La Turquie annoncé le 15 août la signature d’un accord de coopération militaire renforcée à l’issue d’une réunion à huis clos à Ankara entre son ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan et son homologue irakien Fuad Hussein.
« Nous allons porter notre coopération au plus haut niveau grâce aux centres de commandement et d’entraînement communs inclus dans notre accord » a déclaré le ministre turc qui a affirmé qu’un « centre conjoint de coordination sécuritaire est en cours de création à Bagdad » et que, parallèlement « un centre conjoint de formation et de coopération est formé à Bashiqa » près de Mossoul.
Lors d’une conférence de presse commune, Hakan Fidan a salué « un accord historique » et noté « une sensibilisation croissante de l’Irak sur le PKK ».
Pour le ministre irakien Fuad Hussein, « la présence d’éléments du PKK à Qandil , Mahmur et Sindjar est un danger pour la région du Kurdistan et d’autres villes irakiennes. Elle menace aussi la société irakienne. Aussi, le gouvernement irakien a décidé d’ajouter le PKK à la liste des partis interdits » Il a précisé que « le camp de Bashiqa sera transformé en camp d’entraînement irakien, sous la responsabilité des forces armées irakiennes, et qu’une commission conjointe permanente sera installée en Turquie ». Pour le ministre irakien la motion de « sécurité » concerne également les questions de l’eau, des échanges commerciaux, l’énergie, les transports et l’agriculture notamment, alors que l’utilisation des deux grands fleuves de Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate, qui prennent tous les deux leurs sources au Kurdistan de Turquie constitue depuis des années un sujet de tension récurrente entre les deux pays.
Cet accord de coopération militaire « renforcée » reste flou sur les conditions dans lesquelles l’armée turque sera « autorisée » à mener ses opérations terrestres et aériennes contre les camps du PKK. Reste à savoir aussi si au-delà de la création de nouvelles instances de commandement communes, cette coopération où le rôle de l’Irak ne pourrait être que mineur, aura un impact réel sur la guerre contre un PKK solidement implanté aux frontières turco-irako-iranienne avec le soutien discret mais constant de l’Iran.
L’actualité d’août en Turquie a été marquée aussi par les rodomontades récurrentes du président turc contre son meilleur ennemi Netanyahu, accusé d’être « pire qu’Hitler », contre les pays occidentaux qualifiées de « complices du génocide de Gaza », contre les pays musulmans qui par leur silence coupable ne répondent pas à leur devoir de solidarité avec les Palestiniens.
Tous les moyens sont bons pour distraire l’attention d’une population en proie à la vie chère, au chômage et a une misère de plus en plus criante : Ainsi, un fait divers survenu dans un village de Diyarbakir où une petite fille de 8 ans, Narin, est portée disparue à la sortie d’une école coranique. La police et la gendarmerie déploient des moyens considérables, y compris des hélicoptères, à la recherche de la petite victime. Une recherche relayée sur toute les chaînes de télévision, commentée, comme un feuilleton à épisodes de l’été. Cela dans un pays où la justice n’a fait aucun effort pour trouver les auteurs de quelques 17.000 civils kurdes tués dans des assassinats à auteurs non identifiés, perpétrés par les escadrons de la mort de la gendarmerie turque (JICEM). Ceux qui critiquent cette manipulation de l’opinion sont qualifiées par le pouvoir et ses médias de « terroristes » condamnés et emprisonnés.
L’une de ces prisonniers d’opinion est l’avocat Can Atalay, membre du Parti des Travailleurs de Turquie, qui a été déchu de son mandat de député en janvier dernier et condamné à la prison à vie pour avoir participé à des manifestations du parc Gezi à Istanbul en 2013. Il est accusé d’avoir cherché à renverser le gouvernement en participant à ces manifestations organisées par les défenseurs de l’environnement, dont beaucoup de jeunes stambouliotes. La cour constitutionnelle a décidé par deux fois sa remise en liberté mais la cour de cassation, contrôlée par l’extrême droite s’y est opposé. Le parlement était réuni le 17 août pour entendre l’arrêt de la cour constitutionnelle qui est, en droit, sans appel. Les députés d’AKP s’y sont opposés avec véhémence et provoqué une rixe violente au cours de laquelle au moins deux députés de l’opposition, un élu des Pari républicains du peuple (CHP), et une élue du Parti pro-kurde DEM ont été blésées. Les images de cette bagarre lors d’une cession parlementaire retransmise en direct par de chaînes de télévision ont choqué l’opinion publique turque pourtant habituée à toutes formes de violences dans la société et sur la voie publique. (Libération du 17 août, AFP) .
