Le procès fleuve, dit de Kobané, qui dure depuis des années a abouti le 15 mai à un dénouement sidérant. La plupart des 108 accusés ont été condamnés à de très lourdes peines de prison. Parmi eux le charismatique leader kurde Selahattin Demirtas, ancien co-président du Parti démocratique des peuples (HDP), ancien candidat à la présidence de la république, condamné par la 42ème cour pénale d’Ankara à 42 ans de prison.
Emprisonné depuis novembre 2016 dans une prison d’Edirne, en Thrace, à la frontière bulgare, à plus de 1500 km de sa ville de Diyarbakir, il était poursuivi pour 47 chefs d’accusation dont « atteinte à l’unité de l’Etat et à l’intégrité territoriale et incitation à commettre un crime ». L’autre co-présidente du HDP, Figen Yuksekdag, a été condamnée à 30 ans et 3 mois de prison. L’ancienne maire de Diyarbakir, Gulten Kisanak, a été condamnée à 12 ans de prison et Ahmet Turk, réélu récemment maire de Mardin, à 10 ans de prison.
Selon l’ONG Human Rights Watch (voir p.51) l’acte d’accusation contre les 108 prévenus est basé sur 4 messages postés le 6 octobre 2014 sur le compte Twitter du HDP et des discours politiques. Le procureur, plusieurs années après les événements, a ajouté au dossiers quelques déclarations, y compris de témoins anonymes faisant des allégations non fondées contre les parlementaires (kurdes). L’ajout de ces déclarations douteuses au dossier de l’accusation a suivi « une procédure arbitraire qui n’a pas respecté les garanties de base pour un procès juste des prévenus » estime l’ONG dans un communiqué du 17 mai. Pour Human Rights Watch il s’agit d’un procès politique.
Les députés du DEM (nouveau nom du HDP), qui dès l’annonce du verdict ont protesté vivement dans l’enceinte du Parlement en brandissant les portraits des deux co-présidents du HDP condamnés, parlent eux d’un « massacre judiciaire », d’une « nouvelle tâche sombre dans l’histoire judiciaire de la Turquie ». Cette indignation a été partagée par des centaines de milliers de Kurdes qui, malgré les interdictions de manifester, sont descendus dans les rues des principales villes kurdes et des métropoles turques pour dénoncer cette parodie de justice. De nombreuses voix de l’opposition turque dont celle du chef du Parti républicain du peuple (CHP), Ozgur Ozel, et du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, ont exprimé leur condamnation. Face à ce tollé général, le Président turc et ses porte-paroles ont, avec leur aplomb habituel, évoqué « l’indépendance de la justice turque » et rappelé qu’il s’agissait du verdict des premières instances dont les prévenus peuvent faire appel. C’est ce que vont faire les avocats de la défense, sans grandes illusions car le système judiciaire turc, truffé de magistrats ultra-nationalistes, est totalement aux ordres du pouvoir. Et quand les voies de recours internes sont épuisées et que les avocats saisissent, en ultime recours, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg, Ankara refuse d’appliquer les décisions de celle-ci.
En effet, examinant une précédente condamnation en 2018 du leader kurde Demirtas à 4 ans et 8 mois pour « propagande terroriste » la CEDH avait considéré qu’il s’agissait d’un délit d’opinion et sommé Ankara de le libérer « dans les plus brefs délais » estimant que son emprisonnement visait à étouffer le pluralisme politique. La Turquie a refusé de suivre cette injonction pourtant obligatoire et sans appel, comme elle a refusé d’appliquer un verdict similaire exigeant la libération du philanthrope turc Osman Kavala, 66 ans, arrêté en octobre 2017 et accusé de financement des grandes manifestations pour la préservation du Parc Gezi d’Istanbul, menacé par des projets immobiliers des proches du régime turc.
La condamnation de Demirtas et de ses camarades à un total de 407 ans de prison est justifiées par la justice turque par leurs appels sur les réseaux sociaux à manifester contre l’inaction, voire la complicité, de la Turquie face au siège par Daech de la ville frontière kurde syrienne de Kobané en octobre 2014. Les djihadistes avaient tout le loisir de passer par le territoire turc pour renforcer leur siège de Kobané au vu et au su de nombreux journalistes locaux et étrangers présents à la frontière. L’armée turque refusait d’intervenir et Erdogan se réjouissait publiquement de « la chute prochaine de Kobané ». Les blessés djihadistes étaient soignés dans les hôpitaux turcs. Ce parti pris antikurde a outragé la population kurde de part et d’autre de la frontière. Les manifestations anti-gouvernementales ont été massives dans les villes kurdes et notamment à Diyarbakir, la capitale kurde. La police et le forces anti-émeutes turques sont intervenues avec une extrême brutalité faisant un usage systématique de tirs à balles réelles. Le bilan a été lourd : 37 morts dont une trentaine de manifestants et 3 ou 4 personnes tuées dans la bousculade. Les victimes sont des Kurdes. Au lieu de diligenter une enquête sur l’usage disproportionné de la force par les forces de sécurité, le pouvoir a choisi d’incriminer ceux qui avaient appelé à manifester pacifiquement leur faisant porter la responsabilité de ce carnage.
