Le président turc Erdogan a du mal à digérer la lourde défaite des candidats de son parti aux élections municipales du 31 mars dernier. Il s’emploie, par touches successives, à s’affranchir du verdict des urnes en nommant des fonctionnaires à ses ordres, des kayyum, à la place des maires kurdes élus au suffrage universel par des majorités robustes.
Ainsi, cinq jours après la destitution, le 30 octobre, et l’incarcération du maire d’Esenyurt, le plus grand arrondissement d’Istanbul, 1.500.000 h, à majorité kurde, Ahmet Ozer, universitaire kurde respecté proche d’Imamoglu, le 4 novembre au petit matin, sur ordre du ministre de l’Intérieur 3 autres maires kurdes ont été destitués et remplacés illico par des administrateurs nommés par Ankara.
Parmi eux, Ahmet Turk, 82 ans, maire de la grande ville kurde de Mardin où il avait été élu avec une majorité de 57,4% des voix. C’est la troisième fois que ce vétéran de la vie politique kurde, ancien député, est destitué après avoir été élu par la population en 2015, 2019, 2024. Dans une interview accordée à la chaîne Sözcü TV par téléphone, rapportée par le Monde du 4 novembre, il raconte comment des agents de police sont venus chez lui à 6h du matin pour lui signifier sa destitution. Un maire élu, traité comme un dangereux criminel au petit matin, sans aucune forme de procès ni condamnation. Dans sa première déclaration sur les réseaux sociaux le maire de Mardin a déclaré : « Nous ne reculerons pas dans la lutte pour la démocratie, la paix et la liberté. Nous ne permettrons pas que la volonté du peuple soit confisquée. »
Le parcours d’Ahmet Turk illustre l’extrême difficulté de mener un combat politique pacifique pour la reconnaissance des droits du peuple kurde en Turquie. Élu député à plusieurs reprises, il a été emprisonné pendant 4 ans après le coup d’État militaire de mars 1970, puis, après le coup d’État militaire de 1980, à nouveau embastillé et torturé pendant 5 ans, puis arrêté en mars 1994 avec une dizaine de ses collègues députés kurdes du Parti de la démocratie (DEP), dont Leyla Zana, où il a dû passer plus de 8 ans derrière les barreaux. Avec toujours la sempiternelle accusation de « séparatisme » et de « liens avec une organisation terroriste » !
Sa jeune collègue Gülistan Sünük, 31 ans, la première femme élue, avec 64,5 des suffrages, maire de la ville de Batman, 650.000h a, elle aussi, été destituée sans procès ni condamnation, par une sorte de firman impérial du sultan turc. Elle est la maire la mieux élue des 81 capitales de province que compte la Turquie. Sur son compte X, elle écrit : « Notre municipalité, que nous avons remportée avec le plus grand pourcentage des voix en Turquie grâce aux efforts des femmes, des jeunes et de notre peuple, a été saisie sans aucune notification ce matin. Nous n’accepterons pas ce régime de pillage et de saisie ». Elle avait, dans un entretien accordé au journal le Monde, en juin dernier, rappelé que, dans cette ville de Batman, « sur les dix dernières années, les huit qui ont été gérées par des kayyum se sont traduites par un pillage quasi systématique des ressources municipales ».
Le maire de la ville de Halfeti, dans la province d’Urfa, Mehmet Karayilan, fait également partie de cette fournée de destitution de maires kurdes élus.
Le jour même de ces destitutions, le ministre de l’Intérieur a nommé des kayyum, des administrateurs, qui ont immédiatement annoncé une interdiction de réunion, de manifestation et de déclaration à la presse pendant dix jours. La police a encerclé les bâtiments des mairies et interdit leur accès aux maires légitimes et à leurs équipes.
