Pour M. Gul, "la tâche première du président irakien devrait assurément être de préserver l'unité et l'intégrité de son pays". Il a espéré que l'"identité irakienne" soit renforcée dans ce pays voisin de la Turquie.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a pour sa part évoqué une élection "tardive mais qui était attendue".
C'est la première fois dans l'histoire de l'Irak moderne qu'un Kurde occupe la plus haute fonction de l'Etat.
M. Erdogan a par ailleurs souligné l'importance particulière pour Ankara que la ville pétrolière irakienne de Kirkouk jouisse d'un "statut spécial".
En saluant ainsi l'élection de M. Talabani, la Turquie a confirmé l'évolution de sa diplomatie au sujet des Kurdes d'Irak, une communauté qui représente près de 20% de la population irakienne et qui a été longtemps persécutée sous différents régimes.
Ce changement de position a été provoqué notamment par le fait que les Kurdes soient les alliés des Américains en Irak.
La Turquie a toujours très mal vu toute velléité d'indépendantisme des Kurdes irakiens. Elle a cependant ouvert ses frontières en 1991 pour protéger des centaines de milliers d'entre eux de la vengeance du président de l'époque, Saddam Hussein, après la première guerre du Golfe.
Elle avait dans la foulée établi des liens avec l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de M. Talabani et le parti démocratique du Kurdistan (PDK) de son rival, Massoud Barzani.
La Turquie a considéré le nord de l'Irak jusqu'à son occupation par les Américains en 2003 comme son arrière-cour, car il échappait au contrôle de Bagdad, et y menait de fréquentes incursions afin de pourchasser les rebelles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Les deux chefs kurdes disposaient d'un passeport diplomatique qui leur avait été délivré par Ankara pour pouvoir voyager à l'étranger mais ils ont été honnis par la classe politique turque pour des déclarations considérées comme indépendantistes.
Dans un exercice de realpolitik, Ankara avait envoyé en février une mission pour rencontrer de M. Talabani en Irak.
"Le fait qu'une délégation turque ait rencontré M. Talabani en Irak démontre que la Turquie n'est pas opposée à ce qu'il soit président", avait-on précisé de source turque.
A chaque déclaration d'un dirigeant kurde qui semble réclamer une certaine autonomie pour sa communauté, la presse turque réagit vivement. Mais cette attitude doit changer, estime Mustafa Aydin, de la faculté des sciences politiques d'Ankara.
"La Turquie doit modifier sa rhétorique concernant les leaders kurdes car ils deviennent les dirigeants d'un pays voisin", a-t-il expliqué sur une chaîne privée de télévision.
Selon cet analyste, l'élection d'un Kurde comme président devrait "pour le moment geler" les aspirations autonomistes de sa communauté.
Ankara est en effet inquiet d'un éventuel expansionnisme des Kurdes dans le nord de l'Irak visant à inclure Kirkouk dans leur zone autonome.
La crainte d'Ankara est que Kirkouk soit rattachée aux provinces kurdes et devienne, à terme, la riche capitale d'un Etat indépendant que beaucoup de Kurdes souhaitent créer dans cette région située aux portes de la Turquie.