La répression anti-kurde n’a pas connu de trêve estivale. Le Monde du 1er août rapporte que parallèlement à ses opérations militaires contre le PKK « ces dernières semaines la police turque a mis un zèle particulier à arrêter des dizaines de Kurdes accusés d’avoir chanté des chansons favorables au PKK ». Le 27 juillet, 18 personnes ont été arrêtées lors d’opérations de police menées dans plusieurs quartiers d’Istanbul « pour avoir partagé sur les réseaux sociaux une chanson favorable au PKK ». Onze d’entre elles ont été placées en détention provisoire. Fin juillet, « des descentes de police ont eu lieu en marge des mariages traditionnels kurdes célébrés dans l’Est du pays, dans les villes d’Agri et de Siirt notamment » indique la correspondante du Monde qui ajoute : « ces dix dernières années, la répression contre la minorité kurde, qui estimée à environ 20 millions de personnes sur une population total de 85 millions, s’est considérablement accrue, touchant avant tout ceux qui revendiquent des droits politiques et culturels. On ne compte plus les poursuites judiciaires, les condamnations, les interdictions prononcées contre les journalistes, des politiciens, des maires, des avocats, des metteurs en scène, des chanteurs stigmatisés pour leur opinion, leurs écrits ou leurs paroles ».
De son côté, la porte-parole du Parti pro-kurde DEM, Aysegul Dogan, a condamné ces arrestations comme des « actes d’intolérance envers l’identité et la culture kurde, notant une recrudescence des ces opérations policières contre les mariages kurdes à travers la Turquie en cours des derniers mois, elle a déclaré : « Le gouvernement actuel ne cache plus son hostilité à l’égard des Kurdes. Il essaie de soumettre même les mariages kurdes à l’approbation des autorités civiles cela coïncide avec d’autres crimes de haine dans les provinces kurdes de Van et de Diyarbakir où des individus non identifiés ont vandalisé des panneaux de signalisation écrits en kurde, les remplaçant par le slogan « La Turquie est turque et restera turque ».
Le président turc continue de vouloir faire taire toute voix critique, notamment au Kurdistan.
Le dixième anniversaire du génocide des Yézidis par les hordes de Daech, en août 2014, a été commémoré au Kurdistan ainsi que dans plusieurs villes en Europe.
L’une des plus importantes de ces commémorations a eu lieu le 3 août à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Plusieurs centaines de personnalités kurdes, des familles des victimes ainsi que des diplomates ont assisté à une réunion organisée par la présidence du Kurdistan dans le grand amphithéâtre de l’Université du Kurdistan. « Le génocide yézidi est un tournant dans l’histoire de l’Irak et du Kurdistan » a déclaré dans son intervention le président du Kurdistan, Nechirvan Barzani. Cette tragédie a aussi choqué la conscience universelle. « La destruction de Shingal et de ses alentours, le déplacement de plusieurs centaines de milliers d’habitants de Shingal et de sa région, restent des plaies à vif » a souligné le président qui a regretté que l’accord signé en 2020 entre Bagdad et Erbil pour normaliser la situation dans cette région et assurer le retour dans leur foyer des déplacés yézidis ne soit pas encore appliqué. « Servir le peuple de Shingal et la communauté yézidie devrait être une priorité pour nous tous ». Ce qui reste encore un vœu car 10 ans après la tragédie Shingal (Sinjar) est encore en ruines et faute d’infrastructure et de sécurité plusieurs centaines de milliers de Yézidis vivent encore dans des camps. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont émigré vers l’Europe, notamment vers l’Allemagne. Sur les 6417 Yézidis enlevés par Daech en 2014 le sort de 2596 demeure toujours inconnu. Il s’agit des femmes et des enfants, les hommes, eux, ont été exécutés sommairement sur place par les djihadistes.
