Les Kurdes syriens fêtent Nowrouz dans le calme et revendiquent plus de liberté
QAMICHLI (Syrie), 21 mars (AFP) - 15h46 - Dans le calme et en l'absence des forces de l'ordre, environ 3.000 Kurdes ont commémoré dimanche le Nowrouz, le jour de l'an kurde, dans le nord-est de la Syrie, en revendiquant plus de liberté et la libération des prisonniers.
Ce rassemblement a été organisé à l'initiative du Parti de l'Union démocratique (ex-PKK, séparatiste kurde de Turquie) qui a rompu avec le mot d'ordre du collectif kurde syrien demandant que le Nowrouz soit décrété "jour de deuil".
Ce collectif de onze partis avait demandé aux Kurdes de dresser des banderoles noires sur les maisons, après les affrontements qui les ont opposés aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes et qui ont fait 40 morts en six jours, selon des sources kurdes, et 25 morts selon un bilan officiel syrien.
Les responsables de ce collectif et les drapeaux syriens étaient absents lors de ce rassemblement dans un stade proche de la ville de Qamichli (600 km au nord-est de Damas), à forte composante kurde.
Les participants ont brandi des drapeaux kurdes, des portraits d'Abdullah Ocalan, un chef kurde chassé de Syrie il y a quelques années à la demande de la Turquie où il est emprisonné, ainsi que ceux de Massoud Barzani, chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK, irakien) et de son père Moustapha Barzani, figure historique du nationalisme kurde en Irak.
Issa Ezzo, un responsable du PDK, a expliqué à l'AFP l'absence des forces de l'ordre syriennes par "la volonté des autorités de ne pas vouloir être perçues comme réprimant les activités kurdes".
"Nous voulons montrer à l'opinion publique que les célébrations kurdes n'ont pas pour objectif de créer des troubles et qu'il n'existe aucune ingérence étrangère suspecte dans nos rangs", a-t-il ajouté.
La commémoration du Nowrouz a permis aux participants kurdes (une ethnie qui représente plus de 10% d'une population de 18 millions d'habitants) d'exprimer leurs sentiments, à travers des discours et des chants kurdes.
Des fillettes portant le costume folklorique kurde vert, jaune et rouge arboraient des banderoles noires sur lesquelles était écrit: "Vive le martyre" ou "le Nowrouz pleure ses martyrs".
Des hommes, des femmes et des enfants tenaient à bout de bras des bannières noires sur lesquelles étaient inscrites leurs principales revendications: "Libérez les prisonniers", "Rendez-nous notre nationalité" et en langue kurde "Vive la fraternité kurdo-arabe".
Selon un responsable d'un parti kurde interdit, quelque 1.500 Kurdes arrêtés après les troubles demeurent en détention.
A la question de savoir s'il n'avait pas peur de participer à une tel évènement en dépit des récents affrontements qui étaient partis d'un stade de football, Fouad Charif Daoud, 18 ans, a répondu: "De quoi aurions-nous peur? Nous sommes prêts à riposter si nous sommes agressés".
Le front cerné d'un tissu noir et portant sa fille de 3 ans sur les épaules, Chirine Khaled, une femme au foyer de 22 ans, a lancé: "Nous n'avons peur que de Dieu. Et puis qu'avons-nous à perdre? De toute manière, nous n'avons rien et tous nos droits sont bafoués".
Sur les toits des maisons en terre du quartier pauvre d'Hylalia, une foule suivait de loin le déroulement du Nowrouz dans le stade.
Ce dimanche étant férié en Syrie, Qamichli paraissait tout à fait calme et l'activité y était faible. Les forces de l'ordre en très petit nombre étaient postées aux principaux croisements de cette ville frontalière de la Turquie où les troubles avaient commencé le 12 mars, avant de s'étendre à d'autres villes.
A Alep et dans sa région (nord-ouest) où les Kurdes sont nombreux, le Nowrouz s'est déroulé également dans le calme, avec de la musique folklorique, les forces de l'ordre se contentant d'observer de loin.