Répression antikurdes en Syrie
Les affrontements avec les Kurdes augmentent les pressions sur la Syrie
BEYROUTH, 17 mars (AFP) - 13h32 - Les affrontements qui opposent depuis plusieurs jours la minorité Kurde en Syrie aux forces de l'ordre et, semble-t-il, à des populations arabes, posent de sérieux problèmes aux dirigeants syriens confrontés à une crise inédite depuis la fin des années 70.
Ces troubles interviennent au pire moment pour la Syrie qui doit répondre à plusieurs défis à la fois et qui la mettent dans une situation inconfortable.
"Sanctions imminentes des Etats-Unis qui accusent la Syrie de soutenir le terrorisme, accord d'association suspendu avec l'Union européenne, demande de réformes intérieures qui tardent à venir, et maintenant violence dans la rue: la Syrie doit faire preuve d'une audace dont elle n'est pas coutumière si elle veut sortir de la crise", a indiqué à l'AFP une source diplomatique occidentale, qui a requis l'anonymat.
Depuis vendredi dernier, des affrontements violents opposent Kurdes aux forces de l'ordre. Ces troubles ont souvent pris un caractère inter-ethnique lors de heurts entre Kurdes et Arabes.
Bilan: au moins trente morts depuis près d'une semaine, des centaines de blessés et d'arrestations, en plus de bâtiments publics détruits ou incendiés dans le nord-est, région où les Kurdes sont les plus nombreux et qui est frontalière du Kurdistan irakien et turc.
La minorité kurde de Syrie compte environ un million et demi de personnes --dont quelque 200.000 sont sans nationalité --sur une population de près de 18 millions.
Les Kurdes de Syrie comme ceux de Turquie revendiquent la reconnaissance de leur culture, mais Damas et Ankara craignent leurs visées séparatistes, et considèrent comme très dangereuse la contagion irakienne.
Plusieurs milliers de kurdes ont réclamé mercredi à Erbil, dans le nord de l'Irak, l'intervention des Nations unies et des Américains pour défendre les Kurdes en Syrie.
Les violences en Syrie surviennent après l'adoption à Bagdad d'une nouvelle constitution provisoire, favorable aux Kurdes.
La situation de l'Irak et de la Syrie n'est cependant guère comparable. La société syrienne est beaucoup plus homogène que celle de son voisin et le pouvoir à Damas a su jouer assez bien jusque-là le consensus pour conserver l'unité du pays, notamment dans ses rapports avec les autres minorités druze et chrétienne.
Sans être aucunement comparable à la révolte des frères musulmans à la fin des années 70, ces violences intérieures sont les premières depuis cette époque et posent le risque de déstabilisation de la Syrie.
Avec des soldats américains déployés aux frontières de la Syrie, une telle déstabilisation ne manquerait pas d'avoir des conséquences sur le Liban qui vit sous la tutelle de Damas.
Face à ces troubles, les organes officiels syriens ont annoncé l'ouverture d'une enquête et pointé du doigt des saboteurs liés à l'étranger qui cherchent "à accroître les pressions dirigées contre la Syrie".
Dans ce contexte, les responsables syriens paraissent peu favorables à répondre aux voeux d'ouverture et de réformes de l'opposition et de la société civile.
"La situation ne permet pas de prendre à l'heure actuelle des mesures (pour la levée, NDLR) de l'état d'urgence", imposé en 1963, a indiqué mercredi au journal libanais anglophone Daily Star, la ministre de l'Emigration et ancienne porte-parole des Affaires étrangères Boutheina Chaaban.
"Ces troubles ne contribuent certainement pas aux réformes souhaitées, et ne sont un indice rassurant en ce qui concerne la situation en Syrie", écrit le journal libanais à grand tirage An Nahar, dans un éditorial.
"Les appels aux réformes précédent les pressions américaines (...) mais constituent des appels raisonnables à l'ouverture", ajoute le journal qui estime qu'"une solution politique dépasse le problème kurde" et que "la répression ne sert à rien".
"Les nouvelles tensions internes et les morts de cette semaine sont un signal d'alarme", écrit le Daily Star qui met en garde contre tout risque d'escalade.