Le 3 août, une réunion de commémoration organisée par la Fédération des associations yézidies avec le soutien de l’Institut kurde, s’est tenue à Paris, à la Mairie du 10ème arrondissement. Des dignitaires religieux yézidis venus du Kurdistan, des personnalités de la diaspora kurde de plusieurs pays européens dont l’Allemagne, France, Autriche, Belgique, Pays-Bas, Suède ainsi que d’Arménie, de Géorgie, de Russie et d’Ukraine ont participé à cette réunion où des témoins ont évoqué la tragédie yézidie et ses conséquences sur la survie de la communauté. De nombreux élus, dont la Maire du 10ème arrondissement, le sénateur de Paris Rémi Féraud étaient également présents. Les intervenants yézidis ont appelé la France à reconnaître le génocide yézidi, rappelant que le Parlement allemand avait, en janvier 2023, reconnu comme génocide les atrocités commises par Daech contre la communauté yézidie.
Le 4 août, c’est dans l’église Saint-Paul de Franckfort qu’a eu lieu une autre commémoration avec la participation de plusieurs députés allemands, du ministre irakien des Affaires étrangères Fuad Hussein et du ministre de l’Intérieur du Kurdistan Rébar Ahmed. Plusieurs centaines de Yézidis et des Kurdes de toutes origines et de toutes confessions ainsi que des Allemands ont pris part à cette réunion.
Les intervenants ont appelé l’Allemagne et l’Union européenne à mettre en œuvre un programme de financement pour la reconstruction de Shingal et des autres localités yézidies détruites par Daech. L’Allemagne a déjà accueilli près de 200.000 réfugiés yézidis.
En août le Kurdistan a souffert de la sécheresse et de la canicule avec des températures dépassant les 40-44°C. Le manque d’eau s’est fait sentir même dans la capitale, Erbil. La guerre de l’eau larvée qui oppose l’Irak à ses deux voisins contrôlant les débits des fleuves et rivières traversant le pays alimente des négociations et des marchandages incessants. La Turquie, qui contrôle le débit du Tigre et de l’Euphrate, qui prennent leurs sources au Kurdistan du Nord, use de l’arme de l’eau ainsi que de sa position commerciale dominante pour obtenir de Bagdad des concessions sur le plan sécuritaire et politique Stratégie payante, car l’Irak a cédé à toutes les exigences turques, il a interdit les activités du PKK ainsi que des partis et organisations suspectés de lui être affiliés. L’Autorité judiciaire chargée des élections a ainsi interdit le Parti de liberté et de la démocratie yézidie, le Parti du Front de lutte démocratique et le Mouvement de la Liberté (Tevgera Azadi).
Les opérations militaires turques au Kurdistan doivent en principe se poursuivre déqormais en concertation avec l’Irak mais la Turquie qui jusqu’à récemment se prévalait d’un « accord » sur le droit de poursuites jusqu’à 5 kms à l’intérieur du territoire irakien, conclu verbalement avec le régime de Saddam Hussein, invoque désormais le « droit à l’auto-défense » inscrit dans la Charte de l’ONU pour agir à sa guise, occuper le territoire du Kurdistan irakien sur des profondeurs allant par endroits jusqu’à 30 kms. Son aviation bombarde des cibles jusque dans la province de Suleimanieh située à plus de 150 kms de la frontière turque. Ainsi, le 23 août, une frappe de drone turc contre un véhicule circulant dans le district Sayid Sadegh a tué deux journalistes femmes et blessé un homme. Les liens supposés des victimes avec le PKK ou des entités médiatiques affiliées ont été démentis par des responsables en Irak rapporte l’AFP. Les journalistes travaillaient pour la maison de production médiatique kurde CHATR, basée à Suleimanieh. Le Comité pour la protection des journalistes, basé à New York, a appelé les autorités turques à diligenter « d’urgence » une enquête sur cette tuerie. Les victimes ont été identifiées. Il s’agit de Gulistan Tara, une journaliste kurde de Turquie, âgée de 40 ans et Hero Bahadin, une monteuse vidéo kurde irakienne de 27 ans. Le troisième journaliste, Rebin Bakir, Kurde irakien a été grièvement blessé.