Finalement, grâce à la résistance héroïque de sa population et à l’arrivée des Peshmergas kurdes irakiens dotés d’armés lourdes et grâce au soutien aérien américain Kobané n’est pas tombée aux mains des djihadistes. Encouragées par cette première victoire hautement symbolique les forces kurdes aidées progressivement par les États-Unis, la France et d’autres pays alliés ont pu combattre et vaincre Daech et mettre fin au prétendu califat islamique.
La condamnation à de lourdes peines de prison de Demirtas et de ses camarades a trouvé de larges échos dans la presse internationale (voir pp. 45-51) qui n’a pas manqué que « l’Obama kurde » avait lors des élections de juin 2015 fait élire 80 députés,, obtenu plus de 6 millions de voix, mettait pour la première fois en minorité l’AKP d’Erdogan qui depuis lui voue une rancune tenace. Les pays occidentaux qui ont tant protesté contre la persécution de Navalny par le régime de Poutine, pris des sanctions, sont restés relativement discrets sur le sort de Demirtas.
La répression ordinaire des opposants s’est poursuivie tout au long du mois de mai. Les manifestations du 1er mai, réprimées, ont donné lieu à 210 interpellations (p.2). Plus de 500 partisans supposés du prédicateur Gulen ont été arrêtés (p. 44). Les mères des « disparus » kurdes ont le 8 mai tenu leur millième rassemblement contre l’oubli à Istanbul (Le Monde 8 mai). Elles ne cessent de réclamer la vérité sur leurs enfants enlevés et tués par les brigades de la mort de la gendarmerie turque (TEM) notamment dans les années 1990, une période particulièrement sombre et meurtrière de la « sale guerre » opposant les forces turques aux combattants du PKK, une guerre qui a officiellement fait plus de 50.000 morts, sans compter les milliers (les estimations vont de 12.000 à 17.000) de disparus.
Cette tragédie a inspiré, entre autres, un nouveau documentaire « The Blind Spot » qui vient d’être récompensé par plusieurs prix aux Deutsche Filmpreis, équivalent allemand des Césars (voir plus loin).
Enfin, sur le plan économique, les élections passées, le gouvernement fait face aux dures réalités de l’inflation, des déficits, du budget et de la balance des paiements. Il annonce « un plan de rigueur sur trois ans » (Le Figaro 13 mai). Par ailleurs Ankara a le 2 mai décidé de suspendre toutes relations commerciales avec Israël (pp. 6, 8) et de resserrer ses liens avec le Hamas.
Pour la première fois depuis les élections locales, les dirigeants du parti pro-kurde DEM ont rencontré le Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition turc, à Ankara. La délégation du Parti Démocrate comprenait les coprésidents Tülay Hatimoğulları et Tuncer Bakırhan, ainsi que le vice-coprésident Özlem Gündüz. Les deux partis ont déclaré que la réunion visait à discuter des résultats des élections et du paysage politique actuel en Turquie et dans la région au sens large. Le leader du CHP, Özgür Özel, a exprimé sa gratitude au DEM en déclarant : « Nous avons eu l'occasion d'échanger des idées et d'évaluer les résultats des élections locales et leurs implications pour les prochaines élections générales et les défis auxquels est confrontée la démocratie en Turquie. » Dans un autre ordre d’idées, les autorités turques ont reporté au 2 juillet le verdict dans l’affaire de la figure politique kurde Leyla Zana. Zana, lauréate du prix Sakharov en 1995, est accusée de « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». Parallèlement, la police turque a arrêté deux autres journalistes associés à un média pro-kurde et arrêté quatorze membres du parti DEM à Urfa. À Mardin, treize hommes politiques kurdes ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour leur participation au soutien de l’autonomie kurde en 2015.
Après les élections, les dirigeants du Parti pour la démocratie et l'égalité des peuples (DEM) pro-kurde ont également engagé des discussions avec le parti Félicité (Saadet), en se concentrant sur des sujets tels que les « points de vue sur la nouvelle constitution », entre autres questions nationales. Alors que le président Recep Tayyip Erdogan envisage de lancer le projet d’élaboration d’une nouvelle constitution, le parti DEM donne la priorité à la résolution des problèmes économiques et à la création de conditions pour d'éventuels amendements constitutionnels, notamment concernant les droits des Kurdes et d'autres minorités. Parallèlement, les dirigeants du parti DEM entretiennent des dialogues avec d’autres partis turcs.
L’événement est assez rare et mérite d’être remarqué. Le président du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, a effectué du 6 au 8 mai une visite officielle à Téhéran à l’invitation des autorités iraniennes. Les média iraniens et kurdes ont accordé une large place à cette visite qualifiée « d’historique ».
Au cours de cette visite, le président Barzani a été reçu tour à tour par le président iranien Ebrahim Raïssi, par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, par le Président du Parlement, le ministre des Affaires étrangères, le secrétaire général du Conseil national de sécurité. Le président Barzani, qui a grandi et a été scolarisé en Iran et parle de ce fait couramment le persan, a voulu rassurer ses interlocuteurs iraniens que le Kurdistan n’et pas et ne sera pas une base de déstabilisation du régime iranien, que contrairement à la propagande de certains média arabes et iraniens il n’abrite aucune base ou installation militaire ou de renseignement d’Israël. La seule présence étrangère sur son sol est la Coalition internationale de lutte contre Daech, dirigée par les États-Unis qui dispose à cet effet de deux bases à Erbil et Harir. Cette présence est encore indispensable, notamment pour le soutien aérien et la formation dans les opérations contre Daech. Cette dernière est l’ennemi commun du Kurdistan, de l’Irak mais aussi de l’Iran où il a récemment commis un véritable massacre. Bien qu’affaibli, Daech reste encore très actif et pourrait prospérer si les efforts communs des uns et des autres se relâchaient.