Le pouvoir turc, assuré d’impunité et ne s’embarrassant guère de considérations de légitimité de ses actions, ne se contente plus de persécuter les élus kurdes, il s’en prend désormais aux maires du Parti républicain du peuple, (CHP), principale formation de l’opposition au parlement turc. En arrêtant l’universitaire Ahmet Ozer, populaire maire CHP d’Esenyurt, proche conseiller du maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, il vise à discréditer et à affaiblir ce dernier, un potentiel candidat à la prochaine élection présidentielle. Celui-ci fait d’ailleurs déjà l’objet de plusieurs procédures judiciaires dont la dernière pour « insultes contre le Président Erdogan ». Réagissant à l’arrestation de son collègue d’Esenyurt, il avait déclaré que les dirigeants au pouvoir « par le biais de tribunaux motivés politiquement tentent de s’emparer de l’autorité que le peuple ne leur a pas confiée (…) ils se nourrissent de mensonges, de calomnies et de fake news. J’ai vérifié les allégations présentées comme preuves de la situation actuelle ou prétendue telle- croyez-moi, vous ririez si vous les lisiez. J’ai lu l’acte d’accusation de sept pages en dix minutes. Je m’excuse auprès de ses avocats, mais la personne qui l’a rédigé doit voir un psychiatre immédiatement . (Le Monde du 4.11.2024).
Une critique considérée comme un crime de lèse-majesté par le Président turc qui a, dès le lendemain, déposé une plainte contre le maire d’Istanbul pour « diffamation ». Il lui réclame un million de livres turques (environ 27.000€). Il a aussi déposé une plainte contre le chef du CHP Özgür Özel qui avait sur X déclaré : « Sans tirer aucune leçon de ces derniers jours, ignorant tout ce qui a été dit, en mettant la main sur des municipalités qu’ils n’ont pas réussi à emporter aux élections, en osant démettre de leurs fonctions des politiciens qu’ils n’ont pas réussi à mettre à genoux, nous sommes face à une effronterie éhontée et sans vergogne dont les mains sont sales, le cœur est mauvais et l’esprit détraqué (…) Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour lutter contre ce mal ».
Se sentant visé, le Président turc cherche à punir et intimider ces voix discordantes par un appareil judiciaire à sa botte. Sa plainte contre l’ancien leader du CHP Kemal Kiliçdaroglu va bientôt donner lieu à un procès.
Les dirigeants politiques kurdes sont, eux, habitués à ces procès politiques. Le maire de la ville de Hakkari avait, quelques semaines après son élection, été arrêté, destitué et condamné à 19 ans de prison. Celui de la grande ville de Van fait l’objet de poursuites judiciaires et pourrait à tout moment être à son tour arrêté et destitué pour délit d’opinion ou de supposés liens avec une organisation terroriste. Comme le relève le journal le Monde « à partir de 2015, année de la reprise de la guerre contre le mouvement kurde, et après les municipales de 2019, la quasi-totalité (143 sur 167) de maires du parti pro-kurde, élus démocratiquement lors des deux précédents scrutins, ont été déchus, le plus souvent arrêtés, parfois jugés et condamnés. »
Il est à craindre que dans les mois à venir d’autres maires kurdes soient, sur des allégations les plus fallacieuses, démis, arrêtés et condamnés.
Au cours des manifestations de protestation contre ce coup de force du pouvoir contre les élus kurdes plusieurs centaines de personnes ont été arrêtés, dont 231 le 27 novembre (AFP). Parmi eux 12 journalistes. Il est vrai que la Turquie figure dans le peloton de queue dans les classements internationaux de Reporters sans Frontières et de Freedom House pour la liberté de presse.
Les milices islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham (Organisation de libération du Levant) ont lancé le 27 novembre à partir de leur fief d’Idlib une vaste offensive contre les positions des forces armées du régime syrien dans la province d’Alep. Cette offensive intervient au lendemain d’un cessez-le-feu entre Israël et le Liban. Elle est soutenue par les diverses milices pro-turques de « l’armée syrienne libre » équipées et financées par la Turquie qui semble à la manœuvre pour la coordination de ces milices hétéroclites.
L’armée turque a également fourni des drones et d’importantes quantités d’armes modernes ainsi que des renseignements militaires opérationnels.