Le 29 août un drone turc s’est aventuré jusque dans l’espace aérien de Kirkouk où il a été abattu par la défense anti-aérienne irakienne. La Turquie a protesté et Bagdad a étouffé l’affaire en prétendant que l’armée irakienne ignorait qu’il s’agissait d’un drone turc ! (AFP, 29 août). Ankara ne tient guère compte ni des protestations formelles de l’Irak ni des appels à « éviter les pertes civiles » lancés de temps à autre par Washington.
Par ailleurs, huit mois après la tenue des élections provinciales, le président de la République de l’Irak a confirmé par décret la nomination au poste de gouverneur du candidat kurde Rebwar Taha. Issu de l’Union patriotique du Kurdistan ce candidat kurde avait été choisi lors d’une réunion à Bagdad de la majorité des membres élus du Conseil provincial de Kirkouk. Aucun conseiller municipal du PDK, du Front turkmène ou de l’Alliance arabe n’avait participé à cette réunion dont ils contestent la légalité. Le nouveau gouverneur a promis de « travailler avec toutes les composantes de la population mixte de Kirkouk afin d’améliorer les services, développer les infrastructures économiques pour réussir la sécurité et le niveau de vie des habitants de Kirkouk ».
C’est la première fois depuis la crise consécutive au référendum sur l’autodétermination du Kurdistan de septembre 2017 et de la mise à l’écart par Bagdad du gouverneur kurde élu, légitime et populaire, Dr. Najmadin Karim, qu’un Kurde est nommé au poste de gouverneur de cette cité emblématique.
Dans le reste de l’Irak l’actualité a été dominé par le débat sur la légalisation des mariages des petites filles et sur le « hold-up » du siècle où quelques sociétés proches du gouvernement précédent ont pu détourner plusieurs milliards de dollars, de 3 à 7 milliards selon les premières estimations.
Le 3 août, une quinzaine de députées irakiennes ont annoncé la formation d’un bloc pour combattre un amendement proposé au code de statut personnel qui, entre autres régressions, autoriserait le mariage des enfants. Cet amendement est défendu par des députés chiites, y compris des femmes, qui le justifient par la charia et par la tradition du Prophète Mohammed, polygame, qui a épousé sa dernière femme Aïcha alors qu’elle avait à peine 9 ans !
A signaler aussi que l’Irak tarde à rapatrier les djihadistes irakiens et leurs proches détenus dans le camp Al-Hol au Rojava. Cinq ans après la défaite de Daech, il reste encore environ 22.000 Irakiens détenus à Al-Hol selon un porte-parole du Ministre irakien de l’Intérieur, Ali Abbas cité par Rudaw le 4 août. La plupart d’entre eux sont âgés de moins de 20 ans et sont considérés comme des « bombes à retardement » par Bagdad qui n’a consenti qu’à rapatrier 150 familles en juillet.
Tout au long du mois d’août l’Irak a connu des attentats perpétrés par les milices pro-iraniennes ou par Daech.
Le 5 août, des milices soutenues par l'Iran ont lancé une attaque à la roquette contre la base aérienne d'Ain al-Assad, qui abrite des militaires américains, marquant ainsi une reprise des hostilités après une interruption de plusieurs mois. Le commandement des opérations conjointes a obtenu des renseignements sur les attaquants, et la Maison Blanche s'est engagée à répondre à toute agression contre le personnel américain « de la manière et à l'endroit » de son choix. Parallèlement, Rudaw a signalé le redéploiement d'un petit nombre de soldats américains à Kirkouk, après sept ans d'absence. Les milices soutenues par l'Iran ont déjà pris pour cible les troupes américaines et les missions diplomatiques, y compris au Kurdistan.