L’autre message important de N. Barzani concernait la stabilité de l’Irak et du Kurdistan. Si le Kurdistan est déstabilisé par des attaques des milices et des drones et par des restrictions financières et budgétaires cela aussi aura des conséquences graves sur la stabilité de l’Irak mais aussi, par ricochet, sur celle de l’Iran. Téhéran a été invité à user de son influence, considérable, sur les dirigeants de Bagdad pour les inciter à régler par le dialogue les litiges politiques, budgétaires et juridiques qui les opposent au Gouvernement régional du Kurdistan.
La délégation kurde qui comprenait aussi le vice-Premier Ministre, Qobad Talabani, les deux vice-présidents, l’un de l’UPK l’autre du mouvement Goran et le ministre de l’Intérieur, représentative de l’unité politique du Kurdistan, a reçu un accueil qualifié de « cordial » et de « chaleureux » par les participants et les media. Les dirigeants iraniens ont promis de contribuer à la stabilisation du Kurdistan. De part et d’autre, on parle de « revitalisation des relations bilatérales » et d’un « nouveau chapitre dans les relations entre l’Iran et le Kurdistan ».
Intervenant quelques jours après la visite, très médiatisée, du président turc Erdogan à Erbil, cette visite aura sans doute permis d’équilibrer les délicates relations du Kurdistan entre ses deux voisins rivaux et agressifs et d’atténuer pour quelque temps les tensions. Interrogé sur cette visite, le porte-parole du Département d’État américain, Matthew Miller, a déclaré : « Nous avons toujours encouragé tous les pourparlers qui pourraient conduire à une désescalade et à davantage de stabilité dans la région, y compris vis-à-vis de l’Iran qui a bien sûr été l’un de plus grands contributeurs à l’instabilité en Irak et ailleurs au Moyen-Orient ».
Une semaine après sa visite à Téhéran, le président Barzani s’et rendu le 15 mai à Bagdad où il a notamment rencontré le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Soudani, le chef de la Cour suprême fédérale et le Président du Conseil judiciaire suprême. Au menu des discussions, la reprise des exportations du pétrole du Kurdistan suspendues depuis mars 2023, le versement de la dotation budgétaire du Kurdistan, le paiement des salaires en retard des fonctionnaires et employés du Kurdistan et la question des élections parlementaires du Kurdistan conformément aux dispositions de la Constitution. Jugés « constructifs » et « positifs » ces pourparlers n’ont pas produit de résultats concrets. Les deux leaders ont convenu de « poursuivre les discussions entre les deux parties sur tous les sujets concernés afin de trouver des solutions durables en conformité avec la Constitution et la loi » affirme sans plus de détails le communiqué final de cette troisième visite à Bagdad de Nechirvan Barzani depuis début avril.
Cependant, le 7 mai la Cour suprême fédérale irakienne a temporairement suspendu les procédures engagées pour organiser le 10 juin des élections parlementaires du Kurdistan le temps de trancher le recours présenté par le Premier ministre du Kurdistan arguant de « l’inconstitutionnalité » du découpage des circonscriptions électorales prévues pour le scrutin (AFP, 7 mai, voir p.104). La décision prise par cette cour en février de réduire de 111 à 100 le nombre de sièges du Parlement du Kurdistan, supprimant de fait un quota de 11 sièges réservés aux minorités chrétiennes et turkmènes avait provoqué un tollé général et aggravé la crise politique. Suite à cette décision de suspension la Haute commission électorale irakienne a proposé aux autorités kurdes la date du 5 septembre pour la tenue des élections parlementaires. Les consultations entre les partis politiques du Kurdistan se poursuivent sur cette question et aucune date définitive n’a encore été fixée par la présidence du Kurdistan.
Par ailleurs, le 11 mai le gouvernement irakien a officiellement demandé à l’ONU de mettre un terme au mandat de sa mission d’assistance d’ici fin 2025. La mission des Nations Unies pour l’Irak (MANUI)) avait été créée en 2003 à la demande du gouvernement irakien et son mandat, renforcé en 2007, et renouvelé chaque année depuis, inclut aussi le soutien du gouvernement pour un dialogue politique inclusif et la réconciliation nationale, l’organisation des élections ou la réforme du secteur de la sécurité. Cette mission a joué un rôle important dans le dialogue et la médiation entre Erbil et Bagdad et dans la supervision de l’organisation des élections. Ses observations et recommandations sur le respect de l’État de droit, des normes démocratiques et du pluralisme, sur les droits des minorités ne sont pas du goût du gouvernement à dominante chiite de Bagdad. Ses critiques contre une récente loi irakienne, criminalisant lourdement les relations homosexuelles, ont agacé le gouvernement irakien qui, dans sa dérive autoritaire et conservatrice, ne veut plus entendre de voix critiques locales ou étrangères et veut se débarrasser au plus vite de cette mission dont « l’assistance n’et plus nécessaire » (Le Monde, 11 mai). Réagissant à cette demande, le porte-parole du Département d’État américain, Vedan Patel, a déclaré le 13 mai : « Les États-Unis ont fortement soutenu le travail de la Mission (de l’ONU) en fournissant non seulement une assistance électorale mais en facilitant également le dialogue régional ». Il a ajouté que les États-Unis travaillaient avec l’Irak et le Conseil de Sécurité de l’ONU pour assurer une « liquidation ordonnée et responsable ».
