Des heurts entre des Kurdes et la police syrienne font 14 morts
LEMONDE.FR | 14.03.04
Des violences lors d'un match de football à Kamechli, dans le nord-est de la Syrie, et des émeutes de Kurdes qui ont suivi ont fait 14 morts vendredi et samedi.
Cinq personnes, dont trois enfants, ont été tuées et des centaines de personnes ont été blessées dans des heurts qui ont éclaté, vendredi 12 mars, lors d'un match de football à Kamechli et dans la bousculade qui a suivi, ont dit des habitants. Samedi, une émeute de Kurdes s'est soldée par neuf autres morts, de 30 à 40 personnes hospitalisées et plusieurs bâtiments endommagés, ont rapporté des habitants et du personnel médical. Les émeutes se sont propagées aux localités voisines d'Amouda, Ras al-Ain et al-Hassaka, où des bâtiments ont aussi été endommagés.
Selon des sources reflétant généralement l'opinion gouvernementale, les incidents lors du match sont en train de prendre une dimension politique, allusion aux revendications de quelque 200 000 Kurdes qui ne sont pas reconnus comme des citoyens syriens.
L'une de ces sources a affirmé que le gouvernement était sur le point d'annoncer une solution au problème des Kurdes apatrides mais que la propagande de groupes kurdes interdits avait entravé ce processus. Certains membres d'un parti kurde interdit ont accusé la police d'avoir eu recours à une force excessive contre les Kurdes de Kamechli, ville située aux frontières avec la Turquie et l'Irak et qui compte de nombreux Kurdes.
Des Kurdes ont aussi bloqué la voie principale d'accès à Dummar, un faubourg de Damas, et ils ont endommagé plusieurs voitures avant d'être dispersés par la police anti-émeutes qui a procédé à plusieurs arrestations, ont rapporté des témoins. La police aurait par ailleurs dispersé des étudiants kurdes qui s'étaient rassemblés dans un dortoir de l'université de Damas. Les autorités syriennes n'ont fait aucun commentaire sur ces incidents.
En février, la Cour syrienne de sécurité d'Etat a condamné deux militants kurdes à trois ans de prison pour avoir cherché à créer un Etat séparatiste mais il a réduit leur peine aux quatorze mois qu'ils avaient déjà passés en prison. Ces hommes avaient organisé une manifestation de Kurdes demandant la citoyenneté et des droits égaux au reste de la population du pays. Selon des diplomates, leur petit parti kurde Yikiti, un groupe non autorisé, est considéré par les autorités comme un mouvement séparatiste.
DEUX MILLIONS DE KURDES
Le journal du parti au pouvoir en Syrie, Al-Baas, qualifie dimanche d'"incident regrettable qui afflige les Syriens" ces heurts mortels. "Les Syriens sont extrêmement sensibles lorsqu'il s'agit de leur unité nationale, de l'indépendance et de la stabilité du pays", écrit dans un éditorial Mahdi Dakhlallah, le rédacteur en chef du journal.
Intitulé "Le houliganisme va-t-il déferler sur nos stades" l'article du Baas affirme que "la situation aurait dû rester sous contrôle à l'intérieur du stade". Mais, poursuit M. Dakhlallah, "des groupes sont intervenus pour semer la discorde conformément à un plan visant à nuire à la Syrie et à contribuer aux pressions qui sont exercées sur elle". "Ces groupes ont répété des slogans contraires à l'unité nationale, ont agressé les joueurs et le public, transformant le stade en un lieu de combats sanglants".
"Il faut traiter ces événements avec sagesse et fermeté, car la sécurité de la patrie et des citoyens est la première des priorités", conclut le journal.
Les Kurdes sont au nombre de deux millions environ sur une population totale de 17 millions d'habitants majoritairement arabes, mais les autorités syriennes évitent de présenter les Kurdes comme une minorité distincte, soulignant l'importance de l'unité nationale.
Avec Reuters et AFP