Le 18 août, des gardes-frontières irakiens près de la région de Hawraman ont tué un kolbar (porte-faix transfrontalier) local qui tentait de franchir la frontière entre l'Iran et l'Irak. Des habitants en colère ont protesté contre ces violences en incendiant un poste frontière. Le porte-parole des gardes-frontières irakiens a déclaré à Rudaw qu'un membre de leur personnel avait été blessé au cours de la manifestation. La victime, Sazgar Salah, 26 ans, était le seul à subvenir aux besoins de ses frères et sœurs après la mort de leurs parents. En mars 2023, l'Irak et l'Iran ont signé un accord de sécurité qui prévoyait le désarmement des partis d'opposition kurdes iraniens au Kurdistan irakien et la répression des kolbars kurdes dans le cadre de leurs mesures de sécurité frontalière.
Deux membres des forces de sécurité kurdes Asayish ont été tués lors d'une fusillade par Daech dans le district de Qaradagh de la province de Suleimanieh. L'incident s'est produit dans la vallée de Qopi Qaradagh, connue pour ses sites archéologiques. La zone se trouve à proximité des territoires contestés, où le groupe terroriste s'est réorganisé.
A peine quelques semaines après l’élection de son nouveau président « réformiste » prônant le dialogue et l’apaisement, le régime iranien a lancé une nouvelle vague d’exécutions et de répression tous azimuts.
Le 6 août, le militant kurde Gholamreza Rasaei, 34 ans, a été exécuté dans la prison de Kermanchah, au Kurdistan. Il était accusé de meurtre d’un colonel des Gardiens de la révolution en novembre 2022, selon l’agence de presse de la justice iranienne Mizan Online. Il a été exécuté en secret sans que sa famille ni son avocat n’en soient informés selon Amnesty International. Sa famille a été contrainte d’enterrer son corps dans une zone reculée, loin de chez lui.
Cette condamnation à mort, souligne Amnesty, avait été prononcée « à l’issue d’un procès manifestement inéquitable qui reposait sur des aveux forcés obtenus sous la torture et autres mauvais traitements, notamment des passages à tabac, décharges électriques, violences sexuelles » De son côté l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, a rapporté que Rasaei avait lui-même déclaré au tribunal que ses aveux avaient été obtenus sous la torture, ce que le juge a décidé d’ignorer tout comme deux témoignages d’experts qui le disculpaient, dont un rapport médico-légal.
L’exécution de cette figure des manifestations « Femme, Vie, Liberté » dont la province kurde de Kermanchah a été l’un des épicentres, a suscité une vague de réactions d’indignation et de condamnation tant en Iran qu’à l’étranger.
La France « condamné avec la plus grande fermeté l’exécution de Gholamreza Rasaei condamné à mort à la suite de sa participation aux manifestations de l’automne 2022 » a déclaré le Quai d’Orsay dans un communiqué le 7 août qui ajoute : « La France rappelle son opposition constante à la peine de mort en tous lieux et toutes circonstances et son engagement pour l’abolition universelle de ce châtiment injuste et inhumain ».
Plusieurs ONG de défense des droits de l’homme ont également dénoncé une exécution inhumaine et archaïque utilisée par le pouvoir iranien comme un outil de répression politique. « Cette exécution met en évidence la détermination de la République islamique à utiliser la peine de mort comme un outil de répression politique pour semer la peur au sein de la population » a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (AFP, 7août)
Rasaei est le dixième homme pendu par les autorités iraniennes à la suite des manifestations consécutives à la mort de la jeune étudiante kurde Jina Mahsa Amini, selon un décompte établi par l’AFP. Plus de 500 personnes avaient été tuées et près de 20.000 avaient été arrêtées au cours de ces manifestations qualifiées d’« émeutes orchestrées par les pays occidentaux » par Téhéran .