Pour sa part le secrétaire d'État adjoint américain aux ressources énergétiques, Geoffrey Pyatt, a rencontré des responsables à Bagdad et à Erbil pour discuter de «la reprise des exportations de pétrole irakien via le pipeline Irak-Turquie (ITP) ». L'Association de l'industrie pétrolière du Kurdistan (APIKUR) a salué la visite de Pyatt et s'est déclarée prête à reprendre les exportations de pétrole du Kurdistan irakien si un accord était conclu entre Bagdad et Erbil qui « prévoit une garantie de paiement pour les exportations passées et futures et la préservation des droits commerciaux et économiques ». L'APIKUR a également déclaré que l'Irak avait perdu près de 14 milliards de dollars depuis l'arrêt des exportations de pétrole via la Turquie en mars 2023.
Le 17 mai, le Conseil de sécurité du Kurdistan (KSC) a annoncé l’arrestation d’un haut dirigeant de l’État islamique (Daech) nommé Socrates Khalil (alias Abdullah al Tafkheikh) à Erbil. La déclaration du KSC affirme que Khalil travaillait en étroite collaboration avec le calife de Daech et vivait en Turquie depuis cinq ans avant que les forces kurdes ne l’arrêtent avec un faux passeport. Après sa capture, Khalil a évoqué de nombreux détails concernant la chute de Mossoul et a admis avoir transféré cinq millions de dollars à l'organisation terroriste.
Le 20 mai, l'Autorité judiciaire pour les élections en Irak a accordé cinq sièges sur cent en guise de quota pour les minorités de la région du Kurdistan. Les provinces d'Erbil et de Suleimanieh recevront chacune deux sièges, tandis que Duhok en recevra un. La décision du tribunal est intervenue après que la Cour suprême a annulé l’attribution précédente de onze sièges pour le quota, réduisant ainsi la représentation du Kurdistan à 100 sièges. Plusieurs personnalités politiques chrétiennes et turkmènes sont mécontentes du décompte final des sièges de quota, exigeant une plus grande représentation et une répartition équitable entre les provinces du Kurdistan.
Par ailleurs, le ministère des Finances et de l’Économie du Kurdistan a annoncé qu’il avait restitué au gouvernement fédéral 50 % des revenus intérieurs non pétroliers de février. Cette action intervient dans le contexte d'un accord fragile entre Bagdad et Erbil visant à garantir le paiement dans les délais des salaires des fonctionnaires du Kurdistan. Le 27 Mai, le Premier ministre irakien a appelé à une nationalisation @ “accélérée » du système salarial des employés kurdes. Cependant, le gouvernement fédéral cherche à débloquer les salaires par l’intermédiaire des banques associées à Bagdad, tandis qu’Erbil exploite son propre système de paiement électronique appelé « mon compte ». Les employés kurdes continuent d’avoir du mal à recevoir leurs salaires d’avril, un combat permanent depuis 2014.
Le secrétaire général des Affaires étrangères du Qatar, Ahmad Hassen Al-Hammadi, s'est rendu dans la région du Kurdistan et a participé à la cérémonie d'inauguration du nouveau bâtiment du consulat général à Erbil. La cérémonie s'est déroulée en présence de hauts responsables kurdes, qui ont souligné que l'ouverture du consulat marquait une étape importante dans le renforcement des relations avec le Qatar. Actuellement, la région du Kurdistan accueille 39 consulats, représentations et envoyés étrangers.
Enfin, le gazoduc de Khor Mor étant désormais connecté à la Kirkuk Gas Company, le gouvernement irakien ambitionne de signer un contrat avec Dana Gas, l'opérateur du champ. Cependant, le ministère des Ressources naturelles de la région du Kurdistan a souligné que Dana Gas dispose déjà d'un contrat de fourniture de gaz pour l'électricité au Kurdistan. Un désaccord persiste entre Bagdad et Erbil sur la production du champ gazier, situé sur le territoire du Kurdistan. La région a également subi plusieurs attaques de milices irakiennes soutenues par l’Iran dans le passé.
Les tensions entre les Kurdes autochtones et les colons arabes ont conduit à des troubles dans cinq villages du gouvernorat de Kirkouk après que l'armée irakienne a soutenu les colons en empêchant les agriculteurs kurdes de récolter leurs récoltes. Les habitants ont déclaré à Rudaw que le problème survenait chaque année juste avant la récolte. Les colons arabes ont également tenté de s’emparer de plus de 12 000 acres aux Kurdes dans le district de Daquq, dans le gouvernorat de Kirkouk. Parallèlement, le ministère irakien de la Défense a poursuivi le gouvernorat de Kirkouk pour avoir tenté de transférer les titres de terres appartenant aux Kurdes aux municipalités. Le régime baathiste avait en son temps confisqué près de 300 000 acres de terres agricoles kurdes et les avait distribuées aux colons arabes et aux ministères gouvernementaux dans les « territoires contestés ». La Constitution irakienne, ratifiée en 2005, exige la restitution des terres confisquées et l’annulation des lois d’arabisation du régime précédent. Le gouvernement irakien n’a cependant pas encore mis en œuvre ces dispositions.