Face à une armée syrienne démotivée et mal équipée, dépourvue du soutien de milices de Hezbollah libanais et de l’Iran, les islamistes ont fait une avancée fulgurante arrivant fin novembre aux portes d’Alep, la deuxième grande vile de Syrie. Le soutien aérien des Russes sur lequel comptait jusqu’ici le régime syrien se fait attendre car la Russie engagée dans une guerre épuisante contre l’Ukraine a dû réduire considérablement sa présence militaire en Syrie. Le Kremlin, par la voix de son porte-parole Dimitri Peskov, a, le 29 novembre, appelé les autorités syriennes à « mettre de l’ordre au plus vite dans cette zone et à rétablir l’ordre constitutionnel ». De son côté, le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, a « souligné le soutien continue de l’Iran au gouvernement, à la nation et à l’armée de la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme » lors d’un appel téléphonique avec son homologue syrien, Bassam al-Sabbbagh. Engagements qui, vue le contexte régional et l’affaiblissement considérable de la puissance iranienne semblent de portée plus déclamatoire et formelle.
Cette offensive des islamistes est perçue comme une menace par les Kurdes ainsi que par les chrétiens, par la minorité alaouite et par ce qui reste de l’opposition syrienne démocratique et laïque que la perspective de voir un Émirat islamique sunnite sous protectorat turc remplacer le régime barbare de la dynastie d’Assad inquiète au plus haut degré. Malgré les opérations de communication de services turcs tendant à lisser l’image de HTC, cette organisation est un avatar du Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda. Son chef, al-Joulani a combattu dans les rangs d’al-Qaïda en Irak et a passé de ce fait 5 ans dans les prisons irakiennes. Le HTC est sur la liste des organisations terroristes des États-Unis, de l’Union européenne et de nombreux autres pays. Les Kurdes sont d’autant plus préoccupés par cette offensive qu’elle se double d’une offensive des milices pro-turques de l’ASL contre leurs positions dans la région et qu’un soutien des leurs alliés de la Coalition internationale contre Daech reste incertain.
Dans la première quinzaine de novembre, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont achevé l'opération Enduring Security, une opération de sept jours visant les cellules d'ISIS dans la ville d'al-Hol, ses environs et le camp d'al-Hol. Soutenue par les forces de la coalition internationale, l'opération a impliqué 5 000 combattants, couvrant plus de 200 villages le long de la frontière syro-irakienne. Elle a permis l'arrestation de 79 membres de l'ISIS, le démantèlement de nombreuses cachettes et la saisie d'armes. Dans le camp d'al-Hol, qui abrite 40 000 individus liés à l'ISIS, les forces ont déjoué les tentatives de réorganisation de l'ISIS et ont découvert des preuves d'extrémisme, notamment des meurtres liés à la torture. Les FDS ont déclaré que l'opération avait été retardée dans le passé en raison des attaques turques récurrentes et ont appelé à un soutien international pour relever les défis humanitaires et sécuritaires dans la région. Le 11 novembre, un attentat terroriste à la bombe a visé un véhicule à Hasakah, tuant trois membres des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont deux combattants blessés de guerre et le chauffeur. L'explosion, qui aurait été déclenchée à distance, s'est produite près du quartier d'Al-Salihiya. Cette attaque intervient dans le cadre des opérations menées par les FDS pour éliminer les cellules de Daech dans la région.
Les FDS ont également fait une incursion, le 24 novembre, dans le district d’Al Bab, tenu par des milices pro-turques qui lancent souvent des attaques contre des localités tenues par les forces kurdes dans la province d’Alep. Selon un bilan établi par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) 15 miliciens pro-turcs ont été tués dans ces affrontements (AFP,24 novembre).
