Pour Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, seule la démocratisation de la région entraînera une reconnaissance des diversités culturelles
Alors que la tension monte au Kurdistan irakien où les troupes turques menacent d’intervenir pour sévir contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), le président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan, estime que la solution au problème kurde doit nécessairement être politique et non militaire.«Il n’y a pas de solution militaire à la question kurde en Turquie parce qu’il s’agit d’un problème éminemment politique. Elle concerne une population de 15 à 18 millions de personnes d’après les estimations de la Commission européenne », affirme de prime abord Kendal Nezan. « Les Kurdes demandent la reconnaissance de leur identité, des écoles et des médias dans leur langue », explique le responsable de cette fondation reconnue d’utilité publique en France. « Ce sont donc des questions qui doivent être traitées d’une manière politique », poursuit-il. « Depuis 1984, la Turquie a mené une vingtaine d’incursions dans le Kurdistan irakien sans jamais aboutir à des résultats. Les dirigeants turcs sont conscients de cette situation, mais ils sont dans une impasse idéologique qui ne leur permet pas de remettre en cause un nationalisme qui ne reconnaît pas l’existence des Kurdes », précise M. Nezan.
Selon lui, « la question kurde est l’une des questions principales de la région » du Proche-Orient. En effet, « la carte de la région a été dessinée après la Première Guerre mondiale sans que les populations concernées soient consultées, sans tenir compte de leurs aspirations, ce qui est à la base de toute une série de conflits qui continuent d’ensanglanter la région ».
Concernant « la grave injustice commise à l’égard des Kurdes qui dure depuis très longtemps », M. Nezan énumère les différentes répressions subies par ce peuple en Iran, en Irak et en Syrie et non seulement en Turquie où il y a eu près d’une trentaine d’insurrections kurdes.
Il ajoute que « la raison voudrait qu’il y ait une solution globale dans une conférence régionale qui regroupe tous les États impliqués (la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie), sans modifier nécessairement les frontières de ces pays, mais pour apporter une reconnaissance du peuple kurde, de son identité et de sa culture. Malheureusement, ce n’est pas la raison qui domine dans la région. Ce sont surtout les idéologies des années 20 et 30 comme le nationalisme turc ou le baassisme en Syrie et jusqu’à récemment en Irak ainsi qu’une version très intégriste de l’islam en Iran ». Voulant rester réaliste, M. Nezan affirme néanmoins : « En attendant que les esprits évoluent, je pense que la lutte actuelle menée par les Kurdes vise à garantir la survie de leur peuple en passant par des solutions d’autonomie à l’intérieur des États existants », comme c’est le cas actuellement en Irak où le Kurdistan est une région reconnue par la Constitution irakienne et la langue kurde est une langue officielle à côté de la langue arabe. « Il s’agit donc d’une solution de compromis raisonnable pour le règlement du problème kurde dans la région », estime-t-il.
À la question de savoir si l’autonomie du Kurdistan irakien ne constituerait pas une menace en termes de partition de la région, Kendal Nezan affirme que « les Kurdes irakiens ne sont pas pour la dislocation de l’Irak. Ils préfèrent un État fédéral avec l’autonomie de la région kurde. Il appartiendrait toutefois aux sunnites et aux chiites de savoir combien de régions fédérées ils veulent à l’intérieur de l’Irak ou bien s’ils veulent vivre tous ensemble ».
M. Nezan dénonce par ailleurs l’attitude d’Ankara qui est opposé à l’indépendance de millions de Kurdes alors que la Turquie demande un État indépendant pour les quelque 150 000 Turcs de Chypre.
Le président de l’Institut kurde de Paris reste toutefois optimiste puisque « le vent de la démocratisation qui souffle sur beaucoup de régions du monde ne peut pas épargner indéfiniment le Proche-Orient. Un jour ou l’autre, ces régimes vont se démocratiser, et à l’intérieur d’une démocratie il y aurait sûrement une reconnaissance de la diversité culturelle dont notamment celle des Kurdes ».