduction en russe avec une belle préface et des notes critiques, Moscou 1984, 219 p. Elle a également traduit en russe la « Chronique de la maison d’Ardalan », de la princesse et historienne kurde Mah Chéreff Khanim Kurdistani.
Érudite, polyglotte, cette orientaliste et kurdologue passionnée a poursuivi jusqu’à un âge avancé ses travaux sur les Kurdes, en particulier sur le Kurdistan iranien, en publiant de nombreux articles dans les revues soviétiques. Son dernier ouvrage « Le partage du Kurdistan, 1514-1914, tragédie kurde » est paru en russe en 2017 à Saint-Pétersbourg.
Mme Vassilièva a marqué la kurdologie en particulier l’historiographie kurde de son temps. Sa disparition est une grande perte pour les études kurdes.