Par ailleurs, la cellule de crise responsable des rapatriés du Liban, formée par l'Administration démocratique autonome du nord et de l'est de la Syrie (DAANES), a annoncé qu'un total de 20 369 personnes étaient entrées dans la région en provenance du Liban. La répartition est la suivante : 7 549 hommes, 6 228 femmes et 6 470 enfants. Parmi ces personnes, 94 possèdent la nationalité libanaise et 28 sont apatrides. Les rapatriés retournent chez eux ou sont hébergés par des parents dans la région. Pour ceux qui n'ont pas d'endroit où aller, l'administration a désigné des abris pour les héberger. Depuis l'escalade entre le Hezbollah et Israël, de nombreux Syriens ont quitté le Liban pour venir dans les régions de DAANES, poussés par la crainte du régime d'Assad, qui a déplacé le plus grand nombre de personnes.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a signalé de multiples cas de civils arrêtés et libérés en échange d'une rançon dans l'Afrin occupé par la Turquie. Dans un cas, un civil du village de Qarrah Kol a été libéré après que sa famille a payé une rançon de 5 000 dollars, quatre mois après avoir été détenu par la police militaire à Jendiress, district d’Afrin, pour des raisons inconnues. De même, un civil du village de Jowaiq a été libéré pour 2 500 dollars par Al-Jabha Al-Shamiyyah après avoir tenté de passer en Turquie. Un autre civil a été libéré après avoir payé une amende de 600 dollars pour avoir tenté d'obtenir une carte d'identité à Afrin. Ces incidents s'inscrivent dans le cadre des violations incessantes des droits de l’homme dans le canton kurde d’Afrin sous occupation de l’armée turque et de ses milices supplétives.
Dans d’autres territoires sous occupation turque, comme à Azzaz et à Al-Bab, ces milices hissent des drapeaux turcs sur les bâtiments publics, distribuent de nouvelles cartes d’identités rédigées en arabe et en turc. Dans les transactions commerciales du quotidien c’est la monnaie turque qui est utilisée. Ces territoires deviennent progressivement un protectorat turc susceptibles d’être annexés si la conjoncture régionale et internationale le permet.
Pour la première fois depuis quarante ans l’Irak a procédé au recensement général de la population dans les 18 provinces du pays. L’opération réalisée avec l’aide technique du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) s’est déroulée dans le calme les 20 et 21 novembre.
Un couvre-feu avait été décrété pendant ces deux journées et la population invitée à rester chez elle sauf en cas de cas de force majeure. Environ 120.000 enquêteurs ont été mobilisés pour collecter des données allant du nombre de personnes par foyer, de l’état de santé, du niveau d’éducation à la situation professionnelle, au nombre de voitures et même à l’inventaire de l’équipement électroménager pour évaluer le niveau de vie des habitants.
Le questionnaire du recensement comprend la religion, sans distinction entre sunnite et chiite, mais ne mentionne pas l’ethnicité contrairement aux recensements précédents.
On ne saura donc pas le nombre de Kurdes ou de Turcomans dans le pays afin, semble-t- il, d’apaiser les tensions entre les diverses composantes de la population.
Le Premier ministre Mohamed Chia Al-Soudani a souligné « l’importance de l’événement, venant soutenir le développement et la planification dans tous les domaines » (AFP, 20 novembre). Selon le porte-parole du ministère du Plan le recensement va « mettre en lumière la réalité de l’Irak dans ses moindres détails » et aidera à diagnostiquer tous les problèmes qui paralysent le développement dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’habitat ».
Au Kurdistan, c’est la situation dans les territoires dits disputés come Kirkouk et de nombreuses localités de la province de Ninive-Mossoul qui a focalisé les préoccupations. L’article 140 de la Constitution de 2005 prévoyait la tenue d’un recensement pour connaître la composition ethnique de ces territoires et leurs aspirations à joindre ou non la Région fédérée du Kurdistan. Les responsables arabes et turcomans des ces territoires se sont opposés à la tenue d’un tel recensement et le gouvernement fédéral de Bagdad a, sous des prétextes variés, refusé d’appliquer cet article de la constitution.
Après de long mois de négociations entre Bagdad et Erbil le gouvernement irakien a accepté, pour les territoires disputés, d’enregistrer uniquement des familles déjà présentes sur les lieux au recensement de 1957, pour éviter que les populations implantées dans ces territoires par le régime de Saddam Hussein dans le cadre de sa politique d’arabisation et les vagues migratoires ultérieures ne perturbent l’équilibre démographique sur ces terres ancestrales des Kurdes.