Enfin, selon l’ONG américaine CPT (Civilian Peace Team), cité par Rûdaw du 8 mai, les bombardements turcs et iraniens ont, depuis 1990, fait au moins 850 morts civils au Kurdistan irakien.
Le président iranien Ebrahim Raïssi, qui était pressenti pour succéder à l’ayatollah Khamenei, est mort dans un accident d’hélicoptère survenu le 19 mai. Il avait dans la matinée de ce dimanche fatidique inauguré avec son collègue azéri, Ilham Aliev, un barrage sur la rivière Araxe dans la province iranienne de Khoda Afarin, jouxtant la République d’Azerbaïdjan. Sur le chemin de retour vers Tabriz, son appareil a dû traverser une zone montagneuse agitée par une météo turbulente. Les deux autres hélicoptères formant son cortège ont pu traverser cette mauvaise passe sains et saufs, le sien s’est écrasé au fond d’une vallée brumeuse. Avec le président Raïssi ont également péri son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, le gouverneur de la région de l’Azerbaidjan oriental, Malek Rahmati, et le gouverneur de Tabriz. Les équipes de recherche ont mis 19 heures à localiser le lieu du sinistre et à découvrir les corps carbonisés des victimes.
Les circonstances de l’accident survenant après une rencontre avec le président azéri Aliev ont donné lieu a des théories de complot ainsi qu’à de nombreuses plaisanteries dont les Iraniens sont friands. L’une des plus populaires affirme que Raïssi est mort parce que le temps était « maussade » allusion au service d’espionnage israélien Mossad qui serait très actif en Azerbaïdjan. Au-delà de l’anecdote, une bonne partie des Iraniens se sont réjouis de la fin tragique de ce président souvent qualifié de « boucher de Téhéran ». La presse internationale a rappelé à cette occasion le passé sanguinaire de ce personnage. Ainsi l’hebdomadaire français Nouvel Obs a publié le 20 mai un article de son éditorialiste Sara Daniel, spécialiste de l’Iran et du Proche-Orient, intitulé « Requiem pour un tortionnaire » où on peut lire : « Voici dans quelles circonstances le 15 août 1988 trois semaines après le début d’une opération menée par la jeune République islamique qui conduira à la mort de plus de 30.000 prisonniers politiques, l’ayatollah Montazeri demande à voir les quatre membres de la « Commission de la mort » qui décident du sort des opposants à la révolution. Raïssi, alors âgé de 27 ans en est le vice-procureur. Le religieux pacifique est horrifié par ce qu’on lui rapporte. Il leur dit « C’est le crime le plus terrible perpétré en République islamique depuis la révolution islamique et pour lequel l’histoire nous condamnera, il a été perpétré par vous. Et vous serez considérés au nombre des criminels de guerre de l’histoire ».
L’ayatollah Ali Montazeri était un temps désigné comme le dauphin de l’imam Khomeini. A la mort de ce dernier, les manœuvres de sérail des mollahs ont abouti à la désignation de l’ultra-conservateur Khamenei qui, selon les experts, était pourtant loin d’avoir les qualifications théologiques requises.
De son côté, un rapport d’Amnesty International détaille les massacres commis sous la férule de Raïssi : les enfants assassinés parce qu’ils accompagnaient les parents à des manifestations, les fausses sépultures, les parents raflés parce qu’il se recueillent sur la tombe d’un proche.
Si une partie de l’Iran a vu dans la fin tragique de Raïssi une manifestation de « justice divine » et s’en est publiquement réjoui, y compris à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes, une autre partie proche du régime et mobilisé par celui-ci a porté son deuil. Des dizaines de milliers d’entre eux se sont rassemblés le 22 mai dans le centre de Téhéran pour lui rendre hommage avant son enterrement le lendemain dans le mausolée chiite de sa ville natale de Machhad. Des gouvernements proches de l’Iran comme le Liban, la Syrie et l’Irak, mais aussi la Turquie d’Erdogan ont décrété des journées de deuil. La Russie de Poutine a salué la mémoire d’un « véritable ami ». Aucun pays occidental n’a envoyé de représentant aux « funérailles nationales » organisées à Téhéran, Raïssi étant jusqu’à son élection sur la liste américaine des criminels de guerre interdit d’accès aux Etats-Unis.
La mort subite de Raïssi qui a 63 ans était pressenti pour succéder au vieil ayatollah Khamenei, âgé de 85 ans et malade, ouvre une période d’incertitude au sommet du régime iranien qui a fixé au 28 juin l’élection présidentielle. Élu en 2021, à l’issue d’un scrutin très largement boycotté, Raïssi semblait être l’un des derniers atouts du camp ultra-conservateur. Les anciens présidents « réformateurs « ou « modérés » comme Hatami ou Rohani sont en disgrâce. Le vice-président Mohammad Mokhber, devenu président par intérim, est largement inconnu et n’a aucun charisme ni pédigrée théologique. La république des mollahs semble à bout de souffle et peine à préparer la succession de son guide suprême. En attendant, les ultra-conservateurs ont remporté une victoire à la Pyrrhus au deuxième tour des élections parlementaires très largement boycottées. Lors du scrutin du 1er mars, marqué par un très faible taux de participation, les candidats ayant recueilli moins de 20% des bulletins avaient été recalés pour un deuxième tour qui s’est tenu le 10 mai. Selon le ministre de l’Intérieur, Ahmad Vahidi, l’élection a été marquée par une « une bonne participation » sans donner aucun détail chiffré et les candidats élus auraient obtenu « un nombre de voix relativement bon et acceptable » toujours sans aucune donnée chiffrée. La plupart des 45 députés ainsi « élus » appartient au camp des plus fondamentalistes qui veut imposer à la société davantage de restriction culturelles et sociales fondées sur la chari’a islamique. Ils exigent notamment l’application plus stricte de l’obligation du port du voile pour les femmes. Le Figaro du 15 mai publie un reportage sur « la chasse aux femmes mal voilées » qui « redouble de brutalité » (voir p. 40). Une patrouille de policiers veille à faire respecter l’obligation du port de voile dans les rues de Téhéran indique le journal. En province, loin des media, la répression est plus sévère encore.
