BAGDAD (AFP) - Le monde arabo-musulman a félicité le président d'Irak Jalal Talabani, le premier kurde élu à la tête d'un Etat arabe, alors que le premier gouvernement élu du pays en un demi-siècle a pris forme avec la désignation à sa tête du chiite Ibrahim al-Jaafari.Jalal Talabani, 71 ans et ses deux vice-présidents, le chiite Adel Abdel Mahdi et le sunnite Ghazi al-Yaouar, ont prêté serment jeudi au Palais des Congrès dans la Zone verte, secteur ultra-protégé à Bagdad.
C'est la première fois dans l'histoire de l'Irak moderne qu'un Kurde occupe la plus haute fonction de l'Etat. Sa communauté avait été persécutée pendant des décennies sous différents régimes irakiens.
L'élection de M. Talabani, même si elle fait craindre des appels à l'indépendance parmi les communautés kurdes dans certains Etats voisins, a été bien accueillie dans la région et en Occident.
Les gouvernements des Etats voisins de Syrie, d'Iran, de Turquie et d'Arabie saoudite s'en sont félicité.
"M. Talabani est un homme politique chevronné qui accorde de l'importance à l'unité de l'Irak. De ce fait, je le félicite", a dit le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul, dont le pays reste inquiet des visées indépendantistes des Kurdes d'Irak. Il a espéré que l'"identité irakienne" soit renforcée.
En Syrie, le président Bachar al-Assad a exprimé "ses meilleurs voeux de santé, de bonheur et de succès" à M. Talabani, qui entretenait des liens étroits avec Damas notamment du temps du défunt président Hafez al-Assad et père de l'actuel chef d'Etat.
Le roi Fahd d'Arabie saoudite a aussi félicité Jalal Talabani et souhaité au peuple irakien "prospérité, sécurité et stabilité". De même, l'émir du Qatar Hamad ben Khalifa Al-Thani lui a adressé ses félicitations.
Pour Mohammed VI du Maroc, l'élection de M. Talabani "illustre l'orientation démocratique et l'attachement à l'unité nationale et territoriale de l'Irak frère".
Le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (57 membres), Akmal al-Din Oghali, s'est dit "confiant qu'en tant que premier président irakien démocratiquement élu, M. Talabani saura conduire l'Irak sur la voie de l'unité, de la stabilité et du développement".
Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, dont l'organisation compte 22 membres, a félicité Jalal Talabani, le qualifiant de "personnalité politique éminente".
M. Talabani et ses deux vice-présidents ont été élus mercredi par l'Assemblée nationale transitoire issue des élections historiques du 30 janvier. Ils forment le Conseil présidentiel, la plus haute autorité de l'Etat.
La France, l'Australie et la Russie se sont félicités de cette élection, de même que de la nomination par le Conseil présidentiel d'Ibrahim al-Jaafari, issu de la majorité chiite à l'Assemblée, premier ministre après près de deux mois de tractations ardues entre kurdes et chiites, vainqueurs des élections.
Pour les Etats-Unis, l'arrivée de la nouvelle équipe dirigeante intérimaire à Bagdad constitue une victoire d'étape, mais la longueur des tractations laisse augurer des difficultés sur la route de la démocratie.
L'Assemblée nationale doit en principe rédiger, d'ici au 15 août, la Constitution permanente, pour ratification par référendum avant le 15 octobre. Un délai non renouvelable de six mois est possible en cas de difficultés pour achever le texte. Si la Constitution est approuvée dans les temps, des élections générales devront se tenir au plus tard le 15 décembre et un nouveau gouvernement devra être mis en place au plus tard le 31 décembre.
Le département d'Etat a souhaité que ce calendrier serré soit tenu. "Tout le monde est d'accord sur l'importance de respecter le calendrier", a déclaré le porte-parole Richard Boucher.
Dans son discours d'investiture, M. Talabani a tendu la main aux insurgés irakiens, leur proposant une amnistie afin de "leur donner une chance" de se réinsérer dans le nouvel Irak, toujours en proie à la violence.
Sur le terrain, un Marine a été tué dans un accident de voiture lors d'opérations de combats mercredi dans la ville de Falloujah, à 50 km à l'ouest de Bagdad, a indiqué vendredi un communiqué militaire américain.
Enfin, l'armée américaine envisage de réduire la durée des rotations de ses soldats en Irak et en Afghanistan, si l'amélioration de la situation sur place permet une réduction des forces déployées dans ces pays, a déclaré un haut responsable de l'armée américaine jeudi.
L'armée examine la possibilité de réduire à six ou neuf mois la durée des missions sur place au lieu des 12 mois actuels, a déclaré le général Frank Hagenbeck, chef d'état major adjoint chargé du personnel à Washington.
"Les soldats vous diront qu'ils peuvent mieux maintenir un certain niveau d'attention et d'énergie pendant six mois. Lors d'une rotation de 12 mois, ils peuvent aussi le faire, mais cela débouche sur plus de victimes", a déclaré le général à la presse.
Il a néanmoins précisé que les rotations de 12 mois allaient durer aussi longtemps que la situation en Irak ou en Afghanistan nécessiterait le niveau des forces actuellement sur le terrain, soit quelques 145.000 hommes.
L'armée américaine éprouve de sérieuses difficultés de recrutement, en grande partie dues au bilan élevé des morts en Irak (plus de 1.500 depuis l'invasion de l'Irak en mars 2003).
En mars, pour le deuxième mois consécutif, les recruteurs de l'armée ne sont pas parvenus à remplir leurs quotas de recrutement.