Les nouveaux venus ont été recensés dans leur province d’origine tandis que de nombreux Kurdes déplacés originaires de ces territoires ont pu s’y rendre pour s’y faire recenser.
Les tout premiers résultats du recensement ont été annoncés le 25 novembre
par le Premier ministre qui, au cours d'une conférence de presse, a annoncé que la population en Irak a dépassé les 45,4 millions d'habitants, étrangers et réfugiés inclus. Les femmes représentent 49,8 % de la population et elles dirigent 11,33 % du total des foyers. Les jeunes de 15 ans constituent 36,1 % de la population. Environ 60 % de la population est « en âge de travailler ». Une famille irakienne comprend en moyenne cinq membres, selon ces résultats préliminaires qui évoquent une croissance démographique annuelle de 2,3 %.
Toujours selon ces résultats, la population du Kurdistan autonome s'élève à plus de 6,3 millions de personnes, soit 13,87 % de la population totale de l'Irak.
Un pourcentage qui devrait servir de base à la détermination de sa part du budget du pays ainsi que pour fixer le nombre de députés kurdes au Parlement fédéral de Bagdad.
La population kurde dans les zones disputées est évaluée à environ 2,5 millions d'habitants. Prenant en compte le nombre de déplacés arabes et autres au Kurdistan, on peut estimer qu'il y a environ 8 millions de Kurdes en Irak, soit 17,6 % de la population totale du pays.
Dans le reste de l'actualité du Kurdistan, on notera que la reprise des exportations de pétrole, promise régulièrement pour « bientôt », n'a toujours pas pu se concrétiser.
L'arrêt de ces exportations depuis mars 2023 a représenté une perte de 20 milliards de dollars, selon une estimation publiée en septembre par APIKUR, association d'entreprises pétrolières internationales présentes au Kurdistan, citée par l'AFP (07/11/2024).
Outre les différends entre Bagdad, le Kurdistan et les entreprises pétrolières, des désaccords financiers opposent l'Irak et la Turquie.
Par ailleurs, l'un des sujets de contentieux concerne la négociation des termes des contrats des firmes pétrolières : les anciens contrats avec le Kurdistan leur accordaient une partie des volumes produits, en plus du recouvrement des coûts.
Autant dire que la question est loin d'être réglée.
Au milieu de cette actualité tumultueuse, les Kurdes ont eu un moment de réjouissances avec la célébration du 240e anniversaire de la fondation de la ville de Souleimanieh.
Le Kurdistan compte plusieurs villes multimillénaires comme Erbil (ancienne Arbèles de l’Antiquité, plus de 6000 ans), Amed (Diyarbékir, plus de 6000 ans), Urfa (Édesse), Van, et Saqqez.
La ville de Souleimanieh a été fondée par la dynastie kurde des Baban, qui voulait rivaliser avec les splendeurs de Sinneh (Sanandaj), capitale de la dynastie kurde des Ardalans au Kurdistan iranien.
Au fil des décennies, Souleimanieh est devenue un foyer culturel et artistique dont le rayonnement dépasse les frontières du Kurdistan irakien. Avec une population de près d'un million d'habitants, c'est, après Erbil, la deuxième métropole du Kurdistan autonome.
Le régime iranien, de plus en plus affaibli, semble tenter de jouer son va-tout en accélérant les préparatifs pour l’acquisition d’une bombe nucléaire supposée assurer sa survie et sa sanctuarisation à la manière de la Corée du Nord.
Sur le plan régional, les déboires s’accumulent. Toute une architecture de sécurité via des milices arabes alliées, patiemment bâtie au cours des dernières décennies, s’écroule sous les coups de butoir de son ennemi israélien. Le Hamas est militairement anéanti, le puissant Hezbollah libanais décapité et exsangue, le régime syrien, pivot central du fameux « arc chiite » au bord de l’effondrement et les milices chiites irakiennes pro-Iran de plus en plus mal vues et mal supportées par la population semblent en sursis. La puissance militaire iranienne elle-même semble avoir été affectée beaucoup plus gravement par les frappes israéliennes de fin octobre que ne l’admet Téhéran. On savait que ces frappes avaient assez largement détruit et neutralisé les systèmes de défense anti-aérienne iraniens de fabrication russe grâce notamment à des bombardiers F35 de l’aviation israélienne hors de leur portée.