Le 18 mai, sept personnes dont deux femmes ont été pendues en Iran rapporte l’AFP (voir p. 108) alors que la République islamique accentue l’usage de la peine de mort à des fins politiques. L’ONG Iran Human Rights, basée en Norvège, a dénombré 223 exécutions depuis le début de l’année dont au moins 50 dans la première quinzaine de mai. Le régime des mollahs est le triste champion du monde d’exécutions de femmes.
Outre les femmes, les artistes contestataires sont aussi parmi les cibles prioritaires de la répression. L’un des symboles de la contestation le rappeur Toomaj Salehi a été condamné à mort. Cette condamnation continue de susciter une vague d’indignation en Iran et dans la plupart des pays occidentaux où l’idée de mourir pour délit d’opinion, pour des chansons, rappelle les heures les plus sombres de l’Allemagne nazie ou du Chili de Pinochet. Un autre artiste de renom, le cinéaste Mohammad Rassoulof, condamné à 8 ans de prison et craignant pour sa sécurité, s’est enfui de l’Iran pour venir se réfugier en Europe. Il a pu présenter au Festival de Cannes son dernier film « Les Graines du figuier sauvage » qui raconte le pacte faustien d’un juge en Iran, et sonde le fossé générationnel traversant une famille dont le père est devenu un chien de garde du régime (Le Monde 24 mai). Applaudi par le public, le film a été récompensé par le Prix Spécial du Jury.
Voici enfin les faits les plus marquants de la répression au Kurdistan documentés par l’ONG kurde des droits humains Hengaw.
Les gardes-frontières iraniens ont tué par balle deux porteurs frontaliers kurdes (kolbar) dans le village de Hangajal près de Baneh et dix autres ont été blessés lors de divers incidents près de la même zone. Au cours du mois d'avril, au moins quatre kolbars ont été tués et trente ont été blessés par les gardes iraniens
Un rapport de l'ONG Hengaw affirme que la négligence médicale a causé la mort d'un prisonnier kurde de Kermanchah à Téhéran. Les autorités iraniennes ont arrêté cinq Kurdes à Bokan, sept à Saien Qala, deux à Sardasht et deux à Piranshahr pour avoir participé aux célébrations du Newroz le 21 mars. Le régime a également arrêté trois hommes et une femme kurdes dans la province de l'Azerbaïdjan occidental. Simultanément, un tribunal iranien a prononcé des peines allant d'un à dix ans de prison contre quatre Kurdes de Piranshahr pour appartenance au Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI). Enfin, les gardes-frontières iraniens ont tué deux porteurs frontaliers kurdes (kolbar) près de Baneh et Sardasht et en ont blessé cinq autres dans les mêmes zones lors d'incidents distincts.
Le régime iranien a exécuté plusieurs personnes pour des délits non politiques. L'ONG Hengaw a rapporté que le régime avait exécuté 25 Kurdes en mai et 72 depuis janvier 2024. Le régime a également arrêté plusieurs Kurdes pour activités politiques, notamment une professeure de langue et un philanthrope à Bokan, ainsi que deux participants aux célébrations du Newroz à Miandoab, un ancien manifestant de Kermanhah, et deux jeunes Kurdes à Pawa. Dans le même temps, les forces de sécurité iraniennes ont convoqué 20 anciens manifestants à Awdanan et les ont contraints à signer un engagement de ne plus participer à d'autres manifestations. Pendant ce temps, le tribunal révolutionnaire d’Ourmia a condamné à mort un Kurde de Turquie pour « rébellion ». Enfin, les gardes-frontières iraniens ont tué un porteur-frontière kurde (kolbar) près de Piranshahr et un autre près de Baneh. Les gardes-frontières iraniens ont blessé deux autres kolbars lors d'un autre incident près de Baneh le 26 mai. Le régime iranien a arrêté plusieurs personnes, dont des membres de familles de manifestants décédés, pour avoir exprimé leur joie face à la mort du président iranien sur les réseaux sociaux. Parmi les détenus se trouvaient deux Kurdes à Bokan et Quchan. Lors d'un autre incident, le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) a tué un jeune civil kurde à Marivan Ajwan Kiani suspecté de transporter des marchandises de contrebande. Fin mai, les tribunaux iraniens ont prononcé plusieurs peines de prison dans la région kurde, dont 21 ans de prison contre l'éminente journaliste kurde Jîna Gorji à Sena, six ans pour le père d'un manifestant décédé à Karaj, cinq ans pour un Kurde à Bokan et deux ans pour un journaliste kurde à Kermanchah.