Le 7 août, le régime iranien a pendu 29 personnes, dont 26 lors d’une exécution collective dans la prison de Ghezel Hesar à Karaj, près de Téhéran et trois autres dans une autre prison de cette ville, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR) basée en Norvège.
D’autres ONG de défense des droits des hommes comme Human Rights Activists New Agency (HRANA) et le Centre pour les droits de l’homme en Iran (CHRI), basé à New York, ont confirmé cette exécution collective sans précédent depuis 2009.
Les suppliciés étaient accusés de meurtre, de trafic de drogue, de vol et d’autres crimes de droit commun donc le bien-fondé est toujours sujet à caution en Iran.
Selon l’Amnesty International, l’Iran exécute plus de personnes par an que n’importe quel autre pays dans le monde, à l’exception de la Chine.
Le 9 août, lors d’un point de presse à Genève, une porte-parole a déclaré que « le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Turk est extrêmement préoccupé par ces informations » faisant état d’un « nombre alarmant d’exécutions en si peu de temps ».
Le haut-commissariat a « vérifié » que 38 personnes avaient été exécutées en juillet en Iran, « ce qui porte le nombre d’exécutions à au moins 345 cette année, dont 15 femmes » a indiqué la porte-parole.
Elle a rappelé que « l’imposition de la peine de mort pour des infractions n’ayant pas trait à un homicide volontaire est incompatible avec les normes internationales en matière de droits humains ».
Le Haut-Commissaire « est également préoccupé par l’absence de procédures en bonne et due forme et de procès équitable » a ajouté la porte-parole, Mme. Throsell, alors que « dans de nombreux cas plusieurs exécutions ont eu lieu sans que la famille du prisonnier ni son avocat n’en soient informés » (AFP, 9 août).
L’ONU a appelé à de multiples reprises l’Iran à imposer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir à terme la peine de mort. Appels sans frais qui n’ont guère perturbé le régime des Mollahs qui ne jure que par sa version sanguinaire de la charia.
Cette vague d’exécutions, qualifiée de « meurtres d’Etat » par l’ONG Human Rights Watch (voir p 64) a également suscité des protestations importantes dans les prisons iraniennes. Dans la tristement célèbre prison Evin de Téhéran, le 6 août, des femmes se sont rassemblées dans la cour pour protester contre l’ exécution en secret de Gholam Reza Rasaei, figure du mouvement »Femme, Vie, Liberté » Elles ont scandé des slogans exigeant « l’abolition de la peine de mort et l’arrêt immédiat de toutes les exécutions » Elles ont également demandé l’annulation de la condamnation à mort de deux militantes kurdes, Sharifeh Mohammadi et Pakhshan Azizi, journaliste, pour « appartenance à une organisation interdite ». L’administration pénitentiaire a alors donné l’ordre de disperser par la force ce rassemblement, d’attaquer les femmes, en particulier celles qui se trouvaient en première ligne des protestations qui ont été violement battues. Parmi elles, Narges Mohammadi Modi, 52 ans, lauréate de prix Nobel de la Paix, qui a reçu des coups de poing violents à la poitrine, est blessée. Elle souffrirait de douleurs thoraciques et d’insuffisance respiratoire (AFP 9 août Libération 19 août).
La répression contre les porteurs kurdes trans-frontaliers s’est poursuivie, en août les gardes-frontières ayant tué Asad Afranjeh, 25 ans, près de Marivan, ce qui porte à six le nombre de kolbars tués depuis le mois de juillet. A Mehabad, la police a abattu le père d’un jeune Kurde à la suite d’une altercation entre son fils et les milices Basiji.
Les forces de sécurité iraniennes ont arrêté deux Kurdes à Piranshahr, huit militants écologistes kurdes à Kermânchâh, une militante à Paveh, un militant religieux et une femme à Bokan, et trois Kurdes à Mehabad, dont un enfant. En outre, plusieurs militants ont été condamnés à de longues peines de prison, dont huit ans pour le père d’un manifestant exécuté et trois ans et six mois pour un militant civil à Senna. Par ailleurs, l’Organisation Hengaw pour les droits de l’homme a signalé la torture de quatre porteurs frontaliers kurdes (kolbar) par des gardes-frontières iraniens, qui ont ensuite été abattus à l’aide de fusils à plomb. Deux autres kolbars ont été tués par les autorités iraniennes à Urmia et à Baneh.