On apprend aussi (Le Figaro du 15 novembre) qu’Israël a détruit un important centre de recherche nucléaire non déclaré aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il s’agirait de l’installation Taleghan 2, située dans le complexe militaire de Parchin, au sud-est de Téhéran. Selon une source bien renseignée citée par le site d’information américain spécialisé Axios, la frappe israélienne a « détruit l’équipement sophistiqué utilisé pour concevoir les explosifs plastiques qui entourent l’uranium dans un engin nucléaire et qui sont nécessaires pour le faire exploser. Elle a considérablement endommagé les efforts de l’Iran au cours de l’année écoulée pour reprendre la recherche sur les armes nucléaires ».
Les activités nucléaires iraniennes sont suivies de près par l’AIEA dont le Conseil des gouverneurs s’est réuni le 21 novembre à Vienne. Les diplomates occidentaux y ont dressé un réquisitoire sévère contre l’Iran et fait adopter une nouvelle résolution critique, élaborée par Londres, Paris et Berlin(E3), associés à Washington. Sur les trente-cinq États membres du Conseil, dix-neuf ont voté pour, trois (Chine, Russie, Burkina Fasso) contre tandis que douze pays se sont abstenus. Au cours des débats, l’ambassadrice américaine Laura Holgate a dénoncé l’escalade de la République islamique dont « les activités nucléaires sont profondément troublantes ». Les Européens du groupe E3 ont abondé dans ce sens rappelant que l’Iran avait amassé suffisamment d’uranium hautement enrichi pou « quatre armes nucléaires ». Le comportement iranien « pose une menace pour la sécurité internationale et le système mondial de non-prolifération » selon leur déclaration citée par Le Monde du 21 novembre. Le texte « rappelle Téhéran à ses obligations légales » en vertu du traité de non-prolifération (TNP) ratifié en 1970.
L’Iran a fortement restreint, depuis 2021, sa coopération avec l’AIEA, débranchant des caméras de surveillance et retirant l’accréditation d’inspecteurs expérimentés. Réagissant à l’adoption de cette nouvelle résolution Téhéran a dénoncé un geste « politiquement motivé » et annoncé le 22 novembre en représailles « la mise en service de nouvelles centrifugeuses avancées ». L’avenir nous dira si le régime iranien va jusqu’au bout de sa stratégie d’acquisition d’une bombe nucléaire ou si, à cour terme, il s’agit d’une posture pour renforcer sa main en vue de futures négociations avec l’administration Trump afin de trouver un compromis, un modus vivendi tenant compte de l’influence régionale de l’Iran (New York Times,11.11).
En attendant, Téhéran a arrêté, le 3 novembre, un journaliste irano-américain, Reza Valizadeh, qui a travaillé pour la radio d’opposition Ferda et pour Radio Free Europe/Radio Liberty, financée par le gouvernement américain. Accusé de subversion, Il sera utilisé comme monnaie d’échange dans les futures tractations. Le 12 novembre l’aviation américaine a frappé en Syrie des cibles liées à l’Iran tuant quatre miliciens pro-iraniens (AFP,12.11).
La répression en Iran devient encore plus dure et plus massive, notamment contre les femmes. Selon le quotidien catholique la Croix du 20 novembre « des cliniques aux caméras le pays (est) en guerre contre les femmes ». De son côté l’hebdomadaire l’Express dans son numéro du 13 novembre dénonce « les méthodes glaçantes du régime pour faire passer les opposants pour des fous ». Deux ans après la mort de Jîna Mahsa Amini, la répression se poursuit et avec elle, la pathologisation des voix dissidentes. Mais derrière cette propagande se cachent de véritables enjeux de santé mentale, passés sous silence par le régime des mollahs relève l’hebdomadaire français. Parmi ces ‘fous’ et ‘folles, cette jeune fille marchant le 2 novembre en sous-vêtements devant son université pour protester contre le port obligatoire du voile et dénoncer le harcèlement insupportable qu’elle subissait de la part des agents de sécurité de l’université jugeant ses vêtements « insuffisamment islamiques » (Le Monde, 4.11). Devenue un symbole de la lutte des Iraniennes contre le port obligatoire du voile islamique, elle a été arrêtée et hospitalisée « pour troubles psychiatriques » avant d’être relâchée le 19 novembre par la justice iranienne qui motive ainsi sa décision : « Étant donné qu’elle a été transférée à l’hôpital et qu’il a été constaté qu’elle était malade, elle a été remise à sa famille qui s’occupe actuellement d’elle ».