L’administration autonome du nord-est de la Syrie (AANES), dirigée par les Kurdes envisage d’organiser des élections municipales dans tous les territoires sous son contrôle le 11 juin prochain. La Haute Commission électorale a été chargée de l’organisation de ce scrutin. Cette Commission a entrepris les préparatifs comme la mise à jour de registres électoraux pour ces élections. Elle a aussi commencé à inviter les organisations gouvernementales et non gouvernementales à venir surveiller ces élections. L’AANES a parrainé un forum auquel ont participé des dizaines de chefs de tribus arabes à Hassaké. La déclaration finale de ce forum a appelé à une « large participation » aux élections. Les chefs tribaux ont également cherché une solution à la crise syrienne et sont parvenus à plusieurs accords, notamment l'ouverture de dialogues entre Syriens et la condamnation de la violence, du terrorisme et de l'occupation. Ce forum est le deuxième du genre. Fin mai, la Haute Commission électorale a indiqué que 5 336 candidats se sont inscrits pour les élections municipales.
La Turque a réagi avec virulence à l’annonce d’élections et déclaré qu’elle va s’y opposer par tous les moyens y compris s’il le faut en intervenant militairement. Ankara craint que l’élection ne confère une légitimité populaire et démocratique à l’AANES et que celle-ci ne finisse par devenir une entité politique autonome ou fédérale ce qui constituerait “une menace existentielle pour la Turquie”. Rien moins que cela! En fait, celle-ci s’accommode fort bien et accorde un soutien multiforme à la province syrienne dissidente d’Idlib dirigée par l’ex-Front al-Nasra, branche syrienne d’Al-Qaïda. Elle a mis en place des conseils municipaux fantoches dans les territoires kurdes syriens (Afrîn, Serê Kaniyê, Girê Spî) qu’elle occupe mais des élections libres et démocratiques dans les territoires administrées par les forces kurdes seraient pour elle un casus belli. Et Ankara l’a fait savoir à Washington en affirmant que ce serait légitimer “une entité terroriste PYD-PKK”.
Dans un contexte régional déjà très tendu avec l’interminable conflit Israël-Hamas avec ses risques d’extension à l’Iran et au Liban, Washington, en cette année électorale américaine, s’emploie à éviter tout nouveau conflit ou des tensions avec Ankara. D’autant qu’après des années de brouille et, suite au feu vert turc à l’adhésion de la Suède à l’OTAN, les États-Unis ont consenti à vendre des avions F16 à la Turquie pour un montant de 20 milliards de dollars. Les Américains vont sans doute demander à leurs alliés kurdes syriens de remettre à plus tard leur projet d’élections municipales.
Par ailleurs, le 7 mai, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé le rapatriement de onze Américains de la région du Nord-Est de la Syrie. Selon la déclaration de Blinken, 30 000 personnes originaires de soixante pays se trouvent toujours dans les camps d’al-Hol et de Roj, qui abritent des familles affiliées à l’État islamique (Daech). Blinken a exhorté les pays concernés à « rapatrier, réhabiliter et réintégrer » leurs citoyens, promettant le soutien des États-Unis à ces efforts. Le gouvernement irakien a autorisé le retour de 700 individus associés à Daech, dans le but de les réhabiliter avec l’aide des organisations internationales. Les inquiétudes se sont accrues au sein de la communauté internationale face à la résurgence de l’idéologie de Daech parmi la jeune génération de ces camps, en particulier dans un contexte d’augmentation notable des attaques terroristes en Syrie et en Irak. Le 7 Mai, un membre des Forces démocratiques syriennes (FDS) a été tué dans une embuscade de Daech dans la province de Deir ez Zor. Les FDS ont également signalé la mort d’un militant de Daech et lors d’une « tentative d’assassinat ratée » visant un commandant des FDS dans la ville de Busira, Deir Ez Zor. Pendant ce temps, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a signalé des affrontements entre les FDS et les forces de « défense nationale » du régime d’Assad près de la ville de Shahil. À Afrin, sous occupation turque, l’OSDH a documenté 22 arrestations arbitraires de civils par des milices syriennes soutenues par la Turquie en avril.
Début mai, l’AANES a libéré 69 familles syriennes (254 personnes) du camp d'al Hol. Les personnes libérées retourneront chez elles dans le gouvernorat de Deir Ez Zor en vertu d’un accord de 2020 entre l’AANES et les tribus arabes qui parrainent les détenus et sont censées garantir qu’ils ne rejoindront pas l’État islamique (Daech). La libération fait suite au rapatriement de détenus vers plusieurs pays, dont les États-Unis, pour alléger la pression que les détenus font peser sur les ressources de l’AANES et atténuer le risque d’une réémergence de Daech. Cela dit, le 10 mai, une voiture piégée de Daech dans la ville d’al Shahil, dans le gouvernorat de Deir Ez Zor, a tué trois membres des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Par ailleurs, les forces turques et leurs mercenaires syriens ont intensément bombardé la campagne d’Afrin pendant plusieurs jours, près de la région de Shahba. Selon les médias kurdes, un enfant a été tué après avoir été grièvement blessé. L'AANES a déclaré que la zone qui a subi de lourds bombardements de la Turquie abrite des personnes déplacées de force par la Turquie et ses mercenaires syriens. «Cette escalade est le résultat de l’insistance d’Erdogan à pratiquer le génocide et de ses objectifs d’élargir sa sphère d’influence, d’occupation et de soutien aux mercenaires et aux terroristes », peut-on lire dans un communiqué de l’AANES. Cette évolution récente coïncide avec l’escalade des attaques de Daech dans le désert syrien (Badia), qui a tué trois autres soldats. Des dizaines de soldats syriens ont été tués par Daech en 2024.