Le conflit de Gaza où la Turquie a adopté une position pro-palestinienne et pro-Hamas en pointe semble favoriser le processus de normalisation des relations d’Ankara avec Damas après celle spectaculaire avec le Caire. Face à l’ennemi commun israélien le président turc Erdogan et son homologue syrien ont fait, en août, de nouveaux gestes d’ouverture qui rendent probable une normalisation de leurs relations dans les mois à venir. La médiation active de Moscou et de Bagdad se poursuit. Pour la première fois, le président syrien ne pose plus de préalables comme le retrait des troupes turques de Syrie, pour une reprise officielle de dialogue avec la Turquie. Les échanges entre les services turcs et syriens se multiplient ces derniers temps pour identifier les sujets de discorde et les moyens d’y remédier avant une rencontre éventuelle des chefs de la diplomatie des deux pays.
L’autre ennemi commun des deux régimes : l’Administration autonome kurde (AANES) à abattre dès que la conjoncture le permet. Pour ce faire Ankara compte sur la victoire de Donald Trump aux élections américaines tandis que la Syrie espère que son allié iranien usera de toute son influence à Bagdad pour obtenir le départ des forces américaines de l’Irak au plus vite. Ce qui impliquerait aussi leur retrait de la Syrie.
En attendant, les forces kurdes continuent de se battre contre Daech et contre les forces du régime dans la province mixte et stratégique de Deir Ez-Zor. Elles multiplient les gestes envers les tribus arabes à la loyauté incertaine pour s’assurer sinon leur soutien, du moins leur neutralité. A cette fin, elles ont libéré en août 82 familles de djihadistes détenues, pour la plupart des femmes et des enfants, remis aux chefs des tribus dans le cadre d’une nouvelles amnistie
Le 2 août, les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par la coalition internationale dirigée par les États-Unis, ont arrêté une cellule de Daech à al- Karamah, à l'est de Raqqa. La cellule, responsable d'attaques contre les forces de sécurité et les institutions civiles, a été neutralisée après un raid sur sa cachette.
De son côté, l’ONG Human Rights Watch a critiqué la Turquie pour avoir accueilli et célébré publiquement deux chefs de faction de l'Armée nationale syrienne (ANS) accusés de graves violations des droits de l'homme, notamment d'homicides illégaux, de torture et de violences sexuelles. Le rapport de HRW note que cette réunion, à laquelle ont participé le leader nationaliste turc Devlet Bahçeli et un parrain de la mafia condamné, met en évidence l'incapacité de la Turquie à traiter ou à limiter les atrocités commises par les groupes qu'elle soutient dans le nord de la Syrie, ce qui favorise un environnement d'impunité et sape les efforts déployés pour rendre des comptes dans la région. Parallèlement, les factions soutenues par la Turquie dans le canton d’Afrin occupée ont récemment arrêté quatre civils kurdes pour leur extorquer des rançons, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Dans d'autres zones occupées par la Turquie, des manifestations ont éclaté contre le projet de la Turquie de normaliser ses relations avec le régime d'Assad, une mesure dont les protestataires craignent qu'elle ne mette en péril la sécurité de millions de Syriens vivants dans zones rebelles.
Le 12 août, les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes ont annoncé une opération de représailles « à grande échelle » contre le régime syrien et ses milices à Deir Ez Zor, visant les forces du régime sur la rive ouest de l'Euphrate. Cette action fait suite au bombardement d'artillerie du 7 août par les forces du régime, qui a tué onze personnes, dont quatre enfants, un nourrisson et deux femmes. Les FDS ont également déclaré avoir perdu deux de leurs membres, et huit autres ont été blessés. En réponse, les FDS ont déclaré avoir mené des raids sur trois villages utilisés comme points de lancement pour des attaques sur les villages d'al-Dahalah et de Jadeed Bakara. Lors de ces opérations 18 soldats syriens et deux miliciens pro-régime ont été tués. Des affrontements entre les FDS et les forces pro-régime sont fréquents dans cette province frontalière de l’Irak où se trouvent d’importants champs pétroliers comme Omar et Conoco, contrôlés par les FDS avec le soutien de la Coalition internationale.
