La longue histoire de la « question kurde »

mis à jour le Lundi 27 octobre 2014 à 16h03

La-croix.com | Agnès Rotivel

Le sort du peuple kurde, qui compte plus de 30 millions de personnes, a été scellé à la chute de l’Empire ottoman, au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Ce peuple continue à rêver d’autonomie, voire d’indépendance.

Depuis les offensives des djihadistes de Daech (acronyme arabe d’État islamique) sur la ville syrienne de Kobané et les combats en Irak, l’actualité a mis en avant la résistance kurde. Les Kurdes de Syrie et leurs frères d’Irak sont devenus les nouveaux combattants de la liberté. La coalition internationale a vu l’opportunité de les soutenir pour affaiblir le nouvel ennemi au risque de se mettre à dos la Turquie.

Le conflit syrien et ses conséquences sur la région, tout comme la percée de Daech en Irak, secouent l’histoire de ce peuple éclaté sur quatre pays : l’est de la Turquie (15 millions), le nord-ouest de l’Iran (8,4 millions), le nord de l’Irak (5,6 millions) et l’est de la Syrie (1,9 million). Et dont le sort a été scellé au lendemain de la Première Guerre mondiale lorsque les Alliés ont redessiné les frontières de la région sur les ruines de l’Empire ottoman.

La « question kurde » naît à Lausanne en 1923

Le traité de Sèvres, signé en 1920, promet un « territoire autonome des Kurdes » dans le sud-est de l’Anatolie. Des promesses non tenues, car ce texte est balayé par le traité de Lausanne, signé trois ans plus tard, le 24 juillet 1923, entre la Turquie, d’une part, et la France, l’Italie, le Royaume-Uni, le Japon, la Grèce, la Roumanie, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, d’autre part.

Les Kurdes sont répartis entre la Turquie, l’Iran, la Syrie sous mandat français et l’Irak sous protectorat britannique. À Lausanne est née « la question kurde ».

Bien que de religions différentes (ils seraient à 80 % sunnites, mais il y a aussi des yézidis, des alévis, des chiites et des chrétiens…), le sentiment d’appartenance à une nation demeure fort. Il est alimenté par une langue commune (et deux dialectes, écrits dans les alphabets de la région : latin, arabe, persan), une culture, une histoire propre et bien souvent magnifiée.

Les Kurdes ont toujours rêvé d’être réunis au sein d’un grand Kurdistan. Mais entre le rêve et la réalité, il y a les circonstances.

Vers des « Etats-Unis du Kurdistan » ? 

Ainsi, l’effondrement du régime autoritaire de Saddam Hussein a permis aux Kurdes d’Irak de se constituer une région autonome, la guerre en Syrie pourrait aboutir – même s’il est encore trop tôt pour le dire – à une autonomie des Kurdes.

Ceux de Turquie sont encore partagés entre l’espoir d’une négociation avec le pouvoir turc et l’usage de la force, pour obtenir une plus grande autonomie. Les Kurdes d’Iran de leur côté observent avec envie les bouleversements, en attendant leur heure.

S’approche-t-on aujourd’hui de la création des « États-Unis du Kurdistan » ou d’un « Kurdistan fédéral » dont parle Kendal Nezan, le président de l’Institut kurde de Paris ? L’histoire est bien souvent imprévisible.

Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris : « Il y a des identités régionales kurdes »

« Il y a une identité kurde fédératrice qui se manifeste lorsque se produisent des événements graves qui mettent en danger la population kurde, comme l’attaque contre la ville kurde syrienne de Kobané ou des événements plus anciens, comme l’attaque chimique sur Halabja, la ville kurde d’Irak, en 1988.

L’identité kurde s’est créée autour de la langue kurde et de ses deux dialectes, l’un, septentrional, parlé par 65 % des Kurdes et celui du sud, qui est la langue d’enseignement et des médias dans le Kurdistan iranien et irakien. Mais aussi autour de la culture et des traditions. Je dirais qu’il y a plutôt des identités régionales kurdes.

Peut-être y aura-t-il un jour des “États-Unis du Kurdistan” ou un “Kurdistan fédéral”, un peu comme le modèle allemand avec ses identités régionales. Car les Kurdes ont évolué différemment selon les pays dans lesquels ils vivent : Irak, Syrie, Turquie ou Iran. »