Les factions syriennes soutenues par la Turquie ont intensifié leurs attaques contre les Forces démocratiques syriennes (FDS) près de Manbij, entraînant la mort d'une femme et les blessures de quatre civils, dont deux enfants. La récente escalade et les bombardements font suite à plusieurs attaques menées par des groupes soutenus par la Turquie dans la campagne d’Alep, en particulier al-Shahbaa. Cela survient alors que les FDS ont annoncé la capture de trois commandants de l’État islamique (Daech) à Raqqa et Qamishli, lors de raids soutenus par la Coalition alliée dirigée par les États-Unis.
De son côté, Daech multiplie également ses accrochages contre l’armée syrienne. Le 3 mai une attaque contre des sites militaires du régime de Damas dans le désert a causé la mort de 15 soldats syriens selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (AFP, 3 mai).
Enfin, sur le plan diplomatique, la normalisation des relations des pays arabes avec Damas semble au point mort à l’en croire l’enquête du journal Le Monde du 19 mai (voir p. 63). Ces pays reprochent au dictateur syrien de ne pas s’être saisi des dossiers cruciaux comme le retour des réfugiés, la lutte contre le trafic de drogue et la fin de l’expansionnisme iranien en Syrie. Damas rejette également l’offre de dialogue de la Turquie tant que celle-ci n’aura pas retiré ses troupes des territoires syriens qu’elles occupent.
Les prix du cinéma allemand « Deutsche Filmpreis » ont été décernés pour la 74e fois à Berlin le 2 mai.. De nombreux Lolas, équivalents des Césars français, ont été attribués à des réalisatrices, y compris kurdes. La réalisatrice Ayşe Polat a remporté le Lola de bronze du meilleur film pour son thriller politique « Im Toten Winkel » (Dans l’angle mort) que le public parisien a pu voir et apprécier lors du Festival des Films kurdes de Paris, en avril dernier. Polat, qui est née à Malatya au Kurdistan de Turquie a également remporté le prix du meilleur réalisateur et du meilleur scénario. Elle a dédié son prix à « toutes les femmes qui luttent courageusement pour la justice et la liberté ».
« Im Toten Winkel» relate les difficultés d'une équipe allemande qui veut tourner un documentaire dans la province kurde de Kars et qui est surveillée de près par la police turque. Des incidents étranges se produisent alors que le film traite du rôle du service de renseignement militaire JITEM, dont l'existence a été niée par l'État turc pendant des années, dans l’enlèvement et la disparition des milliers d’opposants kurdes dans les années 1990.
Dans la catégorie du meilleur film pour enfants, le film « Sieger Sein » de la scénariste et réalisateur Soleen Yusef de Duhok a été récompensé. Le prix a été décerné aux producteurs Sonja Schmitt, Christoph Daniel et Marc Schmidheiny. « Sieger Sein » est un film familial impertinent sur Mona, onze ans, qui a fui le Rojava avec sa famille et fréquente une école à Berlin Wedding. Mona ne parle pas un mot d'allemand, mais elle sait jouer au football. L'enseignant dévoué, M. Chepovich, ou M. Che en abrégé, reconnaît son talent extraordinaire et l'intègre dans l'équipe des filles. Mona est une battante, mais elle se rend vite compte que ce n'est qu'en jouant ensemble qu'elle et les autres filles pourront gagner.
Le film « Elaha » de Milena Aboyan a été nommé dans la catégorie « Meilleur long métrage », mais n'a pas été primé. Le film de fin d'études de cette réalisatrice yézidie-kurde d'Arménie, diplômée de la Filmakademie Baden-Württemberg, évoque un sujet à la fois privé et universel : l'autodétermination sexuelle. S'appuyant sur un scénario nuancé, Milena Aboyan en éclaire toutes les facettes et reste très proche de sa protagoniste complexe et authentique, Elaha, interprétée par la Syrienne Bayan Layla, a été nominée pour le meilleur premier rôle féminin.
Le Kurdistan est l’un des berceaux les plus anciens des espèces humaines. Les archéologues américains y avaient déjà découvert dans les années 1950 outre le village de Jarmo, vieux de plus de 7000 ans, la grotte de Shanedar où une dizaine de squelettes néandertaliens vieux de 40.000 à 70.000 ans avaient été découverts. Cette grotte a été pendant plus de 50 ans fermée et inaccessible aux archéologues pour des raisons politiques, notamment des guerres irako-kurdes.
Après l’émergence du Kurdistan autonome et son ouverture au monde extérieur des scientifiques occidentaux sont venus en nombre pour explorer avec leurs collègues kurdes le sous-sol et les grottes de la région. Voici le récit de cette découverte majeure rapporté le 2 mai par l’AFP p. 102 (voir aussi p. 5 et 9).
Le Gouvernement régional du Kurdistan va solliciter l’UNESCO pour l’inscription de la grotte de Shanedar sur la liste des sites du Patrimoine de l’humanité afin de mieux assurer sa protection.