Par ailleurs, les États-Unis ont réaffirmé leur présence en Syrie pour la « défaite durable d'ISIS », selon le secrétaire de presse du Pentagone, le général de division Pat Ryder. « Les FDS ont été de bons partenaires dans cette lutte, des partenaires essentiels dans cette lutte, et cela continue d'être la base de notre relation et de notre coopération avec les FDS », a déclaré le général de division Ryder. Récemment, les FDS ont annoncé l'élimination de plusieurs terroristes et l'arrestation de cinq autres.
Les changements démographiques en cours dans la ville kurde d'Afrin se poursuivent sous l'occupation turque. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a rapporté que l'organisation pakistanaise « Flood Relief », en collaboration avec la fondation turque Diyanet, a établi un nouveau complexe résidentiel appelé « Al-Madinah Village » dans le village de Kar Roum à Afrin. Le projet, facilité par les miliciens de la brigade du Sultan Mourad soutenus par la Turquie, a nécessité le défrichage de terres boisées et comprend 84 unités d'habitation, ainsi que des mosquées et des écoles, pour accueillir les familles des miliciens de la faction pro-Turquie de Homs. Le 25 mars, l'organisation turque « White Hands » avait dévoilé un autre complexe de 80 appartements dans le village de Shaderah, dans la partie occupée d'Afrin.
Le 27 août, un journaliste travaillant pour plusieurs média dont l’Agence France-Presse, Bakir Al-Kassem, qui enquêté sur la situation dans les territoires sous occupation turque a été arrêté dans la ville d’Al-bab proche de la frontières turque.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme le journaliste a été battu lors de son arrestation par la police militaire et le service des renseignements turcs, son ordinateur et son téléphone ont été confisqués. Contacté par l’AFP, le chef du « gouvernement intérimaire » syrien fantoche mis en place par l’occupant turc pour administrer cette région occupée, Abdurrahman Mustafa, a indiqué » ne pas être au courant de cette arrestation ».
Le Comité de protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF) ont, le 28 août, appelé à la libération « immédiate » de Bakr Al-Kassem « Nous sommes profondément préoccupés par le fait que des factions de l’opposition syrienne ont détenu le journaliste Bakr Al-Kassem sans explication et l’ont transféré aux services des renseignements turcs a déclaré le CPJ (Le Figaro du 28 août). Pour le RSF « le harcèlement des journalistes doit cesser dans ce pays qui est l’un des plus dangereux au monde pour les professionnels de l’information ».
En Syrie, dans la province rebelle d’Idleb, tenue par les islamistes de l’ex-Front al-Nasra, la branche syrienne d’al-Qaïda, avec le soutien de la Turquie, des dizaines de journalistes locaux se sont rassemblés dans la ville d’Idleb pour dénoncer l’arrestation de leur collègue selon un correspondant de l’AFP qui rapporte que certains d’entre eux portaient des gilets pare-balles et brandissaient des pancartes ou des portraits de Bakr Al-Kassem avec le slogan « le journalisme n’est pas un crime » (AFP, le 28 août).
L’opposition à l’occupation turque vivace dans les territoires à majorité kurde comme Afrin, Serê Kaniyê et Girêspî, se manifeste désormais dans la région à majorité arabe aussi : Le 27 août, un camion piégé a explosé à un poste de contrôle de la ville occupée d’Azaz, tenue par la police militaire soutenue par la Turquie, faisant 10 morts dont 5 miliciens pro-turcs. En juillet de violentes manifestations anti turques avaient secoué la région (AFP, 7 août)