La chaîne de télévision France 24 a diffusé le 13 novembre un sujet intitulé « Quand la répression du voile pousse des lycéennes iraniennes au suicide ». La tentation de suicide semble s’emparer d’autres opposants iraniens qui désespèrent de l’évolution de leur pays.
Le 13 novembre, le journaliste et militant des droits de l’homme Kianouch Sinjari s’est donné la mort. Dans un message diffusé sur le réseau social X il explique son geste : « Si Fatemeh Sepehari, Nasreen Shakarami et Arsham Rezaei ne sont pas libérés de prison d’ici 19h aujourd’hui, mercredi 13 novembre, et que la nouvelle de leur libération n’est pas publiée sur le site d’information judiciaire, je mettrai fin à ma vie en protestation contre la dictature de Khamenei et de ses proches ». Dirigeant du Font uni des étudiants en Iran, puis du Comité des journalistes pour la défense des droits de l’homme, blogueur relatant notamment l’actualité relative aux prisonniers politiques, K. Sinjari s’est donc suicidé pour éveiller les consciences sur les conditions dramatiques d’incarcération des prisonniers politiques dans les geôles iraniennes (RFI,13.11). Parmi ces derniers, Maryam Akbari Monfared qui purge depuis 15 ans une peine de prison pour « moharebeh » ou « inimitié envers Dieu » dont trois frères et une sœur ont déjà été exécutés entre 1981 et 1988, année où 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés. Un collectif d’intellectuelles, des militantes des droits humains et d’élues, parmi lesquelles Elisabeth Badinter, Ingrid Betancourt et Laurence Tubiana, demande la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion en Iran (Le Monde, 25.11).
Au Kurdistan, le 10 novembre, le tribunal révolutionnaire islamique d'Iran a condamné à mort Varisheh Moradi, éminente militante kurde et défenseur des droits des femmes, accusée de « rébellion armée » en raison de son appartenance présumée au Parti de la vie libre du Kurdistan (PJAK). Actuellement incarcérée dans la tristement célèbre prison d'Evin à Téhéran, Mme Moradi a enduré des conditions difficiles, notamment la torture, l'isolement prolongé et de graves mauvais traitements depuis son arrestation en août 2023. Pour protester contre sa condamnation injuste, Moradi a entamé une grève de la faim de 20 jours, comme le rapporte l'organisation Hengaw pour les droits de l'homme. Moradi rejoint Zeynab Jalalian en tant que deuxième femme kurde condamnée à la peine de mort en Iran. Dans le même temps, quatre autres Kurdes, dont un du Kurdistan irakien, ont été condamnés à mort pour « espionnage au profit d'Israël ». Le régime iranien a également prolongé la peine d'emprisonnement du militant kurde Ahmedreza Haeri, la faisant passer de trois ans et huit mois à six ans et trois mois. Ce natif de la province kurde d’Elam était accusé d'avoir perturbé la « sécurité nationale ». Simultanément, trois Kurdes de Shinno ont été condamnés à seize mois de prison chacun pour avoir participé à une manifestation marquant le deuxième anniversaire de la mort de la jeune étudiante kurde Jina Mahsa Amini. Entre-temps, les autorités ont continué à réprimer les militants kurdes. Parmi les détenus récents figurent quatre Kurdes, dont un enfant de Swallawa, un journaliste local de Saqqez et trois autres de Mahabad.