Les familles kurdes
Les familles kurdes se remobilisent pour les disparus
France 24 | Jeudi 19 février 2009 | Par Assia Shihab
Durant la guerre opposant l'armée au PKK, des milliers de Kurdes ont "disparu" alors qu'ils étaient en détention. Pour les familles, le procès d'une unité de la gendarmerie turque opérant à l'époque fait renaître des espoirs de justice.
Depuis le mois de janvier des dizaines de familles kurdes se rassemblent chaque samedi dans un parc de Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie. Elles portent la photo d'un fils, d'un mari, d'un père, tous disparus dans les années 1990.
Au plus fort de la guerre entre l'armée turque et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), des milliers de personnes ont été assassinées et ont disparu.
"Il n'y avait pas d'état de droit dans le sud-est de la Turquie. Des personnes se présentant comme des forces de sécurité arrêtaient des gens soupçonnés d'avoir des liens avec le PKK. Ils disaient qu'ils allaient les interroger au commissariat et puis on n’entendait plus parler d'eux. Beaucoup ont disparu au cours de leur détention", explique l'avocat Tahrir Elçi, qui représente plusieurs familles de disparus.
Une unité spéciale de la gendarmerie turque, appelée Jitem, est soupçonnée d'être derrière ces disparitions. L'armée a toujours nié l'existence de cette structure illégale. L'ancien quartier-général du Jitem est pourtant connu de tous à Diyarbakir. Il s’agit d’une vieille bâtisse, aujourd'hui désaffectée, qui était utilisée par l'armée il y a encore cinq ans. Selon le président de l'Association de défense des droits de l'Homme de Diyarbakir, la plupart des personnes interrogées et torturées dans ces locaux n'en ressortaient pas vivantes. Muharrem Elbey est également persuadé que des corps ont été enterrés dans cet ancien terrain militaire.
La fin de l’impunité…
Si l'on reparle aujourd'hui de ces disparitions, c'est que, pour la première fois, les responsables présumés de ces crimes ne sont plus intouchables. Certains ont été arrêtés dans le cadre de l'affaire Ergenekon, une affaire qui fait grand bruit depuis un an en Turquie. Un réseau militaro-nationaliste, agissant dans les méandres du pouvoir a été démantelé. Il est soupçonné d'avoir voulu renverser le gouvernement et d'avoir commis des crimes dans toute la Turquie.
"Les Kurdes connaissent très biens certaines des personnes qui ont été arrêtées, confirme Tahrir Elçi. Ce sont d'anciens responsables de la gendarmerie qui faisaient régner la terreur dans la région. Aujourd'hui, ils sont poursuivis pour appartenance à un réseau terroriste".
Depuis ces arrestations, des dizaines de proches de disparus se rendent dans les bureaux de l'association de Muharrem Elbey. C'est le cas de Fatma, dont le mari, le fils et le beau-frère ont disparu en 1994. Soupçonnés de connaître des membres du PKK, ils avaient été tour à tour emmenés par des hommes armés.
"On m'a dit qu'ils avaient été tués mais je n'ai jamais trouvé leurs corps. Je voudrais au moins leur donner une tombe", explique-t-elle. Elle va aujourd'hui déposer plainte. Au moment de leur disparition, un procureur avait refusé d'enregistrer sa plainte, arguant que les noms de ses proches ne figuraient pas sur la liste des personnes détenues par la gendarmerie.